• l’année dernière
"Dans l'urgence, il a fallu se lever et marcher", se remémore Toumi Djaïdja, initiateur de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, en 1983. Il est l'invité, avec Constance Rivière, directrice du Musée national de l'histoire de l'immigration, du 6/9 de France Inter.

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Transcription
00:00 Deux invités à votre micro Marion ce matin pour marquer le 40e anniversaire de la marche
00:04 pour l'égalité et contre le racisme.
00:06 On l'avait surnommée à l'époque la « marche des beurres ». 100 000 personnes
00:09 avaient défilé et on en parle avec Constance Rivière, directrice du musée national de
00:13 l'histoire de l'immigration qui organise une soirée spéciale ce soir et Toumi Djahidja,
00:18 initiateur et symbole de la marche de 1983.
00:20 Bonjour à tous les deux.
00:22 Bonjour.
00:23 Bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous êtes à distance Toumi Djahidja d'où le petit délai.
00:27 C'est vous Toumi Djahidja qui aviez été en 1983 blessé par la police qui aviez ensuite
00:35 initié et lancé cette marche.
00:36 Vous avez le sentiment qu'en 40 ans les choses ont vraiment changé ?
00:40 Oui tout à fait.
00:43 Vous savez quand on se met à regarder dans les rétroviseurs ce passé, on peut quantifier
00:48 le chemin parcouru.
00:49 Ça c'est une chose.
00:50 Mais je voudrais revenir en préambule sur cette formidable aventure.
00:54 Elle est partie d'une révolte populaire, j'en conviens, mais pour aboutir à une
00:59 déclaration d'amour.
01:00 Une déclaration d'amour à notre pays.
01:02 Pour dire que nous sommes français et qu'il est essentiel qu'il y ait de la cohésion
01:08 dans ce pays.
01:09 Pour qu'on puisse continuer à aller vers cette idéale qui est l'égalité.
01:12 D'ailleurs l'égalité n'est pas une revendication mais un absolu.
01:15 Mais quand vous voyez qu'aujourd'hui par exemple on recense 12 600 infractions à caractère
01:20 raciste et xénophobe l'an dernier, en hausse en ce qui concerne les crimes et délits de
01:25 5%, vous vous dites qu'on a encore beaucoup de chemin à faire ?
01:29 Je reprends cette métaphore de la marche justement.
01:31 Alors il y a quelque chose d'intéressant dans votre question.
01:35 Je voudrais moi vous poser une question.
01:38 Est-ce que sur cette planète il y a un pays qui a réglé cette question de discrimination
01:42 ou du racisme ?
01:43 Je vous réponds tout de suite pour gagner du temps, pas du tout.
01:46 Ça c'est une première chose.
01:47 La seconde chose, il faut savoir qu'il y a 40 ans, c'est comme ça, il y a 40 ans
01:52 on trouvait des milices d'auto-défense qui s'en prenaient et qui faisaient ce qu'on
01:57 appelle des ratonnades.
01:58 J'ai envie de faire un parallèle avec l'actualité récente, ce petit jeune Thomas, cette police
02:05 républicaine, parce que vous avez évoqué la police…
02:07 Qui a été tuée, on rappelle juste pour les auditeurs, Thomas qui a été tué à
02:09 Crépol dans la Drôme suite à une fête.
02:12 Tout à fait.
02:13 Et ça a déclenché ensuite des manifestations de militants d'extrême droite à Romand
02:17 et Rizère notamment.
02:18 Tout à fait.
02:19 Alors écoutez, il y a quelque chose d'intéressant dans cette police républicaine.
02:22 Ils ont agi assez rapidement pour stopper ces extrémistes-là.
02:28 Ça c'est une chose.
02:29 La seconde chose, on fait des parallèles.
02:31 Il y a 40 ans, cette France de la diversité, en tant que prof, il n'y avait pas grand-chose.
02:38 Aujourd'hui, c'est légion.
02:41 Il y a quelque chose qui est intéressant.
02:44 Vous prenez par exemple une profession, je ne sais même pas si ce n'est pas une vocation,
02:49 les sages-femmes.
02:50 Un tiers des sages-femmes sont maghrébines.
02:54 Elles donnent la vie.
02:56 Je veux dire par là que cet idéal qu'on voudrait atteindre, il est lointain encore.
03:02 Mais je crois qu'à mon avis, quand on aime, on doit donner aussi.
03:05 Constance Rivière, quel est l'héritage de cette marche des beurres aujourd'hui ?
03:08 Je crois que ce que dit Toumi Djadja est très important.
03:12 Cette marche, c'est d'abord la plus grande marche antiraciste qu'on ait eue dans notre
03:17 pays.
03:18 C'était il y a 40 ans.
03:19 Et aujourd'hui, on a le sentiment qu'elle pose une forme d'obligation à la France,
03:25 qui est d'être à la hauteur de ses idéaux.
03:26 Les marcheurs, déjà, ils viennent marcher pour, d'abord.
03:29 Ils marchent pour l'égalité.
03:30 Et ils nous disent, on est dans un pays qui est notre pays.
03:34 C'est des jeunes, c'est des jeunes Français qui partent de Marseille, qui traversent la
03:39 France et qui, comme vous l'avez rappelé, sont accueillis à Paris par plus de 100 000
03:42 personnes.
03:43 Avec, à l'époque, une très grande unanimité aussi du corps politique, social, syndical,
03:49 religieux, énormément de gens qui les soutiennent.
03:51 Et ils arrivent à Paris et ils disent, en réalité, ce que nous voulons dire, c'est
03:57 nous sommes la France.
03:58 Nous sommes l'histoire de France.
03:59 Et c'est pour ça, aujourd'hui, que 40 ans après, cet héritage, on pense qu'il
04:04 doit être non seulement connu, diffusé, valorisé.
04:07 Il y a quelque chose d'extrêmement important pour que notre récit collectif, pour que
04:12 le récit de notre histoire soit complet, à intégrer aussi des moments comme cela
04:17 dans notre mémoire.
04:18 Vous dites, comme Toumi Djaïdja, que l'idéal est encore loin.
04:22 Je dis que l'idéal est un idéal.
04:25 La France est un idéal.
04:27 Quand la France parle d'égalité, de liberté, de fraternité, elle ne dit pas, nous sommes
04:33 arrivés à un point où nous devrions nous arrêter.
04:35 Elle dit, voilà vers quoi nous devons tendre.
04:37 Et ces jeunes qui viennent marcher, ils ne font que rappeler ça.
04:41 Dire, voilà l'idéal que vous posez, voilà la France à laquelle on veut appartenir.
04:45 Et nous devons continuer ensemble ce chemin.
04:48 Toumi Djaïdja, la loi sur l'immigration, aujourd'hui, qui est en discussion, qui
04:52 vise à clarifier les choses, à expulser les personnes en situation irrégulière, à
04:56 régulariser celles qui occupent un poste dans un métier en tension, par exemple.
05:00 Ça peut clarifier, apaiser ou au contraire, d'après vous, ça peut être source de tension ?
05:04 Alors, vous savez, toutes les fois, il me plaît de laisser ces questions-là aux sociologues,
05:13 aux historiens, aux politiques.
05:14 Je ne veux pas fuir votre question.
05:15 Mais ce que je veux dire par là, parce que mon discours est assez particulier, je voudrais
05:20 saisir l'occasion d'être à l'antenne pour dire que cette intégration-là, j'en
05:24 conviens, elle est silencieuse.
05:26 Mais elle va dans ce sens-là.
05:31 Ça, c'est une chose, c'est primordial de toutes les fois le rappeler.
05:34 Vous savez, il y a 40 ans, dans l'urgence, il a fallu se lever et marcher.
05:39 Marcher, c'est aller vers l'autre.
05:41 J'ai préféré d'ailleurs, avec mes troupes, ne pas lever, pas un poing serré, mais une
05:46 main tendue.
05:47 Pour dire que marcher, c'est vraiment aller vers l'autre, vers cet horizon qu'on voudrait
05:51 atteindre.
05:52 C'est vrai qu'il y a des pays qui ont réglé ces questions-là.
05:54 On n'entend pas de toutes ces questions-là.
05:57 C'est les dictatures.
05:58 Mais je préfère quand même vivre en France.
06:01 Constance Rivière, on n'a plus que quelques secondes.
06:03 Comment on a transmis cette mémoire très rapidement ?
06:05 Moi, si je dois dire une seule chose, vous lancer un appel, c'est un appel à ce que
06:10 cette mémoire soit inscrite partout.
06:12 Elle est inscrite au musée de l'histoire de l'immigration, où on a choisi parmi les
06:15 10 dates de l'histoire de France, 1983.
06:18 En 5 mois, il y a plus de 100 000 personnes qui sont venues et qui l'ont vue.
06:21 On aimerait que ça soit dans l'Emmanuel scolaire.
06:23 On aimerait qu'il y ait des grandes émissions à la télévision, comme il y avait Mosaïque
06:27 à l'époque, pour parler des cultures d'origine immigrée.
06:29 On a juste envie que cette reconnaissance et cette fierté soient transmises et partagées.
06:35 Et l'appel est lancé, Constance Rivière, Toumi Djahidja, merci à tous les deux de
06:38 nous avoir répondu sur Inter.
06:40 Je rappelle cette soirée à partir de 18h30 au Palais de la Porte Dorée à Paris pour
06:44 les 40 ans de la marche des Beurs, des lectures, des tables rondées.

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