Etude Pisa : l'inquiétude monte sur le niveau des élèves français en maths

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Chaque jour, Céline Géraud et ses invités font un point complet sur l'actualité.
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Transcription
00:00 Et on est de retour évidemment, et tiens on va changer totalement de sujet, on va parler
00:05 d'éducation.
00:06 Pourquoi ? Parce que Gabriel Attal vient de dévoiler des mesures fortes pour créer un
00:10 choc des savoirs, ce sont ces mots, dans les établissements scolaires.
00:14 Il vient d'envoyer un mail à la communauté éducative.
00:17 Alors les mesures dans les grandes lignes.
00:18 Des nouveaux programmes en primaire avec des manuels scolaires au contenu labellisé.
00:22 Des groupes de niveau au collège, en quatrième selon nos informations.
00:26 Un accès au lycée conditionné à l'obtention du brevet.
00:29 Le retour du redoublement en CM2.
00:32 Et les familles n'auront plus le dernier mot sur ce sujet.
00:35 Voilà les contours d'une réforme d'ampleur du système éducatif.
00:39 Des solutions.
00:40 Parlons maintenant du mal et des symptômes parce qu'il est profond.
00:43 Avec vous, Guillaume Prévost, bonjour.
00:45 Bonjour.
00:46 Vous êtes directeur général du Think Tank vers le haut.
00:49 Pourquoi ? Parce qu'il y a le classement PISA, qui est une référence au niveau mondial,
00:53 qui vient d'être dévoilé ce matin à 11h avec cette baisse historique du niveau en
00:58 maths pour les lycéens de 15 ans.
01:00 Alors la première chose qu'il faut souligner, c'est que cette baisse ne concerne pas que
01:03 la France.
01:04 On a une baisse qui est massive dans tous les pays de l'OCDE de l'ordre de 20 points,
01:09 notamment sur le focus mathématique qui est le thème de l'enquête PISA de cette année.
01:13 Post-Covid, on va dire, il y a les effets du Covid.
01:15 C'est toute la question.
01:16 Est-ce que c'est l'impact du Covid ? Ce matin, dans sa conférence de presse, le représentant
01:21 de l'OCDE soulignait que sur les mesures intermédiaires, on avait relevé des signes
01:26 de baisse dans l'ensemble des pays de l'OCDE dès 2018.
01:29 Finalement, la question qui était posée ce matin, notamment en termes d'analyse des
01:31 résultats, c'est oui, il y a probablement un impact du Covid.
01:34 Tout le monde l'a vu, tout le monde l'a vécu.
01:36 Néanmoins, est-ce que derrière le caillou Covid, il n'y a pas des signes très profonds
01:43 d'une baisse plus inquiétante et plus profonde des résultats de l'ensemble des pays de
01:49 l'OCDE en mathématiques ?
01:51 Oui, parce que cette baisse, elle est quand même historique pour la France.
01:54 Alors, il y a effectivement les maths, la compréhension de l'écrit, les sciences.
01:57 Et on voit que la France dégringole de façon quand même importante avec des explications
02:02 qui sont variées.
02:03 Alors, on peut se poser un peu les questions des différents facteurs.
02:07 D'abord, je pense que c'est important de souligner que cette dégringolade, comme vous
02:12 l'appelez, en effet, elle est historique, mais elle concerne tous les pays de l'OCDE.
02:15 La France ne se classe pas, il n'y a pas de chute relative de la France par rapport
02:19 à l'ensemble des pays de l'OCDE.
02:20 La faiblesse de la France s'agissant des mathématiques est plutôt, sur l'enquête
02:26 PISA, moins inquiétante qu'elle l'avait été dans l'enquête TIMSS il y a quelques
02:29 années, dont je rappelle pour les non-spécialistes que l'enquête TIMSS, elle mesure, elle,
02:34 en CM2 en quatrième.
02:35 Donc, moi, je crois qu'évidemment, on a tous tendance à vouloir s'alarmer.
02:40 D'abord, prenons notre temps d'analyser correctement ces résultats parce qu'ils
02:44 disent des choses beaucoup plus profondes et intéressantes, à mon sens, sur l'évolution
02:48 de l'école que le seul niveau des élèves en mathématiques.
02:51 - Justement, on va en parler justement de ce que vous évoquez, mais on va d'abord
02:54 prendre une auditrice qui nous appelle Liliane.
02:56 Bonjour Liliane !
02:57 - Bonjour !
02:58 - Vous voulez réagir ?
02:59 - Bonjour !
03:00 - Vous nous écoutez à Royan, Liliane ?
03:01 - Ah non, je suis à côté de Troyes.
03:04 - Ah non, non, voilà, c'est une erreur, vous êtes à Troyes.
03:07 - Ce n'est pas grave.
03:08 Oui, oui, donc moi, j'ai été institutrice, notamment en, comment dirais-je, au cours
03:16 de mon histoire et à l'école maternelle, et les mathématiques étaient basées sur
03:22 le tâtonnement expérimental qui nécessite d'avoir, par exemple, des ateliers dans la
03:28 classe où librement, individuellement ou par groupe, les élèves font leurs expériences
03:34 et manipulent.
03:35 Je pense que les mathématiques sont devenues trop intellectualisées dès le départ.
03:41 Il faut que les enfants puissent manipuler, peser, mesurer en fonction de l'intérêt
03:50 de la classe.
03:52 Par exemple, vous allez au gymnase, vous pouvez calculer le trajet en mètres ou en hectomètres
04:00 et puis mesurer le temps, ce qui fait que les enfants acquièrent petit à petit un
04:07 raisonnement mathématique.
04:09 Mais je pense également qu'il faut que le langage soit simple d'abord, à la portée
04:15 des enfants, pour que ce ne soit pas simplement une affaire d'élite ou de spécialiste qui
04:23 peut démobiliser les élèves.
04:25 Et je pense que l'apprentissage des mathématiques aux élèves, le fait que les mathématiciens
04:33 ou que les professeurs de mathématiques soient vraiment très spécialisés peut quelquefois
04:39 empêcher les élèves de progresser.
04:42 Peut-être que je parle en mon nom si vous voulez, comme j'étais au lycée.
04:47 - Mais votre témoignage est très intéressant, Liliane, institutrice, ancienne investitrice,
04:52 et c'est des pistes qui montrent quelque chose de plus concret, de plus terrien, pour
04:57 que les enfants s'approprient justement le raisonnement mathématique.
05:00 En attendant, avec vous, Guillaume Prévost, directeur général du Think Tank, vers le
05:04 haut, on va revenir justement sur les causes de ce mal qui est beaucoup plus profond.
05:08 - La remarque de Liliane est très intéressante parce qu'elle met en lumière un des pays
05:14 qui, depuis longtemps, performent de façon très importante à PISA, c'est Singapour.
05:19 Singapour a développé une méthode d'apprentissage des mathématiques qui est très fondée sur
05:24 - les termes employés sont tout à fait justes - ça s'appelle la méthode de Singapour
05:28 - d'ailleurs, la session des manuels - tâtonnement expérimental, manipulation,
05:31 lien entre le concept et l'expérience.
05:33 Il y a un mot que j'aime bien dans ce que vient de dire Liliane, c'est le gymnase, après tout.
05:37 Est-ce qu'en allant au gymnase, on peut mieux apprendre les mathématiques ? C'est une de
05:41 nos convictions très fortes, j'y reviendrai, parce que du strict point de vue de l'instruction,
05:46 je ne crois pas que la France se distingue fondamentalement de pays comparables.
05:52 Aujourd'hui, il y a un groupe de pays, notamment en Sud-Est asiatique, qui a des très bonnes
05:56 performances en mathématiques, mais c'est des pays qui sont, socialement, culturellement,
06:00 très loin de nos enfants. Macao, Singapour, la Chine à Hong Kong, à Shanghai.
06:08 On mesure la distance, y compris géographique, culturelle, et même du regard que les parents
06:12 portent sur leurs enfants, entre la Chine, à Shanghai, et la France.
06:17 Là où, probablement, et ce que dit Liliane est très juste, il y a des vraies questions
06:22 à se poser, notamment du point de vue de l'apprentissage des mathématiques. C'est un peu des querelles
06:26 d'experts, mais il est vrai qu'on a beaucoup insisté en France sur la maîtrise des concepts.
06:31 Or, il y a un vrai enjeu, notamment pour les élèves les plus en difficulté, à redonner
06:35 toute sa part à l'expérience, à la manipulation, au concret, dans l'apprentissage de cette matière.
06:41 On va reparler des solutions, évidemment, les mesures de Gabriel Attal, qu'en pensez-vous,
06:45 vous, auditeur d'Europe 1, et vous, Guillaume Prévost ? On se retrouve dans quelques instants,
06:49 à tout de suite sur Europe 1. Et vous pouvez agir au 01 80 20 39 21, 13h-14h.
06:54 Vous écoutez Céline Giraud sur Europe 1.
06:56 Allez, on est de retour jusqu'à 14h avec Guillaume Prévost, directeur général du
07:08 think tank Verleo. On parle de cette étude PISA, de ses résultats, et surtout des solutions
07:12 pour créer un électrochoc dans les établissements scolaires. On parle des solutions avec vous.
07:18 Sur l'implication des familles, par exemple, pour vous, elle est déterminante. Elles n'auront
07:22 plus leur mot à dire sur le redoublement, mais selon vous, elles ont un autre rôle à jouer.
07:25 - Alors, sur la question du redoublement, je préfère à ce stade ne pas me prononcer,
07:29 parce que je crois qu'il y a quand même des enjeux du passage du système élémentaire,
07:33 où il y a un suivi de l'enfant qui est quand même plus dense, plus continu, avec des enseignants
07:37 uniques, au collège, où toutes les familles voient bien que les enfants souffrent d'un
07:42 manque de suivi, d'accompagnement. C'est d'ailleurs une des conclusions très fortes
07:47 de l'enquête Spisa ce matin. Les pays dans lesquels le choc Covid a été le plus maîtrisé,
07:54 c'est les pays dans lesquels les enseignants ont apporté un soutien à leurs enfants,
07:58 à leurs élèves. Et de ce point de vue-là, la France a pêché, très clairement.
08:02 - Pour vous, il faut vraiment revoir cette relation.
08:05 - Alors, cette relation, l'enseignant est-il un éducateur ?
08:09 Quand l'enseignant est un éducateur, l'enfant réussit, et notamment les enfants issus
08:14 de milieux modestes. Quand l'enseignant n'est pas assez un éducateur, finalement
08:17 il s'appuie sur les acquis de la transmission familiale, et donc il fait réussir les enfants
08:21 qui viennent de familles dans lesquelles on leur donne toutes les clés pour réussir.
08:24 Si la France veut donner les moyens aux élèves venant de milieux modestes de réussir,
08:29 les enseignants doivent être bien davantage des éducateurs. C'est une des conclusions
08:32 très fortes de l'enquête Spisa de ce matin.
08:35 - Dernière question sur les groupes de niveau, les bons avec les bons,
08:38 et les moins bons avec les moins bons.
08:40 Alors, je voudrais rappeler, parce qu'on entend beaucoup de chiffres, et le débat
08:44 est très vif sur ces sujets, en France, il y a 75% des élèves qui sont dans la moyenne.
08:49 Il y a 7 à 10% des élèves qui sont dans les "top performers", comme on les appelle
08:55 en bon franglais, au niveau des meilleurs élèves. Et c'est 10%, c'est 7 à 10%
09:01 qu'on retrouve dans nos classes préparatoires, dans nos grandes écoles.
09:03 Et il y a 15 à 20% des élèves qui sont en grande difficulté.
09:05 Donc quel est le grand sujet ? Le sujet c'est maintenir le niveau de 75%,
09:10 leur offrir des perspectives, les faire rentrer dans le système d'études supérieures,
09:14 puisqu'aujourd'hui c'est plus d'un élève sur deux qui va rentrer dans l'étude supérieure,
09:17 et aller chercher ces 15 à 20% qui sont en grande difficulté.
09:20 De ce point de vue-là, les mesures qui ont été annoncées ce matin ne répondent pas
09:24 à l'enjeu de mieux accompagner les enfants les plus en difficulté.
09:27 - Eh bien merci beaucoup Guillaume Prévost, directeur général du Think Tank,
09:30 vers le haut pour ce décryptage autour de ces résultats PISA pour les petits élèves français.
09:35 Merci.
09:36 [Musique]

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