Jean-Yves Batard

  • l’année dernière
Le Crédit Agricole de Normandie a réduit de 30 % le montant global des prêts immobiliers accordés à ses clients. Conséquence des difficultés à obtenir des crédits en cette période d’envolée des taux d’intérêts. Les propriétaires doivent faire des concessions s’ils veulent vendre leur bien.

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00:00 Il est 8h15, bienvenue sur France Bleu et France 3 Normandie.
00:04 Notre invité ce matin, celui du 6/9 Didier Charpin, est Jean-Yves Battard, directeur
00:09 des crédits au Crédit Récol de Normandie.
00:11 Bonjour Jean-Yves Battard.
00:12 Bonjour Monsieur Charpin.
00:13 En fait, concrèt avec nos auditeurs, c'est vraiment très très compliqué d'obtenir
00:18 des crédits immobiliers en ce moment, y compris chez Wouf.
00:21 Je ne sais pas, c'est pour les autres, mais en ce qui nous concerne, en tout cas, on a
00:25 toujours la vocation à accompagner les porteurs de projets.
00:28 C'est le moment où on croit à leurs projets.
00:30 Mais est-ce qu'il y a plus de refus en ce moment ?
00:32 On a un contexte qui n'est pas celui qu'on a connu pendant de nombreuses années, puisque
00:38 les taux d'intérêt ne sont pas du tout les mêmes que ceux qu'on a pu connaître
00:42 il y a deux ans.
00:43 Multiplié par quatre, c'est ça ?
00:45 Multiplié par quatre, conditions de marché qui sont différentes.
00:49 Et donc forcément, quand vous regardez l'analyse complète d'un dossier, vous pouvez avoir
00:54 un écart entre une situation qui aurait pu être la même il y a deux ans et la situation
00:57 qui est aujourd'hui celle que l'on connaît.
00:59 A part ça, on a quand même, encore une fois, je le dis, la volonté d'accompagner les porteurs
01:05 de projets à partir du moment où ils sont sur notre territoire, dans une logique d'accompagnement,
01:10 notamment dans une logique d'accompagnement sur leur résidence principale.
01:13 Et le groupe Cana l'École a des offres qui permettent effectivement de pallier cette
01:17 augmentation de taux, puisqu'on a notamment sorti en fin d'année une offre visant à
01:22 doubler le PTZ pour nos clients en prêtant.
01:26 Le prêt à taux zéro, pardon.
01:27 Il y a une autre formule un peu barbare, mais un peu cauchemar, ça s'appelle le taux d'usure.
01:31 La Banque de France n'a pas réagi assez vite et vous a mis en difficulté.
01:34 Alors, le principe du taux d'usure, effectivement, est un taux auquel les banques n'ont pas le
01:39 droit, sous peine d'engager une responsabilité pénale de prêter.
01:42 Donc, il est égal au taux moyen des banques d'une période précédente, augmenté de 30%.
01:49 Donc, quand on a connu un contexte particulièrement haussier de taux, extrêmement virulent avec
01:54 des hausses très rapides, le taux d'usure a limité la capacité de répercussion sur
01:59 l'emprunt et ce faisant, a un peu refroidi certains établissements dans l'accompagnement
02:05 des projets, puisqu'ils se faisaient à marge négative.
02:08 Mais très concrètement pour vous, dans quelle proportion vous avez accordé moins de prêts
02:12 cette année en volume, par exemple ?
02:15 Alors, sur les volumes, bien évidemment, le contexte n'est pas le même.
02:19 Ce que l'on constate, c'est que l'offre de biens, l'offre de ventes a fortement diminué.
02:26 Donc, on est sur un marché qui a chuté sur l'année 2023.
02:29 On est sur certains secteurs à moins de 50% de ventes.
02:32 En ce qui nous concerne, par exemple, au niveau du Crédit Agricole en Normandie, on a un
02:36 tiers de moins de réalisation de crédit en 2023 qu'en 2022.
02:40 Il y a donc ces taux qui sont élevés.
02:42 Est-ce que ceux qui veulent vendre sont encore trop gourmands, trop exigeants en termes de
02:47 prix par rapport à cette réalité financière ?
02:49 Je ne sais pas.
02:51 Chaque bien est unique.
02:52 Moi, je considère que le marché immobilier, c'est une affaire de taux, c'est une affaire
02:57 aussi de prix des actifs.
02:58 Et on l'a constaté à chaque fois, il y a toujours un ajustement, soit à la hausse
03:03 soit à la baisse, quand il y a une variation de taux.
03:05 Aujourd'hui, on constate que le marché s'est fort peu ajusté.
03:09 Donc, il y a encore peut-être un peu d'attentisme chez les vendeurs qui espèrent toujours un
03:15 taux ou qui espèrent toujours un prix, par exemple, peut-être un peu plus en déconnexion
03:20 avec la capacité des acheteurs.
03:23 Donc, je pense sincèrement qu'il y aura un ajustement.
03:26 Un ajustement à la baisse, si il faut baisser, vous le dites de façon très publique, mais
03:30 très clairement, si on veut vendre, il faut faire des concessions actuellement ?
03:35 Il n'y a pas plusieurs leviers.
03:37 La durée des crédits, on ne peut plus l'augmenter.
03:39 Les taux sont ce qu'ils sont.
03:41 Donc, il ne reste plus que la variation du prix des actifs.
03:43 Hier, le Haut Conseil de Stabilité Financière n'a pas assoupli la règle sur le taux d'endettement
03:49 au 35% maximum par rapport aux revenus.
03:53 Ça aussi, c'est un levier sur lequel il faudrait agir et la réponse peut être plus
03:58 politique ?
03:59 Écoutez, on a toujours considéré que les 35% pour nous manquaient de discernement,
04:07 que c'est un taux qui s'applique quel que soit votre niveau intrinsèque de revenu.
04:12 Et que vous ayez un revenu autour de 3 000 euros, que vous ayez un revenu autour de 30
04:16 000 euros, les 35% s'appliquent à tout le monde.
04:18 On a, nous, en ce qui concerne le créneau à école, toujours plaidé plutôt pour une
04:24 notion de reste à vivre qui serait vraiment dépendante du niveau intrinsèque de revenu,
04:30 plutôt qu'un taux appliqué quand même de façon très brutale, sans aucun discernement.
04:34 Il manque de discernement actuellement du côté de Bruno Le Maire, par exemple, qui
04:37 était hier à cette réunion ?
04:38 Alors, en l'occurrence, ce n'est pas lui qui est à l'origine de cette règle, donc
04:43 je dirais que c'est lui qui manque de discernement.
04:45 Je pense même que les assouplissements dont on a pu avoir écho hier par ailleurs, mais
04:52 il y en a d'autres depuis quelques mois ou quelques années, sont plutôt à l'initiative
04:56 de Bruno Le Maire.
04:57 Donc je ne le reprocherai pas de manquer de discernement.
04:59 Comment ça se passe dans les agences ? Beaucoup de gens se voient refuser le crédit davantage
05:03 qu'avant, est-ce qu'il y a des relations tendues, des crispations ? Est-ce que vous
05:06 êtes accusé d'être trop frileux ?
05:08 Trop frileux ? Le Crédit Arricole, en général, est quand même une banque qui se veut universelle.
05:13 On est le Crédit Arricole, celui qui finance le plus de prêts à tout zéro.
05:18 On a 50% de parts de marché sur nos prêts à tout zéro, donc qui concernent des foyers
05:25 avec des revenus plutôt mesurés.
05:28 Mais tous les clients repartent satisfaits, on se doute que vous avez pris quelques mesures,
05:31 est-ce qu'il y a une crispation ? Et en bout de ligne, c'est aussi l'image des banques.
05:35 Oui, mais on se veut accompagner quand même tous les clients à partir du moment où on
05:38 croit à leur projet.
05:39 Et comme on a cette dimension universelle, à partir du moment où un projet n'est pas
05:44 faisable, on a tous les arguments pour l'expliquer à nos clients.
05:47 Et je veux croire en tout cas qu'ils reçoivent l'explication, puisque aujourd'hui je n'ai
05:51 aucune remontée d'insatisfaction ou d'incivilité suite à des refus de prêts.
05:55 À partir du moment où vous êtes quand même une des banques les plus universelles de la
06:00 place, à partir du moment où on juge opportun de ne pas accompagner un projet, on arrive
06:06 à trouver les arguments pour l'expliquer aux porteurs de projet.
06:09 En tout cas, il faut faire preuve de pédagogie dans la période actuelle.
06:12 Plus que jamais.
06:13 Merci Jean-Yves Battard, directeur des Crédits, Compagnie agricole de Normandie, invité
06:17 France 3.
06:18 Bonne journée.
06:19 Merci.
06:20 Merci.

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