• l’année dernière
Transcription
00:00 Mon nez, c'est mon appareil photo.
00:01 Mon nez, c'est ma cuillère.
00:03 J'adore cette odeur parce que c'est l'odeur de la sueur.
00:06 L'odeur traduit quelque chose de notre société,
00:08 d'un pays, d'une culture.
00:11 Pour moi, le métro ne pue pas.
00:12 Il possède une information.
00:14 Les odeurs sont partout.
00:20 Et derrière ces odeurs, derrière ces parfums,
00:23 il y a des nez comme moi et comme d'autres.
00:26 Là, vous êtes dans mon atelier.
00:28 Qu'est-ce que vous avez dans votre atelier ?
00:31 Là, caché dans le placard, il y a toutes mes matières premières.
00:35 De l'absinthe, de l'huile essentielle d'absinthe,
00:38 d'hydrogasmodane de méthyl.
00:40 C'est quoi ce mot ?
00:42 De la galaxolide, du furanéol, de l'huile essentielle d'ylangue.
00:47 J'ai commencé par faire ce qu'on appelle la parfumerie grand public.
00:50 Des gels douche, des shampoings.
00:52 Mon tout premier projet de jeune parfumeur,
00:54 il fallait que je parfume des capotes.
00:55 Aujourd'hui, je fais principalement de l'eau de toilette,
01:00 des eaux de parfum.
01:01 Voilà.
01:03 J'ai une odeur dans la tête,
01:05 comme un musicien a une musique, un air dans la tête.
01:08 Et je vais écrire les ingrédients de synthèse naturelle
01:12 qui vont me permettre d'approcher cette odeur.
01:15 Première étape, petit flacon, 10 grammes.
01:19 Je le pose.
01:22 Là, je suis déjà à 0,01 avec un petit 8.
01:27 Je suis presque à 2.
01:28 Je tapote, tapote, tapote.
01:30 Je sais qu'en mettant un tout petit peu,
01:33 je suis arrivé à 2.
01:35 C'est un travail de minutie, de patience.
01:41 Un simple courant d'air fait varier la balance.
01:44 La première étape, c'est une marque qui vient ici
01:47 pour me dire qu'on aimerait créer un parfum pour une femme,
01:51 pour un homme.
01:52 Tout est décrit,
01:54 mais jusqu'à la couleur de la paire de chaussettes du monsieur.
01:57 Est-ce qu'il est brun, est-ce qu'il est blond,
01:58 pour le week-end ou est-ce que c'est pour une soirée précise ?
02:01 Et en tant que parfumeur,
02:03 je dois traduire ce vocabulaire en odeur.
02:08 Il faut imaginer que la fraise dans la nature,
02:11 elle raconte sa personnalité.
02:13 Elle dit qu'elle est une fraise
02:15 en utilisant un peu plus de 400 molécules.
02:17 Je peux vous persuader que vous êtes en train de déguster une fraise
02:20 ou de sentir une fraise avec juste deux molécules.
02:25 Je vais utiliser les molécules essentielles
02:28 que votre cerveau a gardées en mémoire
02:29 et qui font que, clac, clac, fraise.
02:33 Je fais mes petits flacons
02:35 et je vais continuer à régler ma formule.
02:37 Ça n'a pas besoin d'être équilibré,
02:39 ça n'a pas besoin d'être parfait,
02:39 il faut juste que ça soit agréable
02:42 et que l'odeur raconte quelque chose.
02:44 Tenez, vous les sentez ?
02:45 Entre ce que je crée,
02:47 les allers-retours avec mes clients
02:50 et le résultat final,
02:51 il peut se passer parfois entre un an et trois ans.
02:54 Des fois, l'inspiration vient tout simplement
02:56 de la demande de la marque.
02:58 Il y a mes lectures.
02:59 Si je lis un polar et qu'il y a une scène de crime,
03:01 j'ai l'odeur du sang.
03:03 Voilà.
03:03 Ensuite, c'est les promenades.
03:05 Je vais marcher,
03:06 je croise des odeurs.
03:09 Le jardin s'endort,
03:11 on a beaucoup moins de fleurs.
03:14 Et donc, moi, je vais interpréter, voilà,
03:16 une rose à l'automne.
03:18 Elle commence à s'endormir,
03:20 elle s'enfouit dans une couverture
03:22 faite de plumes comme ça.
03:24 Voilà, donc pour moi, tout ça, ça crée des odeurs.
03:26 Ça part de rien.
03:28 J'essaye de me raconter des histoires,
03:29 puis des fois, je me dis, non, là, ça va nulle part.
03:31 Alors, on laisse tomber.
03:32 Pas la peine.
03:35 Mon nez, c'est mon appareil photo.
03:37 Mon nez, c'est ma cuillère.
03:39 Mon nez écoute, mon nez regarde.
03:41 Mon nez fait tout.
03:43 Voilà, là, on est vraiment au milieu des aromates.
03:45 Là, vous avez de la sauge.
03:46 J'adore cette odeur parce que
03:48 c'est l'odeur de la sueur.
03:49 Mais de la bonne sueur.
03:51 La sueur d'une personne qui a fait un effort,
03:54 dont la peau a chauffé au soleil.
03:56 La marjolaine qu'on va mettre sur les pizzas.
03:59 Mais évidemment, je ne vous ferai pas un parfum
04:01 qui sente la marjolaine.
04:03 C'est pour séduire en ayant une odeur de pizza.
04:05 Non, ce n'est pas l'idéal.
04:07 J'aime les odeurs du quotidien.
04:09 Pour moi, le métro ne pue pas.
04:10 Il possède une information.
04:12 Et je suis curieuse de cette information.
04:14 J'essaye de comprendre d'où ça vient.
04:17 Le soir à 18h, ça sent la machine à coiffer,
04:20 le stress, la fatigue.
04:23 Alors la fatigue, ça a une petite odeur de poussière.
04:26 Ça sent légèrement le vinaigre
04:29 sur lequel on aurait posé un bout de coton.
04:32 L'odeur traduit quelque chose de notre société.
04:36 D'un pays, d'une culture.
04:38 Ce sont des informations totalement invisibles.
04:41 Et regarder avec son nez au quotidien,
04:46 je trouve ça magnifique.
04:48 On n'est pas très nombreux.
04:50 Ça, c'est certain.
04:51 On doit être une bonne centaine ou un peu plus.
04:53 Donc c'est un métier extrêmement rare.
04:55 Et de pouvoir en vivre est une chance.
04:57 Souvent, je dis que je fais un métier inutile.
04:59 Je vends du parfum.
05:02 En plus, c'est du luxe.
05:04 Mais en fait, je me dis que quand les gens portent leur parfum,
05:08 ils se sentent en confiance.
05:10 Je leur donne le sourire.
05:11 Je crée un lien amoureux.
05:13 Imaginez dans combien d'histoires je me trouve.
05:18 Mais je ne sais pas.
05:19 Je ne le saurais jamais.
05:20 Et moi, je me raconte des histoires.
05:22 Voilà.
05:24 *BIP*

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