• il y a 11 mois
Alors que grande distribution et industriels de l'agroalimentaire négocient en ce mois de janvier l'ampleur des augmentations qui nous attendent en rayon en 2024, Sébastien Berger reproche à certaines grandes surfaces de casser les prix, au détriment des producteurs.

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Transcription
00:00 C'est un sujet qui nous concerne tous, l'alimentation. C'est le deuxième poste de dépense après le logement.
00:06 Alors Thomas, on s'intéresse ce matin au prix de notre caddie.
00:09 Pourquoi il a autant augmenté ces derniers mois et surtout, est-ce que ça va continuer ?
00:14 Oui, parce qu'une bonne partie de la baisse éventuelle, ou plutôt de l'augmentation de notre facture est en train de se décider.
00:18 En ce moment, on essaie de feutrer à huit clous entre la grande distribution et les industriels de l'agroalimentaire.
00:24 Ça s'appelle les négociations commerciales et elles ont commencé au début du mois.
00:27 Elles doivent s'achever d'ici la fin janvier. Bonjour Sébastien Berger.
00:30 Bonjour.
00:31 Vous êtes le président de la FDSEA de La Vienne, le syndicat agricole, le premier maillon de la chaîne alimentaire.
00:36 Pourtant, vous ne participez pas vraiment à ces négociations commerciales.
00:40 Comment vous le vivez d'être un peu spectateur ? Sachant que ça décide en grande partie de votre rémunération.
00:46 Exactement, c'est ce que je voulais vous expliquer.
00:48 On est sûrement le seul maillon de la chaîne où on n'a pas notre mot à dire.
00:53 En tant qu'exploitant agricole, on est le seul corps de métier où on vend notre produit sans connaître le prix où on va nous l'acheter.
01:00 Ça c'est problématique et c'est pour ça qu'on demande l'application de la loi EGalim, par exemple.
01:05 On est censé avoir un coût de production et ensuite on calcule un coût de prix de vente dans nos magasins.
01:10 La loi EGalim qui a été votée en 2018, version 2 en 2021, qui est censée normalement garantir une rémunération minimale pour vous.
01:17 Exactement, prendre en compte nos coûts de production.
01:19 Ça c'est quelque chose qui flotue énormément et malheureusement on n'arrive pas à le faire appliquer, très mal appliqué.
01:25 Qui ne la respecte pas ? C'est la grande distribution ? C'est les industriels ?
01:29 En général c'est la grande distribution et les industriels en fait, c'est un commun.
01:33 On demande de valider un prix pour 6 mois en impactant nos coûts de production réactualisés régulièrement.
01:40 Et quand on donne nos chiffres, on nous dit en face "ah oui mais c'est pas possible".
01:44 Donc on fait partie à nos animaux, on fait partie à nos productions et on croise les doigts pour qu'on nous le paye à un peu près à un prix correct.
01:50 Donc en fait la grande distribution n'augmente pas les prix à hauteur de la hausse de vos coûts de production ?
01:54 On est exactement dans ce cadre là.
01:56 On est exactement, que ce soit sur des productions légumières, que ce soit sur du lait, que ce soit sur de la viande.
02:02 La viande bovine qu'on a dans nos grandes étales, on a un même problème, on est en dessous des coûts de production.
02:08 Donc on cherche des niches, on essaie d'en trouver dans le département, on en a eu.
02:12 Des niches de produits, c'est ça ?
02:13 Comment ?
02:14 Des niches de produits, c'est ça ?
02:15 Des niches de produits, des niches qualité.
02:17 Moi j'aime bien prendre en exemple ce qu'on appelle chez nous le "éleveur et engagé".
02:20 En fait c'est des éleveurs qui se sont mis en rapport avec des bouchers,
02:23 même de certaines GMS qui jouent le jeu, qui négocient le prix de l'animal.
02:28 GMS, rappelez-nous.
02:29 Alors...
02:30 C'est la grande distribution, ce sont des négociateurs qui vous vendent...
02:34 C'est directement les bouchers dans les magasins.
02:36 Il y a principalement 2-3 magasins, on va dire, des grandes marques.
02:41 Alors je sais pas si on peut citer les marques.
02:42 Si, si, allez-y.
02:43 Quelles sont celles qu'ils respectent et celles qu'ils ne respectent pas vraiment, la loi Galim ?
02:46 On a des magasins comme Auchan chez nous, on a des magasins comme les Intermarchés,
02:50 ce qu'on appelle les "Copes Atlantiques", donc c'est les "U" en fait,
02:54 qui jouent le jeu de venir voir les agriculteurs et dire aux agriculteurs
02:56 "ben oui, il faut me donner tant, parce que j'ai besoin, parce que mon coût de production en est là".
03:01 Ça peut être 20-30 centimes de plus du kilo.
03:03 Alors c'est rien 30 centimes quand on dit aux gens, mais en fait sur une bête ça représente...
03:07 Et des fois c'est ce qui dégage le salaire de l'agriculteur.
03:10 Par contre, on en a une qui est bien connue, qui s'appelle les groupes Leclerc,
03:14 quand on entend son président qui dit "ben moi en fait aujourd'hui,
03:17 j'ai pas besoin des agriculteurs français pour remplir mes magasins".
03:20 En fait, nous on peut pas l'entendre.
03:22 On peut pas l'entendre, le consommateur veut savoir d'où vient son produit.
03:25 Le poulet, c'est quand même un produit qui est mangé par tout le monde.
03:29 Aujourd'hui, on n'est pas autonome, on est à plus de 50% d'importation des produits.
03:33 Et je ne parle pas des conditions de production qui sont pas les mêmes que chez nous.
03:36 - Alors pour l'élevage laitier, il y a quelque chose qui est en train de se passer en ce moment.
03:41 Il y a le torchon brûle, on peut le dire, entre les éleveurs.
03:44 Le numéro 1 mondial du secteur, qui est la multinationale de la Mayenne,
03:47 assez connue maintenant, Lactalis.
03:49 Qu'est-ce qui se passe concrètement ?
03:50 - On a exactement le même problème.
03:53 Des groupes comme ça aujourd'hui, qui ne jouent pas forcément le jeu auprès de leurs éleveurs.
03:58 Et des éleveurs qui ne s'y retrouvent pas.
03:59 Ils auront annoncé une baisse des prix du lait, c'est-à-dire en tout début d'année là,
04:04 parce que ça marche par trimestre.
04:05 Ils leur annoncent encore une future baisse probable au bout du premier trimestre.
04:09 Et ça ne passe pas.
04:10 Et après ils nous disent "oui, derrière on n'arrive pas à revendre nos produits,
04:15 on nous demande de baisser le prix moyen du panier de la ménagère".
04:18 Mais en fait on a toujours le même problème.
04:19 L'agriculteur derrière n'arrive pas à vivre de sa production.
04:22 - Il y a une différence, je crois, Lactalis propose 465 euros les 1000 litres.
04:27 Les éleveurs demandent 20 euros de différence à peu près pour 1000 litres.
04:30 Ça ne paraît pas beaucoup, c'est énorme ? Vraiment ?
04:32 - 20 euros des 1000 litres, si les coûts de production se tiennent, ça peut être correct.
04:37 Mais si tout d'un coup les prix explosent, les coûts explosent,
04:41 nous on ne va encore pas s'y retrouver.
04:42 Enfin on ne demande pas l'aumône en fait.
04:44 On demande juste d'être rémunéré sur notre travail.
04:48 Comme tout à chacun.
04:49 Et ça c'est le problème que certains gros groupes ne jouent pas aujourd'hui.
04:53 C'est le jeu qui est simple en fait.
04:55 Coup de production, le salaire de l'exploitant et un revenu digne.
04:59 C'est tout.
04:59 - Sur France Bleu Poitou, on vous éclaire ce matin sur les négociations commerciales
05:02 entre les industries ruelles et la grande distribution.
05:05 Elles ont un impact énorme sur nos portefeuilles.
05:07 C'est là que se décident une bonne partie des prix dans les rayons des supermarchés.
05:11 On en parle ce matin avec Sébastien Berger, le président de la FDSEA, le syndicat agricole dans la Vienne.
05:17 - Vous, vous êtes céréalier, donc c'est bien ça.
05:19 Quel céréal vous cultivez ?
05:21 Et pour vous, est-ce que vous arrivez à obtenir une juste rémunération ?
05:24 - Aujourd'hui, mon exploitation, c'est ce qu'on appelle une exploitation traditionnelle.
05:28 Blais, donc tout ce qui est gâteau, farine, orge qui part en alimentation animale,
05:33 colza pour faire de l'huile, tournesol pour faire de l'huile et du foin pour des éleveurs.
05:37 Aujourd'hui, on ne s'y retrouve pas.
05:40 On est en fin d'année, on est en train de finir nos comptabilités, on est dans le rouge.
05:44 On est en négatif.
05:44 - À cause de quoi ? Des coûts qui ont augmenté ?
05:46 - Des coûts de production.
05:47 Et en réalité, les prix de vente n'ont pas suivi l'évolution.
05:50 - Et là encore, comme pour les éleveurs que vous nous évoquiez.
05:53 - On a le même principe. C'est ce qu'on appelle l'effet ciseau.
05:54 Les coûts de production augmentent, les coûts de revente des produits descendent.
05:58 - Autre sujet, vous êtes céréalier irrigant, j'imagine ?
06:03 - Non, je suis céréalier en production sèche.
06:07 Dans mon secteur, on n'a pas beaucoup d'irrigation, c'est comme ça, c'est le jeu.
06:12 Mais donc, on est tributaire de la pluie et du beau temps.
06:15 - Et des nappes phréatiques du coup.
06:17 - Et des nappes phréatiques des réserves.
06:18 - Donc, sur cette question des bassines, peut-être rapidement,
06:22 il y a une plainte déposée par une dizaine d'associations environnementales
06:25 pour essayer de protéger une espèce bien connue dans les Deux-Sèvres.
06:29 La bassine menacerait son habitat naturel.
06:30 Mais au-delà de ça, vous, ces bassines, est-ce qu'elles vous posent peut-être problème
06:35 vu que vous ne dépendez pas de celles-ci pour votre irrigation,
06:38 mais que peut-être elles peuvent menacer les nappes phréatiques ?
06:41 C'est un sujet complexe, bien sûr.
06:42 - C'est ce que j'allais vous dire, c'est un sujet complexe.
06:44 Alors nous, on ne parle pas de bassines, on est bien passé de réserve de substitution.
06:49 J'aime bien remettre les choses à leur place.
06:51 Alors, elles ne nous posent pas de problème, ces réserves.
06:54 Dans mon secteur, on n'en a pas parce que voilà, c'est comme ça.
06:58 Maintenant, certains secteurs de l'avionie veulent s'adapter,
07:01 l'agriculture doit s'adapter, pour moi, ça doit passer par le stockage de l'eau.
07:05 Dire que ça impacte sur les nappes phréatiques, là, moi, je mets un gros bémol
07:10 parce qu'il y a des seuils, à un moment donné, s'il n'y a pas de pluie,
07:12 ils n'ont pas le droit de remplir leurs réserves.
07:14 Et juste deux chiffres, l'année 2022, sur mon exploitation,
07:18 je pense que j'ai une station météo connectée 407 mm d'eau.
07:22 L'année 2023, 825.
07:24 - Donc il a plu beaucoup plus cette année dernière.
07:26 - On a explosé les chiffres et on le voit.
07:28 - Quelles conséquences pour vous, justement ?
07:29 - Justement, on le voit en ce moment où des agriculteurs
07:32 n'ont même pas pu implanter leur culture d'automne.
07:34 D'autres, sur des secteurs, je vais dire, dans le Momoré-Unet,
07:37 ont implanté des cultures ferraillières du style blé-orge et qui est perdue
07:41 parce qu'en fait, elles sont sous l'eau ou en train de se noyer, tout simplement.
07:46 Et derrière, on va avoir un autre problème aussi,
07:47 c'est que s'il n'y a pas de production, en fait, on donne quoi à manger ?
07:50 - A vos animaux ?
07:52 - Voilà, à nos animaux chez les éleveurs qui font de l'autoconsommation
07:54 pour réduire leur coût de production.
07:56 Ils ne vont rien avoir l'année prochaine.
07:57 Donc en plus, on va avoir un espèce d'effet, un effet contradictoire
08:02 avec nos coûts de production qui vont prendre encore un coup dans le nez l'année prochaine.

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