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Keynote - Comment dupliquer les bonnes initiatives ?
Raphaël Ruegger - Elu, Neuvy-sur-Barangeon (18) et Fondateur, Fédération des Trucs qui Marchent

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Transcription
00:00 Nous allons entamer notre 2e volet
00:01 vers plus de collectifs au sein des territoires.
00:03 On a beaucoup entendu que l'une des solutions,
00:05 c'était de fédérer, de coopérer ensemble
00:09 entre différents acteurs privés et publics.
00:11 On va parler de ça dans cette 2e partie.
00:13 Et on commence avec Raphaël Ruegger,
00:16 qui est conseiller municipal de Nevis-sur-Barangeon
00:20 et qui est fondateur d'une fédération pas comme les autres
00:23 qui s'appelle la Fédération des Trucs qui Marchent.
00:26 Il va vous en dire plus tout de suite.
00:28 Je vous demande de l'accueillir chaleureusement.
00:31 Merci.
00:33 (Musique)
00:36 -Bonjour à toutes et à tous.
00:38 Je suis pas habitué aux pupitres, mais...
00:41 Mais c'est pas grave, ça va être une 1re.
00:43 Effectivement, je viens de Nevis-sur-Barangeon,
00:46 qui est une commune de 1 200 habitants
00:49 entre Berry et Sologne, dans le département du Cher.
00:52 Et j'ai la chance d'être conseiller municipal
00:55 depuis le 15 mars 2020.
00:58 Ca s'est pas échappé. Je suis pas très vieux.
01:00 J'ai été élu à 19 ans.
01:01 Quand on est élu à 19 ans, c'est bien.
01:04 Tout le monde vous dit "Bravo,
01:05 "ça va rajeunir la moyenne d'âge de la liste."
01:08 Donc ça, c'est plutôt le bon point.
01:09 Et puis après, finalement,
01:11 on se retrouve, comme tous les autres élus,
01:14 au milieu de plein de contraintes et d'incompréhensions.
01:17 Quand on devient élu, l'ambition de départ, pour beaucoup,
01:20 c'est faire en sorte que les gens vivent bien dans leur commune.
01:24 C'est une ambition simple, noble,
01:26 partagée par plus de 500 000 conseillers municipaux en France
01:30 et 34 000 maires.
01:32 La réalité, c'est que les 1res réunions,
01:34 il y a des acronymes dans tous les sens.
01:36 On comprend rien.
01:37 PLU, SCOT, PCAUT, SRADET.
01:41 Waouh. Alors, pour les spécialistes de l'ADM,
01:44 de la NCT et de tous ces experts qu'on a entendus,
01:47 c'est peut-être monnaie courante, c'est leur métier.
01:50 Mais on n'est pas...
01:51 Le rôle d'élu, c'est pas un métier.
01:53 On le fait, et je pense que Mme le conseiller régional
01:55 en le témoignera, on le fait par conviction.
01:57 Puis on apprend.
01:59 L'autre contrainte, c'est une contrainte d'ordre administratif.
02:04 Il y a tout le temps des papiers à remplir.
02:06 Mais l'ambition de départ, rappelez-vous,
02:07 faire en sorte que les gens soient heureux,
02:09 vivent bien dans leur commune, il n'y a pas de serfa pour ça.
02:12 Puis enfin, on est dans un monde
02:15 avec plein de défis assez complexes sur l'environnement,
02:18 sur le social, sur l'économique.
02:20 Bon, on fait des professions de foi pour être élu tous les 6 ans,
02:24 mais concrètement, comment on agit au quotidien
02:27 pour nos habitants avec toutes ces contraintes ?
02:30 Ces questions-là, moi, je me les suis posées
02:32 avec le regard d'un jeune homme de 19 ans
02:34 qui, par ailleurs, faisait des études et travaillait à Paris,
02:37 rentrait le week-end pour suivre son mandat.
02:40 Et en fait, on est 500 000 à se poser ces mêmes questions.
02:44 Et puis j'ai dit que j'allais faire un tour de France,
02:45 à la rencontre des autres élus locaux,
02:48 un petit peu partout, dans des petits villages,
02:50 dans des villes moyennes, dans des villes de banlieue,
02:52 dans des grandes métropoles.
02:54 En 2022, j'ai rencontré un petit peu plus de 200 élus locaux
03:00 avec une idée,
03:02 la Fédération française des trucs qui marchent,
03:05 pour que, de ces rencontres,
03:08 j'en fasse une sorte de recueil des meilleures pratiques
03:10 en termes de politique publique à l'échelle locale.
03:14 Un truc qui marche, au départ, la 1re élection,
03:16 c'est souvent la même, il y a des sourires sur les visages.
03:20 En fait, on parle de sujets très sérieux.
03:21 Déjà, parce qu'on est la Fédération française,
03:24 il y a un côté institutionnel.
03:26 Et puis, parce qu'on s'adresse au logement,
03:29 aux mobilités, aux politiques sociales,
03:31 au tourisme, à l'éducation, à la culture.
03:35 Quand j'ai dit à mes proches
03:36 que j'allais créer la Fédération française des trucs qui marchent,
03:39 ils m'ont dit "T'as intérêt de trouver des trucs qui marchent,
03:41 sinon, tu vas pas avoir l'air très malin."
03:44 Et heureusement, en France, il y en a, des trucs qui marchent.
03:47 Il y en a sur toutes les thématiques,
03:49 il y en a dans tous les types de territoires.
03:51 C'est porté par des élus de toutes couleurs politiques,
03:54 voire sans couleur, parce que, de toute façon,
03:56 à l'échelle du mandat local, c'est pas ce qui compte le plus.
04:01 Et puis, ça fait du bien d'entendre ces élus locaux
04:03 qui sont engagés au quotidien,
04:05 qui se pavanent pas sur les plateaux télé
04:08 des chaînes d'infos en continu,
04:10 et qui sont au plus près des Français
04:12 et qui ont conscience des réalités de terrain.
04:16 Le 22 novembre 2022,
04:19 on réserve le théâtre de la Madeleine à Paris,
04:22 700 places, avec l'idée de réunir des Français,
04:26 des élus, des journalistes, des dirigeants, des curieux,
04:30 pour écouter le récit de 6 premiers maires
04:33 avec un truc qui marche.
04:35 Et là, on s'est dit que ça pouvait vraiment devenir
04:38 un truc qui marche, notre fédération.
04:40 Les 6 élus ont été extraordinaires.
04:42 Pascal, un maire de Lotte-et-Garonne,
04:45 qui a créé des colocations pour apprentis
04:47 dans les centres-bourgs.
04:48 Sylvie, qui est élue à Cons, en Haute-Marne,
04:52 au niveau du... C'est un grand département,
04:54 mais du Pays de l'Angre, territoire froid, rural,
04:58 où il y avait des lignes de bus héritées des années 60
05:00 qui tournaient complètement à vide,
05:01 comme vous en avez peut-être déjà vu ou pris.
05:04 Elle a dit "On va supprimer tout ça,
05:05 on va faire du transport à la demande",
05:08 avant l'arrivée d'Uber à Paris.
05:11 Donc en 2010, les habitants pouvaient déjà réserver
05:14 sur Internet, via un standard téléphonique,
05:16 leur transport pour le prix d'un ticket de bus,
05:18 qui va les chercher chez eux, qui les amène au marché.
05:22 Pour le cas de Mme Françoise Gauthier,
05:24 avec qui j'ai partagé un trajet, c'est le Wi-Fi,
05:26 parce que... Pardon, c'est McDonald's,
05:28 parce qu'il y a le Wi-Fi gratuit,
05:29 et qu'elle peut faire des recherches généalogiques.
05:30 On sort des gens de leur captivité
05:32 avec un impact environnemental plus faible
05:35 et puis un service utilisateur bien meilleur.
05:39 Donc voilà, c'est ces initiatives-là
05:40 qu'on a voulu mettre en avant.
05:42 Et des 600 personnes qui étaient là au théâtre de la Madeleine,
05:45 je crois que ça a fait un petit peu de bruit,
05:46 parce que dans les mois suivants,
05:48 j'ai reçu des centaines et des centaines
05:50 de coups de téléphone d'élus partout en France,
05:53 qui voulaient soit me présenter leur "Truc qui marche"
05:57 pour qu'on le fasse connaître au travers de notre soirée,
05:59 et puis de la caisse à outils "trucquimarche.fr"
06:01 qu'on est en train de constituer,
06:03 et puis d'autres élus qui disaient
06:05 "Mais moi, je suis un peu désemparé
06:06 par rapport à telle ou telle situation.
06:08 Est-ce que dans ton tour de France,
06:10 t'as vu des situations semblables
06:12 et est-ce que des élus ont réussi à trouver des solutions ?"
06:16 Donc en fait, si on revient non pas
06:19 aux grands discours politiques,
06:21 si on sort un peu des programmes qu'on rédige
06:24 et qu'on se concentre sur les actions concrètes,
06:27 déjà existantes,
06:28 on arrive à faire beaucoup de choses.
06:31 C'est 4 étapes très simples.
06:32 Il y a ceux qui font, les élus,
06:35 parfois accompagnés d'entreprises, d'associations,
06:38 mais ceux qui font, c'est les élus pour le territoire.
06:41 Quand on leur demande de raconter
06:43 et qu'on les accompagne pour qu'ils racontent leur initiative,
06:46 avec parfois de l'émotion, avec des rires,
06:51 toujours avec passion,
06:53 parce que ce sont des gens passionnés,
06:55 ils arrivent à inspirer.
06:56 Et quand ils inspirent d'autres élus,
06:58 la conséquence, c'est que les initiatives,
07:00 elles se dupliquent.
07:01 Je vais prendre un exemple
07:03 qui n'est pas totalement lié à l'environnement,
07:06 mais c'est pas grave.
07:07 C'est une initiative culturelle qui naît à Saint-Dizier.
07:10 Le maire de Barentin en parlait tout à l'heure.
07:12 Lui, il va voir MUSE, Saint-Dizier aussi.
07:15 Comment le maire de Saint-Dizier se retrouve avec MUSE,
07:17 qui est un dispositif culturel
07:19 issu de la réunion des musées nationaux Grand Palais,
07:22 qui est un musée immersif avec une énorme collection ?
07:26 C'est que pendant le confinement,
07:28 on est confinés, déconfinés, reconfinés, redéconfinés,
07:30 on sait plus trop où on est,
07:32 mais il y a quand même des gens tous les jours
07:34 qui sortent dans la rue, qui prennent leur voiture,
07:35 qui vont travailler.
07:37 Et pour qui ?
07:38 L'espoir un peu disparu en ces temps troubles.
07:42 Le maire de Saint-Dizier dit,
07:45 "Mais moi, en tant qu'élu, qu'est-ce que je peux faire ?
07:46 Qu'est-ce que je peux faire
07:48 pour que les gens aient un petit peu mieux dans cette période ?"
07:52 Et une nuit, il lit le roman "L'idiot" de Dostoevsky.
07:57 Et à mon oeil, il y a cette phrase, "La beauté sauvera le monde".
08:00 Et il se dit, "Je sais pas si elle va sauver le monde,
08:02 mais peut-être qu'elle peut en tout cas sauver un peu Saint-Dizier."
08:06 Et donc, il a voulu installer le beau
08:08 partout dans les espaces publics à Saint-Dizier.
08:11 Et pendant quelques semaines,
08:12 il a fait remplacer l'ensemble des panneaux d'affichage publicitaires
08:16 par des oeuvres d'art monumentales.
08:17 Botticelli, Klimt, Renoir, Van Gogh.
08:20 Alors, dans nos conseils municipaux,
08:22 on a des oppositions sur tout.
08:24 Là, il n'y a eu aucune opposition.
08:26 Ca paraissait tellement évident pour tout le monde
08:28 que de faire don de la beauté à ses habitants
08:32 en offrant un accès en plus gratuit, un peu imposé,
08:36 à l'histoire de l'art, à la culture, ça a été un carton.
08:40 Et le secret, c'est que ça coûte rien à la collectivité.
08:43 Enfin, rien, quelques milliers d'euros,
08:45 mais pour afficher plus de 150 oeuvres d'art
08:47 dans une ville de 25 000 habitants
08:49 et dans les communes de l'agglomération,
08:52 c'est quand même pas grand-chose.
08:54 Plein d'institutions culturelles ont dit,
08:56 "Mais nous, on n'arrête pas de réinvestir sur nos musées,
08:58 on veut les rendre accessibles à tous."
09:00 Mais en fait, pour rendre la culture accessible à tous,
09:03 il faut qu'on la délocalise un petit peu.
09:06 Cette initiative-là, elle a inspiré d'autres élus.
09:09 Les élus de ma commune,
09:10 puisque Nevis-sur-Borangeon va le dupliquer en 2024,
09:12 la commune de Bourges, qui est la préfecture du Cher.
09:15 Alors, on a 30 km et une grande route qui nous sépare.
09:18 Avec le maire de Bourges, on va peut-être même faire
09:20 la route du beau avec des oeuvres d'art
09:21 sur 30 km dès 2024
09:24 pour que les gens soient interpellés
09:25 par une oeuvre d'art monumentale.
09:28 Saint-Raphaël, Bourg-en-Bresse,
09:30 Salle-Brie, Talmont-Saint-Hilaire,
09:32 la Montjoie, la petite commune qui fait des colocations
09:35 pour apprentis qui va dupliquer aussi.
09:37 Bah, voilà. On se dit qu'en 2026,
09:40 il y a encore 500 000 conseillers municipaux
09:42 et près de 35 000 maires qui seront élus.
09:45 Et si notre Fédération française des trucs qui marchent
09:47 devient réellement un truc qui marche,
09:49 alors ils auront une caisse à outils
09:52 pleine de trucs qui marchent,
09:54 qui pourront alimenter leurs programmes,
09:56 qui mettront en oeuvre sur le terrain,
09:58 et à notre échelle, à l'échelle de modestes élus locaux
10:02 qui essayent de faire des choses et qui, parfois, réussissent,
10:04 on aura contribué à faire bouger un petit peu le pays.
10:07 (Applaudissements)
10:10 -Merci beaucoup. Merci, Raphaël.

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