Intelligence artificielle : "2023 restera l'année dans laquelle tout le monde s'est emparé du sujet"

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2023 restera l'année où l'intelligence artificielle générative est entrée avec fracas dans nos vies. Elle existait avant, mais elle est soudainement devenue très concrète. Ce n'est surement qu'un avant goût de ce qui nous attend en 2024.
Transcript
00:00 C'était il y a un peu plus d'un an, fin 2022, nous découvrions ce nouvel outil au nom barbare,
00:05 ChatGPT. Comment ? Un robot conversationnel ? Attends, on va tester, je vais lui demander de
00:10 m'écrire une recette de cuisine. Alors au début, on s'est bien amusé, on a bien rigolé. Et puis
00:14 rapidement, très rapidement, on s'est rendu compte que nos amis l'utilisaient pour écrire
00:17 leur mail au boulot ou rédiger un devoir à la fac, quand d'autres créaient déjà des images plus
00:23 vraies que nature grâce à d'autres outils du même akabi. 2023 restera l'année où l'intelligence
00:29 artificielle générative est entrée avec fracas dans nos vies. Elle existait avant, elle est
00:34 soudainement devenue très concrète et ce n'est sûrement qu'un avant-goût de ce qui nous attend
00:38 en 2024. On en parle ce matin avec Isabelle Rilh, professeure des universités, directrice du Paris
00:44 Artificial Intelligence Research Institute et membre du comité de l'IA générative installé
00:50 par la Première Ministre. Bonjour ! Avec nous à distance aussi, David Chavallarias, mathématicien
00:55 au CNRS, directeur de l'Institut des systèmes complexes et pour vous interroger avec moi ce
01:00 matin Stéphane Jourdin, rédacteur en chef numérique à France Inter. Bonjour à tous les trois ! On
01:06 attend bien sûr aussi vos questions 0145 24 7000 et via l'application France Inter. Isabelle Rilh,
01:13 première question, en quoi 2023 pour vous a-t-elle changé la donne en termes d'IA ? Je pense que
01:20 c'est l'année où ça restera l'année dans laquelle tout le monde s'est emparé du sujet,
01:25 c'est-à-dire tout citoyen, tout jeune, adolescent a vraiment pris conscience d'une technologie qui
01:32 arrivait à la portée de chacun et de ce qu'elle allait pouvoir changer dans leur vie. Donc c'est
01:36 plus qu'une révolution technologique, c'est aussi une révolution culturelle pour le grand public ?
01:40 Oui, je pense que c'est plus que... Enfin la technologie on l'attendait, les spécialistes
01:43 savaient que ça allait arriver, alors peut-être pas avec cette ampleur mais en tous les cas c'est
01:48 pas un saut technologique surprise. Mais par contre il y a une diffusion au sein de la société qui
01:55 est quand même qui a une vitesse exceptionnelle et une pénétration en profondeur. Alors avant
02:00 d'aller plus loin, on va peut-être s'arrêter sur les termes pour bien comprendre, c'est l'avènement
02:03 cette année de l'intelligence artificielle générative. Stéphane Jourdain, c'est quoi la
02:07 différence par rapport à l'IA qu'on connaissait ? C'est de l'intelligence artificielle qui crée
02:11 du contenu ? Alors oui c'est ça, on parle d'intelligence artificielle générative quand
02:15 l'IA sert à créer des contenus de manière autonome, que ce soit du texte, des images ou
02:19 du son. L'intelligence artificielle c'est pas nouveau, c'est un demi-siècle et ça fait des
02:24 années que les algorithmes ont envahi nos vies. Shazam par exemple, la petite appli qui sert à
02:29 reconnaître les morceaux de musique, c'est 2002, ça a plus de 20 ans. La particularité de l'IA
02:33 générative c'est qu'elle s'appuie sur des millions de données qu'elle a digérées pour générer
02:38 elle-même de nouvelles données. Quand Netflix vous recommande une série ou un film, c'est de l'IA
02:43 mais elle n'est pas générative. Si vous demandez à Chats GPT de faire la promotion d'un iPhone à
02:48 la manière de Baudelaire, c'est de l'IA générative. Et de l'IA générative qui évolue très vite,
02:52 David Chavallarias. Je le disais, on s'est un peu amusé au début de Chats GPT, on disait "ah il fait
02:58 des erreurs, il y a des approximations" puis très rapidement au fur et à mesure des mises à jour,
03:03 on rit beaucoup moins, on voit des mises à jour assez impressionnantes en quelques mois cette
03:07 année. Oui, est-ce que vous avez entendu ma question David Chavallarias ? Oui, excusez-moi.
03:13 On a quelques problèmes de liaison, je vais vous poser la même question Isabelle Riland,
03:18 en attendant de rétablir la liaison. Ces mises à jour, cette évolution très rapide de l'IA
03:24 générative ? Alors d'abord les erreurs qu'il faisait au début étaient des erreurs à notre
03:28 sens mais pas forcément aux siens puisque comme ça vient d'être expliqué, le but de cet objet au
03:33 départ c'est de produire du contenu. Donc s'il vous invente un texte, ce n'est pas un texte qui a
03:37 été écrit par quelqu'un d'autre, d'où ce qu'on peut estimer des erreurs. Effectivement au fur et
03:43 à mesure des entraînements, au fur et à mesure des interactions qu'il a avec les gens, l'algorithme
03:49 s'il vous plaît apprend de plus en plus et devient de plus en plus précis et en plus dans les
03:55 évolutions qui ont eu dans cette année, il a été connecté à des outils annexes pour aller chercher
04:00 effectivement dans des bases de faits réels. Alors si 2023 a été l'année où le grand public a eu
04:06 accès à cette IA générative, que faut-il attendre selon vous de 2024 ? La boule de cristal !
04:14 Je pense que on va continuer à avoir des améliorations, c'est à dire des modèles peut-être
04:22 plus petits, plus performants, plus faciles d'accès. On va avoir probablement une
04:29 accaparation... Les entreprises s'accapareraient le sujet pour l'implémenter
04:35 vraiment dans les différents métiers. C'est ce qu'on appelle de la spécialisation du fine tuning
04:40 de modèle, c'est à dire que ça va plus être juste un jeu ou quelque chose pour aider
04:46 les étudiants à faire leurs devoirs, mais vraiment un produit qui va s'installer dans l'entreprise et
04:50 qui va on l'espère améliorer la compétitivité. Est-ce qu'en 2023 on a commencé à s'amuser avec
04:55 chat GPT, en 2024 on va commencer à travailler avec l'intelligence artificielle, est-ce que ça
05:00 va être comme Word et Excel pour les gens en col blanc ? On peut l'imaginer, je pense qu'on n'est
05:06 pas sur un changement le 31 décembre. On a déjà vu commencer les entreprises à
05:13 travailler avec cet outil. Les fonctionnaires aussi on l'a entendu dire. Voilà, effectivement,
05:19 dans l'administration etc. Donc je pense que l'outil va passer du stade de jouet ou de
05:23 comment dirais-je, de découverte à vraiment un outil de production. David Chavallaria, je crois
05:29 qu'on vous a retrouvé. Open AI, le créateur de chat GPT, a pour objectif de je cite "créer une
05:36 IA aux capacités cognitives supérieures à celles des humains". On parlait là de ce qui nous attend
05:41 pour 2024. Est-ce que ça c'est pour demain vraiment ou c'est plus à long terme ? Alors c'est très
05:49 difficile à dire mais a priori c'est plus à long terme. Il y a même des chercheurs qui pensent
05:53 que ça n'arrivera jamais. Mais pour être sûr que ça n'arrivera pas déjà aujourd'hui, effectivement
05:58 il y a des capacités assez impressionnantes. Certaines IA ont passé par exemple l'examen du
06:03 barreau aux Etats-Unis. Donc on pourrait penser qu'elles sont intelligentes mais il faut quand
06:08 même garder à l'esprit que ce sont des machines qui reproduisent des choses qu'elles ont apprises
06:14 à partir d'immenses bases de connaissances. Donc pour refaire quelque chose qui existe déjà,
06:18 ça va très bien. Pour recombiner aussi et faire un petit peu de nouveau, ça va très bien. Mais
06:22 pour faire du radicalement nouveau comme on le fait nous tous les jours, ça c'est très difficile. Et
06:28 pour se donner juste une idée, si vous demandez à une IA d'écrire une phrase sans E, par exemple
06:34 vous demandez à Chadjipiti d'écrire une phrase sans E à la Pérec, il n'y arrive pas. Parce qu'en
06:38 fait il ne sait pas ce que c'est que la lettre E. Donc si l'intelligence sait comprendre ce que
06:43 l'on manipule, on en est encore loin. - Oui, l'intelligence comme on la définit nous en
06:47 termes d'intelligence humaine, en termes d'impact sur nos vies, David Chabalarya, c'est ce qu'on peut
06:51 dire comme je le disais en introduction, qu'on a vu seulement en 2023 un avant-goût de la place
06:58 que va prendre l'IA dans nos vies quotidiennes, avant de parler des vies de la société. - Oui,
07:05 oui, tout à fait. Alors effectivement, comme on l'a dit tout à l'heure, il y a eu une démocratisation
07:09 très très rapide de ces technologies. Par exemple, Chadjipiti a eu plusieurs dizaines de millions
07:16 d'utilisateurs en quelques jours, ce qui n'était jamais produit. Mais ce n'est que le début au
07:20 sens où on construit des IA de plus en plus spécialisées. Donc il y a plein de déclinaisons
07:26 maintenant de Chadjipiti, qui s'appelle les JPT, pour des tâches très précises et donc qui vont
07:30 infiltrer petit à petit la vie de tous les jours. Et par ailleurs, en plus de devenir une IA
07:36 textuelle et donc un usage textuel, on a vu aussi l'IA avec un usage d'images, par exemple les
07:42 générateurs d'images. L'IA devient de plus en plus multimodale, c'est-à-dire qu'elle pourra
07:46 utiliser de plus en plus de modalités différentes, l'image, le son, la vidéo. Et on commence à avoir
07:51 des IA qui vont être ubiquitaires au sens où elles vont tout simplement observer leur environnement,
07:57 à travers par exemple des micros caméras, et interagir avec nous. Et ça, ça va changer aussi
08:01 leur pénétration dans notre quotidien. - Isabelle Rille, dans le monde du travail,
08:04 on a un peu commencé à l'évoquer. Les chiffres du cabinet Roland Berger en France, il y a quelques
08:09 semaines, nous disent qu'un tiers des emplois seront à terme concernés. Alors pas tous,
08:13 négativement. Ce cabinet parle de seulement "800 000 destructions d'emplois liées à l'IA d'ici 2030",
08:20 parmi les cols blancs essentiellement. Quand on dit "l'IA va remplacer des salariés", c'est exagéré ?
08:25 - Alors, le monde du travail, enfin le sociologue en particulier du travail, toutes les technologies
08:33 ont toujours fait peur. Et donc on peut imaginer que l'IA va toucher beaucoup d'emplois. Alors,
08:39 est-ce que c'est 30% ? Est-ce que c'est 40% ? C'est pas très important. Comme outil, ça va transformer
08:45 les emplois bien sûr. Aller sur le nombre d'emplois qui vont être remplacés, je sais pas le dire,
08:53 mais on peut imaginer que ça va aussi améliorer les emplois. C'est-à-dire libérer du temps pour
08:59 se consacrer à des tâches un peu plus, je sais pas si c'est noble qu'il faut dire, mais en tous les
09:04 cas plus cognitives, que la recherche, la mise en forme et vraiment de la production fine qui
09:10 nécessite une intervention humaine. - Et la valeur ajoutée humaine. Stéphane Jourdin ?
09:13 - Un des acteurs de l'IA en France, le PDG de Lighton, me disait cette semaine "l'IA ne va pas
09:18 remplacer les gens, mais les gens qui bossent avec l'IA vont remplacer les gens qui ne bossent pas
09:22 avec l'IA". Est-ce que c'est comme ça qu'il faut le voir ? - C'est pas mal comme comparaison, oui.
09:30 Je pense pas qu'il me faille craindre des destructions massives d'emplois qui vont
09:38 générer du chômage, etc. Ce qu'il faut vraiment avoir en tête, c'est qu'il va y avoir une
09:43 transformation profonde de nombreux emplois, comme vous le dites, et qu'il faut absolument
09:46 accompagner les salariés dans la prise en main de cet outil pour ne laisser personne sur le bord
09:51 de la route. Et donc il y a un enjeu de formation des jeunes, mais il y a aussi un enjeu de
09:56 reformation et de mise à niveau de toutes les personnes qui sont déjà aujourd'hui au sein des entreprises.
10:00 - Une première question au standard. Bonjour Samira, vous vous appelez de Lyon ?
10:05 - Oui, tout à fait. J'avais une question à vous poser. L'IA pose beaucoup de questions d'ordre éthique
10:14 dans plein de domaines. Je vais plutôt m'attarder sur le sujet du sexisme, puisqu'étant donné que
10:21 les données sur lesquelles le deep learning, enfin le machine learning s'appuie, ne sont pas neutres,
10:28 et que notre société est très patriarcale, je voulais savoir si les laboratoires de recherche
10:33 s'intéressent à ce sujet, et est-ce qu'il y aurait, pour cet outil du XXIe siècle,
10:41 qui est l'intelligence artificielle, des possibilités d'avoir des garde-fous pour ne pas renforcer
10:49 les stéréotypes de genre ? - Alors voilà, est-ce que l'IA, Isabelle Rille, va reproduire les stéréotypes
10:55 "humains", les stéréotypes qui existent aujourd'hui dans notre société ?
10:59 - Alors, de base, oui, puisque le deep learning, le machine learning, tout ce qui utilise de grandes masses de données
11:07 apprend sur les données. Maintenant, il y a beaucoup de travaux dans les laboratoires pour essayer de
11:13 corriger les biais de données, de modifier ce qui peut être considéré comme non désirable.
11:21 Alors, sur le sexisme, sur les contenus haineux, sur tout ce que vous voulez, il y a un désalignement
11:27 des modèles sur un certain nombre de valeurs qu'on souhaite leur faire respecter. Donc c'est pas
11:31 encore parfait, loin de là, mais il y a effectivement beaucoup de travaux en cours sur le sujet.
11:35 - Stéphane Jourdain ? - En 2024, à peu près la moitié de la population mondiale va passer aux urnes.
11:40 L'Inde vote, l'Union Européenne, les États-Unis vont voter. Est-ce qu'il faut s'attendre à un déluge de fake news
11:45 à cause de l'IA ? On a vu qu'il y en a eu beaucoup en Argentine, et on a en ce moment dans la campagne à Taïwan.
11:51 Est-ce qu'il faut s'attendre à ça ? - On peut l'imaginer, oui. Il n'y a pas de raison que les êtres humains soient plus
11:58 justes et, comment dire, gentils que d'habitude. C'est-à-dire qu'on met dans les mains des gens un outil très puissant.
12:04 On peut espérer que ça améliore de nombreuses choses pour la plupart des gens. Et il y a, comme toujours, des gens qui vont
12:09 essayer de détourner l'outil pour en faire quelque chose. Et effectivement, les fake news, la manipulation d'opinions publiques,
12:19 les cyberattaques, etc., en font malheureusement partie, oui.
12:22 - David Chavallaria, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose là-dessus. Est-ce qu'il faut aussi que nous, en tant que citoyens,
12:25 en tant qu'électeurs, on sorte de notre naïveté face à l'intelligence artificielle et ses avancées ?
12:31 - Oui. Alors ce qu'il faut bien voir, c'est que l'IA arrive dans un moment qui n'est pas neutre en termes d'évolution des sociétés.
12:39 C'est-à-dire qu'on est depuis 10, 20 ans dans une société complètement numérique où la plupart des échanges sont fonts via Internet.
12:48 Et donc cet espace numérique est un espace, un terrain d'exploitation extraordinaire pour l'IA. Et on parlait tout à l'heure
12:54 donc de désinformation. Effectivement, il y a eu beaucoup de tentatives de désinformation par des techniques qu'on appelle
12:59 « Dastrotter thing », c'est-à-dire faire croire à l'illusion de l'adhésion d'une foule à une cause en créant une foule factice.
13:06 Donc avant, c'était avec des personnes qui étaient payées. Maintenant, ça va être avec des IA qui vont propager des messages sur Internet.
13:12 Et donc cette désinformation, à partir de faux comptes, est en train de se multiplier, mais non seulement pour des élections.
13:19 Et par exemple, assez récemment, pendant le coup d'État au Burkina Faso, il y a eu de fausses vidéos et de faux comptes
13:27 qui ont relayé de la désinformation pour soutenir le fait de mettre les Français dehors.
13:33 Donc en fait, en continu, on a comme ça maintenant des IA qui occupent les terrains numériques et interfèrent en fait avec les formations d'opinion.
13:41 L'IA comme arme de guerre aussi, David Chavalarias. L'armée israélienne revendique en ce moment l'usage de l'intelligence artificielle à Gaza.
13:48 Là aussi, on change de dimension.
13:51 Oui, tout à fait. Alors on change complètement de dimension. Ce qu'il faut bien voir, c'est que non seulement on change de dimension,
13:56 mais on change de temporalité, c'est-à-dire que l'IA a la capacité d'agir beaucoup plus vite.
14:01 Et donc c'est ça qui donne un avantage dans les types de guerre. Mais aussi, du coup, elle est parfois mal maîtrisée
14:07 ou elle fait des taux d'erreur beaucoup plus importants que les humains. Et donc, par exemple, dans le cas de la guerre en Israël,
14:14 eh bien l'armée israélienne a dû augmenter la tolérance sur le taux de victimes collatérales parce que pour taper plus vite avec l'IA,
14:22 eh bien on faisait beaucoup plus de victimes collatérales. Et donc c'est une des premières guerres où l'IA entre en jeu à ce point-là.
14:28 Mais on voit aussi les dégâts en termes de compromis qu'il faut faire entre efficacité et qualité, on va dire.
14:34 Alors là, on a l'impression qu'on parle d'une superpuissance. Isabelle Rilh, est-ce qu'il y a des limites physiques au développement de l'intelligence artificielle ?
14:42 Des limites techniques ? Ou pas du tout aujourd'hui, je pense, en termes de serveurs informatiques, par exemple, en termes d'énergie ?
14:48 Alors, il y a déjà une limite simple, c'est la donnée. C'est-à-dire qu'à un moment donné, on va avoir quelque part absorbé toutes les données produites par l'humanité.
14:59 Avant d'en arriver là, bien sûr, il y a plusieurs limites. Il y a la limite de la disponibilité des processeurs.
15:04 Aujourd'hui, tout le monde, le monde entier veut s'équiper en serveurs et en méga-clusters. Il y a une disponibilité des puces qui est un problème.
15:14 C'est aussi un problème de souveraineté, de disposer des moyens d'énergie, bien sûr, sur la consommation.
15:21 Mais en même temps que cette course à l'échalote vers du plus grand, plus gros, plus de calculs, il y a aussi beaucoup de gens qui travaillent sur une IA
15:29 qui fonctionnerait avec des modèles plus petits, avec moins de données, avec moins de calculs.
15:33 Et donc, on peut espérer que cette limite n'en soit pas une puisqu'on va changer de modèle entre deux.
15:38 - Alors, on va parler de régulation, puisqu'on a eu cet accord ce mois de décembre au sein de l'Union Européenne.
15:45 Première puissance au monde à mettre en place un encadrement de l'IA générative, notamment.
15:50 La France et l'Allemagne ont un peu fait traîner les discussions, Stéphane Jourdain.
15:54 Il ne fallait pas que ça freine l'innovation selon Paris et Berlin, qu'on ne se fasse pas dépasser.
15:59 Il dit quoi exactement en quelques mots cet accord, Stéphane ?
16:01 - Alors d'abord, il fixe des règles qui protègent les utilisateurs comme vous et moi.
16:05 Les sons, images, textes produits avec de l'IA devront porter la mention générée par de l'IA.
16:11 Et les systèmes d'IA qui interagissent avec des humains devront préciser à l'utilisateur qu'il est en train de discuter avec une IA.
16:17 Ensuite, il fixe des règles pour les systèmes jugés à haut risque.
16:21 Alors, on parle des domaines sensibles comme l'éducation, les ressources humaines ou le maintien de l'ordre.
16:25 Ces systèmes seront soumis à une série d'obligations.
16:28 Par exemple, prévoir un contrôle humain sur la machine, écrire une documentation technique ou mettre en place un système de gestion de risque.
16:35 - David Chabalaria, est-ce qu'il est vain ou non de vouloir réguler cette technologie sans pour autant freiner l'innovation ?
16:41 - Non, ce n'est pas vain du tout.
16:44 C'est même très important.
16:46 Comme on vient de le dire, il y a différents niveaux de risque en IA et donc il faut les prendre en compte dans la régulation.
16:52 Mais la question, c'est est-ce qu'on va y arriver ?
16:54 Parce que c'est très difficile.
16:55 Par exemple, là, on parlait d'indiquer si un contenu a été généré par l'IA ou pas.
16:59 C'est déjà le cas, par exemple, pour des produits de luxe.
17:02 Là, on essaie de mettre des marques et des certifications et on sait que ça ne marche pas.
17:05 Il y a des contrefaçons et donc il y aura des contrefaçons encore de manière plus facile dans l'espace numérique, puisque là, c'est tout dématérialisé.
17:12 Donc, il y a vraiment la question de savoir est-ce qu'on va bien réussir à réguler l'IA ?
17:16 Et ça, ça dépend aussi de notre capacité à interférer ou à réguler les opérateurs directement en leur demandant, par exemple, d'ouvrir certains codes ou d'être plus transparent sur la manière de fonctionner.
17:27 Isabelle Rilh, cet accord européen, c'est un premier pas, c'est suffisant, insuffisant ? Quel est votre avis là-dessus ?
17:35 Déjà, c'est bien qu'il ait abouti.
17:37 Et donc, c'est... Alors, je ne sais pas si le texte entier n'a pas encore été diffusé, mais c'est déjà un pas dans la bonne direction.
17:46 Le fait qu'il y ait eu cette discussion in fine avec la France et l'Allemagne sur l'IA générative, c'est lié aussi à ce qui a été évoqué,
17:55 c'est-à-dire que la classification du règlement se fait par niveau de risque sur les usages.
18:00 Et ça, je pense que c'est très important, puisque ça ne freine pas la technologie, mais l'usage qu'on en fait.
18:05 Mais évidemment, face à l'IA générative, qui est quelque part multi-usage, ça a reposé la question de la manière de la classifier et de la mettre dans une des catégories.
18:13 Donc, c'est déjà bien d'avoir ce premier accord. Il faudra peut-être l'adapter au fur et à mesure pour le faire évoluer au fur et à mesure de l'évolution de la technologie.
18:21 On a une question standard pour vous de Benoît, parce que je rappelle, Isabelle Rilh, que vous faites partie du comité de l'IA générative mis en place par la Première Ministre.
18:30 Benoît, bonjour. Vous avez une question pour Mme Rilh.
18:33 Oui, bonjour. Vous m'entendez ?
18:34 Oui, oui, très bien. Allez-y.
18:36 Très bien. Bonjour France Inter et bonjour à vos invités.
18:40 Donc, Mme Rilh, en plus de ce comité pour l'IA générative, fait partie, il me semble, d'un comité d'experts européens qui doivent donner des conseils
18:49 pour le futur du financement de la recherche européenne.
18:52 Et donc, j'aurais aimé savoir comment elle voyait l'apport de l'IA dans la recherche qui est financée par l'Union.
18:59 Et je pense notamment, c'est un peu technique, à nos piliers deux de ce qui s'appelle Horizon Europe à l'heure actuelle,
19:03 donc de la recherche dirigée avec des thématiques comme la santé, la culture, la sécurité civile pour la société et encore quelques autres dans l'agriculture et l'environnement.
19:14 Merci, Benoît. La place de la recherche, qu'elle soit publique ou privée dans ce domaine, Isabelle ?
19:18 Alors, la place de la recherche pour moi est essentielle puisque, au-delà de la définition première de la recherche qui est de faire avancer les connaissances,
19:28 c'est aussi nous permettre à nous, Français, Européens, de maîtriser une technologie et de développer l'économie, l'innovation et tout ce qu'il y a derrière.
19:37 Donc, laisser la recherche au premier plan, ça me paraît essentiel, ne pas la brider et l'encadrer, en particulier pour les aspects effectivement qui viennent d'être mentionnés,
19:47 la santé ou autre, on ne peut pas faire n'importe quoi. Et donc, aujourd'hui, évidemment, il y a des commissions d'éthique, de déontologie, etc., qui jugent des projets de recherche.
19:55 Sur la question précise sur l'Europe, de toute façon, un certain nombre de sujets sont pris au niveau européen.
20:04 On a vu la régulation, mais typiquement, des questions d'innovation, de financement, etc., dépassent aussi la France.
20:11 Pour ce qui est de la recherche, la recherche a toujours été internationale et donc, bien évidemment, les chercheurs français collaborent avec leurs collègues européens dans tous les cas.
20:20 Alors, l'enjeu derrière tout ça, c'est aussi de savoir qui est derrière cette intelligence artificielle générative.
20:26 On a beaucoup parlé de cette startup Open AI toute l'année, les tensions en interne, le patron, Sam Altman, viré puis réembauché.
20:33 Open AI qui vaudrait peut-être 100 milliards en janvier, fois 3 en un an.
20:38 David Chabalaria, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que cette entreprise écrase toute concurrence ou que c'est un domaine qui reste encore diversifié ?
20:45 Alors, effectivement, à l'heure actuelle, elle est dominante, mais les choses évoluent très vite dans ce domaine.
20:54 Donc, on est encore au début, c'est un petit peu tôt pour dire quelle entreprise sera dominante in fine.
21:00 On a d'énormes acteurs, on a par exemple Google aussi qui est un mastodonte.
21:04 C'est ça, c'est qu'aujourd'hui, les géants de la tech s'y mettent aussi, forcément.
21:08 C'est ça, les géants de la tech s'y mettent aussi.
21:10 Et donc, ce qu'on va voir aussi émerger, c'est des acteurs qui vont faire des agrégateurs d'IA, c'est-à-dire qu'ils vont embarquer dans leur service des IA de plusieurs fournisseurs de services IA.
21:23 Et donc, on va voir l'équivalent, par exemple, du téléphone où vous pouvez avoir plusieurs abonnements auprès de plusieurs opérateurs.
21:30 On aura pareil des devices, des objets qui vont agréger plusieurs services d'IA de plusieurs compagnies.
21:39 Stéphane Jourdin.
21:39 Est-ce que les Français et les Européens ont un coup à jouer ?
21:42 On sait qu'on a deux pépites en Europe, Mistral AI en France et Aleph Alpha en Allemagne.
21:47 Les deux startups viennent de lever chacune 500 millions d'euros ou presque.
21:52 Est-ce qu'on a un coup à jouer ?
21:54 Oui, il y a un coup à jouer, d'autant plus qu'un des mouvements qui se développe beaucoup, c'est l'IA dite en source ouverte, c'est-à-dire des modèles d'IA qui ont été entraînés par des grandes entreprises,
22:08 mais qui sont mis à disposition du public et de ceux qui s'en servent, qui après sont réutilisés et re-entraînés.
22:15 Et donc, même par exemple, certains disent que ce sont les IA en source ouverte qui seront les plus performantes.
22:22 Et donc, les entreprises françaises ou européennes qui arriveront à récupérer ce genre d'IA ou même à fabriquer leur propre IA ont effectivement quelque chose à jouer.
22:32 Et c'est même très important que l'Europe et la France soient présentes sur ce domaine-là, sinon on risque de terminer comme avec les GAFAM, comme Columnes Lignes Numériques, mais cette fois-ci version IA.
22:41 Une dernière question que je vais prendre dans ma voix d'Isabelle qui est au Standard et qui nous demande, on parlait de la sensibilisation des citoyens.
22:48 Est-il prévu d'avoir un label protecteur style "Made by Humans" pour marquer une différence entre ce qui est fait par les humains et ce qui est fait avec l'IA ?
22:57 Est-ce que ça pourrait être une solution, Isabelle Rille ?
22:59 Pourquoi pas, comme il a été mentionné tout à l'heure, ça va être nécessaire de préciser ce qui est fait par une IA.
23:05 Ça, c'est le texte de la loi européenne. Ensuite, ça va se décliner en un certain nombre de normes et de labels.
23:13 Est-ce qu'il y aura un label "Made by Humans", je ne sais pas, mais par exemple, ça va être pris en compte dans les marquages CE pour les produits de la santé.
23:20 On va voir arriver toute la panoplie d'outils qui vont permettre de marquer ces outils et la manière dont ils ont été fabriqués.
23:27 On aura quand même un minimum d'informations à notre portée, nous grands publics.
23:30 En tous les cas, c'est ce que le législateur souhaite.
23:32 Merci beaucoup Isabelle Rille, David Chavallarias et Stéphane Jourdain pour vos explications ce matin.
23:38 Bonne journée à tous les trois.

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