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ÉducationTranscription
00:00 Je suis infirmier en soins palliatifs, un monsieur qu'on l'a emmené à la pêche.
00:03 Pendant un moment, il n'était plus malade.
00:05 Les unités de soins palliatifs, ce n'est pas que les soins,
00:07 c'est porter des projets de vie.
00:09 Est-ce qu'il y a des choses qui vous inquiètent, qui vous font peur ?
00:12 Je n'ai pas peur de la mort.
00:14 D'accord.
00:16 Je ne veux juste pas souffrir.
00:18 Les services de soins palliatifs,
00:19 ils ont pour mission d'accueillir les patients qui ont des maladies graves
00:23 qu'on ne peut pas guérir.
00:24 On va prendre les patients les plus complexes
00:26 parce qu'il n'y a pas assez de place aujourd'hui en soins palliatifs
00:28 dans les différents départements.
00:29 Ils n'ont pas peur de la mort, ça souvent c'est vrai,
00:31 parce qu'ils sont préparés à cette possibilité.
00:34 Je n'ai pas trop envie de mourir tout de suite.
00:40 Oui.
00:41 Mais parce que j'ai juste 3-4 papiers à régler,
00:46 mais je n'en ai pas peur.
00:48 C'est sûr qu'il y a une affecte qui arrive auprès de nos patients.
00:51 Il m'est arrivé d'être en émotion intense quand il y a quelqu'un qui part.
00:55 Mes émotions, j'ai appris à les gérer en travaillant avec des psychologues aussi
00:59 dans les services.
01:00 On a la chance d'avoir des groupes de parole deux fois par mois.
01:03 Ce qui est très chouette, c'est qu'on a une équipe et on est dans la vie.
01:05 La mort, c'est autre chose, c'est l'étape d'après.
01:07 Et jusqu'au dernier moment, on est dans la vie.
01:09 Il y a une situation qui m'a particulièrement affecté.
01:12 C'est un monsieur que je vais voir dans un service.
01:15 Je n'arrivais pas du tout à entrer en contact avec lui.
01:17 Je vois que sur sa table de chevet, il y a un bouquin de pêche.
01:19 Et alors je me lance en disant,
01:21 "Ça serait cool qu'on se fasse une sortie pêche."
01:23 Et là, je vois ses yeux qui changent complètement.
01:25 Et ce monsieur, on l'a emmené à la pêche.
01:27 Il a été dans les temps habituels, donc il a retrouvé des copains à lui.
01:30 Il y avait sa femme qui était là, son fils qui ne devait pas venir,
01:32 qui est venu quand même.
01:33 Pendant un moment, il n'était plus malade.
01:35 Pendant un moment, il est redevenu un citoyen.
01:37 Et trois jours après, il est décédé.
01:39 Et un autre qui m'avait marqué, c'était un jeune homme de 30 ans
01:42 qui était atteint d'un cancer multimétastatique
01:44 et qui n'avait plus de possibilité de guérison.
01:46 C'était compliqué.
01:47 On a réussi à faire ce mariage dans le service.
01:50 Bouteille de champagne.
01:52 Je me rappelle la bouteille, c'est moi qui l'avais ramenée.
01:54 Je l'ai ouverte, elle a sauté partout.
01:55 Il y a eu du champagne partout, renversé sur le lit, sur le prêtre.
01:59 C'était un moment qui était assez festif.
02:01 D'autres exemples, on a Didier.
02:03 Il nous a dit qu'il avait un groupe.
02:05 Et ses potes, ils sont venus.
02:13 Ils ont fait un concert.
02:14 C'était génial.
02:15 D'autres projets, un motard qui dit à sa fille
02:18 qu'il voudrait un verre de whisky et son harlé.
02:21 On appelait une communauté de motards.
02:23 Ils se sont déplacés dans l'hôpital.
02:25 Ils lui ont fait une haie d'honneur.
02:26 Et ce monsieur pareil, il est décédé, je crois, le lendemain ou deux jours après.
02:30 Nous, c'est ça accompagner.
02:31 Ce n'est pas que les soins.
02:32 Ce n'est pas que soulager les souffrances.
02:34 C'est porter des projets de vie.
02:35 Les unités de soins palliatifs,
02:37 les gens, souvent, ils arrivent dans ces services-là.
02:39 Ils ont souvent l'impression générale qu'on pense des soins palliatifs.
02:44 Donc la mort, les gens habillés en noir.
02:46 Nous, ce n'est pas du tout ça.
02:48 On accueille avec un café.
02:49 On accueille avec un thé.
02:51 On accueille avec une bière.
02:52 Nous, c'est l'hôpital qui va s'adapter aux patients.
02:55 Il a envie de dormir jusqu'à 10 heures.
02:56 Il dort jusqu'à 10 heures.
02:57 Il a envie de manger à 16 heures un goûter, des tartines.
03:00 On s'en fout.
03:00 Nous, on s'adapte à ça.
03:02 Et là, je suis heureux.
03:02 Si on peut faire passer ces images-là de ces unités de soins palliatifs,
03:06 j'ai envie qu'on en développe partout en France.
03:08 Dans les unités de soins palliatifs,
03:10 on peut très, très bien mourir.
03:12 On peut continuer à vivre jusqu'au bout.
03:14 Et il faut développer ces unités.
03:15 Il faut se donner tous les moyens.
03:17 *BIP*