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Deux jours après l'adoption de la loi immigration par le Parlement, plus de 70 présidents d'universités signent un communiqué pour dénoncer "des mesures qui tendront à replier l’université française sur elle-même". Le président de l'université de Perpignan Yvan Auguet en fait partie.

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Transcription
00:00 En attendant, il est 7h46 et notre invité ce matin, c'est un président en colère,
00:05 le président de l'université de Perpignan.
00:06 Il vient de signer un communiqué commun avec plus de 70 universités de France pour s'opposer
00:12 à la loi immigration.
00:13 Cette loi qui vient d'être votée au Parlement, c'était mercredi soir.
00:17 Ce texte aura des conséquences désastreuses selon ces présidents d'université, des conséquences
00:22 désastreuses pour les étudiants étrangers dans le pays.
00:24 Sudhan Chaudjai, le président de l'UPVD, et donc votre invité ce matin.
00:28 Bonjour Yvan Hoguet.
00:29 Bonjour Madame.
00:30 Pourquoi vous avez décidé de signer, vous aussi, ce communiqué avec plus de 70 universités
00:35 en France ?
00:36 Alors, d'abord, il n'y a pas d'originalité à signer ce communiqué.
00:40 Je crois que la plupart des présidents d'université ont signé ce communiqué à l'heure où je
00:44 vous parle.
00:45 C'est effectivement une surprise que lorsqu'on a découvert un certain nombre de dispositifs
00:50 de cette loi immigration qui intéressait les étudiants internationaux.
00:53 Or, les étudiants internationaux, c'est vraiment un sujet pour toutes les universités en France.
00:59 Un sujet majeur.
01:00 Et donc, il était nécessaire de réagir aux dispositifs de cette loi qui nous interrogeait
01:06 sur la cohérence également de la politique de notre nation concernant l'accueil des
01:10 étudiants internationaux.
01:11 Alors, parmi les mesures qui font polémique, justement, il y a cette caution que les étudiants
01:17 étrangers hors Union européenne devront payer à leur arrivée en France.
01:21 La somme doit ensuite leur être rendue à leur départ.
01:25 Emmanuel Macron a dit hier soir qu'il trouvait que c'était une mauvaise idée, que ça pouvait
01:28 être retravaillé.
01:29 Vous, vous espérez que cette mesure soit tout simplement supprimée ?
01:32 Oui, bien entendu.
01:34 C'est une mesure, en réalité, c'est parmi le lot de mesures qui intéressent les étudiants
01:39 internationaux.
01:40 On voit bien que ce sont des mesures d'ordre économique, en réalité, qui visent à s'assurer
01:42 que ces étudiants internationaux ont tous les moyens de poursuivre leurs études en France.
01:49 On est en train d'instaurer ce qu'on a toujours refusé dans l'accueil des universités françaises,
01:54 c'est-à-dire la sélection par l'argent.
01:56 La sélection par l'argent, c'est mettre en place effectivement une caution, une caution
01:59 dont les montants seraient très faibles, nous dit Madame la Première Ministre hier matin.
02:03 Caution dont le Président de la République lui-même ne semble pas être convaincu quant
02:07 à son utilité.
02:08 Si effectivement nous en sommes là, alors retirons ce dispositif plutôt que de le laisser
02:13 finalement à la main des gouvernements successifs qui pourront se succéder, puisque désormais
02:18 inscrit dans la loi, eh bien, un dispositif réglementaire, donc pris par un gouvernement
02:21 quelconque, permettrait de moduler à la hausse, et quelquefois à la hausse très forte, ce
02:27 type d'engagement ou en tout cas d'exigence.
02:29 Alors apparemment la loi permettrait de dispenser certains étudiants de payer cette caution
02:34 en fonction de leurs ressources et de leur parcours scolaire ou universitaire, ça ne
02:37 vous rassure pas ?
02:38 Non, ça ne nous rassure pas.
02:39 Nous avions, les universités françaises, il faut bien, même si nous sommes des opérateurs
02:44 de l'État, les universités françaises sont des établissements autonomes, établissements
02:47 publics autonomes, avec un Président qui est élu par une communauté, une communauté
02:50 composée de nombreux collèges, notamment les étudiants, et nous sommes évidemment
02:54 en responsabilité vis-à-vis de ces étudiants.
02:56 Les étudiants internationaux, c'est un public extrêmement important dans les universités,
03:02 à l'Université de Perpignan-Viadomicia c'est 18,5% désinscrits dans notre établissement,
03:07 et donc il est nécessaire pour nous que ce type de dispositif ne soit pas mis en œuvre.
03:12 Les droits différenciés dont il est aussi question dans cette loi, ce sont des droits
03:17 différenciés qui sont laissés, lorsqu'on atteint certains seuils, et c'est le cas
03:22 à l'Université de Perpignan, qui sont laissés à la libre appréciation des chefs
03:26 d'établissement.
03:27 Les présidentes et présidents d'universités peuvent décider de ne pas faire payer à des
03:31 étudiants internationaux extra-communautaires des droits qui seraient très sensiblement
03:35 supérieurs à ceux de leurs étudiants.
03:37 Depuis que j'ai été élu Président de l'Université, je me suis toujours refusé
03:40 à appliquer des droits différenciés pour les étudiants internationaux, et donc je
03:44 préférais que ce dispositif disparaisse de la loi.
03:47 Autre mesure de la loi immigration, les quotas.
03:50 Ces quotas fixeront le nombre d'étudiants étrangers autorisés à s'installer en France
03:54 après leurs études.
03:56 Cela aussi, selon vous, risque d'être dissuasif pour les étudiants internationaux ?
04:00 Je ne sais pas si ce sera dissuasif, puisque aujourd'hui nous savons statistiquement
04:04 que la plupart des étudiants internationaux mènent des carrières internationales et
04:08 que finalement, ceux qui restent en France ne sont pas les plus nombreux.
04:11 Il n'y en a pas beaucoup des étudiants qui poursuivent après leur carrière en France ?
04:15 Il faudrait vérifier ce chiffre, je crois que c'est de l'ordre de 20% parmi ceux qui
04:19 restent en France.
04:20 Beaucoup ont des carrières internationales, passent pour partir leurs études en France
04:23 et passent pour partir leurs études à l'étranger.
04:26 Il n'y a pas de risque, c'est plutôt le paradoxe qui peut exister dans les politiques
04:33 publiques, puisqu'il y a quelques années, en 2019, sous sa première mandature, on a
04:38 mis en place un dispositif d'accueil qui s'appelle "Bienvenue en France".
04:42 Est-ce que ce dispositif d'accueil, qui porte toujours ce nom, est adapté aujourd'hui
04:46 à la politique qui est mise en œuvre ? Le message qu'on est en train d'adresser,
04:50 je pense à ce public d'étudiants internationaux, de doctorants internationaux, d'agents internationaux
04:54 que nous avons dans nos murs, c'est un message qui me semble extrêmement négatif et qui
04:59 conduira finalement, certainement, à une partie de ces étudiants qui s'inquiètent
05:03 du positionnement de la France à aller vers d'autres pays pour se former et pour travailler
05:09 en relation, en interaction avec ces pays.
05:11 D'ailleurs, les présidents de certaines grandes écoles comme HEC disent carrément
05:15 que cette loi est une mise en danger de la compétitivité nationale.
05:19 Vous êtes d'accord ? Oui, on parle de réindustrialiser la France.
05:23 Pour réindustrialiser la France, il faut former des scientifiques, il faut former des ingénieurs.
05:26 Où est-ce qu'on les forme ? On les forme dans les établissements d'enseignement supérieur
05:29 français.
05:30 Et donc, le risque, c'est qu'effectivement, ils aillent se former ailleurs, qu'ils ne
05:33 constituent pas des ressources et des talents disponibles pour la France, mais pour d'autres
05:36 États à l'avenir.
05:37 8h au mardi, sur France Bleu Roussillon, Suzanne Chaudjahi, notre invitée, Yvan Auguet,
05:45 président de l'Université de Perpignan.
05:46 Vous le disiez tout à l'heure, il y a 18% d'étudiants internationaux à peu près sur
05:50 le campus de Perpignan.
05:52 Il y a beaucoup de nationalités représentées ?
05:54 Oui, nous avons 93 nationalités représentées.
05:56 C'est moins que par le passé.
05:58 C'est un chiffre d'ailleurs qui est en baisse.
06:01 Nous avions plus d'étudiants internationaux.
06:03 En 2019, nous avions 23% d'étudiants internationaux sur nos effectifs.
06:08 Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps ?
06:09 Écoutez, nous avons un problème d'attractivité dans les universités françaises et donc,
06:15 effectivement, nous perdons des étudiants internationaux.
06:17 Et donc, ça participe effectivement, je dirais, de la baisse de notre attractivité.
06:22 Aujourd'hui, 18% d'étudiants internationaux, c'est un chiffre qui est dans la norme des
06:26 universités françaises, avec des communautés qui sont des communautés de proximité, beaucoup
06:31 d'européens, des communautés africaines, évidemment, nord-africaines, afrique subsaharienne.
06:36 Pour l'essentiel, nous sommes dans la mise en œuvre aussi d'une autre politique d'État,
06:39 qui est la politique de la francophonie.
06:41 La politique de la francophonie, c'est aussi tisser des réseaux, des tissus de compétences,
06:47 de savoirs.
06:48 Et ça, vous craignez que certains partenariats en pâtissent, justement, avec cette loi ?
06:52 Écoutez, on sait très bien que les étudiants sont volatiles et les étudiants qui ne trouveraient
06:58 pas de bonnes conditions pour se former en France, iront se former chez des pays voisins.
07:02 Je pense par exemple à l'Allemagne ou au Royaume-Uni, qui sont des pays plus attractifs
07:06 aujourd'hui que la France.
07:07 Et c'est autant de talents qu'on pourrait perdre ?
07:09 Et c'est autant de talents, effectivement, qui ne seront pas formés sur le territoire
07:12 français et qui ne feront pas rayonner la France demain à travers le monde.
07:16 On l'a entendu quelques heures à peine après le vote de la loi mardi.
07:19 La Première Ministre, Elisabeth Borne, a dit qu'il n'était pas exclu de revoir certaines
07:24 mesures, certaines mesures qui sont d'ailleurs contraires à la Constitution.
07:28 Est-ce que vous avez espoir, malgré tout, que cette loi évolue ?
07:31 Oui, oui, puisque la loi a été adoptée dans l'état que l'on connaît aujourd'hui.
07:36 Nous savons que des recours vont être exercés devant le Conseil constitutionnel.
07:41 Le Conseil constitutionnel va être saisi d'un certain nombre de questions qui vont
07:45 lui être posées.
07:46 Il se positionnera.
07:47 Donc, nous attendrons, je dirais, le positionnement définitif du Conseil constitutionnel.
07:51 Permettez-moi de le dire, je crains qu'en termes de messages politiques, le mal soit
07:55 déjà fait, malheureusement, parce que cela crée de l'interrogation, de l'inquiétude,
08:01 encore une fois, chez nos étudiants, chez nos doctorants, chez nos agents internationaux.
08:04 Et cette inquiétude n'est jamais, évidemment, positive pour l'avenir.
08:08 Et vous avez donc signé un communiqué commun avec plus de 70 présidents d'universités
08:12 partout en France pour dénoncer les conséquences de cette loi immigration sur vos campus.
08:17 Merci beaucoup, Yvan Augey, d'avoir été avec nous ce matin.
08:19 Vous êtes le président de l'université de Perpignan.
08:22 Bonne journée à vous.
08:23 Merci beaucoup, bonne journée à vous.

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