La colère pousse au fond des champs européens
Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 Allez, bonne chance à vous, Emmanuel Ducroc est à vous. Hier en Allemagne, des manifestations
00:05 monstres d'agriculteurs ont convergé vers les villes de tout le pays.
00:09 Avec des dizaines de milieux de tracteurs qui ont bloqué tous les principaux
00:13 centres-villes, dont Berlin. Ça fait un mois maintenant qu'il y a des grandes
00:16 manifestations en Allemagne et les actions d'envergure de ce genre vont durer toute la semaine.
00:20 Qu'est-ce qu'ils veulent ces agriculteurs allemands ?
00:22 D'ici, on les voit protester contre les feux tricolores. Les feux tricolores, ça désigne en Allemagne
00:27 la coalition au pouvoir, le parti social-démocrate, qui a pour couleur le rouge,
00:30 le parti libéral-démocrate, le jaune, et puis les verts. Cette coalition a voulu
00:34 supprimer des subventions au secteur agricole, comme l'exonération fiscale
00:38 pour les machines agricoles. Les agriculteurs demandent maintenant la
00:41 démission du gouvernement d'Olaf Scholz.
00:43 Ah oui, parce que le chancelier Scholz a fait marche arrière pourtant.
00:46 Oui, avant même le début de ces grandes manifestations, il a amoindri cette douloureuse des économies
00:51 sur le dos du secteur agricole. Mais la colère des agriculteurs allemands va au-delà de ça.
00:55 Ils expriment une crise existentielle qui traverse toute l'agriculture de l'Union européenne.
01:01 Alors racontez-nous cette crise européenne de l'agriculture.
01:04 Eh bien, le secteur agricole est à l'aube de transitions environnementales majeures
01:07 qui se font à marche forcée. Les exigences de la société, les vôtres, les miennes,
01:11 celles de la Commission européenne, sont contradictoires. Il faudrait produire suffisamment,
01:15 mais sans un tranc, sans CO2, pour des consommateurs qui ne veulent pas payer
01:18 l'alimentation plus chère, et tout ça en affrontant la concurrence d'importation moins disante.
01:22 C'est une équation impossible. La traduction, c'est ce grand spleen agricole.
01:28 Est-ce qu'il y a une alerte politique à prendre au sérieux, d'après vous,
01:32 derrière ces grosses manifestations ? On les a eues, des hordes de tracteurs
01:36 bloquant les autoroutes en Allemagne. Parce que, en général, ça se passe sous les radars de l'actualité.
01:41 Eh bien oui, les manifestations d'agriculteurs spectaculaires en Allemagne,
01:43 il y en a eu aussi fin 2023 au Portugal, en Pologne, en Hongrie.
01:47 Elles se déroulent à bas bruit en France avec les retournements des panneaux d'entrée
01:51 dans des milliers de villes, pour des raisons toujours locales, mais qui se doublent
01:55 de ce grand vide existentiel de l'agriculture européenne.
01:58 Aux Pays-Bas, ça a donné lieu à un mouvement politique populiste d'ampleur
02:02 qui a réussi une percée électorale. Les dirigeants et les médias européens
02:06 ont tort de ne pas s'en préoccuper. L'agriculture, c'est 4,5% de la population en Europe.
02:10 Ça, c'est peu, ça n'intéresse pas grand monde. Ça se passe loin des yeux des urbains
02:14 qui décident des grandes tendances de l'actualité. Mais ce que l'exemple néerlandais a montré,
02:18 c'est que la capacité d'entraînement du monde rural par les agriculteurs est forte.
02:22 Ce monde rural, il est lui aussi en plein désarroi. Ils se sont isolés, méprisés,
02:26 négligés et punis par les transitions écologiques, dépossédés de la maîtrise de son destin.
02:31 Tout ça, c'est inflammable.
02:32 -Signature Europe 1, Emmanuel Ducrox. Merci à vous Emmanuel.