• il y a 11 mois
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Anne Jouan, journaliste, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00 7h-9h, Europe 1 Matin.
00:03 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la journaliste Anne Jouan.
00:08 Bonjour Anne Jouan.
00:09 Bonjour.
00:11 Bienvenue sur Europe 1 Anne, on vous entend régulièrement pour vos enquêtes,
00:15 notamment publiées dans Paris Match.
00:17 Vous posez cette question cette semaine justement dans Paris Match,
00:20 est-ce qu'on peut sereinement sauver des vies quand on songe à mettre fin à la sienne ?
00:24 Quand la vie au travail devient un enfer.
00:27 Vous êtes allée enquêter Anne sur le service de neurochirurgie du CHU de Rennes,
00:31 l'hôpital Pontchaillou où les langues se délient depuis quelques mois,
00:35 après des années, des décennies même d'Omerta.
00:38 Deux chefs de service, deux éminents professeurs,
00:40 sont visés par une enquête judiciaire pour harcèlement moral et sexuel.
00:44 Vous avez recueilli, Anne Jouan, les témoignages effarants de neuf soignants,
00:48 des hommes, des femmes, des médecins, anesthésistes, infirmiers,
00:52 tous victimes du management tyrannique et abusif de deux professeurs.
00:56 Ils s'appellent Xavier Morandi et Marco Coriola.
00:59 Qui sont ces deux hommes, Anne Jouan ?
01:01 En fait, ce sont deux chefs de service successifs.
01:05 Le premier a été nommé chef de service en 2011,
01:09 et l'autre seulement l'année dernière, en reprenant le flambeau de son prédécesseur.
01:15 Ce qui est intéressant, je pense, là, c'est qu'on a neuf soignants
01:21 qui parlent à visage découvert et qui posent en photo dans Paris Match.
01:26 Ce sont quatre neuroschirurgiens, deux médecins anesthésistes,
01:29 deux infirmiers anesthésistes et une infirmière,
01:32 qui racontent ce qu'ils ont vécu.
01:34 Et ce qu'ils ont vécu, c'est l'enfer, c'est-à-dire brimades, humiliations,
01:37 violences verbales, harcèlement moral, harcèlement sexuel.
01:41 Et ce qu'il faut bien avoir à l'esprit,
01:46 c'est que la hiérarchie était parfaitement au courant de ces dysfonctionnements,
01:51 si l'on peut dire. Je vais vous donner un exemple.
01:54 - Oui, voilà, j'aimerais bien que vous nous racontiez,
01:56 parce que les témoignages sont saisissants.
01:58 On va commencer par celui du docteur Éric Seigneuret.
02:00 C'est pas un débutant, Éric Seigneuret, neurochirurgien.
02:03 On imagine bien, c'est quand même les meilleurs des meilleurs
02:06 qui se dirigent vers cette spécialité-là.
02:08 Cet homme-là, qu'est-ce qu'il vous a raconté, Anne Jouan,
02:10 de son quotidien face à ce professeur Morandi ?
02:13 - Éric Seigneuret, il connaît le professeur Morandi
02:18 quand ils font leurs études ensemble à Paris.
02:21 Au départ, tout se passe bien,
02:23 et puis les choses se gâtent petit à petit, à Rennes,
02:27 quand le futur chef de service commence à maltraiter prodigieusement
02:33 le docteur Éric Seigneuret,
02:35 au point que Seigneuret nous confie cette phrase terrible,
02:39 "Je n'avais plus que trois choix, me tuer, le tuer ou partir."
02:42 Il lui titillait même toutes les possibilités pour mettre fin à ses jours.
02:46 Et en 2004, à bout, usé, détruit, il part dans un hôpital pour Grenoble.
02:53 Mais ce comportement était la norme, si l'on peut dire.
02:58 Hier, l'un des neurochirurgiens qui a témoigné dans l'article
03:01 m'a raconté qu'à la fin des années 90,
03:04 dans le service de neurochirurgie,
03:06 qui était alors situé au quatrième étage du site de Pontchaillou,
03:10 celui qui sera chef de service 15 ans plus tard,
03:13 retirait sa ceinture, baissait sa braguette,
03:16 et s'adressant à sa secrétaire, qui était surnommée Mlle Jeanne,
03:19 en raison de sa ressemblance avec celle de Gaston Lagaffe,
03:23 lui disait, je cite, "Vous avez déjà vu une grosse bite ?"
03:27 D'autres témoins cités dans l'article racontent les mains aux fesses
03:31 aux infirmières de bloc, avec cette phrase,
03:34 "Alors les filles, ça va ce matin ?"
03:36 Et les aides-soignantes qui arrivaient étaient prévenues,
03:38 on leur disait "Faites attention aux mains."
03:41 Donc ce sont des témoignages qui sont forts,
03:45 mais surtout qui sont courageux,
03:47 parce que ces médecins racontent comment leur cauchemar quotidien
03:52 et leur propre mise en danger aboutit à la mise en danger des patients.
03:57 - Alors ça c'est saisissant,
03:58 parce que pratiquement tous les médecins, soignants, infirmières,
04:02 parce que c'est tous les états hiérarchiques du bloc
04:05 qui s'inquiétaient concernés par cette tyrannie exercée par ces professeurs.
04:10 - Oui, pas que du bloc, puisque là c'est sa propre secrétaire à lui.
04:14 Tous les étages, tout court.
04:16 - Tous les étages, avec nombre de témoignages d'intention, de pensée suicidaire.
04:21 Et alors effectivement, vous avez deux des médecins
04:23 qui vous confessent des erreurs d'appréciation
04:26 qui ont peut-être coûté la vie à certains de leurs patients.
04:28 On imagine combien ça a dû leur coûter de vous révéler ça, Anne Jouan.
04:32 Mais vous vous rendez compte le courage qu'il faut
04:35 pour dire avec votre nom et votre photo dans un journal qui est pas image
04:40 que ces dysfonctionnements myingériaux énormes
04:44 peuvent aboutir à la mort d'un patient.
04:48 Mais je pense aussi à ces témoignages avec ce professeur d'anesthésie.
04:52 Il est quand même professeur de service, le professeur Eric Vaudet,
04:56 qui raconte que suite à une altercation il y a quelques mois,
05:00 il arrive au bloc pour une opération concernant un très jeune enfant
05:05 et que juste avant il vient de se faire invectiver violemment
05:10 dans le couloir par le nouveau chef de service
05:14 et qu'il arrive face à cet enfant et que pour l'anesthésie il tremble.
05:18 Et son collègue qui témoigne ici dans l'article...
05:21 - Il tremble de colère de Patrick, il y a tout ça.
05:24 - Voilà, et son collègue qui est présent à ses côtés confirme
05:28 et le professeur Vaudet explique combien il est dangereux
05:32 de faire une anesthésie chez un enfant,
05:35 puisqu'il faut être d'autant plus réactif que chez un adulte,
05:39 et qu'il a fait ce bloc dans des conditions particulièrement rocambolesques.
05:43 Mais si ça, ce n'est pas la mise en danger d'un patient,
05:47 en l'occurrence d'un enfant, qu'est-ce que c'est ?
05:50 Même chose pour le professeur Laurent Riffaut,
05:53 qui raconte également dans cet article
05:56 qu'il a toujours, à cause de ses conditions managériales déplorables,
06:01 il a opéré il y a quelques mois, lui aussi un enfant,
06:05 sans aide opératoire, tout seul.
06:08 Or l'enfant s'est mis à saigner, il a fallu trouver très rapidement
06:12 une infirmière disponible. Heureusement c'était la journée,
06:15 et pas la nuit, parce que c'est plus compliqué.
06:18 Heureusement il y en avait une de disponible,
06:20 heureusement elle avait fait de la neuroschirurgie,
06:22 et heureusement elle était aguerrie,
06:24 et l'enfant a pu être sauvé.
06:27 A chaque fois, ce sont des choses sur le fil du rasoir.
06:30 - Effectivement, vous avez raconté les mains, les braguettes,
06:33 les vulgarités, mais il y a aussi les tableaux de service,
06:38 on force les médecins à travailler 15h d'affilée, 12 jours d'affilée,
06:41 c'est aussi ce management-là qui est faute du doigt.
06:44 - Ce qu'il faut comprendre, c'est que la hiérarchie le sait.
06:47 - Comment c'est possible ?
06:49 - La hiérarchie le sait, puisque quand le docteur Eric Seigneuret
06:53 part en 2004, il donne les raisons de son départ.
06:56 Quand la hiérarchie le sait, puisque les doyens successifs,
07:01 les chefs de services successifs, les patrons de CME,
07:04 tout le monde le sait.
07:06 Quand l'un des autres neuroschirurgiens part,
07:09 il en parle à un monsieur qui fait fonction de cadre en neuroschirurgie.
07:17 - Avez-vous percé le mystère ? Parce qu'à New-York vous le dites bien,
07:19 il y a une DRH dans un hôpital, il y a une direction des soins,
07:21 des affaires médicales, il y a une commission médicale,
07:24 il y a une agence régionale de santé, tout le monde le sait,
07:27 personne ne réagit. Comment c'est possible ça ?
07:30 - Alors, ça c'est pas à moi de le dire, mais moi je constate juste,
07:35 et c'est ce que je vous disais pour ce neuroschirurgien,
07:37 c'est que quand il part, il donne les raisons de son départ
07:41 à ce monsieur qui fait fonction cadre.
07:44 Ce monsieur, dans la vie, il est marié à Nathalie Appéré,
07:48 qui est la mère de la ville de Rennes,
07:51 membre du conseil d'administration de l'hôpital.
07:54 Alors peut-être que tous les deux, à la maison,
07:56 ne se parlent pas des affaires de travail, c'est possible,
07:59 mais en tout cas ce monsieur était parfaitement au courant,
08:02 la R.S. était au courant, la direction générale est au courant,
08:05 puisque quand il y a l'histoire d'harcèlement sexuel en 2015,
08:10 le DRH, le directeur général par intérim de l'école,
08:14 de l'établissement, envoie une lettre à l'infirmière en question
08:20 pour lui dire que les propos tenus par le chef du service
08:25 sont complètement inacceptables.
08:27 Donc tout le monde, tout le monde le sait.
08:30 – Merci beaucoup Anne-Joue, en tout cas je peux vous dire
08:32 que le numéro de Paris Match s'est arraché hier du côté de Rennes,
08:36 mais alors la question qui se pose c'est à Rennes, et oui mais…
08:39 – Il faut avoir un approvisionnement en Bretagne d'ailleurs.
08:41 – Est-ce que ça se passe ailleurs, dans d'autres hôpitaux ?
08:43 C'est la question qu'on se pose tous. Merci en tout cas.
08:45 – Oui, n'oubliez pas que la PHP a été condamnée pour le suicide
08:50 de Jean-Louis Megnin, le cardiologue de Pompidou,
08:53 même si évidemment elle a fait appel.
08:55 – Merci en tout cas Anne-Joue, on vous lit cette semaine.
08:57 – Merci à vous, bonne journée.
08:58 – Bonne journée dans les colonnes de Paris Match.

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