Au lendemain de la mort de Jacques Delors, François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, maire de Pau et président du Modem, est l'invité du grand entretien d'Alexis Morel et de Yaël Goosz. Au téléphone également, le président du Conseil européen Charles Michel.
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00:00 Bonjour François Bayrou, président du MoDem, haut commissaire au plan, maire de Pau, avec moi pour vous interroger ce matin, Yael Ghoz, chef du service politique d'Inter.
00:08 Rebonjour Yael.
00:09 Rebonjour, bonjour Monsieur Bayrou.
00:10 Et on attend bien sûr vos questions et réactions chers auditrices et auditeurs au 01 45 24 7000 et via l'application Inter.
00:17 Jacques Delors est donc mort hier à 98 ans. François Bayrou, de quel Delors vous souhaitez vous souvenir en priorité ce matin ?
00:25 Je ne fais pas de différence. Je pense que c'était cet homme que nous étions nombreux à aimer et que moi j'aimais beaucoup.
00:35 Encore que la division du pays en camps à cette époque, d'un côté un camp de l'autre...
00:43 Vous empêchez de le dire ?
00:44 Non, non, non, non, je l'ai dit avec beaucoup d'assiduité. Mais ça empêchait l'œuvre historique que nous avions à accomplir, c'est-à-dire construire ce socle central que la France inconsciemment attendait.
01:04 Et Jacques Delors, il y avait une étonnante cohérence entre un projet de société, un idéal et l'Union Européenne.
01:19 En fait, tout cela c'était la même chose. L'idée que nous avions à bâtir une société qui accepterait la concurrence du monde, parce qu'il n'y avait aucun moyen de faire autrement.
01:33 Et c'est lui qui au début des années 80 a proposé et a imposé le fait que la France ne se coupe pas du reste du monde, de l'économie européenne.
01:46 Il a imposé la rigueur très très tôt.
01:48 Alors la rigueur, on dit ça maintenant par raccourci.
01:52 Le sérieux budgétaire.
01:53 Oui, la question principale était, est-ce qu'on doit accepter pour remplir des promesses dont tout le monde voyait que ce n'était pas facile à accomplir, songer qu'on avait nationalisé, la quasi-totalité du système bancaire ?
02:10 Donc la question était, pour remplir ces promesses, est-ce que la France peut accepter de se couper de l'économie du monde ?
02:19 Vous êtes un grand pays exportateur, est-ce que vous dites on va rétablir les frontières et on va s'enfermer dans notre hexagone ?
02:30 Et notamment de l'économie européenne, vous partagez avec lui cette foi en l'Europe.
02:35 En Europe, pour l'Europe, c'était quoi la recette de l'or ?
02:38 Qui a fait qu'il a pu convaincre à l'époque de la nécessité du libre-échange, d'un marché unique, plus tard d'une monnaie unique ?
02:46 Il savait bien que les temps dans lesquels nous étions entrés ne supportaient pas qu'on construise des murailles qui vous séparent du reste de l'économie du monde.
03:00 Avec les précautions nécessaires. Mais que c'était ça le grand enjeu, on l'avait sous les yeux puisque tout le monde a vu tout au long des années 80 ce qu'était l'effondrement du bloc de l'Est,
03:16 qui lui avait choisi de se couper et qui en est mort d'asphyxie.
03:21 Et donc Jacques Delors avait parfaitement compris ça, mais il y avait constamment chez lui cette idée fondatrice que si l'économie n'a pas le social comme but,
03:35 alors elle est condamnée, elle est vouée à s'étioler, elle est vouée à se couper du peuple, à se couper des familles et des gens qui travaillent.
03:45 Il disait "on ne peut pas tomber amoureux d'un marché unique" parce que c'est évidemment pas ça qui fait le sel de la politique.
03:54 La construction économique ne suffisait pas pour lui, il voulait aussi une Europe politique, une Europe sociale. Est-ce que ça, ce n'est pas largement inachevé ?
04:01 C'est quand même lancé et très positif tout le travail qui a été fait autour de l'euro. Arrêtons-nous une seconde parce qu'on s'habitue au miracle, n'est-ce pas ?
04:17 Mais où en serions-nous aujourd'hui dans la tourmente du monde des guerres que nous rencontrons ?
04:26 Où en serions-nous aujourd'hui si l'euro n'existait pas ? Regardez où en sont nos voisins les plus proches qui n'ont pas cette arme-là.
04:35 Regardez la Turquie. La Turquie, je n'ai pas vérifié les derniers chiffres, c'est 60% d'inflation par an et pour les produits alimentaires c'est 120% d'inflation par an.
04:49 Ce sont nos proches voisins et ce n'est pas des économies négligeables la Turquie. C'est un pays qui revendique.
04:58 Et nous, nous avons réussi ce miracle-là d'avoir une monnaie qui nous protège de ce genre de dérives et d'excès dont on a vu où elles conduisaient.
05:11 Vous êtes héritier aujourd'hui des personnages politiques en Europe qui sont à la hauteur de ce que vous appelez un miracle de Jacques Delors.
05:18 Je trouve que cette tradition-là, dont je pense et je sais qu'elle est indispensable, est aujourd'hui un peu moins illustrée.
05:31 Le plus proche, c'est le président de la République française. Celui qui croit le plus à l'Union européenne.
05:39 Et celui qui pense que derrière l'Union européenne il y a un projet de société, celui qui le dit le plus fort en Europe, c'est évidemment lui.
05:48 Et les socialistes non ? Il était socialiste Jacques Delors. Raphaël Glucksmann qui dit qu'il va reprendre le flambeau.
05:54 Est-ce qu'il était socialiste dans le sens de la phrase que vous dites, dans le sens du parti socialiste ou de l'appareil du parti socialiste ?
06:06 Là je peux dire qu'il y a vraiment des doutes autour de cette réponse.
06:09 Est-ce que Raphaël Glucksmann est un héritier ou pas à sa manière de Jacques Delors ?
06:13 C'est à lui de le dire. Mais Jacques Delors avait pris beaucoup de distance avec le parti et avec les attitudes partisanes.
06:26 Et il regardait, je pense, cela avec beaucoup de recul et un brin de scepticisme.
06:34 François Bayrou, un dirigeant actuel de l'Union européenne, est avec nous par téléphone. Bonjour Charles Michel.
06:40 Bonjour.
06:41 Président du Conseil européen depuis fin 2019. Dans votre premier hommage hier soir sur X, vous avez parlé de Jacques Delors comme d'un bâtisseur de notre Europe.
06:49 Pour vous il était dans la lignée des pères fondateurs de Schumann, de Monet, un quart de siècle après eux ?
06:55 Je pense en effet qu'après les pères fondateurs qui ont eu cette vision courageuse, après le drame de deux guerres sur notre sol,
07:03 je pense que Jacques Delors, avec l'appui de François Mitterrand, avec l'appui de Helmut Kohl, il a contribué à donner un élan,
07:11 à transformer fondamentalement la dimension de ce projet politique, en alliant, et François Bayrou l'a très bien dit,
07:16 en allant à la fois la dimension liée aux valeurs communes, des valeurs tournées vers l'avenir, des valeurs d'humilité et de respect,
07:24 avec un espace économique, avec un espace de prospérité. Pendant dix ans il a dirigé cette commission européenne.
07:31 Je pense que nous sommes nombreux à nous considérer quelque part comme des enfants de cette génération des bâtisseurs, de cette génération de Delors.
07:40 Moi-même par exemple, j'ai eu la chance d'avoir participé à des projets Erasmus plus jeunes.
07:46 Ça c'est un héritage très concret Erasmus que vous retenez de Jacques Delors ?
07:51 Pardon ?
07:52 Je disais c'est un héritage très concret Erasmus que vous retenez de la carrière et de l'oeuvre de Jacques Delors ?
07:57 Oui, parce que je sais qu'il y a aujourd'hui plus de douze millions de jeunes européens qui ont bénéficié de ces capacités d'étudier, de voyager,
08:03 de rencontrer d'autres jeunes de leur génération. Et ça c'est l'Europe du cœur, c'est l'Europe réelle, c'est une Europe qui toule dans les veines
08:13 pour tous ceux et celles qui participent et qui ont cette conviction qu'on a un destin commun, qu'on a un avenir commun.
08:19 Avec aussi peut-être un...
08:20 J'ai l'impression que depuis cette deuxième guerre mondiale qui a été une cicatrice terrible, un intérêt sur notre sol,
08:26 ces bâtisseurs à l'instar de Jacques Delors, ils ont façonné un projet politique.
08:33 Et aujourd'hui on voit bien que ce projet qui a été façonné, qui est un bouclier, qui nous protège,
08:39 mais c'est à notre responsabilité aujourd'hui de rendre ce bouclier plus solide et plus cœur pour faire en sorte que l'on puisse relever les défis actuels.
08:47 Ce projet politique, cher Michel, une collaboratrice de Jacques Delors dit ce matin dans une tribune au Monde,
08:52 Delors, c'était l'Europe chaleureuse, l'Europe qui protège au sens de protection sociale, pas de forteresse, l'Europe sympa.
08:59 Est-ce qu'on l'a perdue depuis cette Europe-là, cher Michel ?
09:03 Je pense qu'il n'y a sans doute pas une réponse définitive à cette question.
09:07 Il est certain qu'on voit bien qu'avec le décès de Jacques Delors à 98 ans,
09:12 depuis maintenant plus d'un an et demi, cette déclenchée sur le sol européen,
09:16 on a un peu l'impression que c'est la page du siècle passé qui se tourne.
09:21 On voit bien que dans un moment, après la crise du Covid, avec les transformations climatiques et digitales,
09:26 avec les guerres aux frontières directes de l'Union européenne,
09:30 on voit bien qu'on est confronté à de nouveaux défis et que dans ce moment, on doit bâtir cette souveraineté européenne.
09:35 Cette souveraineté européenne que le président Emmanuel Macron appelle le CLE depuis longtemps
09:39 et a commencé à plaider pour ce projet depuis de nombreuses années maintenant.
09:43 Et dans tous les domaines, que ce soit les domaines économiques, plus d'innovation,
09:47 renforcer aussi la dimension internationale de l'euro, par exemple, dans le domaine de l'énergie.
09:53 On va bientôt le débattre sur les mixes énergétiques, y compris en France, avec l'importance du secteur nucléaire.
09:58 Oui, mais pas vraiment d'Europe sociale aujourd'hui. Jacques Delors rappelait à cette Europe sociale.
10:02 On voit bien que ce sont les pays sur lesquels on doit travailler pour avoir justement une Europe qui protège notre avenir,
10:06 qui protège nos citoyens et où on y travaille d'arrache-pied jour après jour.
10:10 Oui, Charles Michel, il était critique Jacques Delors à la fin de sa vie sur cette Union européenne à 27
10:15 qui a du mal à s'entendre et qui est parfois perçue comme trop faible face aux populistes.
10:20 Travailler de l'intérieur aussi par les extrêmes droites qui montent un peu partout.
10:24 On a un RN en France sondé aujourd'hui à 28% pour l'élection du 9 juin.
10:29 Qu'est-ce que ça dit aussi des limites de l'Europe d'aujourd'hui et que soulignait Jacques Delors à la fin de sa vie ?
10:35 Je crois qu'on doit regarder effectivement la démocratie, notre modèle démocratique avec l'échéanique.
10:41 On voit bien qu'il y a effectivement des attaques avec des désinformations, avec des théories complotistes,
10:46 avec la tentation de remettre en question la science, la raison, la rationalité de ce projet européen.
10:52 Parfois la tentation aussi de chaper les valeurs fondamentales qui sont les fondations de ce projet européen.
10:57 Mais tous les démocrates en Europe sont très mobilisés.
11:01 Et regarder comment on a pu relever ce défi du Covid en décidant de confier sur le plan européen
11:07 la capacité de commander ensemble des vaccins, d'avoir une riposte commune pour faire reculer cette menace du Covid.
11:13 Regarder comment dans le monde fait l'Union Européenne, qui est dans le cockpit pour diriger la bataille contre la menace climatique.
11:21 Regarder comment sur le plan digital, avec Thierry Breton par exemple, on est mobilisés pour trouver l'équilibre entre de l'innovation, du progrès, de la compétition.
11:28 Merci beaucoup Charles-Michel. On va devoir s'arrêter là.
11:32 Cette Europe, elle agit de manière très concrète.
11:36 Merci Charles-Michel pour cette toute première réaction après la mort de Jacques Delors,
11:41 Charles-Michel, président du Conseil Européen.
11:43 François Bayrou, en France, Delors, c'était aussi l'homme du renoncement de la fin 94 pour la présidentielle de 95.
11:51 Et à l'époque, un rapprochement entre vous deux, longtemps resté secret, je crois qu'il vous consulte quelques semaines avant de prendre sa décision.
11:59 Fin 94.
12:01 Oui, c'est en effet un épisode, ça appartient au nombre des risques manqués ou des chances manquées, je ne sais pas ce qu'on peut dire.
12:12 Jacques Delors et moi, on avait, avec la différence de génération, on avait une proximité spontanée, une manière de voir les choses qui était étroitement proche.
12:29 Et en effet, nous nous sommes rencontrés avant cette élection de 95 et avant son renoncement.
12:37 Et la question pour lui était que nous puissions faire bâtir ensemble ce socle central que j'évoquais à l'instant.
12:50 Il y voyait une possibilité et El Moudekho lui voyait une possibilité.
12:56 Et donc nous avons évoqué cette question d'un rapprochement et d'un soutien éventuel.
13:05 Et pourquoi ce n'est pas à Leroux ?
13:06 Parce que Jacques Delors voulait penser que si on devait se rapprocher, il fallait que j'annonce que je le soutiendrai au premier tour.
13:17 Et donc vous quittiez Edouard Balladur.
13:19 J'étais ministre de l'éducation nationale, Edouard Balladur était le premier ministre et je lui ai dit je vous soutiendrai au deuxième tour.
13:29 Parce que je pensais que Jacques Chirac serait au deuxième tour.
13:32 Il m'a dit "Chirac ne sera pas au deuxième tour, c'est Balladur qui y sera, donc c'est impossible".
13:37 J'étais ministre, je venais d'être élu à la présidence de mon parti politique qui était entièrement balladurien
13:46 et je lui ai expliqué que là c'était impossible.
13:50 Mais ça n'était pas sa seule question.
13:52 Sa seule question c'était que le parti socialiste lui mettrait des bâtons dans les roues.
14:01 Il l'a dit d'ailleurs de la manière la plus explicite.
14:04 Le soir où il a annoncé qu'il ne se présenterait pas, il est allé voir le premier secrétaire de l'époque Henri Emmanueli.
14:12 Il lui a dit "Est-ce que vous me laisserez participer au choix des candidats aux législatives ?"
14:17 Emmanueli lui a dit "Non, nous avons des règles internes et je ne vous laisserai pas participer".
14:23 Et il a vécu ça comme évidemment quelque chose qui allait l'empêcher.
14:29 Il se trompait.
14:31 Mais ce n'était pas un homme de pouvoir accro au pouvoir Jacques Delors ?
14:34 Est-ce qu'il n'avait pas aussi peur d'une campagne électorale et de cette fonction suprême ?
14:39 C'est possible. Là on est dans l'inconscient des hommes.
14:45 Il n'est pas facile d'y entrer.
14:48 C'était un homme qui avait à la fois, je crois, une très grande ambition et une idée très originale.
14:56 Tout à l'heure on a évoqué le conflit avec Margaret Thatcher.
15:00 Et ce conflit que Thatcher a présenté comme l'idée de quelqu'un qui voulait éradiquer les identités,
15:07 c'était absolument le contraire de ce que Jacques Delors voulait.
15:12 Il avait trouvé une formule qui en France est un peu ambiguë.
15:17 Il disait "Je veux faire une fédération d'États-nations".
15:21 Fédération ça voulait dire qu'on est ensemble pour l'essentiel.
15:24 Et États-nations ça voulait dire que chacun conserve son identité.
15:28 Et ça n'a pas été compris.
15:30 Et donc cette vision-là, ça s'articulait avec une très grande frugalité personnelle.
15:41 Une très grande modestie au fond personnelle.
15:44 François Bayrou ?
15:46 C'était quelqu'un qui avait de la vie une vision, contrairement à sa réputation, non technocratique.
15:55 Quelqu'un qui pensait au niveau des travailleurs.
15:59 Il avait été un syndicaliste, comme vous savez.
16:02 À la JOC, à la CFDT, CFTC d'ailleurs avant.
16:06 CFTC, puis très proche des dirigeants de la CFDT.
16:10 Et donc c'était pour lui cette dimension du travail, de la vie de tous les jours,
16:15 de ce que les familles ont à vivre, c'était quelque chose de très entraînable.
16:19 Merci pour votre hommage à Jacques Delors. J'aimerais qu'on revienne au temps présent.
16:22 A l'actualité plus chaude, l'actualité politique Yael.
16:25 Dans le journal du dimanche, le week-end dernier, vous avez appelé à un renouvellement.
16:30 Un élan nouveau au gouvernement après la crise de la loi immigration.
16:34 Très concrètement, ça passerait par quoi ? Qu'est-ce que vous appelez "renouvellement" ?
16:38 Alors, un, ce que nous avons sur l'agenda aujourd'hui.
16:43 On a achevé la séquence qui avait été promise au moment de l'élection présidentielle.
16:51 Pas toujours bien comprise, peut-être pas toujours bien expliquée.
16:55 La séquence qui consistait à dire "nous allons faire deux choses essentielles".
17:00 Nous allons faire la réforme des retraites et une loi sur l'immigration
17:06 que une grande partie de l'opinion demandait et d'ailleurs soutient.
17:10 Ça c'est derrière vous.
17:11 Et donc ceci s'est achevé avec les fêtes.
17:14 L'année s'est clôt, a été clôt sur la réalisation chahutée de ces deux lois.
17:26 Aujourd'hui, il n'y a pas d'agenda.
17:29 Ce qui est inquiétant d'ailleurs.
17:31 Non, non, non, ce n'est pas inquiétant.
17:33 C'est une page nouvelle à écrire et il appartient au président de la République,
17:37 en particulier au président de la République, de dire
17:41 "quels sont les chapitres nouveaux qu'on va ouvrir ?"
17:44 Avec quelqu'un d'autre à Matignon ?
17:46 Ça c'est sa décision.
17:49 Je pense qu'Elisabeth Borne est quelqu'un de courageux, qu'il a montré.
17:52 Mais la question du président de la République, c'est celle de l'adéquation,
17:57 de la correspondance entre le projet et les personnes.
18:00 Et donc l'équipe, la forme de cette équipe.
18:05 Est-ce qu'on garde une équipe très nombreuse comme aujourd'hui ?
18:08 Ou comme je le souhaiterais, on réduit un peu,
18:11 on réduit de manière à faire plus de solidarité, plus d'esprit commando.
18:18 15 ministres, combien ?
18:19 Oui, je pense qu'on peut faire un gouvernement autour de ces chiffres-là.
18:23 Mais l'expérience montre, vous le savez, vous l'avez vécu cent fois,
18:27 qu'on annonce toujours des gouvernements resserrés
18:31 et qu'on se trouve avec des gouvernements beaucoup plus nombreux.
18:34 Mais vous n'êtes pas précis sur Matignon.
18:35 C'est important s'il y a une nouvelle équipe commando ?
18:37 Vous vous rendez compte ?
18:38 Je n'ai pas l'outrecuidance de faire des injonctions au président de la République.
18:45 Mais qu'est-ce qu'on fait des ministres dans ce cas-là,
18:46 qui ont exprimé leur désaccord publiquement sur la loi immigration ?
18:50 Le député renaissance, Karl Oliv, dit que certains ministres ont fait du chantage
18:54 et il dit que quand on marque contre son camp, c'est compliqué de réintégrer l'équipe.
18:58 Oui, je ne prends pas part à ces débats et querelles.
19:04 C'est légitime que dans une majorité large, il y ait des sensibilités différentes.
19:09 Et au sein même du modem, d'ailleurs, sur cette loi immigration.
19:12 30 pour, 5 contre, 15 abstentions.
19:16 C'est un peu le bazar, le modem.
19:18 Au sein même du modem, le dernier jour.
19:20 Si on avait voté la veille au soir, on avait 48 voix pour et 3 abstentions.
19:28 Mais le coup de Trafalgar que le Rassemblement national a fait
19:32 pour dire que eux qui s'y étaient opposés jusqu'à la dernière minute,
19:38 ils allaient voter cette loi pour faire croire que cette loi était l'expression de ce qu'ils voulaient eux.
19:43 Évidemment, c'était une manière de troubler l'opinion.
19:48 Mais c'est vraiment derrière vous, ça ? Vous ne croyez pas qu'au modem, il y a, dans la majorité plus largement, une fracture qui s'est créée ?
19:53 Je ne le crois pas. Je ne le crois pas, ni dans la majorité, ni chez nous.
19:58 Au modem, il y a une sensibilité, qui est une sensibilité sociale et ouverte,
20:03 qui était extrêmement préoccupée du fait qu'on ne doit pas construire une machine à fabriquer des clandestins.
20:13 Quand vous avez des gens qui travaillent, qui apprennent la langue, qui veulent s'intégrer,
20:19 il faut qu'il y ait un chemin d'intégration et de régularisation.
20:24 Ils vont devoir attendre 5 ans pour certaines aides sociales.
20:26 Oui, mais le chemin d'intégration et de régularisation, on est bien d'accord qu'il est dans ce texte.
20:33 Et c'est de ce point de vue-là, pour nous, quelque chose de positif.
20:37 Mais pour le reste, bien sûr qu'il y a du trouble.
20:40 Dans une ville comme Pau, que j'ai la chance de diriger,
20:44 dans cette ville-là, il y a plusieurs centaines de migrants clandestins, ou non régularisés.
20:53 Et ce sont des jeunes hommes.
20:56 Et ils sont enfermés ensemble dans des hôtels au frais de l'argent public.
21:01 Et on leur interdit de travailler pendant une longue période.
21:05 Vous croyez que c'est sain ? Vous croyez que c'est un pays normal qui fait ça ?
21:10 Parce que inéluctablement, quand vous avez un groupe de plusieurs dizaines,
21:15 parfois plus d'une centaine, jeunes hommes qui vivent ensemble comme ça,
21:19 qu'est-ce qui se passe ? Eh bien, il y a des regroupements communautaires,
21:23 par l'origine, pour éviter les violences, ou pour se protéger des violences
21:28 qui sont inéluctables dans des chaudrons comme ça.
21:31 Et donc, il fallait absolument qu'il y ait un texte.
21:35 Mais il n'est pas terminé ce feuilleton. Il y a le Conseil constitutionnel, saisi par le Président.
21:39 Est-ce que c'est une bonne méthode de gouvernement, ça, de compter sur le Conseil constitutionnel
21:43 pour peut-être voir disparaître des mesures avec lesquelles on n'est pas à l'aise ?
21:47 Et alors, ce n'est pas des mesures devant lesquelles on n'est pas à l'aise.
21:51 Ça, c'est une présentation...
21:53 - La caution pour les étudiants étrangers, même le Président...
21:56 - Non, moi, je suis contre. - Et le Président aussi.
21:58 - Je l'ai dit fortement. Ce que le Président de la République fait conformément aux institutions,
22:04 c'est qu'il vérifie si ses décisions prises, ou si ses votes, correspondent à la Constitution.
22:13 Le Conseil constitutionnel, il n'écrit pas la loi, contrairement à ce que j'ai lu et entendu ici ou là.
22:19 Le Conseil constitutionnel, il vérifie si le texte voté correspond aux principes fondamentaux de la Constitution.
22:29 Et il va le dire. Et il n'y a rien de plus normal que ça.
22:34 Le nombre de Présidents de la République et les opposants qui ont soumis des textes au Conseil constitutionnel,
22:42 qui font d'autres qu'appliquer nos institutions.
22:45 Et alors, l'idée qu'un Président de la République ou des opposants qui saisiraient le Conseil constitutionnel,
22:53 ils portent atteinte au droit de légiférer... Mais c'est une idée barjot, pardon de vous dire ça.
23:01 - François Bayron, on a une question au standard.
23:03 - On a à respecter la loi et la loi suprême qu'est la Constitution.
23:10 - On vous apprenne une question au standard, celle d'Olivier Attour. Bonjour Olivier, je vais vous demander d'être très bref.
23:15 - Oui, bonjour Monsieur Bayron. On dit que vous êtes celui qui chuchote à l'oreille du Président.
23:23 Et pourtant, vous savez aussi avoir une voix dissonante ou dissidente sur des sujets importants.
23:28 Le Président Macron hier a rendu hommage à Jacques Delors.
23:33 Il a dit que son engagement, son idéal nous inspireront toujours et sa droiture.
23:40 Pourtant, si sa droiture nous inspirera toujours, il a enterré hier Anticor.
23:47 Je sais que vous êtes quelqu'un de droit et j'aimerais savoir ce que vous pensez de ça,
23:52 de ce parallèle entre la fin d'Anticor et la mort de Jacques Delors.
23:57 - Merci Olivier. Pas de renouvellement de l'agrément d'Anticor, cette association anticorruption.
24:01 - Là encore, on participe tous ensemble à des tempêtes qui sont complètement artificielles.
24:13 Pourquoi Anticor a-t-il vu son agrément suspendu ?
24:17 Parce que des militants d'Anticor ont jugé que la manière dont cette association était organisée
24:27 et la manière dont elle fonctionnait était contraire au texte et au principe.
24:32 Ils ont donc saisi les tribunaux pour cela.
24:36 Ce n'est pas le gouvernement.
24:38 - Mais le gouvernement qui est jugé parti en décidant de ce renouvellement d'agrément,
24:41 ça ne pose pas un problème démocratique ?
24:43 - En aucune manière.
24:45 Anticor a vu une tempête interne des responsables d'Anticor contre d'autres responsables d'Anticor
24:53 pour mettre en cause la manière dont ça fonctionnait.
24:57 La justice a fait son travail.
24:59 - Merci François Bayrou. On va devoir s'arrêter là.
25:03 On arrive à la fin de cet entretien. Merci à vous et bonne journée.