SMART IMPACT - Emission du mardi 16 janvier

  • il y a 7 mois
Mardi 16 janvier 2024, SMART IMPACT reçoit Martin Besnier (Cofondateur et CEO, Holis) , Adrien Stalter (Commissaire d'exposition, Cité des sciences et de l'industrie) et Yves Perrier (Président, Institut de la finance durable)
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00:08 Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce Smart Impact, l'émission des entreprises à impact positif.
00:13 Voici notre sommaire. Mon invité aujourd'hui c'est Adrien Stalter, le commissaire de l'exposition Urgence climatique à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris.
00:23 Elle a déjà réuni plus de 200 000 visiteurs en 6 mois.
00:27 Pour le zoom de notre émission, on se posera la question du financement de la transition écologique des entreprises.
00:33 Avec le président de l'institut de la finance durable Yves Perrier propose au gouvernement de mobiliser massivement l'épargne des français.
00:41 Et puis dans Smart Ideas, notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables, je vous présenterai Holis et sa plateforme qui permet aux entreprises de calculer elles-mêmes le cycle de vie de leurs produits.
00:55 Et puis voilà pour les titres, on a 30 minutes pour les développer. C'est parti !
00:59 [Musique]
01:05 L'invité de Smart Impact c'est Adrien Stalter. Bonjour !
01:09 Bonjour Thomas Hugues.
01:10 Bienvenue, vous êtes muséographe, commissaire de l'exposition Urgence climatique à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris.
01:16 Expo ouverte depuis le mois de mai. Combien de visiteurs depuis ? Et puis est-ce que ça correspond à ce que vous espériez ?
01:23 Alors oui, exposition ouverte depuis la mi-mai dernier et nous sommes à 205 000 visiteurs. On a à peu près 6-8 mois d'exploitation.
01:31 Donc c'est au-delà des attentes vu qu'on espérait 300 000 visiteurs au bout d'un an d'exploitation.
01:36 Donc c'est un sujet qui apparemment mobilise et intéresse les publics.
01:40 Avec quel principe, sur quelle base vous vous êtes... Je sais que l'exposition a été préparée, organisée en partenariat avec le CNRS.
01:49 C'était quoi votre feuille de route en quelque sorte ?
01:52 Alors au départ, on voulait aborder la question de l'habitabilité de la planète d'ici 2100 et de montrer quels étaient les avenirs possibles de la planète
02:00 en suivant les scénarios d'émissions de gaz et effet de serre. Et donc de montrer que le constat n'est pas forcément très, comment dire, lumineux,
02:09 quand on regarde les chiffres, mais que des solutions existent, que ces solutions on les connaît déjà et qu'on pourrait tout à fait, dès aujourd'hui,
02:15 les mettre en place pour arriver à un futur qui soit enviable et décarboné.
02:19 Si on se balade, faites-nous la visite, qu'est-ce qu'on peut voir dans cette exposition ?
02:22 Alors on a séquencé cette exposition en trois thématiques, une qui s'intitule "Décarbonons" et qui est consacrée aux objectifs de l'accord de Paris de 2005,
02:29 donc de limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C, bien que les chiffres...
02:35 On voit que le 1,5°C, on y est déjà.
02:37 Exactement, c'est plutôt pour la fin de la décennie, mais c'est vrai que ça va être très compliqué de les tenir.
02:40 Donc on a cette première séquence qui permet justement de comprendre qu'un avenir décarboné est possible,
02:46 que l'on connaît les solutions et qu'encore une fois, il suffirait de les mettre en place.
02:49 Ensuite, on a une deuxième partie qui s'appelle "Anticipons" et qui est consacrée, elle, à la compréhension des scénarios du GIEC.
02:55 En gros, comment est-ce qu'on arrive aujourd'hui à imaginer un avenir en 2100 à partir des données qui sont récoltées par les scientifiques ?
03:01 Donc de montrer que selon différents scénarios, on pourrait, bien entendu, limiter notre impact en termes d'émissions carbone
03:07 et donc en termes d'impact sur la biodiversité, sur les littoraux et sur la montée des eaux.
03:12 Et enfin, une partie qui est pour moi la plus importante qui s'appelle "Agissons" et qui est consacrée, elle, à l'action individuelle et surtout collective
03:19 qu'il faut qu'on mette en place dès maintenant, très rapidement, pour justement limiter les impacts du réchauffement climatique.
03:25 On y voit des sculptures de données. C'est quoi, des sculptures de données ?
03:30 Alors en fait, on a voulu montrer de manière plus visuelle, plus explicite au public que par des graphiques habituelles,
03:36 nos impacts à nous en tant que consommateurs, en tant que citoyens sur certains secteurs d'émissions de gaz à effet de serre.
03:43 Donc on a par exemple montré le bilan carbone de la ville de Paris, donc de montrer par des flux qui sont empilés en colonnes les uns ensuite des autres
03:52 les différents secteurs émetteurs de la ville de Paris. On voit que le transport aérien sur classe est de loin les autres secteurs d'émissions.
03:59 Donc on peut réfléchir à nos actions sur le tourisme par exemple. Également sur l'alimentation, donc de montrer que l'alimentation carnée est bien plus émettrice que l'alimentation non carnée.
04:10 Donc on a comme des tas de tissus qui ressemblent un peu à l'alimentation qu'on cherche à mettre en valeur et qui montrent justement que le bœuf est bien plus émetteur que la pomme de terre par exemple.
04:21 Ça permet de visualiser les choses. Est-ce que vous jouez sur le registre de l'éco-anxiété ?
04:26 C'est toujours un débat à quel niveau on met le curseur finalement, vous disiez que ce n'est pas forcément lumineux quand on se projette dans l'avenir.
04:33 Non, non, bien sûr. Alors il ne faut pas se voiler la face. On fait face à la réalité des chiffres.
04:38 C'est-à-dire qu'effectivement aujourd'hui nous sommes dans un monde qui est très fortement carboné et que si on continue à émettre autant qu'on émet, on va droit à la catastrophe.
04:46 Donc le constat il est forcément éco-anxieux.
04:49 Mais vous n'en rajoutez pas ?
04:51 Non, non. Tout l'intérêt de cette exposition c'est de dire que le constat est sombre mais pour autant encore une fois on sait ce qu'il faut faire, on pourrait tous s'y mettre des deux mains.
04:58 Et le fait de venir dans cette exposition est peut-être déjà un premier pas pour faire face à ce sentiment d'éco-anxiété.
05:03 D'ailleurs le visiteur qui peut faire son bilan carbone, il y en a qui ont des surprises d'une certaine façon ?
05:08 Oui, je pense que certains ont des surprises et se pensaient peut-être un peu plus sobre en émission.
05:13 Mais oui l'intérêt c'est de montrer qu'on a tous un rôle à jouer.
05:16 Mais encore une fois le but n'est pas de culpabiliser le visiteur en le ramenant à sa propre échelle d'action, mais bien de dire que l'action aussi doit venir de plus haut.
05:27 C'est un élément important parce qu'on peut se demander quel est le rôle de l'art ou des espaces culturels dans ce défi de la transformation environnementale et sociétale.
05:39 Vous êtes là aussi pour inventer de nouveaux imaginaires, rendre ce futur désirable et pas seulement flippant, pas seulement anxiogène ?
05:48 Exactement, c'est tout à fait ce qu'on cherche à montrer dans cette exposition.
05:51 C'est d'aller un peu à l'encontre de certaines images qu'on voudrait nous faire passer aujourd'hui en termes de sobriété, qui seraient un retour en arrière.
05:58 On cherche à montrer qu'encore une fois en décarbonant et en revoyant un tant soit peu nos habitudes de consommation, de transport, de rapport aux vêtements, par exemple à l'achat, à la consommation,
06:11 on peut réussir à avoir des mondes qui sont tout à fait en vieux.
06:14 Et là où le point est très important c'est que cette transition écologique doit également être une transition sociale juste.
06:21 Donc non seulement à l'échelle d'un pays comme la France par exemple, mais aussi en lien avec des pays qui eux sont en voie de développement et vont connaître leur plein boum économique dans les années qui viennent.
06:30 C'est ce qu'on appelle une exposition permanente, donc ça veut dire qu'elle est censée durer une dizaine d'années ?
06:35 Dix ans, effectivement.
06:36 C'est prévu pour dix ans et on parlera de la fin, qu'est-ce qui va se passer dans dix ans, mais elle est éco-conçue.
06:42 Qu'est-ce que ça veut dire quand on est commissaire d'expo et qu'on vous dit "bon bah oui on fait une expo sur l'urgence climatique", évidemment elle doit être éco-conçue.
06:49 Quelles "contraintes" vous avez dû intégrer à vos idées ?
06:53 Alors ça a été déjà de revoir beaucoup nos habitudes de travail dans une grande institution comme la Cité des Sciences et de l'Industrie.
06:59 Et donc de réfléchir en termes de matériaux, en termes de durabilité, en termes d'impact énergétique aussi.
07:05 Donc de ne pas avoir une surmultiplication des écrans ou de dispositifs qui soient gourmands en énergie.
07:10 Et de réfléchir à justement des matériaux qui soient sobres en émissions carbone et qui surtout soient à l'usage à la fin de l'exposition réemployables et recyclables.
07:20 Donc on a une exposition qui est intégralement conçue en bois.
07:24 Donc circuit court du bois qui vient du massif central.
07:29 Et donc ce bois a dix ans de vie de l'exposition et est prévu pour être récupéré, réemployé soit à la Cité des Sciences pour une autre expo, soit dans d'autres musées.
07:37 Ou alors on espère aussi, si la législation le permet, que des citoyens, que des gens comme vous et moi puissent aller se sourcer directement dans l'expo en matériaux pour refaire de la charpente ou une pétanche chez soi.
07:47 Donc démontable et recyclable. Ça c'était la feuille de route pour les matériaux.
07:52 Est-ce que vous avez tiens renoncé à certaines idées trop énergivores ?
07:57 Vous voyez ce que je veux dire ? Quand on est commissaire d'expo, on a une page blanche au départ.
08:00 Et puis entre ce qu'on voudrait faire et ce qu'on peut faire, il y a parfois des marges.
08:04 Oui, alors on a revenu... Je peux donner quelques exemples très précis sur plutôt des habitudes de travail.
08:10 Donc par exemple, on a des matériaux en bois qui sont très sensibles aux produits chimiques.
08:14 Donc par exemple, ça a été de revoir aussi en interne la façon dont on doit s'occuper en termes d'entretien d'une exposition comme celle-ci sur des matériaux qui ne sont pas prévus pour être lavés à grande eau ou avec des produits chimiques.
08:26 Donc on a eu cette réflexion aussi en termes d'usage du plastique.
08:30 Donc on a restreint au maximum l'emploi de matériaux issus des hydrocarbures.
08:35 Pari qu'on a réussi à tenir par ailleurs.
08:38 Avec qui vous avez travaillé pour modéliser cet impact carbone environnemental de l'expo ?
08:45 Alors on s'est entouré d'une soixantaine de scientifiques en tout et d'un comité scientifique plus restreint d'une quinzaine de scientifiques dont le président...
08:53 Enfin dont le commissaire scientifique était Jean Jouzel, paléoglymatologue.
08:57 Donc on a eu à chaque fois des relais au sein du GIEC, au sein du CNRS, au sein de l'université française pour justement avoir un propos qui soit le plus pertinent possible
09:07 et d'être au plus proche de la réalité des chiffres et de la façon de les faire parler auprès d'un grand public.
09:12 Ça veut dire que maintenant vous avez entre les mains une sorte de calculateur d'impact carbone d'une exposition ?
09:17 Oui alors on a développé aussi ce calculateur qui est un outil nouveau dans notre institution qui donc permet de calculer l'empreinte carbone très précisément d'une exposition.
09:27 Donc on a un peu essuyé les plâtres parce qu'on a fait une sorte de version numéro un et qui maintenant va de projet en projet, qui va s'affiner et qui va servir à terme à pouvoir réaliser les empreintes carbone des expositions.
09:38 Quand vous dites qu'il va de projet en projet, ça veut dire qu'il y a d'autres expos qui l'utilisent déjà ?
09:42 Exactement, oui.
09:43 Là dans leur phase de conception ?
09:44 C'est un outil qui n'existait pas ?
09:47 Alors qui existait au sein de l'institution dans son ensemble, donc qui a fait son bilan carbone, Universcience a fait son bilan carbone.
09:53 Donc Universcience c'est l'institution qui abrite la cité des sciences ?
09:58 Et le palais de la découverte.
10:00 Et le palais de la découverte, c'est ça.
10:01 Et donc on s'est servi de cette première mouture du calculateur qu'on a adapté à des besoins plus précis pour l'exposition.
10:07 Je vous pose cette question parce que le monde des espaces culturels, il en est où par rapport à ses impacts carbone, impact environnementaux ?
10:17 Est-ce que ce calculateur finalement c'était aussi une demande du milieu ?
10:21 Alors oui c'était une demande.
10:23 Il faut savoir qu'aujourd'hui le monde de la culture est en pleine mutation par rapport à ses enjeux environnementaux et énergétiques.
10:29 Et que ce calculateur, même si pour l'instant il est utilisé en interne à Universcience,
10:35 je pense que d'autres institutions sont en train de mettre en place leur propre calculateur et pourquoi pas un jour avoir un outil qui soit global à l'échelle des...
10:42 Dans lequel on pourrait presque comparer les expos en termes de bilan carbone ?
10:47 Oui je ne sais pas si...
10:48 Je ne sais pas si vous voulez rentrer dans un match ou dans une compétition mais bon...
10:50 Je ne sais pas si c'est une bonne méthode de comparaison entre les expositions,
10:52 mais oui je pense qu'à terme il faudra arriver à développer des bilans carbone et pourquoi pas aussi avoir des budgets carbone en amont du projet.
10:59 Donc pas non seulement un budget financier mais également un budget carbone.
11:04 Oui c'est presque un bilan comptable adapté au temps.
11:08 Exactement.
11:09 Vous, vous êtes preneur d'un outil comme ça ?
11:11 Alors je pense que c'est très compliqué à mettre en place.
11:13 Si on a réussi à mettre en place un calculateur pour l'exposition,
11:18 on devrait être en mesure après de pouvoir lisser les chiffres et d'émettre un budget carbone.
11:22 Et puis qui mieux que des scientifiques de la Cité des Sciences et de l'industrie pour nous le proposer.
11:26 Merci beaucoup.
11:27 Donc exposition Urgence climatique à découvrir à cette Cité des Sciences et de l'industrie à Paris.
11:34 On passe tout de suite au zoom de ce Smart Impact des pistes pour financer la transition écologique des entreprises.
11:41 [Musique]
11:48 C'est le zoom de ce Smart Impact. Il est consacré au financement de la transition écologique des entreprises.
11:54 Je reçois Yves Perrier. Bonjour, bienvenue.
11:56 Bonjour.
11:57 Vous êtes le président de l'Institut de la Finance durable.
11:59 Vous avez remis il y a quelques mois l'été dernier au ministre de l'économie votre rapport qui souligne entre autres
12:04 le rôle massif que l'épargne des Français peut jouer, pourrait jouer dans cette transition.
12:08 On y reviendra mais d'abord les enjeux. Pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris, combien d'argent faut-il mobiliser chaque année ?
12:15 Ça représente quoi ?
12:16 Alors le montant des investissements supplémentaires annuels en fait, on l'estime entre 50 et 70 milliards d'euros par an.
12:29 Et en termes de répartition, c'est schématiquement un gros tiers tout le secteur énergétique, donc faire les centrales nucléaires, le Vlaamble, etc.
12:42 Un gros tiers les particuliers, c'est la question des rénovations thermiques, des bâtiments et de la mobilité électrique.
12:54 Et puis le dernier volet, ce sont les entreprises qui doivent transformer leurs outils de production.
13:03 Et là, à cet égard, il y a un point très important en fait qu'il faut avoir en tête.
13:08 Cette question de la transition écologique ou énergétique ou écologique a souvent été traitée je dirais d'une façon morale.
13:18 Et je dirais qu'il faut prendre cette affaire pour ce que c'est, c'est une révolution industrielle qui a réalisé, révolution industrielle a réalisé à l'échelle planétaire,
13:28 dans un temps rapide, une trentaine d'années, et qui touche en fait tous les volets.
13:36 Le secteur énergétique, pour réinventer l'énergie, c'est une affaire promettienne que de sortir du fossile.
13:42 Il faut changer les produits, c'est une voiture moteur électrique versus une voiture moteur thermique.
13:48 Il faut changer les modes de production, on fabriquera toujours du ciment, de l'acier, mais avec des process différents.
13:54 Et enfin, c'est changer les usages.
13:57 On peut prendre, il y a eu l'industrialisation, on peut dire que c'est l'écologisation,
14:01 c'est pour comprendre que c'est un processus qui forcément prend du temps, même s'il y a une urgence.
14:06 Bien sûr qu'il prend du temps, et il faut bien comprendre la nature et les enjeux, notamment politiques.
14:13 Au début du 19e siècle, l'humanité vivait à peu près comme au temps des romains.
14:19 Et en deux siècles, on a transformé les modes de vie pour avoir un autre mode de vie actuel,
14:25 qui est quand même excellent à beaucoup de points de vue, même si tout le monde pense que c'est pire maintenant qu'avant.
14:33 Mais y compris à l'échelle planétaire.
14:38 Comment on l'a fait ? On l'a fait à partir de révolutions énergétiques.
14:44 La première, c'est le charbon, la deuxième, c'était le pétrole et le gaz.
14:49 Et qui nous ont enfin, ça a été fait à partir des fossiles.
14:53 Et la particularité de ces révolutions industrielles, c'est qu'on les a faites en deux siècles,
14:58 mais aussi qu'elles ont créé énormément de valeurs d'usage.
15:02 On a eu des voitures, des modes de locomotion, on s'est chauffé différemment, la santé a été complètement améliorée, etc.
15:09 Aujourd'hui, la révolution industrielle consiste à sortir du fossile, pour le remplacer par des renouvelables.
15:15 Mais la différence, c'est qu'il faut la faire plus rapidement et qu'il n'y a pas de valeur d'usage.
15:20 Parce que grosso modo, on vivra comme avant, si vous voulez.
15:24 Et donc, la difficulté est plus grande et la gestion politique, au sens noble du terme, est clé dans cette affaire.
15:33 Après, c'est un autre débat, mais est-ce qu'on vivra vraiment comme avant ?
15:36 Est-ce que c'est réaliste, sans changer aussi nos modes de vie ?
15:39 Je ne voudrais pas rentrer dans ce débat parce que je voudrais revenir au chiffre que vous avez donné.
15:43 Vous dites entre 50 et 70 milliards par an. On en est très loin aujourd'hui, on est à combien ?
15:48 On est plutôt à la moitié, aujourd'hui.
15:51 Il y a un gros effort à faire.
15:54 Un, c'est normal que ça prenne un peu de temps.
15:58 Parce que, au fond, faire ses investissements, investir dans les technologies, changer les modes de production, ça ne se fait pas non plus du jour au lendemain.
16:11 Donc, il n'est pas normal qu'on ne soit pas encore au rythme de croisière.
16:15 Mais la deuxième raison, si vous voulez, c'est qu'au fond, je suis rentré dans l'examen de ce dossier avec l'idée qu'on avait un vrai problème de financement.
16:27 Je pense qu'on n'a pas de problème de financement, on a un problème de projet.
16:30 Il n'y a pas assez de projet. Et pourquoi il n'y a pas assez de projet ?
16:34 C'est parce qu'on n'a pas créé les conditions de la rentabilité économique de ces projets.
16:41 Donc, ils ne sont pas assez attractifs.
16:43 Ils ne sont pas assez attractifs.
16:45 Et prenons l'exemple des rénovations thermiques.
16:50 Les appartements, grosso modo, la valeur moyenne du logement pour un Français, c'est 230 000 euros.
16:57 Et on estime le coût moyen de la rénovation thermique à 30 000, 40 000 euros.
17:02 Sauf que, si vous faites cette rénovation thermique, vous serez un peu mieux chauffé.
17:07 Mais vous ne rentabilisez pas l'investissement dans l'économie d'électricité, d'énergie, etc.
17:15 Et donc, c'est un des points qui freine énormément.
17:19 Et on pourrait multiplier les exemples de ce type.
17:22 Donc, un des grands sujets, c'est non seulement de trouver les ressources,
17:26 mais de créer les conditions de la rentabilité économique de ces projets.
17:30 – Et donc, dans le rapport que vous avez remis au mois de juillet au ministre de l'Économie,
17:33 à la question de la mobilisation de l'épargne financière des ménages français.
17:38 Je crois que c'est 6 000 milliards d'euros au global.
17:41 Quelle part est mobilisable d'une certaine façon ?
17:44 – L'épargne financière, c'est 6 000 milliards.
17:47 Mais il y a deux tas, l'épargne à court terme, qui fait 3 000 milliards,
17:53 et l'épargne à long terme qui fait aussi à peu près 3 000 milliards.
17:57 Je considère que celle qui est mobilisable, c'est l'épargne de long terme.
18:01 Parce que l'autre, elle correspond à la précaution.
18:03 Et comme quand on fait des investissements de long terme, il faut…
18:07 – Et alors, comment on peut la mobiliser ?
18:09 Parce que finalement, si on a 3 000 milliards d'un côté,
18:11 et qu'il en faut 50 à 70 par an, ça devient d'un seul coup possible.
18:16 Mais comment on donne envie aux Français de mobiliser leur épargne sur ces projets ?
18:22 – En effet, quand on rapporte les flux au stock,
18:26 on se dit finalement, ce n'est pas tant d'argent que ça.
18:28 Et je dirais que même si on prend la production annuelle,
18:30 l'augmentation de l'épargne, c'est entre 100 et 130 milliards par an.
18:34 Donc c'est grosso modo deux fois le montant des investissements.
18:38 Donc la question clé, c'est comment flécher cette épargne,
18:43 je veux dire, en faveur de cet investissement.
18:47 Le premier point, je reviens, il faut d'abord déclencher des investissements.
18:53 Et déclencher des investissements, il faut leur donner une rentabilité économique.
18:57 C'est pour ça que je propose notamment,
18:59 si vous voulez qu'on ait un système de crédit d'impôt,
19:04 si vous voulez, pour l'investissement, par exemple des particuliers,
19:09 par exemple sur une durée de 15 ans, et aussi des prêts à taux zéro,
19:15 de telle façon que la combinaison d'une bonification d'intérêt
19:21 plus le crédit d'impôt fait que ça sera grosso modo rentable pour le particulier de faire.
19:28 Et ensuite, comment on le finance ?
19:30 Une fois qu'on a le projet, je dirais que là, en fait, le système financier,
19:35 si on prend tel qu'il est aujourd'hui,
19:38 l'épargne réglementée était créée dans le début des années 80.
19:43 Elle est plantée par un logement livré à une partie,
19:49 et dans le bilan des banques, et une autre partie est centralisée à la caisse des dépôts.
19:53 Ça, ça fait 1 000 milliards.
19:55 Les 2 000 milliards restants, c'est l'assurance vie.
19:58 Bon, principalement, les trois quarts, c'est l'assurance vie en euros.
20:02 Quand on, au début des années 80, on a su orienter l'épargne des Français
20:09 pour financer l'accession au logement parce que c'était un choix politique, etc.
20:13 Donc, ce n'est pas si compliqué d'orienter l'épargne des Français
20:16 vers l'investissement de la transition écologique.
20:18 Si vous voulez, dont une partie, d'ailleurs, est gérée dans le fonds d'épargne de la caisse des dépôts,
20:22 et ça dépend directement de Bercy, il n'y a même pas besoin de passer aux paroles.
20:26 Alors, pourquoi ce n'est pas fait ?
20:27 Je pense qu'en fait, comme toujours, quand on vit une époque de transformation, de mutation,
20:33 il y a toujours un peu de retard à l'allumage.
20:35 Qu'est-ce qui s'est passé depuis le mois de juillet, depuis que vous avez remis ça en forme ?
20:38 Pour l'instant, il n'y a pas suffisamment, j'estime, de choses qui sont faites.
20:43 On a fait un livret à Vert, Jeunes, enfin bon, j'ai tendance à dire ces sujets marginaux.
20:50 Je pense qu'il faut leur donner, en fait, une autre impulsion.
20:56 Et la thématique de réindustrialisation verte, qui est la thématique qui a été retenue
21:01 au niveau du ministère de l'Économie par Bruno Le Maire, est la bonne thématique.
21:06 Parce qu'en fait, la France est finalement bien placée dans cette affaire.
21:14 Pourquoi ? Nous avons le système énergétique, un des meilleurs au monde pour ce qui est de la question du CO2,
21:22 grâce au nucléaire. Même si on a erré pendant une dizaine d'années, je pense qu'on a pris le bon virage maintenant.
21:29 Donc on part avec un atout considérable qui est notre système énergétique.
21:34 Alors quand vous faites un kilowattheure d'énergie en France, vous émettez près de 10 fois moins de CO2 qu'un kilowattheure en Allemagne.
21:44 Deuxième point, un des grands problèmes français, ça a été la désindustrialisation.
21:51 Aujourd'hui, l'industrie française, c'est 10% du PIB, comme la Grèce.
21:57 Et quand on regarde les émissions, nos émissions de CO2 en France diminuent, mais on importe de plus en plus pour le produit chinois, etc.
22:06 Donc on a la double peine. Et donc il faut en fait plus massivement investir dans l'industrie.
22:13 Alors il faut faire les bons choix industriels, etc. Il faut que ce soit fait en partenariat entre les industriels et les pouvoirs publics.
22:20 Il faut retrouver l'idée de la planification et ensuite il faut réfléchir cet épargne de cette façon-là.
22:28 Alors soit on peut le faire de manière très directe quand on est dans le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts,
22:34 et quand on est dans l'assurance-vie, on peut jouer par l'incitation fiscale favorable à ce type d'investissement.
22:41 Mobilisons l'épargne des Français pour la transition écologique. Merci beaucoup Yves Perrier.
22:45 À bientôt sur Bsmart. C'est l'heure de notre rubrique Start-up avec une solution simple pour analyser le cycle de vie des produits.
22:55 Smart Ideas avec Martin Beignet. Bonjour.
23:04 Bonjour.
23:05 Bienvenue. Vous êtes le président cofondateur de Holis, entreprise créée en 2022 avec Paul Gredigui.
23:11 C'est quoi, racontez-moi l'idée de départ, le déclic ?
23:13 Le déclic c'est que Paul et moi on était formés aux sciences environnementales,
23:17 et puis on avait fait beaucoup d'études, je crois qu'on était à plus de 7 années post-bac,
23:21 et on arrive dans les rayons du supermarché, et là on se rend compte que malgré toutes nos études en sciences environnementales,
23:26 on était incapables de comparer les produits et de savoir lesquels étaient bons pour l'environnement au moment.
23:31 Et la réalité en fait c'est qu'il y a de la méthodologie qui existe pour le faire,
23:34 notamment l'analyse de cycle de vie qui consiste à parcourir toute la chaîne logistique d'un produit,
23:38 quantifier différents indicateurs, sauf que cette méthode elle est super lourde, très complexe,
23:42 ce qui fait que les industriels ne la font pas, principalement par manque d'outils pour le faire.
23:47 Et c'est comme ça qu'on s'est dit qu'il fallait outiller.
23:49 Donc vous avez créé une plateforme qui permet aux entreprises de faire l'analyse du cycle de vie de leurs produits, c'est ça ?
23:56 Exactement, donc on a créé OLYS, c'est une plateforme qui vient coupler une interface vraiment faite pour des novices,
24:02 et des outils d'intelligence artificielle, et qui permet d'analyser les impacts environnementaux,
24:06 d'articles textiles, alimentaires, de centrales minières, en fait on a toute une panoplie de produits qu'on peut faire,
24:13 et c'est super intéressant parce que nous au quotidien on découvre plein d'industries.
24:17 Jusqu'à présent soit les entreprises ne le faisaient pas, soit elles faisaient appel à un bureau d'études, c'est ça ?
24:22 C'est ça, exactement. Alors les bureaux d'études sont bien parce qu'ils ont l'expertise en interne,
24:25 malheureusement le marché est en train d'accélérer et ils n'ont plus du tout la bande passante pour prendre les études.
24:30 Quand on parle d'un client industriel dans le textile, maintenant il y a vraiment des obligations pour faire ce type d'études,
24:35 et c'est subitement des milliers, si ce n'est des dizaines de milliers d'analyses qu'il faut faire chaque année.
24:40 Donc les bureaux d'études ne peuvent pas prendre tous les contrats qui pourraient venir, c'est ce que je comprends.
24:45 En plus ça coûte plus cher que votre solution j'imagine ?
24:47 Ça coûte plus cher que notre solution. Nous l'idée ce n'est pas de se voir comme des concurrents des bureaux d'études,
24:51 au contraire c'est vraiment comme des partenaires, mais de déléguer à la plateforme et aux utilisateurs tout ce qui finalement est assez simple,
24:59 et qu'ensuite des bureaux d'études puissent être plus force de conseil, par exemple sur les projets d'éco-conception.
25:03 Entre l'idée de départ et la mise en œuvre, combien de temps, de recherche, de développement, et puis surtout quel défi, quelle difficulté vous avez rencontré ?
25:12 On peut dire qu'on est allé assez vite parce que les premières lignes de code elles ont été codées début 2022,
25:18 et aujourd'hui on est un an et demi après ça, sensiblement un an et demi après ça, on est labellisé GreenTech,
25:24 on est la première plateforme d'ACV à avoir reçu ce label national, on a été reconnu par l'UNESCO, et j'en faisse des meilleurs,
25:30 donc on est allé assez vite et aujourd'hui la plateforme elle fonctionne très bien depuis qu'on a commencé à commercialiser fin 2022,
25:36 on a une quinzaine de clients et les défis sont surtout maintenant de se structurer en tant qu'équipe,
25:41 on a commencé à deux, on passe maintenant à dix, donc ça c'est aussi un défi en tant que jeune dirigeant d'apprendre à manager
25:48 et de continuer de faire cette transition en interne pour pouvoir faire la transition des autres en externe.
25:52 Alors il y avait déjà des logiciels qui permettent de réaliser cet ACV, cette analyse du cycle de vie,
25:58 qu'est-ce qui vous différencie de ces concurrents ? Ils sont un peu spécialisés, vous ne l'êtes pas, juste pour bien comprendre.
26:04 Tout à fait, alors il y a deux types de logiciels qui existent, il y a les vieux logiciels d'experts qui ont eu une trentaine d'années
26:09 et qui ont été conçus à une époque où il fallait tout faire manuellement, ceux-là c'est surtout des problèmes d'ergonomie,
26:14 de complexité qui sont complètement incompatibles avec des novices et aujourd'hui on a vraiment besoin que des designers,
26:19 des ingénieurs, des chargés de logistique, etc. puissent prendre en main ce jeu.
26:22 Les deuxièmes types de plateformes, celles qui se sont développées un peu plus récemment mais qui pour beaucoup ont voulu simplifier la méthodologie,
26:28 soit en prenant un seul secteur d'activité, soit en se concentrant sur un seul niveau de granularité ou de réglementation.
26:34 Et à l'inverse, nous on a vraiment cette capacité à partir d'une seule analyse d'interpréter pour l'ensemble des réglementations,
26:39 ce qui réduit la charge de travail pour nos clients.
26:41 Donc vous êtes on va dire plus généraliste, comment quand on est généraliste on est aussi précis et fiable
26:45 quel que soit le secteur d'activité en quelque sorte ou quel que soit le produit ?
26:48 Alors c'est vrai que ça peut sembler très contre-intuitif, la réalité c'est qu'en étant généraliste on est obligé de faire beaucoup plus.
26:53 Pour que la plateforme s'adapte à plusieurs industries, ça nous force à réfléchir sur la structure de données
26:58 et d'aller beaucoup plus loin que si on s'était concentré que sur un secteur.
27:01 Et de fait on a des secteurs qui viennent se nourrir les uns les autres.
27:04 Quand on a un client qui est spécialiste de l'extraction des minerais rares, notamment utilisés pour les batteries,
27:09 un autre client qui lui fait par exemple des scooters électriques,
27:13 on va avoir vraiment la capacité à conseiller jusqu'au niveau de comment est-ce qu'on fait une batterie.
27:17 Ce qui ne serait pas le cas si on était resté au niveau de la mobilité versus la grande industrie.
27:22 Vos clients aujourd'hui c'est plutôt des grandes entreprises, des ETI, des petites entreprises, des startups ?
27:27 Alors plutôt des grandes entreprises, on a aussi quelques startups innovantes,
27:31 par exemple Dantec qui avait fait Bob l'Omino la vaisselle et là qui est en train de dévoiler Joe Oven son four multifonctions
27:37 qu'on a accompagné sur ce projet d'éco-conception.
27:40 Et le souhait c'est de continuer de faire l'ensemble des acteurs avec quand même plus un focus sur les grands industriels
27:46 qui ont beaucoup de produits à faire et surtout beaucoup de réglementations.
27:49 Ce qui est assez étonnant, il nous reste 30 secondes pour aller vite,
27:51 mais les grands industriels on pourrait imaginer qu'ils ont les moyens de se payer les bureaux d'études, voyez ce que je veux dire ?
27:55 Ils ont les moyens de se payer les bureaux d'études mais il faut savoir qu'une analyse ça coûte entre 4000 et 100 000 euros par produit.
28:01 Donc quand on a un grand industriel le problème c'est qu'on a beaucoup de produits.
28:05 Ok, on a bien compris, merci beaucoup Martin Bénier et bon vent à Olyse.
28:09 Voilà c'est la fin de ce numéro de Smart Impact, merci à toutes et à tous de votre fidélité.
28:13 A Bismarck, la chaîne des audacieuses et des audacieux. Salut, à très vite.
28:17 [Musique]