Maud a été victime de gaslighting. Elle nous raconte comment cette relation l'a traumatisée en seulement quelques mois.
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00:00 Mais pendant plusieurs semaines, j'ai vraiment cru
00:02 que mes capacités cognitives étaient limitées,
00:05 que je comprenais mal, que j'étais folle,
00:07 que j'étais hystérique, que j'étais un peu bête aussi,
00:09 que j'avais besoin de me faire soigner
00:11 et que lui était vraiment très, très gentil et très patient avec moi.
00:13 Cette relation, elle a commencé fin 2021
00:15 et elle a duré entre deux et trois mois.
00:18 Donc, tout s'est passé très vite.
00:19 C'était quelqu'un qui avait beaucoup d'abonnés sur les réseaux sociaux
00:22 et son habitude, je l'ai su seulement plus tard,
00:25 c'était de glisser dans les DM des filles qu'il trouvait jolies
00:28 pour essayer d'avoir des dates.
00:31 On a un peu parlé, je le trouvais marrant, on s'est rencontrés.
00:34 C'était quelqu'un de très persuasif, de très charismatique
00:37 et surtout de très marrant, donc j'ai fini par tomber dedans.
00:40 C'était une période de ma vie où j'étais assez fragile.
00:42 J'étais dans un boulot où j'étais assez maltraitée.
00:45 J'avais peu confiance en moi.
00:47 J'avais été aussi pas mal maltraitée par les hommes.
00:49 J'étais sous antidépresseurs, sous anxiolytiques
00:52 et j'avais un grand besoin, je pense, d'affection,
00:55 peut-être aussi de validation quelque part.
00:56 Et là débarque ce type qui tout de suite me met sur un piédestal
01:00 et j'avais l'impression vraiment de compter pour quelqu'un.
01:02 C'est ce qu'on peut appeler du "love bombing" en psychologie.
01:05 C'était des compliments constants.
01:08 C'était de dire que j'étais la plus belle femme du monde,
01:09 la femme la plus intelligente du monde,
01:11 la meilleure chose qui soit arrivée dans sa vie,
01:13 qu'il voulait se marier avec moi, tout ça très vite.
01:15 Donc c'est un peu comme ça qu'il m'a eu, on va dire.
01:16 Alors il y avait quelques signes que j'aurais dû repérer.
01:19 Il piquait des colères vraiment noirs, mais noirs.
01:22 Il criait dessus beaucoup, il me faisait peur, même physiquement.
01:25 Il était toujours dans le contrôle de son image,
01:28 il était extrêmement dragueur,
01:30 il avait vraiment besoin de validation sociale.
01:32 J'aurais dû m'en méfier,
01:33 mais évidemment c'est plus facile de se le dire après coup.
01:35 Alors le "gaslighting", c'est un terme de psychologie
01:38 qui est surtout utilisé dans le langage anglo-saxon.
01:40 C'est jouer avec les perceptions de quelqu'un,
01:42 c'est une forme de manipulation psychologique.
01:44 On fait croire à une personne que ce qu'elle sait qui est arrivé n'est pas arrivé.
01:48 On va remettre en cause ses capacités cognitives, ses souvenirs.
01:52 Et petit à petit, la personne, elle va perdre pied
01:54 parce qu'elle ne fera plus confiance à sa propre intelligence.
01:57 Au bout de deux mois, c'était bizarre
01:59 parce qu'en fait, on était vraiment dans cette phase de lune de miel.
02:01 On se disait tout ce qu'on faisait tout le temps,
02:03 on n'avait pas de secret l'un pour l'autre.
02:04 Et puis je réalise qu'il y a une soirée,
02:06 dans la journée, il ne me parle pas du tout.
02:08 Je ne sais pas du tout ce qu'il va faire le soir même.
02:10 Je finis par lui demander, il n'a pas de réponse.
02:11 Au bout d'un moment, je relance un peu la discussion
02:14 et il me dit qu'il ne fait rien.
02:15 Sauf que moi, je vois par des amis en commun
02:17 que dans cette fameuse soirée-là, il sort, il va voir du monde
02:20 et je ne comprends pas pourquoi il ne me l'a pas dit.
02:22 Et je commence à voir qu'il y a peut-être quelque chose
02:24 avec une des filles qui est présente là-bas.
02:26 J'essaie un peu d'avoir des nouvelles de lui pendant la soirée,
02:28 il ne me répond pas alors qu'il est connecté.
02:30 Ça dure des heures comme ça.
02:31 Je me fais un sang d'encre parce que j'envoie un message,
02:33 deux messages, trois messages.
02:34 Il fait mine de ne pas me voir
02:36 et il continue à poster plein de stories où il s'éclate.
02:38 Au bout d'un moment, je sais que l'absent
02:39 et je lui demande s'il y a quelque chose à me cacher.
02:42 Il décroche son téléphone et il se met à m'insulter.
02:43 Et il dit que je lui gâche la vie,
02:45 que je lui gâche sa soirée,
02:47 qu'il a envie de tout casser à cause de moi.
02:50 J'apprendrais plus tard par ailleurs que,
02:52 suite à cet appel pendant la soirée,
02:53 il m'a traité plusieurs fois de grosse pute.
02:56 Et il m'a dit que je suis folle,
02:57 que j'invente tout, qu'il n'y a rien.
02:58 Ça déjà, j'étais vraiment mal.
03:00 On s'est réconciliés deux jours plus tard
03:02 et c'est moi qui ai dû le supplier de venir
03:04 parce qu'il disait qu'il ne voulait plus me voir
03:05 parce qu'il n'en pouvait plus de ma folie.
03:06 Deux jours plus tard, il arrive chez moi
03:07 et il dit qu'il m'aime pour la première fois.
03:09 Il faut savoir qu'un mois plus tard,
03:10 j'apprendrais qu'il m'avait effectivement trompée à cette soirée
03:13 et que je n'étais pas du tout folle,
03:15 que je n'avais rien inventé, que les signaux étaient là.
03:17 J'aurais même des preuves, des screens, plein de choses.
03:19 Mais pendant, mine de rien, plusieurs semaines,
03:22 j'ai vraiment cru que mes capacités cognitives étaient limitées,
03:25 que je comprenais mal, que j'étais folle,
03:27 que j'étais hystérique, que j'étais un peu bête aussi,
03:30 que j'avais besoin de me faire soigner
03:31 et que lui était vraiment très, très gentil
03:32 et très patient avec moi.
03:33 Moi, j'avais des amis, filles,
03:35 qui voyaient un peu tourner ce petit manège,
03:38 qui n'étaient pas vraiment contentes de la situation,
03:40 qui me disaient qu'il fallait que je fasse attention.
03:41 Moi, je les écoutais qu'à moitié
03:43 parce que je savais au fond de moi qu'elles avaient raison,
03:44 mais en même temps, je voulais tellement rester avec lui,
03:46 je l'aimais tellement.
03:47 Et puis, une de ses amies, un mois plus tard,
03:49 finalement, eut les preuves qu'il m'avait bel et bien trompée
03:51 à cette soirée-là.
03:52 Et donc, c'est bon, moi, elle m'avait convaincue,
03:53 mais il fallait encore que je confronte cette personne.
03:56 Ce que j'ai fait, j'ai décroché mon téléphone et je lui ai dit...
03:58 Alors, il s'est mis à m'insulter.
03:59 Et il m'a redit que j'étais folle, que j'avais tout inventé.
04:01 J'avais tellement mal à ce moment-là, et l'emprise et le gaslighting
04:03 étaient tellement forts que pendant quelques minutes,
04:06 malgré les screens, malgré les témoignages,
04:08 j'ai quand même cru qu'il disait la vérité.
04:11 Tellement j'étais faible aussi à ce moment-là.
04:13 Là, il m'a menacée physiquement.
04:14 Et aussi, il a menacé du coup physiquement mon amie
04:18 qui m'avait mise en garde.
04:19 À ce moment-là, j'ai su qu'il fallait vraiment partir,
04:21 mais c'est pas pour autant que c'est si facile.
04:23 J'ai rédigé un message d'au revoir,
04:25 mais en plus un message plein d'amour, c'est ça qui est dingue.
04:27 J'ai tendu mon téléphone à une amie, elle l'a bloquée de partout.
04:30 Et ça s'est terminé comme ça.
04:31 Et heureusement que j'étais entourée.
04:33 Parce que le problème dans ce genre de relation,
04:34 c'est que très souvent, les victimes ne sont pas entourées.
04:36 Donc, elles n'ont pas ce sursaut-là.
04:38 Alors, lui n'a pas cherché à me recontacter.
04:40 Et moi, par contre, j'ai cherché à le recontacter.
04:42 Et c'est un mécanisme qui est hyper fréquent,
04:44 hyper commun chez les victimes de violences conjugales
04:46 ou de violences sexuelles.
04:47 C'est que très souvent, on va chercher à recontacter notre bourreau.
04:50 Moi, parce que j'étais encore amoureuse
04:51 et je savais que je déconnais, mais complètement.
04:53 Mais j'ai essayé de le débloquer, d'envoyer des messages.
04:56 Fort heureusement pour moi, il n'y a pas eu de retour.
04:58 Eh bien, c'était assez grave, les conséquences psychologiques sur ma santé mentale.
05:01 Et c'est bizarre de dire ça, puisque c'est une relation qui a duré trois mois.
05:04 Et pourtant, c'est comme si ça avait été des années de traumatismes.
05:08 J'avais déjà du mal à faire confiance avant aux hommes.
05:10 J'ai encore plus de mal à le faire aujourd'hui.
05:12 J'ai peur qu'on se moque de moi. J'ai peur qu'on me mente.
05:14 Les conséquences aussi, c'est que je retombe dans le même genre de relation.
05:17 Ça m'est réarrivé après lui, de retomber dans des relations pas aussi violentes,
05:20 mais dans le même genre de paradigme, on va dire.
05:22 Et sexuellement aussi, parfois, je me méfie énormément
05:24 parce que je repense à son corps et ça me dégoûte.
05:26 Heureusement, je suis suivie et je suis très entourée, donc ça va beaucoup mieux.
05:29 Pour toutes les filles et les femmes qui seraient potentiellement concernées
05:33 ou qui se poseraient des questions, il faut vraiment s'entourer.
05:35 Il faut raconter cette histoire au plus de gens possible.
05:38 Il ne faut absolument pas s'isoler, parce que la stratégie de ces gens-là,
05:40 c'est de vous isoler pour que vos perceptions vous en doutiez complètement,
05:44 puisqu'il n'y aura personne pour en attester.
05:46 Mais si vous avez quelqu'un à qui vous en avez parlé,
05:48 qui va vous dire "mais non, meuf, il s'est vraiment passé ça ce jour-là",
05:50 ou "tu m'as vraiment dit ça, regarde, j'ai tel screen",
05:52 ça va vous forcer à vous reconnecter avec votre cerveau
05:55 et vous allez comprendre que tout ça, c'est vrai, ça s'est vraiment passé.
05:59 Or, s'ils commencent à vous isoler comme ça,
06:01 vous n'aurez personne pour jouer le rôle de témoin.
06:03 Évidemment, voir un psy ou une psy, ça aide énormément.
06:05 Après, tout le monde n'a pas les moyens,
06:06 mais c'est vrai que c'est aussi un conseil que je pourrais donner.