Avec Hadrien, youtubeur « contre histoire du cinéma »
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00:00 Sud Radio André Bercoff. Bercoff dans tous ses états, ça balance pas mal sur Sud Radio.
00:08 On n'est pas bien ? Paisible, à la fraîche, décontracté du gland. Et on bandera quand on aura envie de bander.
00:17 Décontracté du gland, ça nous change de ce langage un peu aseptisé qu'on impose souvent de plus en plus au cinéma.
00:25 Ça faisait déjà quelque temps que les néo-féministes françaises cherchaient leur Orvée Weinstein.
00:30 La seule cible possible était Depardieu. Depardieu, c'est plus que l'éléphant dans la pièce du cinéma français.
00:35 C'est le mammouth, c'est le cador, c'est le taulier, c'est le numéro 1. C'est un monument.
00:40 Et il a fallu juste complément d'enquête pour faire tomber notre GG national de son piédestal.
00:46 Le président de la République d'ailleurs, vous avez vu, a remis une pièce dans le jukebox en prenant sa défense,
00:50 histoire de faire diversion, et quelques people dans une première tribune ont tenté de sauver l'honneur de Gérard Depardieu
00:59 et se sont tout de suite pris une volée de bois vert. Deux, trois, quatre tribunes en riposte, on les compte même plus.
01:06 Voilà, on ne peut donc plus défendre Gérard Depardieu sans être crucifié en place publique.
01:11 La question qui se pose, c'est pourquoi ? Et pour répondre à cette question,
01:16 j'ai invité celui qui est peut-être l'un des meilleurs observateurs de l'histoire du cinéma aujourd'hui, Adrien Fayel. Bonjour.
01:23 Bonjour.
01:24 Vous êtes monteur de votre profession, vous êtes dans la partie, on peut dire, vous êtes diplômé du CLCF,
01:31 le Conservatoire libre du cinéma français, et surtout vous tenez sur Youtube une chaîne que je recommande à tous nos auditeurs
01:40 qui s'intitule "Une contre-histoire du cinéma" que je trouve absolument remarquable.
01:43 Et vous avez consacré d'ailleurs un épisode à cette affaire Depardieu.
01:49 Donc pourquoi, à votre avis, tant de haine contre Depardieu ? Quelle est votre thèse ?
01:54 La haine sur Depardieu, je ne sais pas. Ma chaîne, en fait, je l'ai vraiment organisée pour mettre en avant ce qui m'intéressait dans le cinéma.
02:02 Donc là, il y avait un petit sujet d'actualité et j'ai rebondi dessus pour parler du cinéma libertaire des années 70 qu'incarnait Depardieu.
02:08 Et peut-être que c'est ce cinéma qui a plus de place dans la société, qui effectivement passe à la trappe en même temps que Depardieu.
02:14 Mais l'objectif vraiment de ma chaîne et de mon discours, ce n'est pas tant de plaindre Depardieu qui a 75 ans, aurait tel ou tel problème,
02:22 mais de voir ce qu'on peut sauver de son héritage, entre guillemets, et de voir si actuellement,
02:27 dans tout ce combat contre le Depardieu qui a 75 ans, ne passe pas à la trappe en même temps,
02:32 ce qu'il y a d'intéressant dans son cinéma a commencé par ce cinéma libertaire des années 70.
02:37 Donc oui, je voulais qu'on se parle parce que vous, vous n'êtes pas dans le manichéisme.
02:41 Vous dites que ce n'est pas la question de savoir s'il est critiquable, évidemment, qu'il est sans doute très critiquable, etc.
02:47 Mais d'abord, ça ne change rien à son talent.
02:49 Et surtout, vous insistez pour dire que pendant longtemps, ça a été le meilleur, le meilleur acteur.
02:55 C'était absolument incontestable. C'était le patron. Personne ne lui arrivait à la cheville.
02:59 D'abord, pourquoi ? Et aujourd'hui, est-ce qu'il y a une relève ?
03:02 Alors, il n'y a pas de relève. Pourquoi ? Je ne sais pas.
03:06 Je sais qu'il est arrivé à une époque de basculement parce qu'il arrive au début des années 70.
03:11 En gros, on a tous les grands des années 60 qui disparaissent petit à petit.
03:15 Delon, Belmondo, tout ça, Ventura. C'est la fin d'un cinéma.
03:21 Il y a toute une génération qui arrive et qui est plutôt, on va dire, dans un cinéma un peu réaliste.
03:27 Ou alors dans des comédies, mais des gens qui vont faire des choses assez raisonnables.
03:31 Et il y a Depardieu qui est tout ce qu'il ne faut pas faire.
03:33 Et du coup, qui sort du lot parce qu'il est incontestable.
03:36 C'est le propos du cinéma libertaire. C'est le propos de l'excès des années 70-70.
03:40 Vous dites le film Depardieu par excellence, où il explose, d'ailleurs, ce sont les valseuses.
03:45 Oui, c'est énorme. Les valseuses, déjà, ce n'est pas tant attendu.
03:49 J'ai l'impression qu'ils faisaient des seconds rôles depuis 3-4 ans avant ça.
03:53 Et ça fait 5 millions d'entrées, presque 6 millions.
03:56 Et c'est énorme pour l'époque parce qu'il n'y avait pas de multiplex.
03:59 C'est-à-dire que pour qu'un film marche, s'il n'y avait pas une grosse star,
04:02 il fallait vraiment qu'il y ait un très très bon bouche à oreille.
04:04 Et là, ça a séduit tous les cinémas, les uns après les autres.
04:07 Et c'est devenu un phénomène de société.
04:09 C'est un film d'époque.
04:10 C'est un film.
04:11 Il est devenu l'incarnation d'une époque, comme 3-4 ans avant Jack Nicholson dans Easy Rider.
04:17 C'est-à-dire qu'au-delà d'être des acteurs, ça devient des figures.
04:21 C'est quoi l'époque ? C'est l'époque 68 Arts ? C'est l'époque Boomer ?
04:23 C'est l'époque où on rejette les valeurs bourgeoises ?
04:26 Oui, voilà. C'est le rejet de tout.
04:28 Easy Rider, 4 ans plus tôt, avec Jack Nicholson.
04:30 Nicholson, c'est pareil. C'est un mec qui est totalement politiquement incorrect.
04:34 Un jour, il pourrait lui tomber des me-too dessus.
04:36 Parce que quand on voit les anecdotes, je rebondis là-dessus.
04:39 Quand il fait Easy Rider, il se met à faire beaucoup de films alors qu'il avait déjà 35-37 ans.
04:44 Et qu'il avait toujours plutôt galéré.
04:46 Il était assistant, il avait fait toutes sortes de métiers.
04:48 Il se retrouve à faire un second rôle.
04:50 Mais il a un tel charisme, comme de part Dieu, qu'au-delà de sa qualité d'acteur, il explose.
04:55 On ne regarde que lui, il est magnétique.
04:57 Et Nicholson, les décennies suivantes, il racontait, il dit, dans les années 70,
05:01 c'est l'anti-me-too. Il y a un lien avec de part Dieu.
05:04 Ce que vous dites, c'est aussi que de part Dieu, finalement, il est le même depuis le départ.
05:10 Quand on fin de Tomber dans les Pommes, en écoutant ces propos qui sont effectivement très choquants,
05:16 tenus dans le reportage, dans le film de Yann Moix en Corée du Nord,
05:20 finalement, c'est les mêmes propos quasiment que ceux qu'il tenait dans Les Valseuses.
05:24 Et on comprend que Les Valseuses, ce n'était pas tellement un rôle de fiction,
05:27 c'était de part Dieu tel qu'en lui-même, finalement.
05:30 Et donc, vous dites, de part Dieu n'a pas bougé, c'est la société qui a bougé.
05:34 Oui, ça, c'était un peu ça. Mais je finis juste pour faire le lien avec Nicholson.
05:38 C'est que Nicholson, il raconte dans les années 80, 90, qu'il faisait passer des castings à des filles
05:42 en les faisant coucher pour obtenir le rôle.
05:44 Et il disait, pour être sûr de ne pas emmerder pendant le tournage,
05:46 je les ai passés le casting une fois que j'avais fait le film.
05:49 Donc, voilà, ça, c'est ce qu'il y a des stars des années 70, 80 racontait.
05:53 Ils s'en foutaient, quoi.
05:54 Ils s'en foutaient complètement et ça faisait rire le public parce que c'était,
05:58 parce qu'ils ne respectaient rien.
05:59 Et j'illustre avec le cas Nicholson pour illustrer Depardieu.
06:03 C'est que c'est des mecs qui n'en avaient rien à foutre et on les aimait parce qu'ils n'en avaient rien à foutre.
06:07 Et aujourd'hui, on leur demande d'être raisonnable.
06:10 Alors, leur cinéma est devenu raisonnable et chiant.
06:12 Suite Depardieu, notamment, depuis 20 ans, il ne fait plus grand chose de passionnant.
06:16 Il n'enlève rien au fait que ça a été le meilleur et que personne ne lui arrive à la cheville depuis.
06:19 Mais il est resté ce tempérament là dans un cinéma qui est un peu tiède à côté.
06:24 Et il y a un décalage quand on l'entend en interview.
06:26 On se dit attends, c'est le même mec qui fait des films un peu politiquement corrects parce qu'il ne correspond plus à l'époque.
06:32 Il ne correspond plus au cinéma de l'époque.
06:34 C'est pour ça que j'essaie de revenir sur le cinéma de cette époque,
06:36 pas pour dire que c'était bien moralement ou mal moralement, mais pour voir ce que créativement ça a permis.
06:41 Et le fait que Depardieu, comme Nicholson ou comme tous ces mecs là, n'avait aucun filtre.
06:45 Ils inventaient constamment quelque chose qui les faisait se distinguer des autres.
06:49 Donc pour qu'il y ait une créativité, il faut qu'il y ait une rupture.
06:52 Il faut qu'il y ait une rupture.
06:54 Donc c'est forcément une rupture avec cet esprit, les valseuses, Easy Rider.
06:58 Il faut rompre avec ça, finalement, si on vous suit, si on suit votre raisonnement.
07:01 Mais qui va rompre avec ça et d'ailleurs au nom de quoi ?
07:04 Alors moi, je pense que ça fait longtemps que le cinéma français a rompu avec le cinéma libertaire des années 70.
07:08 Et c'est pour ça que le cinéma français est si lisse, si fade.
07:12 On s'ennuie parce qu'il n'y a plus de rebelles.
07:14 Maintenant, évidemment, on ne peut pas se rebeller de la même manière et pour les mêmes causes qu'il y a 50 ans.
07:17 Ce ne serait plus de la rébellion, ce serait de la nostalgie.
07:19 Donc effectivement, il faut trouver de nouveaux sujets.
07:22 Mais Adrien Fayal, vous ne pensez pas que la rébellion aujourd'hui, c'est se rebeller contre les rebelles ?
07:26 Ou contre les rebelles en carton ?
07:28 Si, ça peut tout à fait être un sujet de film.
07:31 Mais pas pour entrer tout de suite dans un dogme, leur dire "vous n'avez plus le droit de bouger".
07:37 Parce que le cinéma de Depardieu, les valseuses, tout ça, ils se rebellent contre l'époque.
07:41 Contre le catholicisme, contre les traditions, contre les institutions.
07:45 Mais ils n'imposent pas tout de suite un carcan moraliste.
07:47 Si aujourd'hui, se rebeller contre les anciens rebelles,
07:50 ce ne serait pas pour tout de suite dire "on va retourner dans un carcan ancien ou dans tel carcan".
07:54 Je pense qu'il y a une période d'explosion où tous les coups sont permis
07:57 et où on ne vise pas tout de suite une institution,
07:59 mais on voit tout ce qui est possible de faire et peu à peu se créer quelque chose.
08:02 Merci, en tout cas, je recommande vraiment votre chaîne "Une Contre-Histoire du Cinéma" sur YouTube.
08:09 Et moi, quand même, vous avez un autre épisode que celui consacré à Depardieu,
08:15 où vous dites finalement "l'héroïsme a disparu du cinéma français".
08:19 Mais là, il y a par exemple le phénomène des mousquetaires.
08:22 Pour vous, vous y croyez ? C'est quelque chose de novateur, ça ?
08:24 Ou ça singe trop le cinéma américain ?
08:27 C'est un peu un fad en même temps.
08:30 J'ai fait un épisode qui s'appelait...
08:32 Il y a une série japonaise, je vais très vite, qui s'appelle "Juntsu Kaizen"
08:36 qui cartonne dans le monde entier et qui réinvente sa modernité en puisant dans le passé.
08:41 J'explique dans la vidéo comment ils font.
08:43 Et ce n'est certainement pas en essayant de faire des personnages qu'on a vus mille fois
08:48 dans toutes sortes de films qu'on va inventer une modernité.
08:50 Et ce n'est pas comme ça qu'on va rendre hommage au passé.
08:53 Je ne peux pas développer sur "Juntsu Kaizen",
08:55 mais j'invite ceux qui le veulent à aller voir cet épisode sur ma chaîne "Une Contre-Histoire du Cinéma" sur YouTube.
09:00 Parce que j'explique bien comment on peut intégrer des éléments du passé,
09:03 mais comment les moderniser.
09:06 "Les Trois Mousquetaires", il ne modernise rien,
09:08 donc ça ennuie le public et ça s'effondre, ça ne marche pas.
09:10 Je ne sais pas, il est quatrième, cinquième au box-office, malgré les millions de budgets.
09:14 Merci Adrien Fayel, en tout cas.
09:16 Et on vous retrouve donc sur YouTube, "Une Contre-Histoire du Cinéma".
09:19 On va se retrouver dans un instant sur Sud Radio avec vous, au 0826 300 300.
09:24 On va retrouver les pairs, les U.L. et Bravo de Guillaume Bigotti.
09:26 On va parler de "Selfie sur les Champs-Elysées".
09:29 On va parler d'Emmanuel Macron et ses vœux.
09:31 Je suis la France championne du monde de la jeunesse en politica tout de suite sur Sud Radio.