Le quart d'heure toulousain avec un scientifique en rébellion (COP28)

  • l’année dernière
Odin Marc est chercheur au CNRS à Toulouse, il fait partie des "Scientifiques en rébellion" qui s'insurgent contre l'inaction des pouvoirs publics en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

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Personnes
Transcription
00:00 Ici, c'est le 6.9 France Globe, Citany.
00:03 Nous sommes le jeudi 30 novembre 2023, 7h46, c'est le quart d'heure Toulousain,
00:07 le moment d'éteindre toutes les lumières, de prendre votre téléphone,
00:10 pour qu'on parle climat aujourd'hui.
00:11 Et qu'on posait ce numéro, le 05 34 43 31 31,
00:15 il y a aussi cette nouvelle fonctionnalité, on le rappelle,
00:18 sur votre appli, sur votre smartphone, vous cliquez sur "participer"
00:21 et vous pouvez laisser votre message vocal.
00:24 On veut entendre votre avis ce matin sur la COP 28,
00:26 qui commence donc à Dubaï, sur les actions pour l'environnement.
00:29 Est-ce que vous y croyez, à ces actions ?
00:31 Est-ce qu'on peut renverser la tendance, quand on parle de réchauffement climatique ?
00:35 On va essayer d'y voir plus clair avec notre invité, ce matin en studio.
00:38 Bonjour Rodin Marc.
00:39 Bonjour.
00:40 Vous êtes chercheur à Toulouse, au CNRS,
00:42 et vous êtes membre des "Scientifiques en rébellion".
00:45 Avant de vous entendre, peut-être une première réaction sur Facebook.
00:48 Oui, deux réactions. Il y a Lulu qui nous dit "à Dubaï ?"
00:49 Oh, ils vont y aller à vélo, bien sûr.
00:51 Et puis Arnaud nous laisse un très long message que je vous compacte un petit peu.
00:54 Drogués comme nous sommes à l'énergie,
00:56 nous ne sommes pas prêts de nous passer des énergies fossiles.
00:59 Donc pour nos rejets de gaz à effet de serre, c'est loin de s'arrêter.
01:01 En revanche, on a la main sur pas mal d'autres problématiques,
01:04 comme la surpopulation, la destruction de la biodiversité et les pollutions.
01:07 Air, eau, sol. Allez voir son message complet sur la page Facebook.
01:11 Rodin Marc, aidez-nous à comprendre, si on ne fait rien,
01:14 si on continue comme ça, qu'est-ce qu'il se passe ?
01:16 Alors, oui, si on ne fait rien, justement, ce qu'il faut savoir,
01:19 c'est que les réserves connues, actuelles, de pétrole, de gaz, de charbon,
01:23 en fait, elles vont très largement dépasser
01:26 les objectifs de réchauffement climatique qui sont fixés dans l'accord de Paris.
01:29 Pour rester en dessous de 1,5 degré de réchauffement,
01:32 il faudrait laisser 90% de ce qui est connu dans le sol.
01:35 Et pour 2 degrés, il faudrait laisser 60%.
01:37 Donc dire, ça va être difficile, oui, ça va être difficile
01:40 de baisser nos consommations et nos productions d'énergie fossile.
01:43 Mais si on ne le fait pas, on va aller vers des très fortes augmentations de température,
01:46 3 degrés, peut-être même plus, 4 degrés.
01:49 Et là, en fait, rappelez-vous, on a eu des très forts épisodes de canicule, de sécheresse.
01:53 L'année dernière, en Iran, des pics de chaleur à 50 degrés,
01:55 les gens ne pouvaient plus sortir, ne pouvaient plus travailler.
01:57 On se rapproche de températures invivables.
01:59 Et là, on est à 1,2 degré de réchauffement sur la planète.
02:02 Donc à 2 degrés, à 3 degrés, ça va augmenter ce type de phénomène.
02:05 Donc on a vraiment besoin, oui, de parler des énergies fossiles.
02:07 Et nous, les scientifiques en rébellion, on appelle et on soutient l'idée d'un traité
02:11 pour arrêter l'exploration de nouveaux gisements et pour commencer à diminuer l'offre.
02:16 - D'ailleurs, il y a le chef de l'ONU qui dit ce matin,
02:17 il faut carrément supprimer les énergies fossiles.
02:19 Enfin, il y a eu un effort sur le charbon il y a deux ans du côté de Gasgo.
02:23 Il faut aller plus loin, le gaz et le pétrole, il ne faut plus en entendre parler ?
02:26 - Oui, bien sûr. Alors, on ne parle pas de faire ça demain.
02:29 Mais évidemment, il faut en fait penser des traités et penser des trajectoires
02:33 qui vraiment ciblent le gaz, le pétrole,
02:35 pour aller vers une sortie des énergies fossiles le plus vite possible.
02:38 Alors, ça peut être peut-être 10 ans, ça peut être 20 ans.
02:40 On ne parle pas de demain, évidemment.
02:41 Et c'est pour ça qu'il faut des politiques publiques après pour accompagner une réorganisation
02:45 vers des transports publics, vers de l'électrique, vers moins de déplacement, par exemple.
02:48 - 05 34 43 31 31 avec Caroline en direct de Montauban.
02:52 Bonjour Caroline.
02:54 - Bonjour. - Bienvenue. On vous écoute.
02:56 - Alors, moi, je suis en train de vous regarder tous les matins.
02:59 - Merci. - Mais c'est normal.
03:02 Et ce que je veux dire, c'est ce problème-là qu'on a,
03:06 que tous ces gens là, pleins de frites et tout ça,
03:08 qui volent jusqu'à Dubaï pour discuter de ce problème de réchauffement climatique.
03:13 Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on a su arrêter le monde pendant deux ans pour le Covid,
03:17 sans se déplacer. Je ne vois pas pourquoi on devrait se déplacer.
03:21 Moi, j'ai 58 ans. Je me souviens des années 70-80.
03:27 Tous ces magasins qui sont ouverts le dimanche, on n'a pas besoin de tout ça.
03:30 On n'a pas besoin de... On gaspille beaucoup.
03:33 Tous ces kebabs, ces fast-foods et tout ça, on n'en a pas besoin.
03:37 Aujourd'hui, les gens, les gamins, ils ne mangent plus notre nourriture.
03:41 Ils préfèrent manger cette nourriture malsaine.
03:44 - Au-delà de Marc, ça veut dire que la clé, c'est peut-être justement la sobriété.
03:47 - Alors oui, justement, dans le discours de votre interlocutrice,
03:50 on entend la sobriété, on entend aussi un point qui a été dit au début, les inégalités.
03:53 Et ça revient à la question du départ, on a l'effet de la population.
03:56 Mais enfin, si on regarde les émissions de CO2 réparties sur la population en fonction de leur revenu,
04:01 en fait, les 50% de la population les plus pauvres,
04:05 ils ne représentent que moins de 15% des émissions mondiales de CO2.
04:09 Donc, ça veut dire 4 milliards de personnes.
04:11 Même si on les supprime, on ne gagne que 10%.
04:12 Il faut baisser de 80 à 90% nos émissions de CO2.
04:15 Par contre, les 10% les plus riches et même les 1% les plus riches,
04:17 eux, ils sont environ 10% de CO2 et les 10% c'est presque 50.
04:21 Donc, ça veut dire que c'est vraiment les excès de consommation, les excès de déplacement.
04:27 Comme l'a dit votre interlocutrice, il y a un certain nombre de choses dont on n'a pas forcément besoin
04:30 et donc qu'on a besoin de réduire, de réorganiser.
04:32 - Merci Caroline. Merci à vous. Bonne journée à Montauban.
04:35 On est avec Christelle à l'ouest, au sud-ouest de Toulouse, à Saint-Lys.
04:39 Bonjour Christelle.
04:40 - Oui, bonjour Christelle.
04:41 Donc, en fait, moi, ce que je reproche sur ce problème de réchauffement climatique,
04:46 c'est qu'on stigmatise et on montre toujours des coupables.
04:49 Alors, moi, je suis agricultrice, donc je suis toujours stigmatisée
04:52 parce qu'on me dit que c'est de ma faute qu'il y a la disparition de la biodiversité,
04:55 parce que j'utilise des produits.
04:57 J'ai des collègues en gravière qu'on incrimine aussi parce qu'ils exploitent des graviers, ils creusent.
05:04 Donc, du coup, ils mettent à jour les nappes phrathiques.
05:07 Sauf que ce sont des professions qu'on a énormément besoin
05:10 et que c'est plus facile d'incriminer les gens que de se remettre en question soi-même
05:15 pour dire "qu'est-ce que je peux faire pour réduire mon impact ?"
05:19 Parce que si tout le monde réduisait un peu son impact,
05:22 eh bien, forcément, on aurait des résultats beaucoup plus importants.
05:26 Là, pour le manque d'eau cette année, un jeune agriculteur hier me disait
05:30 qu'il a perdu 100 000 euros rien qu'en changeant son ensolement.
05:34 Donc, il a perdu l'intégralité de ce qu'il doit rembourser après au crédit agricole pour s'être réinstallé.
05:39 - Christelle, ça veut dire que c'est difficile à supporter à force
05:43 qu'on nous demande de faire des efforts, des efforts, des efforts,
05:46 même si on sait que le rêve, il est beau au final, de sauver la planète.
05:48 - En fait, nous, ce qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on nous met toujours plus de contraintes,
05:53 on nous prend toujours plus d'argent, directement ou indirectement.
05:56 Et au final, il n'y a pas de vraies solutions qui sont mises en place.
05:59 - Vous avez du mal un peu à y croire, puisque notre question aujourd'hui, c'est ça.
06:02 Est-ce qu'on y croit à tout ça ? Est-ce que ça sert à quelque chose ?
06:05 - Moi, j'y crois à condition que tout le monde s'y mette sérieusement
06:09 et qu'on n'attende pas que l'agriculture résolve tous les problèmes.
06:12 On a imperméabilisé 7500 hectares en 10 ans, rien que sur la métropole toulousaine.
06:19 C'est 45 millions de mètres cubes d'eau qui ne s'infiltrent plus dans les sols.
06:23 Déjà, rien que ça, moi, ça m'interpelle.
06:25 Alors, c'est sûr que la plupart des gens, ils ne sont pas au fait de tous ces petits détails,
06:30 mais si on prend tout en considération,
06:33 peut-être qu'on pourra enclaicher la vitesse qui va bien
06:36 pour changer ce qui est en train de se passer.
06:39 - Merci Christelle, bonne journée à Saint-Lys.
06:42 On peut y croire, au Danemark ?
06:44 - Oui, c'est pour ça que je suis là, c'est pour ça qu'on s'engage.
06:48 On peut y croire parce que c'est un problème qui évolue sur des périodes de temps.
06:52 Donc, évidemment, on peut penser que 1,5°C sera très dur à atteindre,
06:55 mais si on met en place des politiques publiques, si on met en place des accords internationaux,
06:59 peut-être qu'on arrivera à limiter l'environnement climatique à 1,7°C, à 2°C, qui sait ?
07:02 Et chaque petite différence compte.
07:03 Je veux revenir sur un point qui a été dit et qui est très important.
07:05 Oui, l'agriculture, c'est un des problèmes pour la biodiversité.
07:09 C'est aussi une part du réchauffement.
07:10 Mais il ne faut pas confondre, ce ne sont pas les agriculteurs le problème.
07:13 Comme le dit votre auditrice, le problème, c'est les politiques publiques.
07:17 On pourrait questionner pourquoi la PAC encourage,
07:19 pourquoi l'Europe annonce qu'on maintient le glyphosate ?
07:21 Pourquoi est-ce qu'on augmente ?
07:22 Il faut une réaugmentation de la valeur du travail que font les agriculteurs,
07:27 peut-être à travers une augmentation des prix, une subvention.
07:29 Les gens parlent de sécurité sociale, de l'alimentation,
07:31 qui permettent de donner les moyens aux agriculteurs,
07:34 non pas en leur disant "débrouillez-vous, utilisez moins, changez vos pratiques",
07:37 mais de les accompagner vers un nouveau modèle d'agriculture.
07:40 Parce que dans 10 ans, il faudra qu'on consomme beaucoup moins de pesticides,
07:43 qu'on consomme moins d'eau, qu'on ait des cultures qui soient adaptées
07:46 au fait qu'il y aura des plus fortes sécheresses, des événements climatiques différents.
07:48 Et si on ne le fait pas, les agriculteurs le subiront aussi.
07:52 On a eu l'exemple de cette personne qui a de graves problèmes pour l'irrigation.
07:56 Et puis ce matin, on a aussi reçu un message sur l'appli "Ici vous pouvez"
07:59 donc je vous le rappelle, depuis ce matin, laissez un message vocal
08:02 en cliquant sur le bouton "Participer".
08:04 Écoutez ce message.
08:05 Oui, de toute évidence, on peut encore changer la tendance.
08:10 La question c'est avec quelle rapidité on va le faire,
08:14 ce qui va impliquer évidemment une inertie qui va être croissante
08:18 à mesure que le temps va passer,
08:20 avec des pertes qui vont être de plus en plus importantes.
08:24 Donc la question, on peut le voir, elle se pose sur la 69,
08:29 comment raisonner le gouvernement et les instances publiques et privées
08:36 pour aller dans le bon sens.
08:41 Message laissé sur l'appli "Ici", vous pouvez vous aussi participer.
08:45 05 34 43 31 31.
08:47 Au-dem-marc, la 69, on parle de cette auditeur,
08:49 c'est vraiment l'exemple qui cristallise tout ?
08:51 Oui, c'est un des exemples, il y en aurait d'autres, mais oui.
08:54 Dans la région, c'est celui-là.
08:55 Voilà, on entend parler des COP régionales, la COP Occitanie,
08:59 donc voilà un autre exemple de COP qui affiche des ambitions,
09:01 baisser les émissions de CO2, protéger la biodiversité.
09:04 Et en parallèle, on a l'Occitanie qui met en place un projet
09:08 que nous, scientifiques de Toulouse et de toute la France,
09:10 en fait, on a été très nombreux à critiquer,
09:12 à ne pas comprendre quelles étaient les justifications.
09:14 Beaucoup aussi d'agences, d'experts qui avaient évalué
09:17 de manière consultative le projet, avaient aussi émis un M indicatif.
09:20 Et donc, on va vers une politique qui construit une infrastructure
09:24 pour des voitures individuelles,
09:25 alors qu'on pense qu'il faudrait avoir moins de voitures individuelles,
09:28 moins de kilomètres faits, une plus faible vitesse.
09:30 Donc, en fait, on va vraiment à l'opposé.
09:32 Donc, quand est-ce qu'on va passer de l'affichage aux actes ?
09:35 Et c'est la même chose pour les COP.
09:36 Ça fait 30 ans qu'on fait des COP.
09:37 On fait des COP presque tous les ans.
09:39 Et globalement, les émissions de CO2 continuent à augmenter.
09:41 Il y a quelque chose qui se met en place.
09:43 On a un peu ralenti la courbe.
09:44 Il peut y avoir certains mécanismes de solidarité internationale.
09:46 Mais on est très, très, très loin du compte.
09:47 Et on présente les COP comme si c'était une solution,
09:49 alors qu'elles entretiennent un problème.
09:51 Et c'est sans compter le fait que là, cette année,
09:52 elles se font à Dubaï avec un président qui est PDG aussi
09:56 d'une compagnie pétrolière qui annonce qu'elle va augmenter
09:58 sa production de fossiles, quand il est évident pour tous
10:00 les scientifiques que ce qu'il faut, c'est baisser la production.
10:03 - Merci, Audin Marc, d'être venu en studio ce matin
10:05 sur France Bleu Occitanie et sur France 3.
10:07 Vous êtes chercheur au CNRS à Toulouse et faites partie
10:08 donc des scientifiques en rébellion.
10:10 Excellente journée à vous.
10:11 - Merci. - Merci à vous qui nous regardez
10:12 et qui nous écoutez d'avoir participé à ce quart d'heure toulousain.
10:15 Le débat continue, si vous le souhaitez, sur notre appli
10:17 et sur le Facebook de France Bleu Occitanie.

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