Conflit au Proche-Orient, COP28, alliance à gauche... Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, fondateur de La France Insoumise, auteur de "Faites-mieux !" aux éditions Robert Laffont, est l'invité de notre grand entretien de 8h20.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00 Le résident du Grand Entretien ce matin avec Marion Lourds, sa parole est très attendue,
00:04 plusieurs semaines qu'il ne s'est pas exprimé dans les médias.
00:07 Il parcourt la France avec une série de conférences autour de son dernier livre "Faites mieux !",
00:13 fondateur de la France Insoumise, co-président de l'Institut La Boétie.
00:17 Vos questions, vos réactions, chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:24 Bonjour Jean-Luc Mélenchon.
00:26 Oui, bonjour.
00:27 Écoutez, je voudrais d'abord dire quelque chose.
00:29 Non, il n'est pas vrai que nous dépendions exclusivement de l'opinion israélienne pour
00:33 que cesse le massacre à Gaza.
00:35 On va y venir, on va y venir Jean-Luc Mélenchon.
00:36 Non, il faut tout de suite qu'on y vienne pour qu'on dise qu'il reste la possibilité
00:40 de faire des sanctions et surtout que l'opinion publique mondiale montre qu'elle désapprouve
00:45 absolument ce massacre et cet après-midi nous nous retrouverons à 14h Place de la
00:50 République pour ça.
00:51 Puisque vous avez lancé un appel à défiler pour la paix, on va y revenir à la situation
00:55 en Proche-Orient.
00:56 Jean-Luc Mélenchon, bienvenue en tout cas, merci d'être sur France Inter ce matin.
01:00 Si la politique était affaire de météo, en un mot, quel temps fait-il en France ?
01:04 C'est l'hiver.
01:06 Il fait froid, très froid.
01:08 De pauvres gens, grelottes, ne sont pas chauffés, ne sont pas nourris.
01:13 Des enfants sont dans la rue la nuit.
01:15 C'est l'hiver.
01:16 C'est l'hiver.
01:17 Et des fascistes manifestes, bras tendus, vociférants, menaçant tout le monde et surtout
01:23 ceux qui n'ont pas à leurs yeux la bonne couleur de peau ou la bonne qualité de cheveux.
01:28 Beaucoup de questions à vous poser Jean-Luc Mélenchon.
01:30 Rassemblement hier soir, et vous en parliez ou vous l'évoquiez sans vous entendue en
01:35 plein cœur de Paris à l'appel d'un groupe d'ultra-droite.
01:38 Manifestation lancée pour réclamer, je cite, justice pour Thomas, cet adolescent tué à
01:43 Crépole il y a près de deux semaines.
01:45 Des "Salut nazi", des slogans "Français réveille-toi, tu es chez toi", crié devant
01:49 le Panthéon.
01:50 Qu'est-ce que ça vous a inspiré ?
01:52 D'abord, un immense dégoût, mais en même temps j'y vois le signal d'une époque.
01:58 La banalisation de l'extrême droite a évidemment favorisé son extrémisation et nous voici
02:05 rendus maintenant à ce genre de démonstration.
02:08 Ce qui est certain c'est que c'est une erreur totale de diagnostic qui a été faite
02:13 par toute une série d'observateurs.
02:15 Il y a maintenant plusieurs années que les services de renseignement intérieur indiquent
02:19 que l'un des principaux dangers de violence vient de l'ultra-droite.
02:25 Et vous savez qu'il y a un rapport de l'Assemblée nationale qui a été fait par un macroniste
02:30 et un écolo, donc j'y n'y suis pour rien, et qui dit "en général la violence dans
02:35 la société baisse, mais augmente la violence politique et celle-ci est exclusivement le
02:40 fait de l'ultra-droite qui s'attaque aux personnes".
02:44 Alors on dit des fois dans les manifs de gauche il y a aussi des violences, oui, mais ce
02:48 sont premièrement des violences contre des biens et deuxièmement ce sont des violences
02:52 qui sont faites en dehors de la volonté des organisateurs de ces manifestations.
02:56 Mais justement là le préfet voulait interdire cette manifestation à la demande du ministre
03:01 de l'Intérieur parce qu'il craignait des troubles à l'ordre public et c'est le
03:04 tribunal administratif qui a dit "non, elle va avoir lieu, comment vous la comprenez
03:08 cette décision ?" Vous êtes comme Gérard Darmanin scandalisé par cette manifestation ?
03:11 Il faut faire très attention parce qu'il y a un parallélisme des formes qui serait
03:16 évidemment fait en cinq minutes, c'est que nous-mêmes nous faisons l'objet d'interdictions
03:20 systématiques dans toutes les manifestations en défense de la population de Gaza.
03:27 Par exemple c'est le cas en Haute-Garonne et plusieurs départements où les préfets
03:31 interdisent systématiquement et donc des fois la dernière minute la justice permet.
03:35 Il y a aussi des manifestations auxquelles vous avez refusé de participer ?
03:39 Pardon ?
03:40 Il y a des manifestations auxquelles vous avez refusé de participer ?
03:43 Non, il y en a une à laquelle il n'y a pas des manifestations à Libadou.
03:47 Toutes les manifestations qui se déroulent en défense de la population de Gaza contre
03:53 les massacres et pour la libération des otages de la Vadzwa et pour le cesser le feu immédiat,
03:59 nous y sommes.
04:00 Nous ne sommes pas allés à la manifestation du 12 novembre, après par les...
04:03 A l'appel du président du Sénat et de l'Assemblée Nationale ?
04:06 Exactement, qui a été un événement pitoyable dans la mesure où, compte tenu des conditions
04:11 dans lesquelles elle a été convoquée cette manifestation, il n'y a eu que 100 000 personnes
04:15 dans tout le pays alors que nous sommes innombrables et par millions.
04:18 Ce pays n'est pas raciste, ce pays n'est pas antisémite, mais surtout ça a été un
04:23 événement considérable.
04:24 C'est que la peine d'indignité nationale qui touchait l'extrême droite ce jour-là
04:30 a été levée et on a fait une manifestation contre l'antisémitisme avec des antisémites.
04:34 Mais donc là vous dites quoi ? Que cette manifestation, le tribunal a eu raison de
04:37 l'autoriser parce que liberté d'expression ?
04:39 Je ne dis pas ça, je ne dis rien du tout.
04:43 Mais le tribunal intervient et décide ça.
04:47 Maintenant comment se fait-il qu'il y ait dans notre pays des organisations qui puissent
04:51 s'en prendre aux personnes, qui puissent faire acte public de racisme, qui puissent
04:57 faire des saluts nazis et le reste ? Pardon mais ces gens-là on sait qui c'est, ce n'est
05:01 absolument pas des passants dans la rue qui tout d'un coup surgissent.
05:03 Non, c'est reconstitution de l'Igdissoud.
05:06 M. Darmanin n'a rien fait, le groupe Génération Identitaire a été dissous et il s'est reconstitué.
05:12 Et maintenant on a beau jeu de protester à propos d'une décision de justice, comment
05:16 se fait-il que ces gens soient en état d'organiser une manif de cette nature ? C'est ça le
05:20 vrai problème.
05:21 Et il y en a plein le pays, et pardon je voudrais maintenant dire un mot.
05:24 Oui d'abord.
05:25 Oui, nous payons cher, d'accord ? Personnellement j'ai fait l'objet de deux tentatives d'attentats,
05:30 d'assassinats.
05:31 L'un était condamné à 9 ans et l'autre à 18 ans.
05:34 Trois de nos amis ont eu leur domicile incendié.
05:36 Nous sommes 10 à vivre sous menace de mort.
05:38 Trois ont été agressés dans la rue.
05:40 Et j'en passe, et les agressions contre nos téléphones.
05:43 Quelqu'un parmi nous a dû changer trois fois d'adresse.
05:46 Je vous signale que c'est ça le prix que nous payons, nous les insoumis, mais parmi
05:50 d'autres.
05:51 Nous le payons à cette forme de banalisation de l'extrême-droite qui a eu lieu pendant
05:55 toute cette période, et pardon de vous le dire, je sais que vous allez mal le prendre,
05:59 parce que ça touche notre corporation, mais le système de l'information en continu qui
06:05 a besoin sans cesse d'événements qui font le buzz, ont banalisé et donné un poids
06:09 à cette extrême-droite qu'elle n'a pas.
06:11 - Pas seulement.
06:12 Vous avez dit il y a deux jours à Rochefort que vous avez été vous-même affecté par
06:15 les accusations d'antisémitisme, que vous en aviez pris l'habitude mais que vous ne
06:19 le supportiez toujours pas.
06:20 Votre parole est très attendue pour que vous vous expliquiez ou qu'on comprenne, Jean-Luc
06:25 Mélenchon, une série de mots que vous avez écrits, prononcés ou pas dits justement,
06:31 pas prononcés, qui ont pu choquer, blesser, révolter, y compris dans votre propre camp.
06:36 - Allez-y, arrêtez, dites quoi, dites les mots.
06:37 - Qu'est-ce qui vous a empêché ? - Vous aussi vous avez des silences qui nous
06:40 posent problème et qui ont blessé, humilié...
06:42 - Laissez-moi terminer ma phrase, Jean-Luc Mélenchon.
06:44 - Non mais attendez, par exemple le traitement des prisonniers dans les prisons israéliennes
06:48 qui viennent d'être...
06:49 - Attendez, je n'ai pas terminé ma question.
06:50 - Ah oui, d'accord.
06:51 - Non mais comme ça vous aurez le temps de répondre.
06:52 - Non, non, non.
06:53 - Les mots qui ont blessé, nanana...
06:54 - C'est un constat.
06:55 Qu'est-ce qui vous a empêché de dire l'évidence et de parler d'attaques terroristes du Hamas,
07:00 pour la plupart des civils, le samedi 7 octobre ? Non.
07:02 - C'est ça les mots qui ont blessé ? Pardon, Ali Baddou.
07:04 - Non, les mots qui n'ont pas été prononcés et qui ont choqué, qui ont révolté et qui
07:10 vous ont valu par exemple d'être accusés dans le sémitisme.
07:13 - Par une petite poignée de gens névrotiquement manieurs du rayon paralysant qui est d'accuser
07:21 d'antisémitisme tout ce qui bouge et qui n'est pas de leur avis.
07:24 Et voilà comment au début, bon Mélenchon avait pris l'habitude, voilà que Macron
07:27 s'est retrouvé accusé d'antisémitisme, voilà que M.
07:30 Deville s'est retrouvé accusé d'antisémitisme, mais les miroirs bientôt vont être accusés
07:34 d'antisémitisme.
07:35 Où va-t-on comme ça ? C'est incroyable, je suis un homme politique, je suis donc responsable
07:41 des paroles que je prononce en pensant qu'un jour ou l'autre nous exercerons le pouvoir
07:46 et nous aurons donc à ce moment-là des comptes à rendre sur le vocabulaire que nous utilisions.
07:50 Nous n'avons jamais contesté le fait que des actes puissent être de nature terroriste,
07:55 c'est-à-dire destinés à faire la terreur.
07:58 Dans l'attaque du 7 octobre, il y a des actes terroristes, des actes terroristes.
08:02 - Donc vous ne qualifiez pas le groupe en masse de terroristes ?
08:06 - Non, attendez.
08:07 - C'est ce qu'on vous a reproché.
08:09 - Non, non, oui mais je m'en fous de ce qu'on me reproche, moi ce qui m'importe c'est ce
08:11 que je pense.
08:12 Mais M.
08:13 Alibadou...
08:14 - Il n'y est pas différent, vous le disiez publiquement il y a deux jours à Rochefort.
08:16 - Voilà, d'accord.
08:17 Mais je ne sauterai pas à la corde Alibadou, d'accord ?
08:20 Je suis responsable de mes propos et je dis ce que je veux.
08:24 Par conséquent, je dis qu'il y a des actes destinés à semer la terreur.
08:28 Dans l'attaque du Hamas, il y avait quatre casernes qui étaient visées et une rave partie.
08:33 Alors pardon, ce n'est pas un objectif militaire, une rave partie et personne ne me le fera dire.
08:37 Mais quand on prend le vocabulaire de la guerre contre le terrorisme, quand on parle de terrorisme,
08:44 d'une organisation qui a pour but le terrorisme, alors on passe dans un autre registre de vocabulaire.
08:50 Ce n'est plus la loi et le droit international, c'est la lutte du bien contre le mal, dont
08:54 se réclame M.
08:55 Netanyahou et l'inventeur de tout ça, M.
08:58 Samuel Humtington, penseur nord-américain qui a établi que dorénavant il y avait un
09:03 choc des civilisations dont l'islam serait le protagoniste face aux gentils occidents.
09:08 Voilà ce que le vocabulaire je ne veux pas utiliser.
09:11 Donc je parle de crime de guerre et je dis, et je redis, et je re-redis, tous les crimes
09:17 de guerre doivent être punis.
09:18 C'est la raison pour laquelle, s'il y avait des sanctions...
09:21 - Même dans votre propre camp, Jean-Luc Mélenchon, on a entendu François Ruffin, député français
09:26 soumise, qui vous a répondu dans Le Monde en regrettant, je cite la parole de votre
09:30 groupe, que cette parole ne soit pas à la hauteur de la gravité des événements.
09:35 Ce sont ses mots.
09:36 - Parfait.
09:37 Ses mots lui appartiennent et ce n'est pas mon avis.
09:38 - Donc il a tort ?
09:39 - Ecoutez, arrêtez, la provoque...
09:41 - Non, ce n'est pas votre avis.
09:42 - Oui, c'est ça, il a tort, machin.
09:43 Vous aimez la baston, le buzz.
09:45 C'est vous qui pourrissez la vie politique de ce pays.
09:48 - Non, Jean-Luc Mélenchon...
09:49 - A provoquer sans arrêt, au lieu de discuter tranquillement des idées de ce que l'un,
09:53 de ce que l'autre dit, il faut que ce soit par nécessité violent, contradictoire.
09:57 Je vous parle de moi, M.
09:58 Baddou, et vous allez écouter ce que je dis.
10:01 Et je dis qu'entrer dans la guerre contre le terrorisme, c'est accepter un vocabulaire
10:07 qui n'est pas le nôtre et qui nous éloigne d'une chose qui, elle, est très précise.
10:11 Le crime de guerre et la convocation de la Cour pénale internationale.
10:15 Et puisque vous citez François Ruffin, vous aurez le bon goût de vous rappeler qu'il
10:18 vient de publier une tribune dans laquelle il demande qu'Israël soit amené, le gouvernement
10:24 d'Israël, M.
10:25 Netanyahou, à la Cour pénale internationale et que la Cour pénale internationale puisse
10:29 entrer à Gaza, ce que j'approuve absolument, et que nous défendons au Parlement européen.
10:34 Si nous ne mettons pas de l'ordre, nous avons besoin d'un monde ordonné, pas d'un monde
10:40 multipolaire, d'un monde ordonné autour de la loi et des organisations internationales.
10:46 Si vous ne comprenez pas ça, tous ceux qui m'écoutent, alors vous êtes partis dans
10:50 une logine de guerre sans fin.
10:52 Il nous faut l'ordre international.
10:54 Nous n'avons rien d'autre, hélas, que cet ordre international.
10:57 Et nous autres Français, nous devrions en être particulièrement fiers parce que la
11:01 première société des nations a été à l'initiative d'un Français Aristide Briand,
11:06 et qu'ensuite l'ONU que nous avons, qui est pleine de défauts, mais du moins existe
11:10 t-elle, sinon nous serions abandonnés aux fauteurs de guerre.
11:13 Et là je ne vous parle pas de crime de guerre, mais d'une explosion des actes antisémites,
11:17 qui est une réalité en France depuis le début du conflit au Proche-Orient.
11:20 1500 actes ont été commis, en tout cas recensés, c'est trois fois plus qu'en 2022.
11:25 Qu'est-ce que vous avez à dire, à faire, à proposer face à la montée de cette haine ?
11:29 - D'abord qu'on se comprenne bien, il y a les actes antisémites, il y a les actes anti-arabes,
11:36 anti... qui sont islamophobes, il y en a par centaines !
11:40 Alors ceux-là, vous n'en connaissez pas les chiffres, évidemment, et c'est seulement
11:44 parce que vous n'avez que ces chiffres-là que vous les mentionnez.
11:46 Ce que je veux dire, oui, ben parce que vous n'en parlez pas.
11:49 - Il y a des rapports qui montrent la montée de la discrimination dans tous les domaines, dans tous les secteurs.
11:55 - Oui, bon ben c'est bien bien, on a au moins reconnu qu'il y a des actes contre les musulmans
11:57 et contre les arabes dans ce pays, c'est pas mal, on progresse.
11:59 Mais ce que je veux dire fondamentalement, il faut que vous m'entendiez,
12:03 nous sommes, nous sommes nous, antiracistes.
12:06 Nous sommes engagés dans la lutte anti-sémitisme, contre l'antisémitisme, pourquoi ?
12:11 Parce que c'est nous que ça menace, comprenez-le bien !
12:14 Le venin que l'ennemi va diffuser dans le peuple,
12:17 que nous avons intérêt à unir autour de ces revendications communes, c'est le racisme !
12:22 - L'ennemi c'est qui, pardon ?
12:25 - L'ennemi c'est l'adversaire, le système en place,
12:28 l'ordre, autrefois on disait l'ordre bourgeois, le capitalisme, pourquoi ?
12:33 Ben parce qu'il a en face de lui le très grand nombre !
12:35 Donc nous devons l'unifier, et lui, comment voulez-vous qu'il le divise ?
12:38 Aujourd'hui il peut pas dire aux gens "bossez dur, ça va aller mieux demain"
12:41 parce que c'est pas vrai ! Si vous bossez dur, ça va pas mieux pour vous !
12:45 Par conséquent il ne lui reste qu'une arme, c'est le racisme et l'extrême droite.
12:49 Donc nous sommes les premiers, la première ligne de la lutte contre le racisme, tous les racismes !
12:54 Parce que c'est nous que ça divise, les autres ça les divise pas, ils sont tranquillement chez eux,
12:58 vous inquiétez pas, quand ils sont riches ils se supportent tous les uns les autres.
13:02 Mais c'est parmi les pauvres, c'est parmi les travailleurs que le racisme fait les plus grands dégâts,
13:06 c'est la raison pour laquelle la première lutte de la ligne, alors on m'a dit que j'exagérais,
13:11 mais c'est la vérité pure et simple, parce que ça participe de notre stratégie politique,
13:16 l'unité du peuple et le refus absolu de sa division sur des motifs indépassables.
13:21 Parce que le racisme, qu'est-ce que vous voulez qu'on dise ?
13:23 Quand quelqu'un est convaincu que quelqu'un à cause de sa religion ou de sa couleur de peau est infréquentable,
13:27 qu'est-ce que vous voulez qu'on raconte ?
13:28 On passe derrière, on dit "mais vous êtes fous, réfléchissez !"
13:31 Mais le temps d'extirper ce venin est tellement long, tellement compliqué !
13:36 La France a connu ça, vous savez, d'innombrables fois.
13:38 — Quand Éric Zemmour parle de la France qui contiendrait aujourd'hui deux peuples, qu'est-ce que vous lui répondez ?
13:45 — Que ça prouve une bonne foi qui ne comprend rien à l'identité de la République française.
13:50 La France, bien sûr, est composée...
13:51 — Vous avez plusieurs fois parlé de créolisation, ce qui est l'antipode, justement, de son éstat de chambre.
13:56 — Oui, oui, alors laissez-le en malade, mais il fallait bien que je trouve un mot qui me permette de faire comprendre
14:01 comment l'universalisme était un facteur de rassemblement et non de division.
14:05 Parce que c'est vrai, Ali Baddou que dans le passé, moi je suis un homme engagé depuis longtemps,
14:09 on ne se souciait pas trop des détails.
14:11 Donc on disait "allez hop, bon voilà, l'universalisme, il n'y a que ça de vrai".
14:14 Et il y avait des tas de gens qui souffraient parce que leur différence de couleur de peau ou de religion
14:19 faisait qu'ils étaient exposés à toutes sortes d'avanies, et ils avaient l'impression que des gens comme moi en tenaient pas compte.
14:25 C'est pourquoi je suis entré dans le détail, j'ai réfléchi.
14:28 Alors je dis à Zemmour la première chose.
14:30 Le peuple français, M. Zemmour, n'est pas une ethnie.
14:35 Le peuple français est un peuple rassemblé par un contrat politique
14:38 qui s'appelle "liberté, égalité, fraternité", qui est un contrat laïque.
14:42 Il n'y a donc qu'un seul peuple français, un et indivisible, qui répond de la communauté légale,
14:48 c'est-à-dire des droits que nous partageons.
14:50 La créolisation, ça veut dire une chose que M. Zemmour et quelques autres n'ont pas compris.
14:54 Les peuples se mélangent culturellement, pauvre ami,
14:57 pas seulement parce qu'ils font des enfants ensemble, ça c'est le métissage,
15:01 mais il y a une qualité supérieure, typiquement française, la créolisation,
15:05 c'est-à-dire que les cultures s'interpénètrent et font jaillir du nouveau.
15:11 C'est un français, le poète Édouard Glissant, qui a fait naître ce concept de créolisation,
15:16 et la France est en pleine créolisation, virgule, tant mieux !
15:20 Encore une question sur le conflit israélo-palestinien,
15:22 c'est une région du monde et un conflit que vous connaissez depuis longtemps.
15:26 On a été quand même surpris jeudi de vous entendre comparer Gaza et Guernica,
15:31 comme ce que vous avez dit à Rochefort.
15:33 Est-ce que vous comprenez que ça puisse choquer cette comparaison ?
15:36 En 37, ce sont les avions allemands, les avions nazis, qui bombardent Guernica
15:41 pour appuyer l'armée fasciste de Franco.
15:44 Et comparaison n'est pas raison ?
15:46 Expliquez-nous Jean-Luc Mélenchon, Gaza et Guernica.
15:50 - Chaque fois que je fais un discours quelconque,
15:52 ce qui rend maintenant mes prises de parole compliquées,
15:54 quelqu'un trouve un mot que j'ai dit, ou comme vous l'avez dit tout à l'heure,
15:57 que je n'ai pas dit, ce qui est encore mieux que tout.
15:58 - Non, j'ai regardé la conférence dans son intégralité, c'est vous qui avez fait la comparaison.
16:02 - Je sais que vous avez regardé, bien sûr que j'ai fait cette comparaison, pourquoi ?
16:05 - Alors expliquez-nous.
16:05 - Parce que quand le tableau a été fait par Picasso,
16:08 c'était les premières fois où l'on voyait apparaître le concept de guerre totale.
16:13 Alors il y avait eu le début de la guerre totale pendant la guerre de 1914,
16:16 mais c'était la première fois qu'on voyait comment des puissances alliées,
16:20 alors il faut d'abord, avant toute chose, penser aux êtres humains, vous voyez ?
16:23 Bon, je sais que c'est un détail, mais les gens se font la guerre sur le dos des autres.
16:27 Et Guernica est frappé, pourquoi ? Parce qu'on avait massacré tout le monde.
16:32 Alors là, il y avait des paquets de gens, y compris des fachos qui étaient sous les bombes.
16:35 Donc le sujet n'était pas purement politique,
16:39 il était sur qu'est-ce que le concept de guerre totale.
16:41 Voyez-vous à Gaza, si vous ne le savez pas, je vous l'apprends,
16:46 il est mort plus de monde en 42 jours qu'il n'en est mort en 4 ans de siège à Sarajevo.
16:54 D'accord ? C'est un massacre de masse.
16:56 Prenez le problème par le bouc, vous voulez, on dirait que ça choque,
16:59 mais bien sûr que ça choque un massacre de masse.
17:02 Toutes les personnes, quelle que soit leur religion,
17:05 quelle que soit leur appartenance politique,
17:07 j'ai des amis qui partagent beaucoup d'affection,
17:11 comme d'autres partagent beaucoup d'affection pour les Palestiniens,
17:14 pour les Israéliens, ce que je comprends, mais qui sont eux-mêmes choqués.
17:17 Ne croyez pas qu'une identité nationale ou une religion
17:21 veille solidarité avec les massacres.
17:23 De même quand il y a de la violence islamiste,
17:26 eh bien les premières victimes qui c'est les musulmans eux-mêmes,
17:29 aujourd'hui à l'échelle du monde.
17:30 De même là, nous devons protester toujours au nom de l'humanité.
17:34 Il faut se rappeler que nous sommes le peuple humain,
17:36 peu importe notre religion ou notre couleur de peau,
17:39 une bombe qui tue des gosses tue nos gosses,
17:42 quels qu'ils soient, et que le gosse qui est mort soit israélien ou qui soit palestinien,
17:47 cela est insupportable.
17:48 Chaque vie en vaut une autre.
17:49 S'il n'y a pas des gens comme nous pour le faire,
17:51 et vous voyez quelle pression nous subissons,
17:53 c'est que nous sommes obligés continuellement de nous justifier.
17:56 Mais c'est ceux qui massacrent et qui ne disent rien
17:59 qui devraient se justifier.
18:00 – Et le peuple humain qui se retrouve en ce moment à Dubaï pour la COP 28,
18:05 puisque notre avenir est en jeu.
18:07 – Ah ça c'est clair, on va le barrer.
18:09 – Et alors voilà, justement, qu'est-ce que vous en attendez de cette COP ?
18:11 Ce matin, la France a réussi à réduire une vingtaine de pays
18:14 pour les amener à multiplier les installations nucléaires,
18:17 pour tripler l'énergie nucléaire d'ici 2050.
18:19 – Voilà, alors s'il y a une stupidité, c'est bien celle-là.
18:21 Car on se rassemble pour lutter contre le dérèglement climatique,
18:25 naturellement, commençons par dire "on espère toujours beaucoup".
18:29 Quand a été terminée la COP 21 de Paris, on espérait tous beaucoup,
18:33 et d'ailleurs on s'était donné le mot entre nous,
18:35 pour se féliciter, se réjouir, applaudir et acclamer.
18:38 La plupart d'entre nous connaissaient le côté bidon de la conclusion,
18:42 puisque la première conclusion était "il ne faut pas augmenter la température
18:46 de plus de 2°C", et que les îles sont venues en disant "non, on a bien signé,
18:50 mais à 2°C on est noyés, donc marquez un et demi".
18:52 – Et il y a un fond de compensation.
18:54 – Oui, oui, un fond de compensation, pour nager, c'est ça, pour créer des bouées.
18:57 Non mais attendez, je plaisante à peine, il y a un endroit en Inde
19:00 où comme ils sont inondés régulièrement,
19:02 la seule parade qu'ils ont trouvé, c'est d'apprendre à nager à tout le monde.
19:05 Mais là, pardon je termine juste cette histoire,
19:07 on savait que les engagements des États, à ce moment-là,
19:10 la COP 21, aboutissait à une augmentation de la température de 3°C et demi.
19:15 Par conséquent, nous sommes entrés dans le changement climatique,
19:18 il est irréversible.
19:19 La France a pris une position ridicule, et l'a fait partager par 19 autres pays.
19:24 Parce que figurez-vous…
19:25 – Le triplement de la capacité nucléaire d'ici 2050, nucléaire civile.
19:30 – Attendez, laissez-moi au moins dire pourquoi c'est absurde.
19:33 – Bien sûr, et il y a de grosses questions des auditeurs également.
19:35 – Oui, oui, attendez, il faut penser à la tête d'œuf qui a trouvé ça.
19:38 Figurez-vous que dans le changement climatique,
19:40 il se passe une chose tout à fait bizarre, c'est le réchauffement.
19:44 Et voyez-vous, quand ça se réchauffe, ça réchauffe l'eau.
19:48 L'eau des fleuves, qui est moins dense,
19:51 et l'eau est plus chaude, et par conséquent, ne peut pas refroidir le nucléaire.
19:55 Alors, outre les dangers spécifiques du nucléaire, l'idée est ridicule.
19:59 Voilà, je redis, ridicule, et bien digne de quelqu'un qui se préoccupe surtout
20:04 de l'avenir de l'industrie nucléaire,
20:06 davantage que de la sauvegarde de l'humanité, et surtout…
20:09 – Vous parlez d'Emmanuel Macron là.
20:10 – Mais évidemment ! C'est un acquis illuminé au nucléaire.
20:13 Au lieu de développer, comme on devrait le faire en ce moment même,
20:17 les méthodes que l'on a par exemple dans la rate de Brest,
20:19 ou bien dans le fleuve Gironde à Bordeaux,
20:22 qui est de mettre en place des machines qui utilisent le mouvement mécanique de l'eau,
20:26 gratos, et non polluant, il s'en va chercher le nucléaire,
20:30 qui coûte des milliards, est dangereux, et nécessite une désinstallation,
20:34 et tout un ensemble sécuritaire qui pose problème.
20:37 Vous verrez, rappelez-vous bien de ce que je vous dis les gens,
20:40 un seul coup, et c'est fini pour nous les français.
20:43 Un seul incident, et c'est fini.
20:45 Pourquoi on a besoin du personnel nucléaire pour démonter tout ça ?
20:48 – Alors, d'un mot, il y a aussi des nombreuses questions d'auditeurs,
20:52 on va y venir parce qu'elles sont essentiellement politiques ce matin,
20:55 mais il y a un sujet qui est important,
20:58 c'est celui que met en avant le réalisateur Lajli,
21:00 dans un film "Bâtiment 5" qui sort en salle aujourd'hui,
21:03 c'est la question du logement.
21:04 Vous dites que la ville est une nouvelle conflictualité
21:07 qu'elle crée de l'exclusion, et même une ségrégation.
21:10 Pourquoi est-ce que cette question de la violence
21:11 est indissociable de celle du logement selon vous ?
21:15 – Bon, alors d'abord, parce que le logement c'est l'angoisse numéro un
21:19 des gens qui n'arrivent plus à boucler la fin de mois.
21:21 Ils n'ont qu'une peur, c'est qu'on les fiche dehors de leur logement.
21:24 Et comprenez pourquoi, je pense qu'il n'y a pas besoin de faire de démonstration,
21:28 c'est l'angoisse absolue parmi les 4 ou 5 fonctions essentielles de la vie humaine,
21:32 il y a de pouvoir disposer d'un endroit à soi,
21:36 pour pouvoir y être en sécurité, dormir, se nourrir et vivre en famille.
21:40 Par conséquent, oui, c'est une question centrale.
21:43 En ce qui concerne ma description de la ville,
21:45 j'insiste pour vous dire une chose,
21:47 la ville est un fait sociologique absolument nouveau.
21:52 Comme on a le nez collé dessus, on ne s'en rend pas compte.
21:54 Mais c'est seulement depuis 2008 qu'il y a plus de monde qui vit en ville qu'à la campagne.
21:59 C'est un bouleversement par rapport à des millénaires.
22:01 Si bien que maintenant, nous avons une humanité essentiellement concentrée en ville,
22:06 et qui forme peuple parce qu'elle dépend entièrement des réseaux collectifs.
22:10 Vous ne pouvez pas vivre sans électricité, sans eau, sans gaz, etc.
22:14 qui tous dépendent des réseaux.
22:15 Et c'est ce qui m'a amené à conclure à l'existence d'un acteur nouveau,
22:19 le peuple, ces gens qui dépendent de ces réseaux.
22:21 Et j'étudie ça dans mon livre, parce que c'est un fait totalement nouveau.
22:25 Vous appelez ça le peuplisme, et je recommande à ceux qui s'y intéressent de lire votre livre.
22:29 Il y avait très nombreuses questions d'auditeurs, Jean-Luc Mélenchon.
22:32 Et il porte essentiellement sur la France insoumise, la nupesse.
22:36 Certains vous reprochent l'outrance, le bruit et la fureur.
22:39 Pourquoi cette méthode d'expression ? C'est le cas de Claire, de Christophe.
22:43 Et vous étiez donc jeudi à Rochefort, et vous avez prononcé devant un large public
22:48 l'avis de décès de la nupe. C'est ça qu'on a entendu dans vos paroles.
22:51 Il n'y a plus de nupesse, en fait.
22:54 Ce qu'on a construit est déjà détruit, c'est ce que vous avez dit.
22:56 Vous assumez ces paroles ?
22:57 - C'est-à-dire que j'assume en général mes paroles, si vous le voulez bien.
23:01 - Mais vous avez planté le dernier clou dans le cercle de la nupesse.
23:03 - Non, pas du tout. J'ai lu les journaux et j'ai écouté vos chroniques.
23:06 Vous ne cessez de dire depuis le premier jour que la nupesse ne vivra pas,
23:10 qu'elle va mourir, qu'elle est morte, et ainsi de suite.
23:11 - C'est pas nous qui disons ça.
23:12 - Non, bien sûr, vous, vous n'êtes pour rien dans la diffusion d'informations.
23:14 - "Il n'y a plus de nupesse", ce sont vos mots, Jean-Luc Mélenchon.
23:17 - Bien, mais d'abord, je commençais par dire que c'est parce que j'ai accordé
23:20 de l'intérêt à ce que vous disiez. C'est quand même gentil de ma part, non ?
23:23 Puisque les journalistes disent qu'il n'y a plus de nupesse,
23:25 j'ai dit "il n'y a plus de nupesse", mais pour maintenant cesser avec la plaisanterie
23:28 et regarder les choses bien en face, il n'y a plus de nupesse, c'est un constat,
23:33 mais ça n'est pas mon fait. C'est le Parti communiste qui a voté.
23:38 Vous entendez, les gens ? C'est pas moi qui ai décidé ça.
23:40 Le Parti communiste qui avait déjà maintenu sa candidature à l'élection présidentielle
23:44 et nous a fait rater le deuxième tour a voté qu'il n'y avait plus de nupesse.
23:49 Les socialistes ont voté qu'ils faisaient un moratoire dont ils ne donnent ni la raison,
23:54 ni les délais, mais ils ont retiré le mot "nupesse" de l'appellation de leur groupe.
23:59 Quant au vert, ils ont décidé qu'ils interrompaient tout travail commun.
24:02 Écoutez-moi bien, je ne sais toujours pas pourquoi.
24:06 Alors il y a les phrases "le bruit et la fureur", vous avez juste 10 ans de retard.
24:11 J'ai prononcé ces mots qui sont des verts de Shakespeare
24:14 et le titre du plus grand roman du XXe siècle, de Faulkner, qui est "Le bruit et la fureur".
24:19 Quelle malheur j'ai pris ce jour-là de prononcer un mot en espérant que les intellectuels
24:24 que sont les journalistes le repéraient.
24:26 C'était il y a, écoutez-moi, c'était il y a 12 ans.
24:30 Et bien depuis 12 ans, vous me resserrez deux mots tirés de Shakespeare.
24:35 Et bien je suis très fier, parce que, au moins, moi j'ai lu Shakespeare.
24:37 Revenons à 2023, la nuppesse est donc enterrée.
24:42 Mais comment se porte votre mouvement ?
24:44 Vous dites qu'il n'y a plus de nuppesse.
24:46 Oui, ben voilà, vous faites la conclusion.
24:48 La suite, vous voulez aussi me dire ce que je vais faire ?
24:49 Non, j'aimerais juste comprendre.
24:51 Alors écoutez, si vous aimez comprendre, taisez-vous et écoutez-moi.
24:54 Voilà, l'accord nuppesse a été rompu et abrogé par trois des quatre parties,
25:01 dont un qui a voté.
25:02 Maintenant, nous, qu'allons-nous faire ?
25:04 Nous, la nuppesse est une forme tactique d'une stratégie.
25:07 La stratégie, c'est l'union populaire.
25:09 C'est elle qui, par exemple, nous conduit à lutter contre tous les racismes.
25:13 Nous continuerons l'union populaire.
25:15 Et nous le continuerons sur quelle base ?
25:17 La base du programme que tous ces gens ont signé avant de le dénoncer,
25:21 après avoir pris leur place aux élections législatives.
25:24 Et donc, nous ferons toujours la même méthode, inouïe,
25:27 unique dans toute l'histoire de la gauche et toute l'histoire de France,
25:30 les candidatures communes au premier tour.
25:32 Donc, nous disons à tout le monde, qui que vous soyez, où que vous soyez,
25:37 l'union populaire continue et nous ferons une liste de l'union populaire
25:41 aux élections européennes avec des gens venus d'un peu tous les horizons,
25:45 qui veulent continuer l'union sur la base du programme partagé.
25:48 Rien n'est plus clair que ce que je viens de dire.
25:50 Rien n'est plus clair, mais on aurait eu encore beaucoup de questions à vous poser.
25:53 Merci Jean-Luc Mélenchon d'avoir été l'invité de France Inter.
25:57 Faites mieux !
25:58 Merci à vous deux pour votre patience matinale.