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00:00 Bonsoir, voici un documentaire qui devrait plaire aux passionnés de complot.
00:04 Mais ici, pas de fantasme de conspiration, non.
00:07 Il s'agit très sérieusement d'un épisode de la guerre froide.
00:10 Plus de 20 ans se sont écoulés depuis l'effondrement du communisme en Europe de l'Est,
00:14 et aujourd'hui, les archives s'ouvrent et les langues se délient.
00:17 Il est possible désormais d'interroger les acteurs des grandes tragédies mystérieuses des années 70 et 80.
00:24 Ces tragédies sont liées à l'intervention des armées secrètes de l'OTAN
00:27 au centre du documentaire réalisé par Emmanuel Amara.
00:31 Dans les années 60, la CIA a imaginé une coordination de groupes d'agents
00:35 pour contrer les risques communistes en Europe de l'Ouest et lutter contre la subversion.
00:40 Le nom de code de l'opération ?
00:41 "Stay behind", littéralement se tenir derrière.
00:45 Les services secrets d'Italie, d'Allemagne, de Belgique
00:47 auraient utilisé des groupes terroristes d'extrême droite
00:50 avec la complicité d'hommes politiques pour créer une stratégie de la tension.
00:55 L'enquête d'Emmanuel Amara fournit des explications crédibles
00:58 pour l'attentat de 1980 à Munich lors de la fête de la bière
01:01 qui fait 11 morts et 200 blessés.
01:05 La même année, un autre drame ensanglante la gare de Bologne en Italie.
01:09 En Belgique, les mystérieux tueurs du Brabant ont mitraillé des passants
01:13 et même assassiné des enfants.
01:15 Ils n'ont jamais été retrouvés.
01:18 Et si derrière ces crimes se tenaient les services secrets occidentaux ?
01:21 Réponse dans cette enquête surprenante, les armées secrètes de l'OTAN.
01:25 (Cris de la foule)
01:33 Du début des années 50 à la fin des années 80 pendant la guerre froide,
01:36 l'Europe a été le théâtre d'une guerre secrète meurtrière.
01:40 On a beaucoup parlé du terrorisme d'extrême gauche en Italie,
01:43 en Allemagne, en France et en Belgique.
01:46 Ce que l'on ne savait pas, c'est qu'il y a eu un terrorisme d'extrême droite
01:50 tout aussi violent.
01:51 Ce qu'on ne savait pas, c'est qu'il a été notamment instrumentalisé
01:54 par les États-Unis, l'OTAN et des membres influents
01:58 des États démocratiques européens.
02:00 (Musique)
02:20 Le 24 octobre 1990, devant les élus de la nation italienne,
02:24 Giulio Andreotti, l'ancien chef de gouvernement,
02:27 révèle au monde entier l'existence d'une armée secrète européenne
02:30 placée sous commandement de l'OTAN et des États-Unis.
02:33 Cette armée serait responsable de manipulations, d'assassinats et d'attentats.
02:38 Selon Andreotti, l'armée secrète agissait avec l'approbation des États
02:42 ou du moins d'une partie des élites gouvernantes.
02:45 En révélant ainsi l'existence de ce réseau d'agents,
02:48 il déclenche l'un des plus gros scandales politico-militaires
02:52 de la fin du XXe siècle.
02:54 (Applaudissements)
02:59 L'histoire des armées secrètes débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
03:04 Une nouvelle menace se précise, celle de l'Union soviétique.
03:07 C'est le début de la guerre froide.
03:09 Face à la menace soviétique, l'Europe, avec les États-Unis,
03:13 se dote d'une alliance militaire.
03:16 Une dizaine de pays créent l'OTAN en avril 1949.
03:20 L'organisation du traité de l'Atlantique Nord installe son siège à Paris.
03:24 En parallèle, et pour renforcer leurs dispositifs militaires,
03:28 l'OTAN et les États-Unis créent dans toute l'Europe
03:30 une armée secrète appelée "Stay Behind", en français "Rester derrière".
03:35 Son objectif est de mener une guerre de résistance à l'intérieur de chaque pays
03:39 en cas d'invasion soviétique.
03:41 (Musique)
03:48 L'historien suisse Daniel Eganzer a passé 7 ans à enquêter sur cette armée secrète.
03:54 Son travail a permis de prouver que les États-Unis en étaient les maîtres d'œuvre.
03:58 Ses recherches ont mis à jour le rôle secret de l'OTAN
04:01 comme cheville ouvrière de ce réseau.
04:04 (Musique)
04:09 Dans les années 50, l'OTAN, la CIA et le MI6, les services secrets britanniques,
04:14 ont commencé à expliquer aux différents pays membres de l'Alliance,
04:17 telles l'Italie, l'Allemagne, la France, la Norvège,
04:20 la nature du danger que représentait le communisme.
04:25 Le danger communiste venant de l'extérieur avec l'Union soviétique,
04:29 mais aussi le danger du communisme à l'intérieur de chaque pays.
04:37 Pour bien comprendre l'histoire de ce réseau secret, nous nous sommes rendus à Berlin.
04:42 Jusqu'en 1989, sa partie est était la capitale de la République démocratique d'Allemagne.
04:48 Elle abritait notamment la Stasi, le ministère de la sécurité.
04:53 Depuis la réunification du pays, ses archives sont ouvertes aux chercheurs.
04:58 Cas unique dans l'histoire de la guerre froide, on peut aussi rencontrer d'anciens agents,
05:02 notamment ceux du contre-espionnage.
05:05 Ils espionnaient l'OTAN et connaissaient l'existence de cette armée secrète.
05:10 Il n'y a pratiquement aucune preuve de l'existence de cette organisation.
05:13 Et c'est dans les archives de la Stasi que l'historien Daniel Eganzer fait une découverte de Thaï,
05:18 un document daté de 1984 qui évoque l'armée secrète et sa mission.
05:24 Il y est explicitement écrit qu'il existe en Europe de l'Ouest une structure composée d'agents secrets qui se nomme "Stay Behind".
05:39 Ces agents secrets ont pour mission de devenir actifs en cas de conflit entre le pacte de Varsovie et l'OTAN.
05:47 Les relations des États-Unis avec ces armées secrètes remontent à la période de la Seconde Guerre mondiale.
06:00 En 1944, alors que par exemple l'armée américaine occupait l'Italie,
06:06 il y avait un officier, James Engleton, qui dirigeait les services secrets avant de devenir l'un des responsables de la CIA.
06:16 Cet homme avait d'abord reçu l'ordre de démasquer et de liquider tous les groupes de résistance que les fascistes avaient créés.
06:25 Finalement, il s'est lancé dans le recrutement massif de tous les fascistes pour lutter contre l'Union soviétique.
06:33 C'est comme cela que ça a commencé en Italie, puis pareil ailleurs.
06:41 À l'époque, comme aujourd'hui, l'OTAN a été dominée par les États-Unis.
06:51 Donc à travers l'OTAN, les États-Unis ont créé une structure militaire qui leur a permis de contrôler l'Europe de l'Ouest.
06:58 C'était l'idée de départ. Il s'agissait de protéger l'Europe de l'Ouest, mais aussi de la contrôler.
07:04 Contrôler et protéger.
07:08 Depuis la libération, la présence militaire française en France est massive et ambiguë.
07:19 En plus du siège de l'OTAN à Paris, le pays abrite plusieurs bases américaines.
07:24 La CIA dirigée par Alain Delos y mène toute la lutte anticommuniste.
07:29 En 1958, lorsque le général de Gaulle revient au pouvoir, il se rend compte que le pays est littéralement sous la coupe des Américains.
07:37 Proche des services américains pendant quelques années, Constantin Melnik a bien connu les pratiques de la CIA et de l'OTAN.
07:48 En 1959, il rejoint à Matignon le premier ministre de De Gaulle, Michel Debré.
07:55 Il devient alors le patron officieux des services secrets français.
07:59 Constantin Melnik est un témoin exceptionnel de la guerre froide.
08:03 Homme de l'ombre, haut stratège du renseignement, il a œuvré pendant plus d'un demi-siècle.
08:09 Cette organisation a été installée à un moment où, malgré tout le bien que je pense de la 4e République,
08:18 cette 4e République n'avait pas la force qu'a eue le général de Gaulle de lutter suffisamment contre une colonisation américaine.
08:29 Entre Alain Delos qui venait et pratiquement donnait des instructions au président de la République,
08:38 entre les ministères des Finances qui allaient mendier l'aide américaine pour l'abominable guerre d'Indochine,
08:46 tout ça crée quand même une ambiance extrêmement dangereuse.
08:53 Une situation dangereuse, car la France est alors en pleine escalade militaire en Algérie.
08:58 Une guerre qui fait vaciller les institutions de la 4e République.
09:02 Sur fond de contestations politiques contre une guerre coloniale, des dizaines de milliers de jeunes appelés français
09:08 sont envoyés combattre les indépendantistes algériens.
09:11 Pour ramener l'ordre dans le pays, De Gaulle fonde la 5e République et conduit l'Algérie vers l'indépendance.
09:18 Une décision politique qui mène pour un temps la France au bord de la guerre civile.
09:24 On m'a informé à mon arrivée à Matignon de l'existence d'un secret d'État
09:32 qui était une idée qu'on m'a présentée comme très originale de création d'une résistance intérieure.
09:42 Il existe donc également une armée secrète en France.
09:45 Elle est en partie composée des parachutistes du 11e choc.
09:48 Ils sont basés à Cercotte, près d'Orléans, en Corse, et à Collioure, à la frontière espagnole.
09:53 Ils sont placés sous commandement militaire français.
09:56 Ces hommes dérapent alors en pleine guerre d'Algérie.
09:59 Le 20 avril 1961, les officiers de l'armée secrète vont intervenir sur la scène politique et militaire française.
10:06 Leur action va mettre en danger la 5e République.
10:09 Les parachutistes des services étaient quand même moralement proches de leurs collègues d'Algérie.
10:18 Il y avait des liaisons.
10:23 Par exemple, je peux dévoiler un secret d'État.
10:28 C'est qu'au moment du putsch, le chef du service d'action a été prévenu par le général Charles qu'il allait faire un putsch
10:37 et lui a demandé de le transporter en Algérie.
10:40 Eh bien, le chef du service d'action ne nous a pas rendu compte de ça.
10:47 Le général Charles, aux côtés des généraux Zeller, Salan et Jouhau, font un putsch à Alger contre l'indépendance de l'Algérie.
10:55 Ils vont tenir du 21 avril au 26 avril 1961 grâce à la mutinerie d'une partie des troupes françaises et le soutien de la CIA.
11:03 Mais avec l'appel au calme du général de Gaulle le 23 avril, l'insurrection perd de sa force.
11:08 Et le 26 avril 1961, tout rentre dans l'ordre.
11:13 Les généraux Charles et Zeller sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison.
11:17 Salan et Jouhau s'enfuient et fondent l'OAS, l'Organisation armée secrète.
11:23 À coup d'attentat, cette organisation tente de garder à tout prix l'Algérie française.
11:28 Ils seront aussi arrêtés et condamnés.
11:30 Les hommes de ce réseau français seront pardonnés par de Gaulle, mais pas l'OTAN.
11:34 De Gaulle a eu toutes les difficultés du monde à partir du moment où il a déclaré que l'Algérie serait indépendante.
11:43 Il y a eu de nombreuses tentatives d'attentat contre lui.
11:46 À l'époque, bien sûr, nous ne connaissions pas l'existence d'une armée secrète.
11:50 Dans les années 60, il y avait l'OAS, l'Organisation armée secrète,
11:55 mais nous ne savions pas qu'en parallèle, il y avait cette autre armée secrète de l'OTAN.
12:00 Qui en étaient les membres ? À quel groupe appartenait-il ? Comment cela fonctionnait-il ?
12:06 Nous n'en savons encore rien à ce jour.
12:10 Après le putsch d'Alger, les attaques de l'OAS, l'ingérence américaine dans les affaires françaises devient intolérable.
12:20 Il y avait une chose totalement inadmissible, c'est qu'ils grenouillaient dans les états militaires au nom de l'OTAN,
12:35 et ils grenouillaient dans les services secrets où ils avaient leurs entrées.
12:40 De Gaulle a en plus toujours eu de mauvaises relations avec les États-Unis.
12:49 L'Amérique, étant donné son rôle ambigu que l'elle a joué pendant la résistance vis-à-vis du général de Gaulle,
12:56 n'inspirait pas au général une sympathie débordante.
13:01 Donc il y a tout un ensemble de faits qui, avec le recul, me paraissent d'une rare intelligence,
13:10 surtout que l'OTAN à l'époque n'était pas seulement une organisation militaire,
13:18 mais voulait jouer un rôle politique important pour avoir une espèce de mainmise sur l'Europe,
13:27 et c'est cette mainmise sur l'Europe que le général de Gaulle ne voulait pas.
13:31 Cette politique intrusive de l'OTAN et des États-Unis conduit finalement de Gaulle à prendre une décision irrévocable.
13:39 En octobre 1966, la France quitte l'OTAN.
13:43 Le siège de l'Alliance militaire atlantique déménage à Bruxelles, en Belgique.
13:49 Ce réseau secret est installé dans tout le reste de l'Europe.
13:54 Ce qui nous a en plus frappés et intéressés en tant qu'ennemis, c'était de savoir qu'à part les pays de l'OTAN,
14:07 tous les pays soi-disant neutres faisaient également partie de ce réseau.
14:11 Notamment l'Autriche et la Suisse.
14:14 Cet ancien officier du contre-espionnage allemand nous fait une révélation stupéfiante.
14:24 L'OTAN disposait aussi d'un réseau secret dans les pays neutres d'Europe.
14:28 En Suisse, la P26 est le nom de code de cette armée secrète depuis la fin des années 60.
14:33 Impensable pour un pays neutre, ce réseau aurait fait partie de la structure de l'OTAN.
14:39 Ses hommes, des patriotes, étaient pris en charge par les services secrets britanniques qu'il les formait au maniement des armes,
14:45 aux actions de sabotage et aux renseignements.
14:48 Un ancien agent de ce réseau a accepté de nous parler.
14:53 Il va nous lire en quoi consistait sa mission dans un extrait de son contrat de travail.
14:58 Bon, alors, j'ai fait partie de cette organisation qui s'est appelée P26.
15:06 Le projet P26 prépare la résistance sur le territoire occupé par l'ennemi.
15:12 On faisait de l'instruction, de l'instruction sur le terrain, de l'instruction aux armes,
15:18 ou de l'instruction, par exemple, de parachutage.
15:22 Tous ces agents secrets étaient entraînés continuellement.
15:26 Ils faisaient entre 3 et 4 stages de formation chaque année.
15:29 Pour communiquer entre eux, faire passer les ordres de l'OTAN,
15:33 les espions anticommunistes avaient un système de radiocryptés.
15:36 En cas de conflit, l'OTAN avait disposé dans toute l'Europe des caches d'armes et des bases secrètes.
15:43 Il y avait du matériel. Il y avait des petits conteneurs, des tubes ronds comme ça,
15:50 ça faisait 1,50 mètre de long.
15:54 Là-dedans, il y avait des pistolets, il y avait des fusils, des silencieux, il y avait de l'argent aussi.
16:02 Donc, l'argent, on disposait de l'argent, ils avaient acheté de l'or.
16:07 L'organisation avait un certain montant en or, en pièces d'or.
16:13 La révélation de l'existence d'une armée secrète a fait scandale en Suisse.
16:17 Une commission d'enquête parlementaire a tenté de faire la lumière sur les mécanismes de la P26.
16:22 Mais tout ce qui concerne les liens militaires sulfureux de ce pays neutre avec l'OTAN
16:26 sont classés secret défense jusqu'en 2020.
16:29 Pour l'ancien vice-président de la commission d'enquête, ils ne font pourtant aucun doute.
16:33 On n'a jamais pu éclaircir au niveau de l'enquête parlementaire ces rapports.
16:38 Moi, personnellement, je suis assez convaincu qu'il existait des rapports
16:43 et que de toute façon, la P26 entrait dans le cadre de ces réseaux qui existaient.
16:51 Quand j'ai fait le rapport au conseil, j'ai critiqué le fait qu'on n'avait pas pu terminer le travail
16:58 et que c'était nécessaire pour éclaircir au niveau du fonctionnement des choses
17:03 et surtout du respect de la neutralité.
17:05 Patriote en Suisse, dans d'autres pays, le recrutement s'est fait sur des bases idéologiques extrêmes.
17:10 Les Américains voulaient des hommes prêts à tout contre le communisme.
17:13 Dans l'Allemagne et l'Italie d'après-guerre, ces hommes sont avant tout des nazis et des fascistes convaincus.
17:19 En Italie, l'homme-clé de ce réseau est Licio Gelli,
17:24 un ancien mercenaire franquiste, nazi et agent de la CIA.
17:28 Il est le chef d'une loge maçonnique baptisée P2.
17:31 La loge P2 est le cerveau de cette armée secrète qui s'appelle Gladio, le glaive.
17:37 Nous pensions qu'il existait un plan insurrectionnel des communistes en Italie.
17:47 Nous en avons discuté, puis nous avons pris la décision ensemble avec Kosiga,
18:00 qui est devenu président de la République, de former cette armée secrète anticommuniste.
18:14 Elle était composée au départ d'anciens de la Légion Condor et de la République fasciste de Salo.
18:21 Ils étaient jeunes, connaissaient les armes et étaient résolument acquis à la cause fasciste.
18:29 En Allemagne, une partie considérable des membres de l'armée secrète, environ 25%,
18:38 étaient constitués des hommes de l'ancien service de renseignement de la SS.
18:43 L'office central de la sécurité du Reich.
18:46 Ainsi le personnel, plus le réseau d'agents et d'indicateurs, étaient noyautés par les anciens SS.
18:52 On s'est appuyé sur eux pour créer l'armée secrète allemande.
18:56 A la fin des années 70, il y a une escalade de la guerre froide avec une nouvelle course aux armements.
19:03 L'URSS de Léonid Brejnev multiplie les démonstrations de force.
19:08 Les soviétiques installent des missiles nucléaires à longue portée dans les pays de l'Est,
19:12 menaçant directement les membres de l'Alliance Atlantique.
19:15 A l'Ouest, les Etats-Unis et leurs alliés répliquent en installant les missiles Pershing.
19:20 Les armées secrètes de l'OTAN auraient de nouveau été réveillées à ce moment-là.
19:25 Et en Allemagne, la tension est au maximum pendant ces années.
19:35 La peur et la répression gagnent le pays.
19:38 La bande abadère, qui devient la fraction armée rouge,
19:41 multiplie les attaques contre les anciens nazis et les symboles de la soumission au capitalisme américain.
19:47 En parallèle, l'extrême droite lance des attaques à l'aveugle.
19:52 A la fin de l'été 80, l'atmosphère est particulièrement tendue
19:56 lors des élections législatives qui opposent le chancelier social-démocrate Helmut Schmidt au conservateur.
20:04 Helmut Schmidt, au pouvoir depuis 6 ans, est accusé par son principal adversaire,
20:09 l'ultra conservateur Joseph Strauss, d'être un chancelier faible face au terrorisme de gauche.
20:32 Ce soir du 26 septembre 1980, des milliers de badauds célèbrent le centenaire de la fête de la bière de Munich.
20:39 C'est le moment que choisit Gundolf Kohler, un jeune homme de 21 ans, pour actionner une bombe artisanale.
20:45 Le bilan est terrible. Il y a 11 morts, 200 blessés, dont 70 très grièvement.
20:51 Cet attentat marque profondément l'opinion publique allemande.
20:54 Les policiers allemands ont fait vite.
20:56 Ils sont déjà persuadés que l'auteur de l'attentat est bien parmi les victimes de cet attentat effroyable de Munich.
21:03 Très rapidement, les autorités découvrent qu'il y a des liens entre Gundolf Kohler et l'extrême droite.
21:09 Des liens avec un groupe paramilitaire néo-nazi appelé Milice Hoffmann.
21:14 Mais après quelques jours d'enquête, la police conclut à l'acte suicidaire d'un jeune homme solitaire et désespéré.
21:21 Les déclarations des autorités concernant le poseur de bombes sont une vaste manipulation, une hypothèse non vérifiée.
21:28 Comment peut-on présenter un homme comme un solitaire alors qu'il est musicien et joue de la batterie dans un groupe,
21:35 qu'il fait deux fois par semaine des répétitions et qu'il venait de passer une annonce pour trouver un nouveau groupe ?
21:41 Ulrich Schossi enquête sur cet attentat depuis dix ans. Il a repris toutes les bases des investigations menées par la police bavaroise.
21:47 Une enquête qu'il qualifie aujourd'hui de manipulation à grande échelle.
21:51 Le travail a été bâclé et les témoignages les plus intéressants concernant Gundolf Kohler ont été écartés sans aucune explication valable.
21:59 Il a été interrogé par la police bavaroise, qui a été enregistré par la police de Munich.
22:04 Et un an après l'attentat terroriste, la police tombe sur une information de taille qui renforce pourtant la thèse des liens avec l'extrême droite.
22:11 Une extrême droite qui semble-t-il entretient des relations avec le réseau secret de l'OTAN, avec l'armée secrète allemande.
22:18 Une armée qui à ses débuts avait recruté d'anciens nazis.
22:22 Un an après cet attentat, la police allemande a commencé à parler d'un lien possible entre l'attentat de Munich et un immense réseau de caches d'armes dont s'occupait un homme, monsieur Lemke.
22:43 Et ce Heinz Lemke, qui gérait ces dépôts d'armes, semble avoir été lié au réseau "Stay Behind" allemand.
22:50 C'était un extrémiste de droite et il a déclaré qu'il allait révéler toute l'histoire.
22:55 Il n'a pas dit de quelle histoire il s'agissait.
22:57 C'était au début des années 90, lorsque les avocats des victimes de Munich sont venus le voir.
23:02 Et il a déclaré qu'il allait révéler toute l'histoire.
23:05 Il n'a pas dit de quelle histoire il s'agissait.
23:07 C'était au début des années 90, lorsque les avocats des victimes de Munich sont venus le voir.
23:11 Il a été retrouvé mort, pendu dans sa cellule.
23:16 Le néo-nazi Heinz Lemke était apparemment un homme de l'armée secrète.
23:24 Une armée secrète sous commandement des services secrets allemands et de l'OTAN.
23:29 Il gérait plusieurs dépôts d'armes disséminés dans la forêt allemande.
23:33 Il y avait là quantité d'armes à feu, des explosifs, un équipement radio
23:38 et tout le matériel nécessaire pour entretenir les hommes d'une armée secrète.
23:43 D'ailleurs, tous les équipements qui ont été retrouvés dans les caches,
23:58 c'est-à-dire les armes, les explosifs, les émetteurs radio,
24:03 sont exactement les mêmes que ceux utilisés par le réseau secret en Allemagne.
24:08 Il y a trop d'incohérences dans l'enquête conduite par les autorités.
24:17 Des incohérences au sujet du meurtrier, des incohérences sur la provenance des explosifs.
24:26 Selon moi, ils viennent des stocks de l'armée.
24:30 C'est ce qui explique que les autorités n'aient aucune envie d'ouvrir les dossiers
24:35 et préfèrent dissimuler les dessous de cette affaire.
24:38 Une piste que n'ont pas voulu ou pas pu suivre les enquêteurs.
24:44 Qui fallait-il protéger ? Pourquoi ?
24:46 Mais il y a pire.
24:48 Les dernières découvertes des journalistes, des historiens et de l'avocat des victimes
24:52 expliquent que les services secrets allemands auraient eu une taupe à Munich.
24:56 Un agent à l'intérieur du groupe d'extrême droite qui a préparé cet attentat.
25:00 En plus, nous avons récemment trouvé une nouvelle piste que les autorités devraient suivre.
25:08 Un des principaux témoins de l'attentat de la fête de la bière de Munich
25:12 avait expliqué aux enquêteurs que peu de temps avant l'explosion,
25:15 il avait remarqué le poseur de bombes discuter avec deux autres jeunes.
25:18 Il avait noté qu'ils se disputaient.
25:21 En fait, nous avons découvert que ce témoin serait un homme du contre-espionnage allemand.
25:26 Cette information a été révélée très récemment par le magazine Spiegel.
25:30 Pourquoi les autorités auraient-elles abordé cette enquête ?
25:37 Qu'avaient-elles à cacher ?
25:39 Pour beaucoup de spécialistes allemands, le mobile est peut-être d'ordre politique.
25:43 Aujourd'hui, l'ancienne ministre de la Justice du chancelier Helmut Schmidt
25:49 reconnaît que des erreurs ont sans doute été commises.
25:52 C'est pourquoi elle demande aux côtés des victimes de cet attentat
25:55 la réouverture officielle d'une affaire un peu trop vite classée.
25:59 Évidemment, c'est une frustration énorme pour moi.
26:09 À l'époque, j'étais ministre de la Justice
26:14 et je faisais partie des gens qui ont sans cesse mis en avant les incohérences.
26:19 Je le faisais ouvertement, devant les parlementaires et mes collègues au gouvernement.
26:25 Je disais notamment qu'il fallait se pencher sur les groupes d'extrême droite,
26:31 qu'il fallait enquêter sur les relations avec l'étranger,
26:34 les militaires et les services secrets.
26:37 Mais personne ne voulait m'écouter.
26:40 Pourtant, nous savons aujourd'hui que pendant la guerre froide,
26:44 tous les services secrets ont fait des choses abominables.
26:49 Il y aurait-il un pacte du silence d'une partie de la classe politique allemande ?
26:55 Quel intérêt aurait-il à dévoiler aujourd'hui des secrets qui les concernent ?
26:59 Quel intérêt aurait-il à déballer leurs arrangements passés ?
27:02 Il y a eu un pacte du silence.
27:07 Il n'y avait rien à gagner en faisant la vérité.
27:10 L'Allemagne craint qu'en y regardant de plus près,
27:13 les deux principales formations politiques qui se partagent le pouvoir
27:16 pourraient en subir les conséquences.
27:20 Pour comprendre comment cette armée secrète s'est immiscée dans les affaires intérieures de certains pays,
27:26 l'historien suisse a découvert l'explication dans un document-clé,
27:29 un accord passé dans le cadre de l'OTAN entre les services secrets italiens et la CIA
27:34 en vue de la création d'une armée secrète dans ce pays.
27:40 Le document précise que l'autre cas d'urgence est "sovertimenti interni".
27:46 Traduit, cela veut dire agitation interne, agitation sociale, manifestations.
27:54 Cela veut tout dire.
27:56 Cela va d'une manifestation communiste à Rome
27:59 au syndicat qui empêche une usine fiat de fonctionner.
28:03 En fait, ces armées secrètes avaient une double stratégie.
28:07 En cas de conflit ouvert et d'occupation d'un pays membre de l'OTAN,
28:11 elles devaient organiser une résistance.
28:14 Une deuxième stratégie s'est développée avec les années.
28:17 Il s'agissait de créer des tensions politiques à l'intérieur des pays de l'OTAN
28:21 et d'étouffer par tous les moyens les mouvements de gauche.
28:25 Ces armées secrètes sont donc chargées par l'OTAN et les États-Unis
28:33 de se tenir prêtes au combat en cas d'invasion soviétique.
28:37 Dans certains pays, les armées secrètes reçoivent l'ordre d'intervenir en cas de menace intérieure.
28:43 Radio, renseignements, de l'Espagne à la Norvège, de l'Italie à la Belgique,
28:49 ces réseaux sont mobilisés pour surveiller de près
28:52 les activités de leurs ennemis communistes et socialistes.
28:59 La priorité était dirigée vers le parti communiste et vers les organisations crypto-communistes.
29:04 Donc en fait, à l'époque de la guerre froide,
29:07 jusqu'au moment où la nature de la menace a commencé à changer,
29:11 la quasi-totalité de nos moyens est axée vers le contre-espionnage.
29:15 Notre enquête nous conduit en Belgique.
29:24 Depuis le retrait de la France en 1966, le siège de l'OTAN est dans ce pays.
29:30 Un pays stratégique pour les États-Unis et les membres de l'Alliance Atlantique.
29:35 A la fin des années 70, la gauche revient au pouvoir.
29:39 L'OTAN et les États-Unis imposent à la Belgique l'installation de missiles nucléaires sur son territoire.
29:45 Les missiles Pershing suscitent immédiatement un rejet massif de la population.
29:50 A la même époque, se produit une série de faits violents qui déstabilisent profondément la Belgique.
29:55 Notamment, une série d'attentats encore inexpliqués à ce jour.
29:59 Charleroi, sud du royaume de Belgique.
30:09 C'est ici que depuis près de 30 ans, une cellule composée de magistrats et de policiers traque les tueurs du Brabant.
30:16 Les enquêteurs se concentrent notamment sur la tuerie qui a eu lieu dans la localité d'Allost le 9 novembre 1985.
30:25 Le magasin n'est pas fermé, on est en soirée et la Golf, je dis la Golf parce que c'est généralement ce véhicule-là qu'ils utilisent et c'est de nouveau une Golf,
30:34 entre sur le parking avec trois auteurs à bord au moins et ils vont tirer sur la foule.
30:40 On ne peut pas dire autre chose.
30:42 Il y a deux autres qui sont à l'extérieur sur le parking, à l'intérieur dans le magasin.
30:46 Le sang-froid aussi avec lequel ils quittent le parking à Allost, ils viennent de tuer huit personnes et la police est là et leur tire dessus.
30:55 Le véhicule, ce n'est pas dix mètres, c'est plusieurs dizaines de mètres que le véhicule quitte le parking.
31:03 Il y a deux auteurs à bord, il y a le troisième qui suit à pied, mais vraiment pas dans la précipitation,
31:09 c'est le troisième qui quitte à son aise, qui tire sur la police et qui se fait tirer dessus.
31:13 Il continue à suivre le véhicule.
31:15 Là ce sang-froid est un entraînement, mais est-ce que pour ça il faut penser à des gens qui ont une formation par exemple militaire ?
31:24 De 1982 à 1985, une bande armée assassine de sang-froid une trentaine de personnes et en blesse plusieurs dizaines d'autres.
31:31 Le mode opératoire est toujours identique.
31:34 Les tueurs débarquent dans un magasin de lèse, une chaîne de supermarché belge.
31:38 Ils ouvrent le feu à l'aveugle sur les gens qui font leurs courses.
31:41 Bonjour, massacre à l'hypermarché, des tueurs fous du Brabant ont encore tiré dans la foule des clients hier soir près de Bruxelles.
31:48 Bilan, sept morts dont deux enfants et trois blessés graves.
31:52 La majorité des faits se déroulent dans la province du Brabant, dans le sud de Bruxelles.
31:57 Ces crimes, sans aucun mobile apparent, traumatisent encore aujourd'hui le royaume.
32:06 Ce qui ne colle pas du tout, c'est qu'on a l'impression qu'il s'agit à la fois de grand banditisme,
32:12 à la fois de prédateurs qui vont chercher des victuailles dans un magasin,
32:16 à la fois de mercenaires légionnaires formés à la tuerie d'enfants,
32:21 à la fois une organisation avec derrière tout ça de l'extrême droite, avec du terrorisme, avec des stratégies de tension.
32:28 Tout, je vais dire, les implications du monde criminel se retrouvent dans ce dossier.
32:32 Les enquêteurs ont exploré toutes les pistes sans résultat pour le moment.
32:36 L'une d'elles est plus particulièrement fouillée depuis des années,
32:39 celle s'inscrivant dans le cadre d'une manipulation des armées secrètes de l'OTAN
32:43 avec la complicité de certaines autorités de l'état belge.
32:46 Les faits se cadrent dans une stratégie de la tension.
32:50 Il va de soi qu'on a pensé aussi à ce qu'on a appelé en Italie Gladio,
32:55 parce que le système existait non uniquement en Belgique, mais aussi ailleurs.
32:59 Et chez nous, ça s'appelait donc le "Stay Behind".
33:02 Et le "Stay Behind", il y a deux branches, la branche militaire, SDRA 8 pour la Belgique,
33:07 et STC MOB, donc la branche civile, gérée par la Sûreté d'État, et qui pourrait avoir une application.
33:13 La Belgique possédait donc deux armées secrètes inféodées à l'OTAN.
33:17 L'une appelée SDRA 8, logée au sein des services de renseignement militaire.
33:22 L'autre, la STC MOB, dépendait de la Sûreté d'État.
33:27 Ces deux armées secrètes ont fait l'objet d'une vaste enquête parlementaire.
33:32 Elles ont entretenu des liens ambigus avec l'extrême droite belge,
33:35 notamment la milice, Westland New Post, le WNP, dirigée par Paul Latinus,
33:41 un homme proche des services secrets.
33:44 Le WNP est très connu en Belgique en tant que groupe d'extrême droite.
33:54 Ce qui est nouveau, c'est que l'armée secrète de l'OTAN semble avoir été en contact avec ces néonazis.
34:01 La question est, y a-t-il eu une forme de collaboration ?
34:05 Est-ce que le sale boulot a été confié à l'extrême droite en lui garantissant une impunité totale ?
34:12 Nous ne sommes pas sûrs, c'est une possibilité.
34:19 Le WNP, Westland New Post, qui était un groupuscule d'extrême droite très actif dans ces années-là,
34:27 dont le leader a été retrouvé mort pendu en 1984,
34:31 avait certains liens avec la sûreté d'État.
34:36 De là à dire qu'ils travaillaient pour la sûreté d'État,
34:39 eux pensaient en tout cas travailler pour la sûreté d'État.
34:42 Quand on a comparé les faits, et donc le Westland New Post,
34:45 on a constaté qu'il y avait un élément troublant.
34:48 C'est qu'il pourrait y avoir une implication de certains membres,
34:52 ou donc du groupuscule WNP, dans la première vague des faits bravo-ballon.
34:57 En ce qui concerne la sûreté de l'État,
34:59 l'un des hommes soupçonné d'avoir fait partie de cette armée secrète
35:02 et d'avoir manipulé l'extrême droite, n'est autre que le commissaire Christian Smets.
35:07 Ce spécialiste du contre-espionnage nous avait parlé de l'armée secrète belge.
35:12 Aux côtés d'anciens officiers de la gendarmerie, il a été entendu par les enquêteurs.
35:17 Faute de preuves et sans aveu de sa part, il a été remis en liberté.
35:21 Ce que je vais vous dire, c'est qu'on n'a toujours pas trouvé le début de commencement d'un indice 30 ans après.
35:27 Là, j'en reste là.
35:29 On n'a rien. Si on n'a rien, je suis désolé, mais on peut me considérer comme suspectant qu'on veut.
35:34 On n'a rien, donc je suis innocent, et là, point final.
35:37 Une version à laquelle un homme ne croit pas.
35:40 Pour tenter de résoudre cette affaire, un journaliste a repris en main toute l'enquête sur les tueries du Brabant.
35:46 Guy Bouten privilégie la piste du complot des armées secrètes de l'OTAN.
35:50 Un complot couvert par l'État.
35:53 C'était un système croisonné.
35:56 Du moins qu'on sache de mieux pour les commanditaires.
36:02 Donc, on voit que les exécuteurs, les gens du terrain, les gens qui commettent des crimes,
36:09 les attaques, les attentats, les raids sur le délai, sont souvent, pas toujours, mais souvent des criminels
36:16 qui sont payés pour leur travail, mais qui connaissent pas les gens qui donnent des ordres.
36:24 Au cours de son enquête, Guy Bouten a fait une rencontre qui lui a ouvert les yeux.
36:31 Une rencontre avec un ancien agent de la Sûreté belge.
36:34 Cet agent secret, aujourd'hui à la retraite, se sent menacé.
36:38 Il a brièvement fait partie d'une structure parallèle à l'armée secrète officielle.
36:43 Une structure qui, depuis les locaux de la Sûreté d'État, était chargée des salles bosognes dans le royaume.
36:50 Steep Lane, c'était une section tout à fait officielle.
36:57 C'était très secret, très compartimenté.
36:59 C'était le recrutement d'agents dormants, avec cage d'armes, etc.
37:05 Communication par satellite, et voilà.
37:08 Mais ça c'était officiel, tandis que l'autre avait l'air absolument pas officiel.
37:12 Christian Smets me fait venir dans son bureau, et me dit "Est-ce que ça t'intéresserait de faire partie...
37:20 Enfin, RAS voudrait créer une section spéciale, section spéciale P, ça s'appellerait,
37:26 et j'aimerais bien que tu en fasses partie.
37:29 Est-ce que tu serais éventuellement d'accord ?"
37:32 Je lui disais "Ecoute, pourquoi y faire ?"
37:35 Il me fait du renseignement, m'enfin il va faire des trucs spéciaux.
37:41 Je lui dis "Oui, mais dans quel genre ?"
37:43 "Ecoute, tu connais RAS, il est tordu, donc c'est des trucs vraiment tordus, de chez tordus, je sais pas t'expliquer plus."
37:53 Il a collaboré à certaines oeuvres, pas propres, et qu'alors on aime bien savoir, on aime pas te transmettre à la justice,
38:04 on aime pas travailler trop avec les autres services, donc on travaille un peu en vins secs.
38:09 Une armée secrète parallèle au sein des services de la sûreté d'état.
38:13 Selon l'enquête de Guy Bouten, les services de renseignement de l'armée avaient également dédoublé leur structure.
38:18 Un autre réseau d'agents, lui aussi chargé d'exécuter certaines bases besognes.
38:23 C'est la raison d'état qui empêche qu'on trouve les vrais coupables.
38:29 Entre les stay behind officiels et les crimes, il n'y a pas de lien.
38:32 Ce qui est arrivé, c'est que des militaires, des gendarmes, ont crié en Belgique, avec l'appui des américains,
38:41 un stay behind parallèle, un stay behind bis, si vous voulez, qui a commis ces actes de terrorisme,
38:49 entre autres pour se défendre contre les communistes, pour déstabiliser l'état,
38:57 justement pour renforcer les services d'ordre, parce que les américains considéraient la Belgique comme le ventre mou de l'Europe,
39:06 et il fallait donc renforcer la police et la gendarmerie.
39:11 Et fin 85, après le massacre d'Allost, ils ont atteint leur but,
39:16 parce que ces services d'ordre ont été renforcés d'une manière spectaculaire.
39:21 Les états démocratiques étaient-ils au courant de l'existence de ces armées secrètes ?
39:28 Est-ce que leur parlement connaissait les activités de ces armées de l'ombre ?
39:32 Qui contrôlait réellement ce réseau au sein des pays membres de l'Alliance ?
39:36 Pendant la guerre froide, les pays d'Europe de l'Ouest étaient censés être libres et démocratiques.
39:50 Le parlement doit en principe être tenu informé de la création d'une telle structure.
39:55 Nous savons aujourd'hui que cela n'était pas le cas.
40:01 D'ailleurs, lorsque les armées secrètes ont été découvertes en 1990,
40:06 le parlement européen a condamné très fortement la création de ce réseau clandestin d'armées secrètes.
40:13 Il s'agissait donc bien d'une conspiration au sens strict du terme.
40:22 Un petit groupe d'individus a décidé de créer une structure secrète en se disant que c'était une bonne idée.
40:29 Toutefois, les parlementaires qui l'ont appris que bien plus tard étaient furieux.
40:34 Il n'y a plus aucun équilibre entre les pouvoirs et personne pour contrôler ces armées secrètes.
40:40 Étaient au courant les politiques qui avaient été sélectionnées par la CIA.
40:49 Les services secrets militaires étaient au courant,
40:54 notamment le chef qui gérait au sein des services une unité totalement dédiée à l'armée secrète.
41:01 Étaient également au courant, au cours des 40 années qui ont suivi la guerre,
41:07 quelques hommes politiques, des ministres de la défense,
41:11 quelques présidents du conseil,
41:14 enfin quelques secrétaires d'État tels Kosiga,
41:18 qui est ensuite devenu président de la République.
41:23 Il y a une espèce quasi totale de contrôle démocratique dans la plupart des pays de l'OTAN,
41:27 des armées sous contrôle américain, des alliances avec l'extrême droite.
41:31 Jusqu'où ces armées secrètes sont-elles allées dans les manipulations politiques ?
41:35 Jusqu'où sont-elles allées dans la terreur ?
41:38 Je voudrais rappeler qu'il existe un document du département d'État américain
41:48 qui date du début des années 70 et qui concerne la France et l'Italie.
41:53 Ce document fait référence à la politique internationale d'alors du département d'État.
41:59 Il y est dit qu'en Occident devaient être utilisés des instruments particuliers
42:04 tels que l'infiltration des mouvements de gauche
42:06 ainsi que ceux dont la ligne politique divergeait de celle des autorités en place.
42:11 Il y est dit que peu à peu il faut gravir certains échelons
42:16 en faisant d'abord des attentats démonstratifs pour aller jusqu'aux moyens extrêmes.
42:21 En fait, il fallait faire en Italie ou en France comme ce qui était fait au Vietnam.
42:26 Tout cela parce que dans ces deux pays, il y avait des partis communistes et socialistes puissants.
42:31 Le document cité par l'ancien juge antiterroriste Casson
42:38 est un manuel d'instruction militaire top secret
42:41 signé par le général américain Westmoreland.
42:44 Il préconise notamment l'emploi de méthodes comme le terrorisme
42:48 pour lutter contre l'ennemi communiste.
42:51 Il y aura des moments où les gouvernements montreront de la passivité face aux dangers communistes.
43:01 Dans ces cas, les agents américains doivent pouvoir lancer des opérations spéciales
43:09 pour convaincre ces gouvernements et leurs opinions publiques du danger communiste.
43:14 Décrié par la CIA, ce document a toutefois été authentifié par Recklein,
43:26 un des anciens directeurs de cette même agence.
43:37 L'Italie est confrontée à une intense effervescence sociale et politique depuis la fin des années 60.
43:42 Le parti communiste n'y a jamais été aussi puissant et se rapproche du pouvoir.
43:47 De cette agitation mal canalisée, naissent une multitude de groupuscules gauchistes
43:52 qui prônent une lutte armée insurrectionnelle.
43:55 Parmi eux, les brigades rouges qui ciblent leurs attaques sur l'État et les grandes multinationales.
44:01 En face, il y a des groupes néofascistes et l'État italien.
44:06 "Musique d'ambiance"
44:15 "Personne ne sait au juste combien il y avait de voyageurs dans le restaurant
44:20 et les deux salles d'attente au moment de la catastrophe.
44:23 Une catastrophe dont on ignore encore si elle est accidentelle,
44:26 on a évoqué l'hypothèse de l'explosion d'une chaudière,
44:29 ou si elle est due à un attentat terroriste."
44:34 La terreur.
44:36 Le 2 août 1980 à 10h25, une bombe explose dans la salle d'attente 2ème classe de la gare de Bologne en Italie,
44:43 soufflant tout le bâtiment.
44:45 Le bilan est de 80 morts, 200 blessés, dont des dizaines très grièvement.
44:50 "Bonjour à tous, à Bologne en Italie dans l'explosion de la gare centrale,
44:54 pour le moment aucune preuve qu'il s'agit d'un attentat."
45:02 "J'avais les yeux pointés sur Cossiga et Santovito.
45:06 Je me souviens que Santovito voulait nier l'effet objectif.
45:13 Il préférait dire qu'il s'agissait sans doute d'une explosion due à une fuite de gaz.
45:22 J'ai tout de suite eu le sentiment que le chef du service secret connaissait la vérité
45:30 et qu'il voulait brouiller les pistes de l'enquête."
45:33 Le sénateur Sergio Flamini est aux côtés des plus hautes autorités italiennes à Bologne dans les heures qui suivent l'explosion.
45:43 La police soupçonne spontanément les brigades rouges.
45:46 Le gouvernement de Francesco Cossiga accrédite la thèse de l'accident, puis celle de l'extrême gauche.
45:52 Plusieurs groupuscules d'extrême droite ont pourtant revendiqué l'attentat.
45:56 Cette impression de manipulation, cette tentative de pollution d'une enquête,
46:01 un homme, le procureur de la République de Bologne, va la subir de plein fouet.
46:06 "Cela a été très dur de découvrir cette réalité.
46:23 Dès les premiers instants de l'enquête, il y a eu une série impressionnante de gesticulations de nos services secrets,
46:30 notamment le 6/2 qui était en fait aux mains de la loge maçonnique P2.
46:35 D'ailleurs, j'ai découvert lors de mon enquête sur l'attentat de Bologne
46:48 que tous les services secrets du pays étaient littéralement inféodés à cette loge maçonnique P2."
46:55 En dépit d'obstacles considérables et de nombreux bâtons mis dans les roues de l'enquête,
47:02 la police arrête les membres d'un groupe d'extrême droite appelé NAR, les Noyaux Armés Révolutionnaires.
47:09 En 1995, ils sont reconnus coupables d'avoir commis l'attentat de Bologne et d'homicide volontaire
47:16 au terme d'une procédure judiciaire qui a duré plus de 15 ans.
47:20 Un verdict à minima qui ne satisfait pas complètement les partis civils de Bologne.
47:26 "J'avais déjà eu affaire à ce type d'attentat avec celui de la place Fontana,
47:38 dans lequel j'avais réussi à faire condamner deux néonazis qui appartenaient à la loge maçonnique P2.
47:45 Pour Bologne, j'ai réussi à faire condamner les trois terroristes coupables et aussi cette fois-ci,
47:50 ceux qui les avaient protégés."
47:53 "Il reste encore beaucoup à faire.
48:00 Il manque encore les commanditaires de cet attentat,
48:03 même s'il faut souligner que c'est l'un des rares attentats pour lequel on a pu condamner les exécutants.
48:13 L'enquête est par contre encore ouverte sur les commanditaires."
48:16 Pourtant, la piste remonte jusqu'aux glaives.
48:20 L'armée secrète italienne, la loge maçonnique P2 et son grand maître Licio Gelli.
48:26 C'est lui qui aurait manipulé ces néonazis avec le soutien de responsables du service secret militaire italien.
48:33 Faute de preuves scientifiques déterminantes,
48:36 ils ne sont accusés que d'avoir fait obstacle à cette enquête.
48:41 "Entre autres, quand on regarde de près l'enquête qui a été menée sur cet attentat,
48:48 on s'aperçoit qu'elle a sans cesse été sabotée.
48:51 Les services secrets savaient parfaitement à l'avance ce qui allait se passer.
49:00 Ils le savaient dès la veille de l'attentat et n'ont rien fait pour arrêter les assassins.
49:08 A partir du moment où il était évidemment impossible de dire que c'était autre chose qu'un attentat,
49:14 il y a eu sabotage de l'enquête et ça continue encore aujourd'hui.
49:18 Il s'agit en fait d'un moyen de protéger ceux qui ont commandité cet attentat."
49:25 Gelli, Pacienza et des responsables des services secrets sont condamnés à plusieurs années de prison.
49:35 Tous des hommes de l'armée secrète.
49:37 Pacienza, chef adjoint des services en 80, agent de la CIA et proche de l'OTAN,
49:43 était notamment accusé d'avoir placé une bombe dans un train en 1981.
49:47 Des explosifs identiques à ceux de Bologne afin d'égarer les pistes des enquêteurs.
49:52 Le grand chef des services secrets en 80, un autre homme de Gelli,
49:56 le général Santo Vito, devait lui aussi être condamné.
49:59 Ce dernier est décédé pendant le procès, avant qu'il ne puisse donner les commanditaires de l'attentat de Bologne.
50:06 Gelli reconnaît aujourd'hui que c'était un homme à lui.
50:10 "Les services secrets italiens savaient qui était leur chef.
50:18 Leur patron avait été nommé par moi lorsque je dirigeais la loge P2.
50:28 J'avais fait nommer le général Michelli, le général Giuseppe Santo Vito et aussi l'amiral Martini.
50:36 Ils étaient des nôtres.
50:42 Donc, pendant de longues années, les chefs des services secrets prenaient leurs ordres chez ceux qui les avaient nommés, c'est-à-dire moi."
50:54 Un aveu dont la portée est terrible pour la démocratie italienne.
50:59 "C'est un attentat couvert par l'Etat. Cette obstination.
51:11 Tous ces efforts mis en œuvre par les plus hautes instances politiques pour couvrir les véritables coupables n'ont aucun sens.
51:22 Si ce n'est effectivement pour dissimuler les responsabilités de l'Etat et du monde politique.
51:29 C'est effectivement un cas de terrorisme d'Etat.
51:35 Un cas de guerre secrète, d'opération clandestine qui a eu lieu pendant ces années.
51:40 Un prix, un très lourd tribut que nous avons dû payer pour la guerre froide."
51:49 "Une démocratie bloquée, une démocratie manœuvrée depuis l'extérieur.
51:54 Notre pays était manœuvré par la CIA.
51:57 Les choix des présidents de la République, ceux des chefs des gouvernements étaient tous décidés depuis l'étranger.
52:04 Je l'ai compris très tard, beaucoup trop tard.
52:11 C'est ce qui explique que Kosiga a toujours protégé un homme comme Djeli, qui était en fait une créature de la CIA et des États-Unis.
52:21 C'était un personnage très important."
52:25 Les armées secrètes de l'OTAN ont fait l'objet d'une commission d'enquête en Italie.
52:30 Cette structure secrète y a été sévèrement jugée.
52:33 Mais une condamnation a porté limité.
52:35 Ceux qui sont derrière, ceux qui savaient, les commanditaires de ces attentats, n'ont été et ne seront sans doute jamais punis.
52:44 "Cette stratégie de la tension visait à déstabiliser l'ordre public, pour stabiliser l'ordre politique.
52:59 C'était ça cette philosophie.
53:02 Ceux qui ont utilisé cette stratégie dans le monde politique, visaient en fait à rendre toute alternance politique impossible.
53:11 Ils voulaient un régime pérenne, comme cela est le cas aujourd'hui."
53:15 À part l'Italie, la Belgique et la Suisse, dans le reste de l'Europe, aucun responsable politique et militaire n'a eu à rendre de compte sur les armées secrètes.
53:24 À part ces trois pays, aucune commission d'enquête n'a tenté de faire la lumière sur ces armées secrètes.
53:30 Quant aux Etats-Unis et l'OTAN, les maîtres d'œuvre de ces armées, ils n'ont jamais voulu réagir.
53:36 Nous leur avons pourtant demandé de s'expliquer.
53:39 Nos questions sont restées lettres mortes.
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