Yves Camdeborde : « Ma plus grosse boulette en cuisine ! »
L’HISTOIRE DE… Le chef Yves Camdeborde se souvient du jour où une recette spécifique lui est demandée. Sauf que tout ne va pas se dérouler comme prévu !
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00:00 Je suis en sueur, totalement décomposé, je suis pratiquement en train de trembler.
00:04 Alors ma plus grande solitude en tant que cuisinier, je l'ai vécu quand j'étais à l'hôtel Crion en 2000.
00:15 Je travaillais sous les ordres de Christian Constant, j'étais son sous-chef de cuisine dans la brigade des ambassadeurs 2 étoiles au Michelin.
00:21 Et on avait une intimité particulière avec un journaliste gastronomique Jean-Luc Petit-Renaud,
00:26 qui faisait des émissions quotidiennes, Pavillon Gabriel, qui était à 200 mètres du Crion.
00:33 Et Jean-Luc nous avait demandé de préparer un plat spécifique, un œuf brouillé aux cuisses de grenouille,
00:38 parce qu'il recevait un mammouth de la chanson, un soprano allemand, Ivan Robroff, 50 disques d'or,
00:47 et qui était en tournée en France pendant 2 ans.
00:50 On s'était bien coordonné tous, 3 semaines à l'avance, à 11h, on sera présent avec nos œufs brouillés aux cuisses de grenouille.
00:56 C'était un grand amateur de cuisses de grenouille.
00:59 On s'appelle complètement, on était débordé par le boulot, il y avait plein de choses à faire,
01:04 on oublie complètement de préparer cette émission, et à 11h on se met à table pour manger avec Christian Constant,
01:09 le téléphone sonne, et là c'est le Pavillon Gabriel, il nous dit "mais qu'est-ce que vous faites ?"
01:13 Et là il me regarde dans les yeux, il me dit "Camp 2, les œufs brouillés cuisses de grenouille".
01:17 Putain Julien on a complètement oublié.
01:19 Et là, bras le manteau de combat, je prends les œufs brouillés qui restaient du petit déjeuner,
01:23 je prends des cuisses de grenouille crues, et je pars en courant, et j'arrive tout essoufflé,
01:28 je m'aperçois bien sûr que j'ai oublié les cocktails, donc je mets les œufs brouillés dans la coquille d'œuf,
01:34 mais dans les boîtes carrément d'œufs, et je pique dans chaque cocktail une cuisse de grenouille crue.
01:40 Et je n'ai pas le temps de leur dire "attention, qu'ils ne mangent pas, les cuisses de grenouille sont crues".
01:44 Et ça part.
01:46 Donc sur le studio, je suis hors caméra, j'essaie de faire des signes à Jean-Luc Petitre-Renaud,
01:50 qui est du filtre "n'y touche pas, n'y touche pas, n'y touchez pas, n'y touchez pas".
01:54 Et mon soprano prend sa coquille d'œuf, très fier, très heureux,
01:59 alors qu'on l'honore avec les cuisses de grenouille, trempe la cuisse de grenouille dans l'œuf bien profondément,
02:04 la retire, et face caméra, ouvre son bec, la met dans sa bouche,
02:09 et là, je le vois tirer, tirer, je suis en sueur, totalement décomposé, je suis pratiquement en train de trembler.
02:17 Et ce monsieur, ce soprano, c'est Yvan Robroff, il ne s'est pas dégonflé,
02:23 il a pris la cuisse de grenouille, il a cassé, et il a mangé en direct une cuisse de grenouille crue.
02:30 Et à la fin de l'émission, moi je suis allé le voir totalement désabusé,
02:35 en me confondant totalement en excuse,
02:38 et il a pris ça avec beaucoup de sourire et beaucoup de plaisir,
02:42 et on lui a fait bien comprendre que ce n'était pas une volonté, que ce n'était pas une supercherie,
02:45 qu'on n'avait pas voulu le piéger, que c'était notre faute avec M. Constant,
02:48 qu'on avait complètement oublié la commission, et qu'on s'en excusait.
02:52 On l'a revu quelques années après, parce qu'il était venu manger à l'Hôtel Crion,
02:55 et il se rappelait toujours de ce moment assez particulier,
02:59 où on lui a fait manger une cuisse de grenouille crue.
03:01 L'histoire a plus de 20 ans maintenant, on se souvient de ces moments de stress, de pression,
03:06 et ça nous fait bien rire quand même.
03:08 Je pourrais même me dire, merci à ce soprano, merci à Yvan,
03:12 parce que grâce à lui, systématiquement, quand on se met à table,
03:16 on pense, est-ce que tout est prêt ? Est-ce qu'on n'a rien oublié ?
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