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Transcription
00:00Et pour revenir avec nous sur ces propos, Jérôme Pignet, président et cofondateur du réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel,
00:07chercheur associé à l'Institut Thomas More, bonjour.
00:10Qu'a voulu dire d'après vous Emmanuel Macron en estimant que les dirigeants de certains pays africains ont oublié de dire merci à la France
00:16pour être intervenu militairement contre le terrorisme depuis 2013 ?
00:21Je pense que le problème c'est qu'on a, depuis quelques années, centré le débat de la relation entre la France et l'Afrique,
00:32mais en particulier l'Afrique de l'Ouest et ses anciennes colonies, notamment les pays du Sahel central.
00:38On a beaucoup trop voulu centrer le débat sur la relation sécuritaire et militaire et les résultats de l'opération Serval,
00:46puis l'opération Barkhane, et la manière dont ces États ont décidé de mettre fin à un certain nombre de coopérations.
00:52Et donc je pense qu'Emmanuel Macron, dans son discours, finalement, ressasse un petit peu ce narratif, probablement à tort,
00:59qu'on entend depuis quelques années.
01:01C'est-à-dire, pour avoir échangé avec le politique en France, au niveau européen, ou même en Afrique,
01:09le discours qu'on a depuis quelques années, c'est de toute façon ces pays ne veulent plus de nous,
01:15il y a une forme d'ingratitude, et donc nous, on ne veut plus de nous, alors on part.
01:20Alors qu'en réalité, sur le terrain, c'est beaucoup plus complexe que ça,
01:24et les perceptions qui remontent depuis les pays sahéliens, plus largement en Afrique de l'Ouest,
01:30c'est qu'on ne voulait pas nécessairement que la France parte, on voulait une nouvelle relation,
01:34à l'aune d'un contexte politique et sécuritaire qui était très volatile, et qu'on n'a finalement pas su se comprendre.
01:40Et cette relation, aujourd'hui, elle s'illustre à travers toutes ces maladresses, toutes ces incompréhensions,
01:45et même s'il y a un changement de paradigme de la Guinée à l'Ouest au Tchad,
01:50les attentes vis-à-vis de la France, elles demeurent importantes, elles sont différentes, c'est vrai,
01:55et les déceptions et les agacements sont à la hauteur de ces attentes,
01:59et je pense qu'on fait une erreur en France de vouloir à chaque fois recentrer le débat sur les questions sécuritaires et militaires,
02:05parce que, de toute façon, la société civile, les partenaires africains,
02:08attendent beaucoup plus que seulement la question sécuritaire et militaire.
02:11Vous dites on ne veut plus de nous alors on part, n'est-ce pas plutôt on ne veut plus de nous alors on nous fait partir,
02:16c'est bien cela aussi dans les propos d'Emmanuel Macron hier qui a surpris le président de la République,
02:21qui revendique aussi la copaternité, d'une certaine manière, de cette décision du départ des troupes françaises,
02:27dont il dit avoir laissé la primeur à ces pays quant à leur annonce.
02:33Oui, alors quand je parlais de maladresse, j'évoque exactement ce moment-là.
02:37Il y a des discussions, et ça c'est une réalité.
02:39Il y a des discussions depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron avait nommé Jean-Marie Bocquelle
02:44comme envoyée personnelle pour discuter de la transformation des dispositifs militaires et sécuritaires
02:50et du partenariat de défense avec un certain nombre de pays,
02:53mais je pense que là on a focalisé notamment sur la réaction au Sénégal avec le Premier ministre,
02:59qui est tout à fait dans son rôle finalement, puisque le Premier ministre Sonko veut s'inscrire en rupture.
03:05En revanche, je pense que là, ce qu'on n'a pas évoqué depuis hier,
03:08c'est que c'est plutôt suite à l'allocution du président Ouattara en Côte d'Ivoire,
03:13parce qu'il y a quand même des discussions depuis plusieurs années sur l'évolution du dispositif,
03:18et notamment ces derniers mois.
03:19Il y a un commandement pour l'Afrique qui a été créé au ministère des Armées en France,
03:23et donc les discussions ne sont pas du tout homogènes,
03:25elles ne vont pas du tout à la même vitesse, que ce soit par rapport au Sénégal,
03:28ou par rapport à la Côte d'Ivoire, ou par rapport même au Gabon, ou à Djibouti.
03:31Emmanuel Macron l'a dit hier, Djibouti, ça sera encore différent.
03:35Je pense que s'il y a une surprise du côté français, c'est peut-être d'abord du côté d'Alassane Ouattara,
03:41et donc on ne veut pas perdre la face en disant que tout ça a été co-géré,
03:44et ça a été très mal dit hier soir, en disant qu'on leur a laissé la primauté du discours,
03:49ce n'est probablement pas vrai, en tout cas sur le Sénégal.
03:51Les discussions sont différentes, et c'est du cas par cas.
03:53Et donc je pense qu'encore une fois, on se trompe de débat,
03:55et il faut décrisper la situation en pensant plus largement à quoi va ressembler la relation entre la France,
04:02mais plus largement l'Europe, le Nord et le Sud, demain sur un continent qui est en ébullition.
04:06Ces déclarations très rapidement, elles fragilisent justement le maintien d'une présence française en Côte d'Ivoire,
04:11ou dans ces autres pays d'Afrique de l'Ouest qui n'ont pas encore décidé ou souhaité officiellement le départ des troupes françaises ?
04:20La Côte d'Ivoire a annoncé par l'intermédiaire de l'allocution du président de la République à la Sanwatara le 31 décembre
04:25qu'il y allait avoir, que la base française allait être rétrocédée.
04:30Donc rétrocéder dans quelles conditions, ça c'est encore à déterminer, mais c'est déjà un coup d'arrêt.
04:36Mais moi je pense surtout que que les militaires français quittent le continent africain ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de relation.
04:44La question c'est surtout comment on va la renouveler cette relation au-delà de ce prisme sécuritaire et militaire.
04:49Mais maintenant, encore une fois, je pense qu'il faut aller vers une forme de… il faut dépassionner le débat.
04:54Et je pense qu'encore une fois, hier, on n'a pas utilisé les bonnes formules parce qu'il y a des incompréhensions,
05:00il y a des crispations, il y a des frustrations des deux côtés.
05:02Et si on utilise… alors je n'ai pas la recette, mais il y a des leviers à travers lesquels l'histoire nous permet quand même
05:08de parler à nos interlocuteurs sur une base commune, de co-construire autre chose.
05:12Et pour l'instant, on n'y est pas, ni dans le Sahel central puisqu'on ne parle quasiment plus au Mali, au Niger, au Burkina.
05:18Mais le véritable danger, c'est de ne pas réussir à parler avec d'autres pays.
05:22Et c'est ce qu'on entend, encore une fois, je disais de la Guinée au Tchad.
05:25On entend, on a des interlocuteurs guinéens, tchadiens qui nous disent, ou d'autres pays, la Côte d'Ivoire.
05:30Mais est-ce que c'est un point de non-retour ? Est-ce que finalement la France ne s'intéresse plus du tout au continent ?
05:36C'est la question que nous on entend en tant que partenaire, en tant qu'ONG sur le terrain.
05:40C'est ce qu'on entend. Est-ce que la France s'intéresse encore à l'Afrique ?
05:43Merci beaucoup, Jérôme Pigné, d'avoir été avec nous en direct sur France 24.