JUSTICE - Le ministre Éric Dupond-Moretti est l'invité de RTL Midi

  • l’année dernière
Pas de pourvoi en cassation après sa relaxe dans le procès pour prise illégale d'intérêts, attaque terroriste près de la Tour Eiffel, drame de Crépol, ultra droite... Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti répond aux questions de Agnès Bonfillon et Éric Brunet.
Regardez L'invité de RTL Midi du 05 décembre 2023 avec Agnès Bonfillon et Eric Brunet.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL midi. Agnès Bonfillon, Éric Brunet.
00:07 Il est 12h09, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti vient d'entrer dans le studio. Bonjour monsieur le ministre.
00:14 Bonjour. Bonjour. Et merci d'avoir choisi RTL. Nous avons beaucoup de questions d'actualité à vous poser.
00:19 Mais avant cela, le procureur général de la Cour de cassation Rémi Heitz a annoncé hier qu'il ne formerait pas
00:26 de pourvoi après le jugement de la Cour de justice de la République. Vous êtes donc définitivement
00:31 relaxé. Est-ce que c'est un soulagement ? Vous redoutiez un pourvoi ? Dans votre tête vous vous étiez préparé à tous les scénarios ?
00:37 Je suis innocenté. Voilà tout ce que j'ai à dire. Je ne ferai pas d'autres commentaires que celui-là.
00:45 On n'a pas toujours été très respectueux de ma présomption d'innocence.
00:49 Et j'espère qu'on le sera davantage de l'autorité de la chose jugée.
00:53 Vous allez garder des cicatrices quand même de cet événement judiciaire qui n'est pas anodin dans votre vie. Je vous ai répondu.
01:00 Venons-en à l'actualité monsieur le ministre. Cette attaque terroriste forcément samedi soir tout près de la tour Eiffel.
01:06 Aujourd'hui la justice a-t-elle les moyens nécessaires pour empêcher un passage à l'acte comme celui-ci ?
01:13 Empêcher...
01:18 J'ai envie de vous dire la preuve que non puisque malheureusement notre pays est une nouvelle fois en deuil. Vous savez j'étais hier à Bruxelles
01:25 avec tous mes homologues européens. Tous les pays européens ont malheureusement connu le terrorisme.
01:32 Ce qu'il faut c'est que nous ne renoncions jamais et que nous mettions en place
01:41 tout ce qui est susceptible de faire
01:48 éradiquer ce terrorisme.
01:50 Et dans cette période qui est une période de deuil, de peur
01:55 et la peur évidemment
01:58 contamine nos esprits à tous.
02:00 Moi je voudrais rappeler si vous le permettez ce que nous avons fait depuis quelques années parce qu'on n'est pas resté inerte.
02:07 Sur la question du terrorisme ? Oui bien sûr depuis qu'Emmanuel Macron a été élu
02:15 on a créé le parquet national antiterroriste
02:18 dont on souligne l'efficacité.
02:21 On a renforcé
02:24 le renseignement pénitentiaire.
02:27 On a considérablement renforcé les effectifs de police, les effectifs d'enquêteurs,
02:33 de magistrats, on a créé des quartiers d'évaluation de la radicalisation,
02:38 des quartiers de prise en charge de la radicalisation.
02:42 On a pris un certain nombre de mesures législatives. Je veux dire quelque chose on n'arrête jamais parce que ça nous oblige
02:48 bien sûr.
02:50 Et ça ne suffit pas. La preuve. Mais madame je pense que nul ne peut dire sérieusement
02:58 que
03:01 il n'y a pas un risque terroriste.
03:03 Il est, nous le savons, majeur dans notre pays et quand je converse avec
03:08 mes différents homologues ils font le constat et au fond vendre l'idée
03:12 que l'on pourrait totalement éradiquer le terrorisme qui parfois surgit de nulle part. Il faut aussi le dire.
03:20 Ce serait faire des promesses que personne ne peut en réalité tenir. Mais voyez-vous après cette
03:27 cet épisode absolument dramatique où un jeune ressortissant
03:32 allemand a été tué dans des conditions ignobles, on s'est mis immédiatement au travail.
03:37 Chaque affaire est une affaire particulière et il faut en tirer quelque chose.
03:41 L'évaluation du risque notamment.
03:45 Est-ce que la justice arrive bien ? A-t-elle encore là aussi les moyens de bien évaluer le risque ? Hier le ministre de l'intérieur
03:52 Gérald Darmanin déclarait qu'en 2020 les policiers
03:55 voulaient effectuer une visite au domicile de l'assaillant et là le juge des libertés leur avait dit "ben non".
04:01 Alors est-ce que c'est une stricte application de la loi et le magistrat est dans son bon droit ou est-ce une erreur d'appréciation ?
04:07 Alors ce n'est pas au garde des Sceaux de dire s'il s'agit d'une erreur d'appréciation.
04:12 Il ne peut pas le faire, il ne peut pas commenter une décision de justice mais il faut rappeler que à cette époque
04:18 l'individu en question faisait l'objet d'une surveillance. Il était dans le cadre d'un sursis
04:23 mis à l'épreuve qui lui avait été imposé. Donc il était surveillé
04:26 judiciairement.
04:31 L'ancien avocat, le ministre que vous êtes, l'homme, ne s'interroge pas sur des phénomènes sociétaux qui finalement nous dépassent un peu.
04:39 Je pense notamment à cette guerre au Proche-Orient qui pourrait induire des comportements de nature
04:45 terroriste sur notre sol national, ici chez nous, dans notre douce et chère République.
04:50 Finalement on peut déployer beaucoup de choses sur le plan de la justice, sur le plan de
04:54 la police mais au fond on est un peu dépassé par des vagues qui sont
05:00 j'ai envie de dire transnationales.
05:02 Ce n'est pas désespérant ça quand on mène l'action publique et qu'on se rend compte qu'il y a des événements comme ça exogènes extérieurs à notre
05:09 pays qui viennent
05:11 face auxquels on se sent quand même un tout petit peu impuissant.
05:14 Non mais vous avez raison en ce sens que nous ne vivons pas sur une île et que naturellement
05:20 ce qui se passe
05:23 en Israël, ce qui s'est passé en Israël, ce qui se passe à Gaza peut avoir
05:28 sur un certain nombre d'esprits faibles une certaine influence.
05:31 Mais pour autant, pour autant moi je ne veux pas me résoudre au fatalisme. Vous savez je suis arrivé en juillet 2020
05:39 immédiatement j'ai porté un texte qui avait été préparé par
05:43 Yael Brombivet qui à l'époque était président de la commission des lois de l'assemblée nationale.
05:47 Ce texte a été pour partie
05:50 censuré par le conseil constitutionnel parce que monsieur Brunet,
05:55 vous le rappelez souvent, nous vivons dans un état de droit. Qu'est ce qu'on a fait ? On ne s'est pas résigné. On a immédiatement
06:01 immédiatement repris le travail pour présenter un autre texte, la loi Silt du 30 juillet 2021 et on a
06:11 respectueux de la décision du conseil constitutionnel
06:15 évolué pour permettre un suivi judiciaire plus long de ceux qui ont purgé leur peine, les terroristes en question
06:23 ou les assimiler pour ne pas qu'ils soient laissés dans la nature. Et donc il y a des mesures de suivi
06:30 administratif et des mesures de suivi judiciaire. Nous les avons mis en place.
06:35 - Monsieur le ministre Gérald Darmanin parle de ratage, de raté psychiatrique. Est-ce que vous employez le même mot, le même terme ?
06:44 - Écoutez ce que l'on sait c'est qu'il y avait une injonction
06:49 thérapeutique. Ce que l'on sait c'est que l'intéressé a cessé de prendre ses médicaments.
06:54 Et ce que je veux vous dire c'est que lorsque l'on a fait ce constat, parce que d'abord il faut débriefer pour connaître les différents éléments,
07:02 eh bien nous mettons en place une réflexion et elle sera rapide
07:06 mais elle sera conforme à nos règles pour qu'il y ait un suivi administratif
07:11 pour que l'on puisse suivre ceux qui ont une injonction
07:16 thérapeutique. Et non seulement il faut permettre à l'administration de prendre ses mesures
07:21 mais il faut ensuite veiller à leur exécution parce que quelqu'un qui est dehors
07:25 c'est pas simple de s'assurer qu'il prend ses médicaments évidemment.
07:29 - Je vais évoquer
07:31 Crépol avec vous.
07:32 Les journalistes du Parisien ont publié un travail, une enquête ce matin. Ils ont pris connaissance
07:37 du détail de l'enquête de gendarmerie ou d'une partie de l'enquête de gendarmerie qui a été effectuée à Crépol et à Romand-sur-Isère.
07:44 Et selon le Parisien, neuf témoins sur les 104 qui ont été
07:48 auditionnés disent clairement avoir entendu des propos hostiles aux blancs. C'est la polémique qu'on a vu fleurir ces derniers jours.
07:55 Et bien évidemment il y a beaucoup d'émoi dans la société française parce qu'on n'a pas retenu semble-t-il ce motif raciste.
08:03 Qu'est-ce que vous pourriez dire là-dessus ?
08:06 - Il faut que la justice fasse son travail.
08:09 Que le temps médiatique... Alors je sais que c'est difficile parce que
08:14 évidemment on a la trouille.
08:16 Parce qu'il y a un sentiment délétère qui se répand bien sûr.
08:20 Mais le temps médiatique, ça n'est pas le temps
08:24 politique et ça n'est pas le temps judiciaire.
08:27 Il faut entendre les témoins.
08:30 Voilà, vous l'évoquez. Ça prend du temps, ils sont plus d'une centaine.
08:33 - Avec ces déclarations monsieur le ministre que nos confrères du Parisien ont pu se
08:40 procurer, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire que effectivement, contrairement à ce qu'il était affirmé dans les premiers jours, il ne s'agissait absolument pas d'une expédition
08:48 punitive ?
08:50 - Madame, c'est à la justice de le dire et je veux insister là-dessus. En toute indépendance,
08:56 les auditeurs qui nous écoutent doivent savoir que l'époque où le garde des Sceaux décroche son téléphone pour dire
09:02 "faites ci, faites ça" est révolu et c'est très bien comme ça.
09:06 Et si nous revenions à cette époque, c'est de dire que si l'exécutif, au fond,
09:11 dirigeait la justice, ce qui se fait dans certains pays, en Russie c'est comme ça que ça se passe,
09:16 il n'y a plus de juge libre, mais il n'y a plus de journaliste libre non plus.
09:19 Alors on n'est plus dans une démocratie, on a basculé dans le totalitarisme.
09:22 Laissons la justice faire son travail. Moi, à la place qui est la mienne,
09:26 je veux évidemment modifier la législation quand il nous manque des choses, conformément à nos règles et à la constitution.
09:34 Je veux donner à la justice davantage de moyens, je veux ouvrir des places de prison supplémentaires,
09:39 ça c'est mon boulot.
09:42 - Mais ça veut dire qu'il y a eu un emballement alors tout autour de cette affaire, que c'est un petit peu
09:45 l'emballement placé sous le coup de l'émotion, on l'a bien vu.
09:48 - Et d'ailleurs nous en sommes les témoins dans les auditeurs en la parole ici sur RTL,
09:53 beaucoup de français et de françaises se posent la question. Oui, mais la justice dans cette affaire
09:59 dissimule les véritables prénoms des auteurs de ces troubles, de ces agressions.
10:04 - Oui, j'ai même entendu que c'était le ministre qui avait demandé au procureur de dissimuler les noms.
10:09 Ben ça n'est pas vrai.
10:11 Les prénoms en l'occurrence d'ailleurs. Mais ça n'est pas vrai. Et puis je vais vous dire, il y a toujours une phase ensuite
10:17 où la justice, quand elle a fini son travail,
10:19 donne à voir ce qu'elle a fait.
10:21 Et c'est à ce moment là, naturellement, que les uns et les autres, on peut regarder ce qui s'est passé.
10:25 Mais il ne faut surtout pas aller trop vite.
10:28 - En attendant, il y a les rassemblements que l'on a vus de l'ultra droite.
10:32 - Vous savez madame, je crois que la peur dont je parle,
10:37 bien sûr légitime, génère des "y'a qu'à, faut qu'on, faudrait, y'avait qu'à".
10:43 Et le "y'a qu'à, faut qu'on, faudrait, y'avait qu'à", dans une démocratie, ça ne marche pas.
10:49 Il faut qu'on soit très attentif. On est le pays des lumières, il ne faut pas qu'on devienne le pays des ténèbres.
10:54 Que l'on aille trop vite, il faut beaucoup travailler, et je pense que nous le faisons.
10:59 Gérald Darmanin et moi,
11:01 bien sûr qu'on aimerait que ce monde soit parfait, qu'on est contre la guerre, le cancer et bien sûr le terrorisme.
11:08 Et qu'on fait tout ce que l'on peut, et qu'on met toute notre énergie et toute notre fermeté pour éradiquer
11:14 ce phénomène absolument insupportable.
11:17 En même temps,
11:20 je le dis, il faut qu'on respecte les règles qui sont les nôtres. On parle souvent, voyez-vous, de chocs civilisationnels.
11:26 On entend par là un certain nombre de choses, moi, qui me chagrinent, mais il ne faut pas qu'on passe de la démocratie
11:33 vers quelque chose qui serait l'inconnu et qui serait illusoire.
11:38 Est-ce que, selon vous, une dernière question, monsieur le ministre, il y a deux France face à face ? Est-ce que déclarait la mère de Romain Surizer, il y a quelques jours ?
11:46 Non, bien sûr que non.
11:50 Il faut que ce qui nous unit soit plus fort que ce qui nous sépare, voyez-vous.
11:55 C'est la raison pour laquelle, moi, de temps en temps, je pousse un coup de gueule. Vous savez de quoi je parle, monsieur Brunet, vous êtes
12:02 capable du fait, également, pour dire "faisons très attention".
12:06 Nous avons besoin de concorde, nous avons besoin d'unité.
12:11 Certains plantent autour des événements comme des vautours,
12:17 plongent sur ces événements pour dire "il faudrait, il n'y a qu'à", j'ai entendu un certain nombre de choses extraordinaires.
12:23 J'ai entendu qu'il fallait mettre en place une perpétuité réelle.
12:27 Elle existe.
12:30 J'ai entendu qu'il fallait mettre en place une rétention
12:33 de sûreté contre les terroristes. Elle existe.
12:35 C'est l'extrême droite, ce sont les propositions de l'extrême droite.
12:37 Elle existe depuis 2010 et récemment, voyez-vous...
12:40 - Alors c'est le gros sujet des peines prononcées et des peines appliquées. Alors ça, c'est vraiment un reproche que l'on entend très souvent
12:48 dans notre émission qui est adressée à la justice.
12:51 - J'ai le temps d'expliquer ça ou pas du tout ?
12:54 - Allez-y.
12:55 - Quelqu'un est condamné à une peine ferme et mandat de dépôt, on exécute tout de suite, d'accord ? Dans la seconde.
13:02 Quelqu'un est condamné à une peine aménageable.
13:04 Et d'ailleurs, de ce point de vue, nous avons été beaucoup plus sévères que ce qui existait autrefois, puisque
13:10 aujourd'hui, on peut aménager en dessous d'un an. C'était autrefois deux ans.
13:15 Vous étiez condamné à deux ans, vous pouviez ne pas aller en détention. Bon. Mais pour aménager, il faut réunir le SPIP,
13:21 il faut réunir le juge d'application des peines. SPIP, c'est le service pénitentiaire d'insertion de probation.
13:27 Le JAP, c'est le juge d'application des peines. Et ces peines qui ne sont pas immédiatement exécutées
13:32 ne sont pas des peines dormantes, il faut le temps de les exécuter.
13:36 Donc quand certains disent "les peines ne sont pas exécutées", vous savez quel est le taux d'exécution des peines en France ?
13:42 C'est 98%. C'est un des taux les plus élevés d'Europe. Et à l'envie, on répète ce mensonge,
13:49 mais il faut le temps que le JAP, que le SPIP, je peux maintenant utiliser les acronymes, se réunissent et fassent le job.
13:56 Pendant ce temps-là, bien sûr qu'il n'y a pas d'exécution, mais c'est au fond normal. On s'assure
14:01 de ce que
14:03 le condamné à un hébergement, de ce qu'il a à travailler. Ça prend un peu de temps, il y a une enquête sociale.
14:08 Mais ça, ce n'est pas des peines qui ont été oubliées, abandonnées. Ce sont des peines qui sont en cours d'exécution.
14:14 Et ce n'est pas du tout la même chose. - Pardon, encore une question. L'actualité est très dense, Monsieur le ministre, désolé.
14:21 Une interdiction à vie de stade, est-ce que ça vous semble ?
14:24 - Pardon, je n'ai pas entendu.
14:26 - L'interdiction de stade à vie pour les supporters violents, on a encore eu des cases...
14:30 - Vous l'avez évoqué devant les parlementaires, vous avez été auditionné sur les défaillances des fédérations sportives, et vous l'avez évoqué cette
14:36 interdiction à vie de stade qui n'existe dans nul autre pays au monde.
14:41 - Bah écoutez,
14:44 ça se réfléchit, effectivement. Vous me dites que je l'ai évoqué comme si j'étais pris en défaut.
14:49 Mais moi je pense qu'un type qui va dans un stade pour proférer des insultes
14:55 racistes,
14:58 pour exercer des violences, se pose vraiment la question de ce qu'il a à faire dans un stade. Le stade c'est quoi ? C'est le sport,
15:05 le dépassement de soi, un truc collectif, c'est la joie, c'est quelque chose de formidable.
15:09 Excusez-moi, mais la question se pose. - Je rappelle qu'un supporter du FC Nantes est mort ce week-end près de la Beaujoie.
15:15 - Merci, merci beaucoup. - Merci infiniment, Monsieur le ministre. Merci Eric Dupond-Moretti d'être venu dans RTL
15:21 Midi. Dans un instant, on reprend le cours de cette émission, évidemment, avec RTL Votre Vie. A tout de suite.
15:28 Eric Brunet et Agnès Bonfillon
15:30 RTL Midi
15:34 [SILENCE]

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