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Transcription
00:00 Nous sommes à présent avec Joseph Baou, directeur de l'Institut des Affaires Publiques et Internationales de l'Université américaine de Beyrouth.
00:07 Joseph Baou, bonsoir, merci beaucoup d'être avec nous sur France 24.
00:10 Hassan Nasrallah s'est abstenu lors de son long discours de déclarer la guerre à Israël.
00:15 Il s'est contenté d'une mise en garde.
00:17 Le Hezbollah n'a pas intérêt aujourd'hui à une guerre ouverte avec l'État hébreu ?
00:20 Bonsoir tout d'abord.
00:23 Non, en fait stratégiquement depuis le 7 octobre l'équation avec le Hezbollah est la même en fait.
00:30 Le Hezbollah fait ce qu'il appelle lui une guerre de diversion avec Israël,
00:35 qui est une façon de soutenir le Hamas en maintenant une force conséquente israélienne à la frontière nord,
00:42 donc en empêchant Israël de jeter l'entièreté de ses forces sur Gaza.
00:47 Ça ne change pas aujourd'hui.
00:48 Ce qui a changé aujourd'hui ou ce qui a changé hier en fait, c'est deux choses.
00:52 D'abord il y a la cible elle-même, c'est-à-dire Saleh al-Aghouri, le numéro 2 du Hamas,
00:57 qu'il faut du point de vue du Hezbollah venger,
01:01 d'abord pour montrer la solidarité avec le Hamas,
01:04 mais aussi surtout pour enrayer ce qui serait peut-être tentant du point de vue israélien,
01:09 à savoir des opérations d'assassinats ciblées qui pourraient se répéter à Beyrouth,
01:14 puisqu'il y a beaucoup de cadres du Hamas et du jihad islamique qui sont à Beyrouth.
01:18 Donc ça c'est le premier point.
01:20 La deuxième chose, et qui est très importante, c'est que pour Nasser Allah et le Hezbollah,
01:24 l'attaque d'hier sort des règles d'engagement qui est jusque-là établie depuis le 7 octobre,
01:29 qui était un engagement pratiquement frontalier,
01:32 qui était confiné à la frontière israélo-libanaise.
01:36 L'attaque d'hier élargit le spectre du conflit.
01:38 Nasser Allah ne peut pas laisser passer le fait qu'Israël frappe au cœur de la banlieue sud de Beyrouth.
01:43 Et ça c'est une question qui n'a plus grand-chose à voir avec le Hamas,
01:47 mais qui a à voir avec sa propre posture par rapport à sa société,
01:52 à sa composante libanaise, à la composante chiite,
01:55 qui est essentiellement majoritaire dans la banlieue sud.
01:57 Et là je crois qu'il va falloir aussi qu'il riposte pour établir un semblant de dissuasion
02:03 selon l'équation qui est la sienne et qui est établie avec Israël,
02:07 un civil pour un civil, une ville pour une ville.
02:09 Donc je pense que la riposte va avoir lieu.
02:12 La grande question n'est pas celle-là.
02:13 La question est de savoir si Israël se suffira de cette riposte
02:17 ou s'il prendra prétexte de cette riposte pour refaire une autre action
02:23 et faire ce qu'au fond une partie de l'état-major de Netanyahou a bien envie de faire,
02:28 c'est-à-dire d'élargir le conflit avec le Liban.
02:30 Le Hezbollah ne le veut pas, l'Iran ne le veut pas, les États-Unis ne le veulent pas.
02:35 Mais l'état-major israélien pourrait le vouloir.
02:39 Mais quelle pourrait être la nature de la riposte du Hezbollah ?
02:43 Hassan Nasrallah a promis des représailles.
02:46 À quoi peut-on s'attendre exactement ?
02:48 Alors d'abord, il faut savoir que le discours de ce soir,
02:51 qui était programmé comme vous l'avez dit,
02:54 est un discours qui va être suivi par un autre discours plus libanais,
02:58 entre guillemets vendredi, donc on a encore deux, trois jours pour en savoir un peu plus.
03:02 Les options de la riposte, elles sont nombreuses.
03:04 D'abord, je pense qu'il faut...
03:06 Alors il y a la partie vengeance par rapport à l'assassinat d'hier.
03:10 Il faudra probablement cibler une installation,
03:13 une personnalité israélienne "qualitative" pour venger cet assassinat-là.
03:19 L'autre chose, c'est la partie libanaise, la partie bombardement urbain.
03:24 Et là, je pense que le Hezbollah va devoir probablement
03:28 toucher avec ses missiles de longue portée,
03:30 soit la banlieue de Haïfa, soit la banlieue de Tel Aviv.
03:34 Mais il s'agit pour le Hezbollah de rétablir l'équilibre
03:37 centre-urbain contre centre-urbain.
03:39 Alors est-ce que les deux opérations seront couplées ensemble ?
03:42 Je ne sais pas.
03:43 Nasrallah, dans la dernière partie de son discours,
03:46 était très énigmatique et un peu amusé de l'être,
03:49 en disant "les Israéliens savent très bien de quoi je parle,
03:53 ils savent qu'on va répondre,
03:55 ils savent quelle nature va prendre cette réponse,
03:58 je les laisse dans l'expectative"
04:00 et c'est une façon aussi de maintenir, en gros, le suspense.
04:03 Donc les options sont nombreuses.
04:05 La seule chose qui est sûre du point de vue du Hezbollah,
04:08 c'est qu'il doit réagir,
04:10 mais qu'il doit en même temps garder sa réaction en dessous du seuil
04:14 qui ferait que le conflit de Gaza
04:16 prendrait une tournure régionale beaucoup plus grande,
04:19 ce que lui ne veut pas, ce que son parrain iranien ne veut pas
04:22 et ce que les Etats-Unis non plus ne veulent pas.
04:24 Et c'est à eux maintenant de contenir aussi, probablement,
04:27 la réaction israélienne.
04:29 Quel est l'état d'esprit aujourd'hui des Libanais
04:31 face à cette escalade des tensions à laquelle on assiste ?
04:36 Les Libanais redoutent, en fait,
04:38 ce qui s'est passé hier depuis le 7 octobre
04:40 et en fait, ils voyaient cette éventualité
04:45 planer au-dessus de leur tête,
04:47 maintenant elle est là, elle est présente.
04:49 Donc l'état d'esprit à Beyrouth,
04:51 c'est qu'il y a certes une solidarité très forte avec les Gazaouis,
04:54 avec Gaza, il y a beaucoup de, disons, de stupeur
04:59 à voir l'action israélienne telle qu'elle se déploie à Gaza ou ailleurs,
05:04 mais il y a aussi le sentiment qu'ils ne voudraient pas
05:06 que cette solidarité se traduise par la destruction de leur pays.
05:09 Et c'est là aussi où on commence à se demander si, au fond,
05:13 le fait pour le Hezbollah, par exemple,
05:15 d'accueillir des bergers, des cadres du Hamas, du Jihad et autres
05:19 au centre de Beyrouth n'est pas une politique
05:21 qui risque d'être très coûteuse.
05:23 Donc il y a une peur très forte ce soir,
05:26 il y a la certitude qu'il y aura une riposte du Hezbollah,
05:30 mais il y a aussi l'espoir que cette riposte, comme je le disais,
05:32 restera limitée dans des limites "acceptables" par tous les acteurs.
05:37 La question, encore une fois, est de savoir
05:39 si Israël ne va pas prendre prétexte de cette riposte
05:42 pour élargir la confrontation avec le Hezbollah,
05:44 puisque une partie de l'état-major israélien
05:47 a bien envie d'engager une confrontation avec le Hezbollah,
05:51 même limitée, pour obtenir un retrait des forces du Hezbollah
05:55 loin de la frontière avec Israël.
05:57 On parle d'une distance de 7 à 10 ou peut-être même à 15 kilomètres
06:01 et cela ne peut être obtenu que par une pression militaire très forte
06:05 ou par une opération terrestre limitée.
06:08 Je ne suis pas sûr que cela pourra se faire
06:11 sans que ça n'enclenche, disons, la conflagration régionale,
06:16 mais c'est en tout cas le calcul hasardeux que font certains Israéliens.
06:19 Le Liban, qui fait face aujourd'hui à une crise économique et politique
06:23 sans précédent, ne pourrait pas supporter aujourd'hui
06:26 une guerre ouverte avec l'état hébreu ?
06:28 Tout à fait, c'est d'ailleurs ce que Nasrallah a dit ce soir.
06:31 Il est très conscient de cet élément dissuasif à son égard lui-même
06:36 en disant que jusque-là nous avons opté pour un soutien à Gaza
06:40 très limité, très confiné au sud,
06:43 parce que nous prenons en compte justement
06:45 la situation catastrophique du pays et le fait qu'une guerre,
06:49 aujourd'hui pour le Liban, serait pratiquement la mise en ruine
06:52 de ce pays. Il l'a dit très clairement,
06:54 mais il a aussi dit que si les Israéliens pensaient que cela empêchait
06:59 le Hezbollah de se défendre si le pays était attaqué,
07:02 ils feraient un faux calcul.
07:03 Donc en fait, ils jouent à fond de la menace,
07:07 mais c'est une menace qui risque aussi de mettre ce qui reste du pays
07:11 complètement par terre.
07:12 Merci beaucoup, Joseph Bahou. Merci d'avoir été avec nous.
07:16 Je rappelle que vous êtes directeur de l'Institut des Affaires Publiques
07:18 et Internationales de l'Université américaine de Beyrouth.

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