• il y a 10 mois
En mai dernier Olfa Ayari, une Franco-tunisienne, revoit un ami en Tunisie et prend un selfie avec lui. Il se retrouve sur les réseaux sociaux. Le lendemain la police débarque dans sa chambre d'hôtel car son mari, avec qui elle est en procédure de divorce, a porté plainte pour adultère. Un délit dans le pays. Elle est incarcérée en mai 2023 en Tunisie, avant que la justice ne lui accorde une libération provisoire en août. Elle est finalement condamnée pour adultère à huit mois de prison ferme. 

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Transcription
00:00 Merci beaucoup d'avoir accepté de raconter votre histoire ce matin en téléspectateur du live.
00:05 J'imagine que vous êtes toujours sous le choc de ce qui vous est arrivé, sous le choc de cette condamnation.
00:10 Comment vous vous sentez ce matin ?
00:12 Alors déjà j'étais sous le choc d'avoir été déjà incarcérée pendant trois mois.
00:19 Je pensais que c'était fini, mais en plus de ça, d'être condamnée à huit mois,
00:26 alors là je suis complètement sidérée.
00:30 Sidérée. Racontez-nous le point de départ. Benjamin vient de nous en dire un mot.
00:34 Vous êtes chef d'entreprise, vous vivez et travaillez entre la France et la Tunisie,
00:38 vous êtes mariée avec un Tunisien en instance de séparation,
00:42 et donc il suffit d'une photo, une photo à ce moment-là, pour vous retrouver en prison ?
00:48 C'est ça. Oui c'est ça. En fait avec une photo par erreur qui est tombée sur Snapchat,
00:55 une photo, il n'y a rien du tout sur cette photo, c'est une photo tout à fait normale,
01:00 qu'on peut prendre avec des amis, son frère, sa soeur, n'importe quelle photo.
01:04 Lorsque la police est venue dans ma chambre,
01:08 lorsque je leur ai demandé le mandat d'arrêt et pourquoi ils étaient venus,
01:13 ils m'ont montré cette photo-là. Alors quand j'ai vu cette photo-là,
01:17 j'étais choquée et puis je me suis dit "bon ben je vais les suivre", mais c'est la façon aussi
01:20 dont ils rentrent dans votre chambre, c'est quand même assez impressionnant,
01:24 puisque quand ils rentrent dans votre chambre, ils rentrent à trois,
01:26 vous ne comprenez rien, sans frapper, vous ne comprenez pas ce qui se passe,
01:30 vous êtes dans une chambre d'hôtel, j'ai rien compris, donc c'est vrai que c'était pas très évident,
01:35 mais j'ai essayé de comprendre, et quand j'ai vu cette photo-là,
01:39 je les ai suivies, et là tout s'est enchaîné.
01:43 Tout s'est enchaîné, c'est-à-dire que...
01:44 C'est-à-dire que j'ai été dans le commissariat, du commissariat, donc... Oui ?
01:49 Non, allez-y, allez-y, allez-y.
01:52 Donc du commissariat, je suis partie en garde à vue,
01:57 garde à vue, j'ai été voir un procureur, du procureur, juge d'instruction,
02:02 voilà, j'ai vu un juge d'instruction, je comprenais rien de ce qui se passait,
02:06 j'arrivais à peine à comprendre en fait même certains mots,
02:09 j'ai rien compris du tout, et c'est quand mon ami qui m'a dit "eh ben on va en prison".
02:15 Honnêtement j'ai cru que c'était vraiment une blague,
02:17 j'ai pas compris, j'ai cru vraiment que c'était une blague quand on m'a dit "on va en prison".
02:21 Et ça a été très très vite, je me suis retrouvée en prison.
02:26 J'ai eu... Vous avez pas le droit de téléphone, vous pouvez pas appeler votre famille, vous pouvez rien faire.
02:32 J'ai pas pu appeler qui que ce soit parce que quand on m'a arrêtée c'était 1h30, 2h du matin,
02:38 donc vous pouvez appeler aucun avocat, et puis ben quand vous parlez pas le français,
02:43 et que vous comprenez... Le tunisien vous le comprenez pas en fait au niveau juridique,
02:47 là je vous dis honnêtement j'ai été complètement perdue.
02:50 La prison, 3 mois de prison en Tunisie, racontez-nous les conditions de détention.
02:57 Alors quand je suis arrivée en prison, honnêtement j'étais déjà choquée parce que je comprenais pas le bâtiment,
03:06 déjà quand on arrive dans un bâtiment comme ça, vous connaissez pas en fait...
03:11 C'est très très choquant en fait la prison, surtout quand on me met dans une pièce où vous avez des barreaux,
03:17 où vous voyez 60 femmes dans une chambre, c'était choquant.
03:22 Honnêtement j'ai eu du mal à réaliser ce qui se passait après on va dire peut-être 1 mois.
03:27 J'ai attendu 1 mois avant de réaliser que j'étais dans une chambre enfermée avec des femmes.
03:32 Et quand je dis que c'est le cimetière des vivants, même des vivantes, c'est vraiment le cimetière des vivantes.
03:39 Vous avez le droit à rien, vous n'avez pas le droit d'appeler, vous avez aucun contact avec votre famille,
03:45 les courriers qu'on reçoit on les a même pas, donc j'avais reçu un courrier de ma famille, j'ai même pas pu l'avoir.
03:54 Les conditions pour les femmes sont difficiles.
04:00 - Et vous comprenez Olfa, vous comprenez que parmi celles qui sont autour de vous,
04:05 beaucoup d'autres sont là parce qu'elles sont accusées d'adultère, comme vous.
04:10 - Exactement, il y avait beaucoup de filles en fait, parce que moi j'ai pas compris.
04:16 J'ai essayé de comprendre et j'ai pas compris. Donc elle, elle comprenait pas parce qu'elle me disait
04:20 "tu es française, tu es mariée en France, tu n'as rien à faire ici, comment ça se fait que tu es là ?"
04:26 Alors si elle déjà elle comprenait pas, moi je comprenais encore moins.
04:29 Et puis c'est vrai que la plupart des filles qui étaient là-bas, elles étaient pour suspicion d'adultère.
04:35 Je dis bien suspicion d'adultère. Là-bas, vous êtes soumis à la présomption de culpabilité
04:41 et non pas la présomption d'innocence. Donc vous êtes coupable et vous devez prouver votre innocence.
04:47 Quand vous êtes enfermé en prison, en plus dans un pays où vous avez pas tous vos papiers,
04:52 c'est très compliqué de prouver son innocence.
04:54 - Tout ça vous hante encore aujourd'hui, il y a un sentiment insupportable d'injustice, comment vous vivez les choses ?
05:01 - Je vis ça comme une injustice. Une grosse injustice déjà vis-à-vis des femmes.
05:09 On nous écoute pas, on nous entend pas. J'aurais voulu aussi pendant mon jugement avoir un traducteur.
05:16 On m'a donné un traducteur, c'est un avocat qui a traduit pour moi l'audience.
05:22 Mais c'est une seule fois. Les autres fois j'avais pas le droit au traducteur, j'ai essayé de me défendre.
05:26 J'ai essayé de faire le nécessaire pour leur expliquer, mais j'avais l'impression de me retrouver dans un autre monde.
05:33 En fait, c'était comme si j'étais confrontée à deux mondes différents.
05:37 - Vous avez été condamnée cette semaine, vous avez fait appel, mais aujourd'hui c'est impossible pour vous de retourner en Tunisie ?
05:43 - Bah écoutez, déjà j'ai eu 9 audiences, 6 en présentiel.
05:51 Pendant mon incarcération, j'ai été à 6 audiences, j'ai pas eu de jugement.
05:58 Donc j'ai eu une liberté provisoire par le second juge.
06:01 Là, le troisième juge qui me... Donc j'ai passé 3 audiences, donc j'étais pas présente.
06:09 J'ai quand même des enfants, j'ai pas mal de choses à rattraper.
06:13 3 mois d'incarcération, je peux vous dire que ça a détruit quand même une partie de votre vie,
06:19 parce que vous avez beaucoup de choses à rattraper.
06:21 Mes enfants que j'ai pas vus pendant 3 mois, ça, ça a été la chose la plus horrible que j'ai pu subir.
06:28 Donc oui, si je suis là aujourd'hui et que je me tiens devant vous à parler,
06:34 c'est pour pas qu'il y arrive la même chose à des personnes comme moi.
06:38 Honnêtement, je voudrais pas que certaines filles se fassent avoir piégées, et vice-versa.
06:43 Ça marche aussi pour les hommes.
06:46 - On comprend, on voulait vous donner la parole ce matin.
06:48 Merci beaucoup, Olfa Ayari, d'avoir été avec nous.
06:51 On vous souhaite bon courage pour la suite, pour l'appel.
06:54 Et on est heureux de voir que vous avez retrouvé vos enfants.
06:56 - Pour l'appel, oui, je tiens à préciser que si je suis pas présente à l'appel,
07:00 je risque une condamnation.
07:02 Donc pour... Je dois être présente pour l'appel.
07:08 - Bon, donc vous retournerez là-bas ?
07:10 - Je suis obligée de retourner là-bas pour l'appel.
07:14 - Bon, merci beaucoup, merci.
07:16 - Je pense qu'il y a une justice. Voilà.
07:18 - Merci, Olfa Ayari.
07:20 Vous retournerez là-bas, quitte à risquer de retourner en prison, donc ?
07:23 - Je pense pas que je retournerai en prison,
07:28 puisque j'ai rien à me reprocher.
07:30 Mais je veux que la justice soit faite.
07:33 Et si tout le monde se sauve dans ce cas-là, eh ben...
07:36 Ben, c'est trop facile.
07:38 Et puis je suis pas toute seule dans cette affaire-là.
07:41 Donc il y a une personne aussi, un ami, qui a été condamné aussi pour adultère.
07:46 Une personne qui n'est pas mariée.
07:48 Donc qui est condamnée, considérée comme complice d'adultère.
07:52 Et voilà, donc lui, il est là-bas sur place aussi.
07:55 Donc je pense à tout, quoi.
07:59 - Et ça, on comprend que c'est insupportable.
08:01 - Je pense à mes enfants, je pense à...
08:03 - Merci. Non, je disais, on comprend que c'est insupportable pour vous.
08:06 Merci beaucoup, Olfa Ayari. Merci d'avoir été en direct...
08:08 - Ah oui, c'est tout ce qui est insupportable. De rien.
08:10 - Merci d'avoir été en direct avec nous ce matin sur BFM TV.

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