Julie, membre du collectif Liberté, Pilosité, Sororité, a réagit aux pires commentaires qu’elle a reçus sur le compte Instagram @payetonpoil
Retrouvez de nombreux témoignages sur la pilophobie dans le livre « L’Égalité à quelques poils près », écrit par le collectif Liberté, Pilosité, Sororité et publié aux éditions Leduc, actuellement disponible en librairie.
Retrouvez de nombreux témoignages sur la pilophobie dans le livre « L’Égalité à quelques poils près », écrit par le collectif Liberté, Pilosité, Sororité et publié aux éditions Leduc, actuellement disponible en librairie.
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00:00 De retour de voyage, j'avais décidé d'accepter mes poils aux aisselles.
00:03 Mon compagnon n'était pas de cet avis et pendant qu'on faisait l'amour,
00:06 il m'a dit "J'arrive pas à jouir, j'ai l'impression de faire l'amour à un homme".
00:09 Salut, je m'appelle Julie, je fais partie du collectif Liberté, Pilosité, Sororité
00:14 et aujourd'hui, je suis là pour faire le top 5 des pires témoignages
00:17 qu'on ait reçus sur notre compte Instagram Paye ton poil.
00:19 Au lycée, on m'appelait le yeti.
00:20 Je n'avais pas de potes, on me crachait dessus.
00:23 Quand on est en pleine construction de soi, quand on est très jeune,
00:27 spécialement pour les jeunes filles qui apprennent à découvrir leur corps,
00:30 ce genre de remarques, ça peut être vraiment extrêmement blessant
00:33 et extrêmement stigmatisant et traumatique.
00:36 Ça fait sentir qu'en fait, on n'est pas normal,
00:38 qu'on n'est même pas vu comme un être humain.
00:41 Les jeunes filles associent du coup la pilosité à quelque chose de monstrueux,
00:45 à quelque chose de horrible qui leur arrive
00:47 et bien souvent, ça arrive à des tentatives d'épilation très précoces.
00:51 Quand on est très jeune, on ne sait pas encore comment s'épiler.
00:54 Soit on va prendre le rasoir de sa mère et dans ce cas-là, on va se faire mal.
00:57 On a des témoignages de jeunes filles qui disent qu'elles se sont épilées avec du scotch.
01:00 Il y a la honte du regard des autres, autant des garçons que des filles d'ailleurs
01:04 et il y a la douleur qu'on va s'infliger à s'épiler.
01:08 Je suis dans le tram en été, j'ai une robe qui laisse voir mes mollets et mes aisselles.
01:12 En face de moi, deux garçons d'environ 25 ans se parlent à l'oreille
01:15 et rigolent en me regardant, font des grimaces de dégoût.
01:18 Je leur demande quel est le problème.
01:20 Ils me disent que je suis dégueulasse, que c'est immonde,
01:23 que je ne suis pas une vraie fille.
01:24 Je suis restée silencieuse, la tête baissée à en pleurer par moments.
01:28 Personne n'est intervenu.
01:29 C'est dans ce genre de situation qu'on se rend compte que c'est pas un choix.
01:32 C'est que si on veut être tranquille dans l'espace public, on est obligé de s'épiler.
01:35 Sinon, ça va être des regards dans la rue, ça va être des commentaires dans le tram,
01:39 ça va être des insultes dans le métro.
01:41 Je ne sors pas dans la rue pour être plaisante à ses yeux.
01:44 Je vais dans la rue pour aller travailler, pour aller faire du shopping,
01:46 pour aller voir mes amis, ma famille.
01:48 De retour de voyage, j'avais décidé d'accepter mes poils aux aisselles.
01:52 Mon compagnon n'était pas de cet avis et pendant qu'on faisait l'amour,
01:55 il m'a dit "J'arrive pas à jouir, j'ai l'impression de faire l'amour à un homme".
01:58 Même au sein de notre sphère privée, la pylophobie se glisse sous la couette.
02:04 Et on reçoit énormément de témoignages de femmes qui nous racontent
02:08 que depuis qu'elles veulent laisser leur pylosité au naturel
02:14 et qu'elles cherchent à s'accepter, à accepter leur corps tel qu'ils sont,
02:18 leur compagnon ou même leur compagne, parfois, n'accepte pas
02:23 et vont se permettre de faire des remarques, de se moquer, gentiment ou non,
02:27 ou se permettre de dire "Ce serait bien que tu t'épiles,
02:31 parce que moi, les poils, je peux pas".
02:34 Toute cette image qu'on a du corps de la femme qui est véhiculée dans les médias,
02:37 que ce soit dans le porno, dans les publicités, dans les films, dans les séries,
02:41 de la femme qui est tellement sexy, tellement séduisante,
02:44 tellement libre et tellement heureuse d'être sans poils,
02:46 c'est le standard de beauté pour une femme.
02:48 Une femme qui est sexy, une femme qui est séduisante, une femme qui est attirante,
02:52 c'est une femme qui a pas de poils.
02:54 Poils ou pas poils, ce n'est pas censé déterminer si oui ou non,
02:58 on peut avoir envie de son ou sa partenaire.
03:00 "J'ai fait des séances de laser qui ont mal tourné.
03:02 Ça m'a brûlé les jambes et le maillot.
03:04 J'ai eu des blessures pendant des mois.
03:05 Pourtant, j'y retournais.
03:06 Finalement, la douleur et les cicatrices étaient telles
03:09 qu'un médecin a fini par me déconseiller de continuer.
03:11 Et c'est seulement là que j'ai dû apprendre à aimer mes poils."
03:14 Ce n'est pas un choix qu'on fait.
03:16 Si c'était vraiment un choix qu'on faisait de manière éclairée,
03:19 en fait, on ne s'épilerait pas parce que l'épilation, ça fait mal.
03:22 L'épilation au laser, c'est la garantie
03:26 qu'on ne va plus jamais faire de remarques sur notre pilosité.
03:30 C'est la tranquillité qu'on achète.
03:31 Ce n'est pas un vrai amour de soi qu'on fait.
03:34 "Quand je suis entrée dans la puberté,
03:36 j'ai demandé à mes parents de m'acheter de quoi m'épiler.
03:38 Devant la douleur, j'ai changé d'avis,
03:40 mais mes parents ont préféré continuer le travail sur moi,
03:43 alors que je pleurais et que je disais non.
03:46 Ils ont fini par abandonner parce que je me débattais dans tous les sens.
03:49 Mais cet épisode m'a marquée.
03:51 Je sais qu'ils ne pensaient pas à mal,
03:53 mais ça a imprimé dans ma tête l'idée que mon corps n'était pas vraiment à moi
03:56 et qu'il devait avant tout plaire aux autres,
03:59 ce qui a sûrement conditionné ma manière de réagir aux agressions plus tard."
04:02 Les parents, c'est ceux qui sont censés nous faire sentir bien dans notre corps,
04:08 nous dire qu'il n'y a rien d'anormal dans notre corps.
04:11 Et là, on se retrouve avec énormément de témoignages
04:15 où il y a des parents qui se moquent, avec des parents qui insultent,
04:19 avec des parents qui menacent leur fille
04:23 de ne pas aller à certains événements si elles ne sont pas épilées,
04:27 qui leur dit qu'elle devrait avoir honte de sortir dans la rue si elles ne sont pas épilées.
04:30 Quand on répond à ce genre de témoignages qui peuvent être assez violents,
04:33 c'est de leur rappeler que leur corps leur appartient,
04:37 qu'elles seules peuvent prendre la décision de ce qu'elles font ou pas avec leur pilosité.
04:41 Nous, à travers le livre, on veut simplement qu'elles aient un choix qui est éclairé.
04:48 Si tu veux t'épiler, d'accord, pas de souci.
04:51 Tu n'es pas plus ou moins féministe ou tu n'es pas plus ou moins une fille
04:56 si tu t'épiles ou si tu ne t'épiles pas.
04:58 C'est que la déconstruction, ça prend énormément de temps,
05:00 que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on arrête de s'épiler, pas du tout.
05:04 C'est un chemin où il faut avoir énormément de bienveillance,
05:07 c'est s'informer et c'est aussi éduquer et informer les autres,
05:11 que ce soit notre compagnon ou notre compagne.
05:14 Je peux comprendre que les poils, ce n'est pas ton truc,
05:16 mais on peut en discuter parce que c'est mon corps
05:18 et que je me sens plus à l'aise avec mes poils,
05:20 donc ayons une discussion sur le sujet.
05:22 La famille également, voilà, je sais que vous n'êtes pas très fan de mes poils,
05:26 mais ça reste mon corps et j'aimerais que vous respectiez ma décision
05:29 et qu'au contraire, vous me soutenez dans ma décision
05:32 parce que le monde extérieur est suffisamment affreux
05:35 pour qu'on m'en rajoute une couche à la maison.
05:38 C'est également aider ses copines et s'entraider ses copines
05:41 à se former une sorte de sororité entre copines en disant
05:44 "Écoute, moi, je ne me suis pas épilée pour la piscine,
05:46 donc si tu ne t'es pas épilée, c'est complètement OK,
05:49 on sera deux à ne pas s'être épilées et on va se soutenir."
05:51 Le but du compte Instagram Paye ton poil et le but du livre aussi,
05:55 c'est de témoigner que la pilophobie, c'est quelque chose de réel.
06:00 Ce n'est pas un mouvement woke juste pour encore se plaindre
06:02 sur une énième chose du patriarcat, etc., non.
06:04 C'est une réelle injonction patriarcale qui est sexiste
06:07 et c'est d'apporter un soutien à toutes et tous
06:10 qui ont subi de la pilophobie dans leur vie.
06:13 Leur montrer que vous n'êtes pas seuls
06:16 et qu'on peut ensemble se soutenir
06:19 et essayer de s'informer et d'éduquer tout le monde
06:23 pour vivre dans une société qui est un peu plus ouverte
06:26 et qui nous fiche la paix avec la pilosité.