Après les émeutes de juillet dernier, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, avait dit qu'il souhaitait renforcer les sanctions contre les parents de jeunes délinquants. Un projet de loi pourrait être présenté en ce sens avant l'été. Béatrice Brugère, secrétaire générale d'Unité Magistrats FO est l'invitée de RTL Midi.
Regardez L'invité de RTL Midi avec Eric Brunet et Céline Landreau du 16 avril 2024
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00:00 Et à le midi, Agnès Bonfillon, Éric Brunet.
00:02 Redire aux parents qu'ils tiennent leurs gosses,
00:05 parce que ça n'est pas à l'État d'élever les enfants.
00:08 L'État peut aider les parents,
00:10 mais il ne peut pas se substituer à eux.
00:12 Voilà, c'est le ministre de la Justice, le garde des Sceaux,
00:15 Éric Dupond-Moretti, juste après les émeutes de juillet dernier,
00:19 le ministre de la Justice avait dit souhaiter
00:22 renforcer les sanctions contre les parents de jeunes délinquants.
00:26 Et justement, un projet de loi est en préparation,
00:29 il pourrait être présenté avant l'été.
00:31 Pour en parler avec nous, Béatrice Brugère,
00:34 secrétaire générale d'unité magistrat FO.
00:37 Bonjour madame.
00:38 Oui, bonjour.
00:39 Merci beaucoup d'être avec nous ce midi.
00:41 Avant de vous donner la parole, j'accueille également
00:43 Cindy Hubert du service Police Justice,
00:45 qui est avec nous en studio.
00:46 Bonjour Cindy.
00:46 Bonjour.
00:47 Cindy, rappelez-nous, parce que les sanctions
00:50 pour les parents des faillants, ça existe déjà dans la loi.
00:54 Oui, c'est l'article 227-17,
00:56 le fait par le père ou la mère de ce soustraire,
00:58 à ses obligations légales au point de compromettre
01:00 la santé, la sécurité, la moralité
01:03 ou l'éducation de son enfant mineur.
01:05 Pour le moment, tout cela est puni de deux ans de prison
01:07 et de 30 000 euros d'amende.
01:08 L'idée du gouvernement, c'est donc d'alourdir ces sanctions.
01:11 Mais encore faudrait-il que ce texte soit appliqué,
01:14 ce qui n'est pas le cas, déjà parce qu'il faut pouvoir prouver
01:17 qu'il y a eu mise en danger volontaire.
01:19 Est-ce que laisser un enfant sortir le soir
01:21 compromet nécessairement sa sécurité ?
01:23 Et puis les juges ont déjà un panel d'outils à leur disposition
01:27 pour les parents en difficulté.
01:29 Ils peuvent les condamner pour délaissement, par exemple,
01:32 tenter de les accompagner en audience d'assistance éducative.
01:35 Alors, depuis les émeutes, la chancellerie a envoyé
01:37 une circulaire à tous les procureurs pour tenter
01:40 de ressusciter cette infraction, ce fameux texte de loi
01:43 sur ces parents qui se soustraient à leurs obligations.
01:46 Plus 40% de condamnations par rapport au 1er trimestre 2023,
01:50 134 condamnations comparées à 97 l'an dernier.
01:54 Ce qui reste tout de même très anecdotique,
01:57 ça fait moins d'une condamnation par tribunal.
01:59 - Oui, c'est bien que vous le disiez, Cindy,
02:01 parce que je dois vous dire que j'ai l'impression
02:03 d'avoir fait cette émission 50 fois en 2 ou 3 ans.
02:06 - Et moi donc ? - C'est insupportable !
02:08 Non mais, ça s'appelle un marronnier.
02:10 Nous, journalistes, nous parlons de cela
02:13 parce que telle politique de droite, c'est parfois la droite qui dit
02:15 "Oui, il faudrait toucher les parents des enfants de l'incore au portefeuille".
02:18 Parfois, c'est les gens du gouvernement.
02:20 Et nous, nous sommes complices de cela parce que nous en parlons.
02:23 Mais au fond, est-ce que les choses changent ?
02:25 - On a envie de comprendre. - Oui, Cindy Hubert a très bien fait
02:29 de nous dire que c'est tout à fait anecdotique.
02:31 Ça amuse les micros, ça amuse les radios.
02:34 Mais malheureusement, alors Béatrice Brugère,
02:37 pourquoi ces sanctions ne sont-elles pas appliquées, si peu appliquées ?
02:43 - En fait, en réalité, bonjour d'abord.
02:46 Ces sanctions sont peu appliquées d'abord parce qu'elles sont difficiles à appliquer.
02:50 La vérité, c'est que déjà les tribunaux et les juridictions
02:53 sont saturées pour des faits extrêmement graves.
02:56 Ce n'est pas qu'elles soient inutiles ou idiotes,
02:58 mais vous avez raison de mettre tout de suite le doigt sur le vrai sujet.
03:01 C'est qu'en fait, elles sont marginales et surtout,
03:05 elles ne sont pas l'objet principal de ce que l'on constate au quotidien,
03:09 à savoir de manière assez inquiétante,
03:12 une augmentation des violences faites par les mineurs,
03:17 dont souvent, d'ailleurs, il faut le rappeler,
03:19 les premières victimes sont d'autres mineurs.
03:22 C'est-à-dire qu'en fait, ce sont des mineurs
03:24 que l'on considère souvent eux-mêmes comme des victimes,
03:27 parfois à tort d'ailleurs,
03:29 qui font des faits de violences extrêmement graves sur d'autres mineurs.
03:34 Je pense évidemment au cyberharcèlement qui se passe dans les écoles,
03:39 mais il ne faut pas que...
03:40 Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui,
03:41 l'augmentation, une des augmentations les plus importantes,
03:44 dont on ne parle jamais,
03:46 c'est l'augmentation des viols ou des agressions sexuelles de mineurs sur d'autres mineurs.
03:51 Donc je crois qu'il faut vraiment regarder là où c'est important
03:55 et pas en effet perdre son temps sur des choses qui ne sont peut-être pas inutiles mais marginales,
04:01 à savoir comment s'attaquer
04:04 et comment surtout stopper la délinquance extrêmement violente de certains mineurs.
04:09 - Mais justement, qu'est-ce qui pourrait, selon vous, être mis en place rapidement ?
04:13 Ce qui pourrait faire évoluer les choses enfin ?
04:16 - Écoutez, si notre syndicat avait été consulté sur ce projet de loi,
04:20 ce qui n'a pas été le cas, et c'est bien de regrettable,
04:23 nous aurions répété ce que nous avions déjà dit
04:26 sur la dernière modification du Code de justice des mineurs,
04:29 à savoir qu'il faut d'abord faire un peu de criminologie,
04:33 comprendre ce qui se passe,
04:34 c'est-à-dire à la fois ne pas être dans le déni ou dans l'angélisme.
04:38 Il y a une minorité de mineurs qui sont malheureusement un peu regrettés,
04:43 notamment entre 15 et 18 ans,
04:46 entrés dans une délinquance ultra-violente,
04:49 voire avec parfois des actes de barbarie,
04:52 sur lesquels on ne peut plus appliquer les outils qu'on a l'habitude d'avoir
04:56 pour d'autres mineurs qui sont un peu délinquants.
04:59 Ce qui leur aurait peut-être salu, c'est tirer les leçons des émeutes, en effet,
05:03 où on a vu que l'utilisation de la comparution immédiate
05:06 avait stoppé quasi immédiatement
05:09 cette espèce d'effervescence délinquante
05:14 qui nous a coûté quand même près d'un milliard,
05:16 pour dire qu'il aurait peut-être été utile de réfléchir
05:20 à mettre en place une comparution immédiate
05:23 qui n'est pas possible aujourd'hui
05:25 pour des mineurs entre 16 et 18 ans,
05:27 qui étaient déjà assez délinquants.
05:29 Le problème aujourd'hui, c'est les délais.
05:32 Les délais sont très longs pour juger les mineurs.
05:34 En plus, on a une césure qui rallonge ces délais,
05:37 contrairement à ce qui nous avait été annoncé,
05:39 et les sanctions ne sont pas immédiates.
05:42 - Merci Béatrice Brugère.
05:44 On vous écouterait plus longtemps,
05:45 mais c'est vrai que vous nous replacez cela
05:47 dans un contexte plus général,
05:49 qui est la réforme de la justice,
05:50 que vous appelez de vos voeux.
05:51 Vous avez écrit un bouquin dont on parle énormément,
05:54 "Justice, la colère qui monte aux éditions L'Armatan"
05:56 me semble-t-il.
05:57 Tout le monde en parle depuis quelques semaines.
05:59 Mais bon, voilà, en tout cas,
06:01 on a bien fait de parler de ce sujet
06:02 parce qu'on en parle tous les mois,
06:04 et finalement, bon,
06:06 ça n'est qu'anecdotique pour l'instant.
06:08 J'ai l'impression que c'est pour amuser les journalistes parfois.
06:10 - On reste dans les tribunaux,
06:12 mais pour une chose un peu plus légère,
06:15 quoique, on va parler faits divers et affaires criminelles,
06:18 pourquoi ça nous passionne autant ?
06:20 Pourquoi on écoute autant Jean-Alphonse Richard
06:23 qui est avec nous ?
06:24 À tout de suite.
06:24 pour tout comprendre de l'actualité.