Il a suffi d'une colonie de vacances à 13 ans, loin de sa tour nuage et du quartier, pour que Djibril Sako trouve sa vocation. « Quand j'ai vu mon premier cheval, tout de suite j'ai compris qu'il fallait que je passe beaucoup de temps avec», raconte ce natif de la cité Pablo Picasso à Nanterre, quartier qui s'est embrasé le 27 juin 2023 suite à la mort du jeune Nahel, tué à bout portant par un policier. Avant de devenir cavalier enseignant et copropriétaire d'une jument de 4 ans, Djibril a d'abord essuyé «les charriages de ses potes» ainsi que le refus de son père de lui faire pratiquer l'équitation. Un « sport beaucoup trop cher », réservé d'habitude « à des familles aisées ». Avec du culot et du « ramassage de crottin bénévole », il parvient à monter à cheval au poney club de Ruel-Malmaison. 15 ans de monture et plusieurs podiums plus tard, Djibril est enfin « heureux de vivre de sa passion ».
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00:00 J'ai commencé du très bas de l'échelle.
00:01 Aujourd'hui, je suis cavalier enseignant.
00:08 Ça change des bâtiments et du côté bétonné.
00:13 Pour nous, l'équitation, c'était inaccessible.
00:15 C'est un sport de riche.
00:16 C'est comme faire du tennis.
00:18 Et Djibril, il a cassé les codes.
00:20 Allez, tu es libre.
00:22 Vas-y.
00:24 Cours, mon enfant.
00:27 Cours.
00:27 Viens.
00:34 Je suis originaire des quartiers populaires de Nantais, en Pablo Picasso.
00:40 J'ai commencé l'équitation quand j'avais 13 ans.
00:43 J'ai découvert ça, une colonie.
00:45 C'était la première fois que je voyais un cheval.
00:46 Ce jour-là, je me rappellerai tout le temps.
00:48 On était dans le minibus, on chantait tous ensemble.
00:50 On arrive au centre-écasse et je descends.
00:52 Et il y avait un cheval qui était attaché, un grand cheval gris.
00:56 Il y a eu un truc qui s'est passé.
00:57 Je ne saurais pas expliquer ce que c'est.
00:58 Quand je suis rentré, j'en ai naturellement parlé à mes parents.
01:01 Je faisais du foot, mon père m'avait mis dedans.
01:03 Je lui ai dit que je voulais faire du cheval.
01:05 Il m'a dit que ce n'était pas possible.
01:07 Déjà, tu vas m'arrêter tes blagues tout de suite.
01:09 Et, je pense que le numéro un, c'est surtout le point de vue financier.
01:13 Ça coûte super cher.
01:15 En étant jeune, je ne connaissais pas du tout le milieu.
01:20 Je ne savais pas que c'était un milieu aisé.
01:23 Pour moi, ce que je voulais, c'était juste d'être avec les chevaux.
01:26 Du coup, je me suis dit qu'il faut absolument que je trouve une solution.
01:28 Je tapais sur Internet, "centré-caisse Nanterre".
01:30 Évidemment, il n'y avait pas de centré-caisse à Nanterre.
01:32 Et le plus proche, c'était Rémy Malmaison.
01:34 Je me suis posé la question, je suis jeune, je n'ai pas d'argent.
01:37 Mes parents n'ont pas forcément les moyens.
01:39 Est-ce que je peux venir chez vous pour monter un cheval ?
01:42 Mais en échange, je vous aide.
01:44 Et de fil en aiguille, ils me donnaient des petits pourboires, 5 euros.
01:48 Donc, je faisais mes petites économies avec ces pourboires-là.
01:50 J'allais chez Auchan et j'achetais des packs de canettes à 3 euros
01:54 que je revendais dans ma ville.
01:56 Et avec ce premier "habillé", j'ai acheté mon premier pantalon d'équitation.
02:00 J'ai grave kiffé. Ce que j'ai kiffé, c'est la vitesse.
02:02 Alors, je vous présente Olga.
02:14 C'est ma jument et la jument de Nora.
02:17 Le jeune jument de 4 ans.
02:22 Alors, elle adore les caméras.
02:24 Ça, c'est normal.
02:25 C'est pour ça qu'elle est comme ça.
02:26 C'est la première bête que j'ai, sachant que ça fait quand même longtemps
02:31 que je travaille dans le milieu des caches.
02:32 Plus vite. Allez.
02:33 Voilà.
02:35 Oui, ça, c'est top.
02:37 Et on va changer de sens.
02:39 Aujourd'hui, je suis cavalier enseignant.
02:43 J'accompagne des cavaliers pour pouvoir leur trouver, entre guillemets,
02:47 le cheval qui leur correspond le mieux, le plus.
02:49 Une, deux. Très bien, ça.
02:51 Continue encore, encore, encore, encore, encore, encore, encore.
02:53 Voilà. Et là, je redresse et volte à droite.
02:56 Je valorise aussi des chevaux.
02:58 Donc, on me donne des chevaux au confiage
02:59 que je monte, que je déboure, comme j'ai fait avec cette jument.
03:03 OK.
03:05 C'est bien, ma fille.
03:07 Alors, je fais aussi barbershop.
03:09 06/67. Non, je rigole.
03:11 Oui, je lui ai fait cette coupe parce qu'elle avait la crinière un peu longue.
03:14 C'est esthétique. C'est comme moi.
03:16 Je sais que j'aime bien faire les contours pour être toujours propre.
03:19 Voilà, on va dire que c'est un dégradé, un dégradé progressif.
03:22 Alors, tu ne veux plus rentrer ?
03:24 Ah, c'est bien ce que je me disais.
03:25 Regarde, ils sont où, tes copains ?
03:27 Ils ne l'ont pas vu.
03:29 Ils ne t'ont pas vu encore.
03:31 Le cadre est juste fantastique parce qu'on est à la campagne.
03:33 C'est un luxe pour moi.
03:34 C'est un grand luxe et je me sens très, très bien.
03:36 Je suis avec mes chevaux, le foin, le fumier.
03:38 Je suis dans mon élément.
03:39 Allez, hop, on part au trou.
03:41 Nous, dans notre ville, à Nanterre, on aime beaucoup charrier.
03:44 On aime beaucoup se chamailler, se faire des choses.
03:47 Et j'ai eu beaucoup de moqueries.
03:48 Beaucoup de moqueries où, en fait, on n'a pas vraiment cru en moi
03:50 en disant "Ah, mais ça, ce n'est pas un truc qu'on fait, nous.
03:54 Nous, on est plus destinés à faire du foot, des trucs."
03:57 Donc, aujourd'hui, on ne se moque plus.
03:58 Ça, c'est la phase la plus drôle de ramasser les crotins.
04:04 Et vous voyez, on dirait que j'ai fait ça toute ma vie.
04:07 Hop.
04:10 Super.
04:13 Il a montré qu'au quartier, il n'y avait pas que certaines réussites,
04:17 on va dire.
04:18 Les jeunes, ils sont durs entre eux.
04:19 On le sait très bien.
04:20 Surtout quand on vient du quartier, aller dans un monde comme ça,
04:23 à cet âge-là, tu peux recevoir plein de critiques.
04:25 Et aujourd'hui, c'est une fierté de le voir là
04:28 et d'être épanoui dans ce monde-là.
04:31 Je pense que ce serait bien que tu ramènes un cheval ici.
04:34 Non ?
04:37 On pourrait mettre un peu de sable.
04:39 C'est pas mal.
04:40 C'est pas mal.
04:41 On pourrait mettre un peu de sable.
04:43 C'est un peu trop bétonné pour un cheval.
04:44 Nous, l'équitation, c'était uniquement quand on faisait les centres
04:48 pendant les vacances.
04:49 Et on aimait tous s'en faire, en vrai.
04:52 On aimait tous s'en faire, mais pour nous, c'était inaccessible.
04:55 Jibril, pour moi, c'est un artiste dans ce qu'il fait.
04:57 J'aime trop le cheval.
04:58 Moi, j'aime trop.
04:59 Quand je le vois, je kiffe.
05:01 Et j'aimerais trop savoir en faire, mais j'ai peur de la chute.
05:04 En vrai, si lui, il est avec moi...
05:07 - Ça va le faire. - Ça va le faire.
05:08 J'ai pas peur.
05:09 J'ai pas peur.
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