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00:00 *Musique*
00:05 - Bonjour Jacques Toubon. - Bonjour.
00:07 - Vous faites partie des personnalités qui ont signé un appel à la manifestation aujourd'hui contre la loi immigration.
00:13 Vous qui, dans vos années chiraquiennes, avez plutôt incarné une droite dure, qu'est-ce qui vous pousse aujourd'hui à vous mobiliser ?
00:19 - Je pense que c'est une fausse, si je peux me permettre de le dire, vision des choses.
00:26 Moi, ça fait déjà maintenant près de 25 ans, depuis le début des années 2000, après l'élection présidentielle de 2002,
00:35 où j'étais aux côtés de Jacques Chirac, et où justement je m'occupais de ce genre de questions de citoyenneté et d'immigration,
00:43 que je mène en réalité ce combat.
00:48 Et c'est comme ça que j'ai été amené à proposer la création d'un musée national de l'histoire de l'immigration, qui existe aujourd'hui au Palais de la Porte Dorée,
00:58 à côté du bois de Vincennes, et que depuis donc cette période, j'ai toujours défendu cette position qui est que, en gros pour résumer,
01:10 l'histoire de France a été en grande partie faite, depuis deux siècles, par les personnes venues de l'étranger.
01:20 Et que, en quelque sorte, comme j'aime bien le dire, on ne peut pas distinguer eux et nous, quand on parle de la France et des Français, les autres et nous.
01:32 Et qu'à partir de là, il faut que nous ayons sur ces questions, concernant les droits des étrangers, concernant la législation de l'immigration,
01:42 un point de vue qui est un point de vue français, et le point de vue français, je crois, qui comporte une sorte d'universalité,
01:52 qui n'est peut-être pas la même chose dans d'autres pays, comme par exemple l'Allemagne, qui a une histoire très différente de la nôtre.
01:59 – Et pourquoi cette loi vous heurte en particulier ? Qu'est-ce qui vous dérange dans cette loi immigration qui a été votée par le Parlement ?
02:04 – Eh bien qu'on a introduit pour toute une série de… puisque ça parle notamment des droits sociaux, cette loi,
02:12 comment on accorde un certain nombre de prestations, aide au logement, allocation familiale, etc.
02:19 Qu'on a introduit dans cette nouvelle loi, on a introduit ce que j'appelle et que je dénonce la préférence nationale.
02:29 C'est-à-dire qu'on dit, une personne française va avoir la prestation en trois mois, et une personne étrangère va l'avoir en cinq ans.
02:39 Et c'est… il y a là, on ne se rend pas compte, c'est pour ça que je parlais d'un point de vue historique,
02:47 on ne s'en rend pas compte, il y a là une innovation, c'est l'introduction de la préférence nationale.
02:54 Or, la préférence nationale, elle est contraire à nos principes constitutionnels.
03:00 – Mais alors juste Jacques Toubou, bon, ce qu'on ne comprend pas,
03:02 c'est que pourquoi conditionner les prestations familiales, par exemple,
03:05 c'est différent et pas aussi légitime que de conditionner le RSA ou la prime d'activité
03:10 à cinq ans de résidence en France pour les étrangers ?
03:12 – Mais je pense que quand on a fait…
03:15 – Parce que ça, ça existe déjà, de conditionner le RSA.
03:17 – Mais attendez, il se trouve que quand ça a été fait, je n'ai pas été attentif,
03:24 on n'a pas remarqué ça, mais ce n'est pas parce que ça a été fait pour le RSA
03:30 que c'est un précédent qui doit être renouvelé.
03:32 Et d'ailleurs, c'est pour ça que le Conseil constitutionnel a été saisi,
03:37 et qu'il va être intéressant de savoir si le Conseil constitutionnel
03:42 retient cette idée de non-préférence nationale comme un principe fondamental,
03:50 ou si au contraire, le Conseil constitutionnel admet
03:53 qu'on peut faire des accommodements au nom de la sauvegarde de l'intérêt public,
03:59 au nom de l'intérêt général, ce qui est ce que le Conseil constitutionnel
04:05 doit préserver en face, de l'autre côté, de la protection des droits et des libertés,
04:10 puisque tout le travail du Conseil constitutionnel, il ne faut pas l'oublier,
04:13 dans ce genre de questions, c'est la conciliation entre protection des droits
04:18 et des libertés fondamentales, et d'autre part,
04:20 sauvegarde de l'intérêt public et de l'intérêt général.
04:23 Et c'est un travail qui est un travail, bien entendu qu'il y a des conséquences politiques
04:30 tout à fait majeures, mais qui est un travail de droit fondamental.
04:35 Et c'est pour ça que je m'y intéresse, parce que ça n'est pas une question d'actualité
04:42 comme un fait divers, c'est véritablement quelque chose qui aura des conséquences pour l'avenir.
04:48 Jacques Toubbon, vous estimez que cette loi de migration instaure une préférence nationale,
04:51 argument réfuté par le gouvernement et Emmanuel Macron,
04:54 est-ce que vous estimez, vous, qu'une digue est tombée face à l'extrême droite ?
04:57 Je ne sais pas si c'est face à l'extrême droite,
05:01 parce qu'on s'aperçoit qu'aujourd'hui, il y a un vaste champ politique qui défend ce genre d'idées.
05:11 Et je ne pense pas qu'on puisse taxer d'extrême droite
05:18 beaucoup de ces parlementaires de la droite ou du centre qui ont voté le texte.
05:25 Ce ne sont pas des gens d'extrême droite.
05:28 Il y a une droitisation globale de la politique ?
05:30 Non, justement, il y a un mouvement incontestable de droitisation.
05:36 Et ceci n'est pas seulement sur l'immigration, c'est sur d'autres sujets aussi.
05:43 On voit bien comment, mais ce n'est pas propre à la France, vous le savez,
05:48 c'est propre à tous les pays d'Europe, les pays bas.
05:51 Les pays comme, les exemples les plus frappants,
05:54 ce sont les pays qui ont toujours été réputés pour être des pays sociodémocrates,
05:58 comme par exemple le Danemark.
06:00 Eh bien, c'est un pays qui va vers la droite, qui donne des résultats électoraux.
06:06 Nous sommes dans ce mouvement.
06:08 Et je pense simplement qu'il y a un certain nombre de sujets
06:14 où on ne peut pas, à partir de positions politiques,
06:18 mettre en cause des principes fondamentaux.
06:21 C'est pour ça que je dénonce ça.
06:25 - Vous ne vous dites pas que vous êtes en décalage avec l'opinion, justement,
06:28 parce que cette loi, elle a été approuvée par une majorité des Français,
06:31 selon un sondage ELAB, selon un sondage ODOXA,
06:34 les Français plébiscitent la majorité des mesures de ce texte,
06:37 comme le rétablissement du délit de séjour irrégulier
06:38 ou la mise en place de quotas pour l'immigration.
06:41 Donc vous, vous ne vous dites pas "je suis en décalage"
06:44 et aujourd'hui les manifestants, ils seront en décalage avec cette opinion-là ?
06:48 - Non, moi je dis simplement qu'il faut bien le comprendre.
06:54 Est-ce que c'est l'opinion qui doit faire le droit et le droit fondamental ?
07:05 Mettez-vous dans l'idée,
07:10 si le bien commun se résume à ce qui est socialement
07:17 ou médiatiquement, je dirais, acceptable,
07:22 alors moi je suis sûr qu'on basculera très vite
07:26 de l'état de droit à un régime populiste,
07:30 c'est-à-dire le populisme, c'est-à-dire au nom de ça,
07:34 vous avez des pays qui ont commencé à le faire,
07:37 regardez un pays comme la Hongrie dans l'Union Européenne d'aujourd'hui.
07:42 Eh bien c'est pourquoi il faut aujourd'hui, à ce point,
07:48 quand on commence à mettre la main dans l'engrenage,
07:52 il faut arrêter le système parce que sinon, en quelque sorte,
07:55 nous passons, comme je viens de le dire, de l'état de droit au populisme.
07:59 Avec à ce moment-là la possibilité de prendre des dispositions
08:04 qui ne correspondent plus aux droits fondamentaux.
08:08 - Jacques Toubon, on poursuit cette discussion,
08:09 on vous retrouve juste après le Fil info à 8h41 avec Sophie Echelle.
08:13 - Malgré une rencontre avec le préfet de Haute-Garonne,
08:15 hier les agriculteurs continuent ce matin de bloquer l'autoroute A64 au sud de Toulouse.
08:20 Ils prévoient même d'intensifier leur mobilisation.
08:23 D'autres actions en ce moment en Ariège, dans le Gers et les Hautes-Pyrénées.
08:27 Les pêcheurs auront interdiction de pêcher dans le golfe de Gascogne à partir de demain
08:31 et pour un mois, une mesure de protection des dauphins,
08:33 trop souvent blessés ou tués dans les filets.
08:35 Plus de 500 bateaux vont devoir rester raqués.
08:38 Les professionnels redoutent de lourdes pertes financières.
08:41 L'équipe de France de football apporte son soutien à son gardien Mike Megnan,
08:44 victime hier soir d'un juge raciste lors d'un match en Italie,
08:47 de son club, la C1000, en face à l'Odinese.
08:50 La rencontre a été interrompue pendant quelques minutes.
08:52 Mike Megnan a quitté la pelouse.
08:54 Et puis en tennis, l'Open d'Australie,
08:55 Adriane Manarino n'a pas fait long feu face à Novak Djokovic,
08:58 éliminé en 8e de finale par le numéro 1 mondial.
09:01 Celui-ci affrontera en quart Tyler Fritz, victorieux contre Stefano Stzitsipas.
09:05 - Toujours avec Jacques Toulon, ancien défenseur des droits,
09:16 vous disiez à l'instant qu'il fallait résister à la pression de l'opinion en matière d'immigration.
09:22 Didier Leschi, qui est directeur général de l'Office français de l'immigration,
09:26 qui connaît bien le sujet,
09:27 rappelait dans Le Monde récemment que dans bien des domaines,
09:29 les mesures adoptées aujourd'hui demeureront vis-à-vis de l'immigration
09:33 quand même plus ouvertes en France que ce qui se pratique dans les principaux pays de l'Union européenne.
09:39 Et il cite par exemple le niveau de la langue demandée à ceux qui souhaitent obtenir un visa,
09:45 ou l'immigration familiale.
09:47 Donc finalement, cette loi, elle est encore moins disante que ce qui se passe ailleurs.
09:53 Est-ce que ce n'était pas une évolution naturelle ?
09:56 - J'ai bien lu ce qu'a dit Didier Leschi, qui est un très bon spécialiste de ces questions.
10:04 Mais je me dis, est-ce que c'est un argument ?
10:09 Moi, je raisonne, et je crois qu'il faut raisonner,
10:13 par rapport à ce que j'appellerais, c'est une expression que j'utilisais,
10:19 par rapport à notre génie national.
10:21 Le génie national français, c'est d'être ce pays, depuis 150 ou 200 ans,
10:29 d'immigration fabriquée pour plus de 25% de notre population aujourd'hui,
10:36 par des personnes qui sont venues de l'étranger.
10:39 Ce génie national, ce n'est donc pas la même histoire que l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, le Danemark.
10:50 Et donc, je crois que l'argument qui consiste à dire
10:55 "les autres font comme ça, pourquoi ne pas faire comme eux ?"
11:00 n'est pas un bon argument.
11:01 Moi, personnellement, je pense qu'il faut s'inscrire dans notre histoire, dans notre conception.
11:08 Et notre conception, c'est que, sur ce type de sujet,
11:11 et par exemple, sur ce dont on parle aujourd'hui,
11:14 c'est-à-dire la dévolution, l'attribution des droits sociaux,
11:18 il n'y a pas, dans notre tradition et dans notre constitution, naturellement,
11:22 dans nos principes fondamentaux, il n'y a pas de préférence nationale.
11:26 Il n'y a pas "eux" et "nous".
11:28 Il n'y a pas les nationaux et les étrangers.
11:30 Encore une fois, c'est la responsabilité de ceux qui décident de la politique aujourd'hui,
11:36 et peut-être, demain, dans quelques jours, du Conseil constitutionnel,
11:40 de changer les choses.
11:42 Mais dans l'état actuel des choses, la situation est, ce que je dis,
11:47 pas de préférence nationale.
11:48 - C'est votre ligne rouge, on l'a bien compris, Jacques Toubon.
11:50 On va s'éloigner un peu de cette loi immigration pour aborder la politique à proprement parler.
11:55 Vous avez été ministre de la Culture.
11:57 Qu'est-ce que vous pensez de la nomination de Rachida Dati à ce poste, il y a quelques jours maintenant ?
12:00 - Je pense que la nomination de Rachida Dati,
12:04 qui a pu légitimement surprendre, et notamment légitimement surprendre,
12:10 les milieux culturels, parce qu'elle n'en fait pas partie,
12:16 cette nomination, au bout de ma réflexion, je pense qu'elle est positive.
12:24 Parce que, elle va faire sortir, justement, la culture, le ministère de la culture,
12:31 d'un certain entre-soi.
12:34 Moi, j'ai vécu ça, il y a maintenant 30 ans, comme ministre de la Culture.
12:41 J'ai toujours été très actif dans ces milieux.
12:47 Et il y a toujours une tendance à reconnaître ou ne pas reconnaître les gens.
12:55 - Vous parlez de reconnaître, ça veut dire ?
12:57 - Reconnaître au sens propre du mot, reconnaître.
12:59 Je te connais, je te reconnais.
13:01 Et je trouve que nommer Rachida Dati, ça crée une sorte de,
13:08 pour employer une expression un peu facile, un courant d'air.
13:12 Et je crois que c'est très positif.
13:14 - Quand elle parle de mépris de classe, elle a raison ?
13:16 - Pardon ?
13:16 - Elle dit qu'elle a été l'objet d'un mépris de classe, c'est ce qu'elle dit, Rachida Dati.
13:21 - Je ne sais pas si elle a été l'objet d'un mépris de classe,
13:24 parce qu'elle est reconnue du fait de ce qu'elle a fait précédemment,
13:30 dans ses fonctions ministérielles.
13:32 Je ne dirai pas ça.
13:35 Je dirai simplement qu'elle n'est pas réputée
13:40 pour sortir des milieux dans lesquels se fait habituellement la politique culturelle.
13:46 Eh bien, justement, c'est ça qui est positif.
13:48 Et personnellement, je soutiens cette nomination.
13:55 Je pense qu'elle peut avoir des résultats positifs.
13:58 - Est-ce que c'est une perte pour la droite ?
14:00 Et quel regard vous portez sur la droite ?
14:02 Vous, l'ancien secrétaire général du RPR, vous, le chiracien,
14:05 elle est dans quel état la droite aujourd'hui ?
14:06 - Je me permets de sourire parce que, franchement,
14:10 je suis assez, même tout à fait éloigné de tout ça.
14:17 Je pense que Rachida Dati a ses convictions.
14:24 Je ne sais pas si c'est la droite droite ou pas la droite droite.
14:29 C'est un peu la question que vous me posiez à moi tout à l'heure
14:32 et à laquelle je vous ai répondu que mon histoire ne permettait pas de le dire.
14:39 Je pense qu'aujourd'hui, le vrai sujet, c'est est-ce que la droite,
14:47 en l'occurrence LR puisque c'est les Républicains,
14:51 aujourd'hui lointain héritier du RPR dont j'ai été secrétaire général
15:00 il y a maintenant 25 ans, 30 ans,
15:04 est-ce que la droite se laisse tenter par aller vers l'extrême droite ?
15:15 Et quand on revient au sujet de cette loi sur l'immigration,
15:19 l'amendement qui portait, par exemple,
15:23 un amendement qui portait sur la fin de l'acquisition automatique
15:28 de la nationalité par les étrangers à un certain âge,
15:33 c'est un amendement qui a été présenté par un député,
15:38 je crois que ça s'appelle Reconquête,
15:40 enfin un député proche du Rassemblement National.
15:44 - Et du mouvement d'Éric Zemmour.
15:45 - Qui a été le mouvement de monsieur Zemmour.
15:49 Et qui a été voté par l'Assemblée.
15:52 C'est un exemple tout à fait précis de ce qu'il y a une forme,
15:58 il s'appelle Stéphane Ravier, l'auteur de l'amendement.
16:02 Et c'est un exemple de ce que dans les actes politiques et dans les textes,
16:10 il y a une déviance de la droite vers l'extrême droite.
16:14 Et je pense que c'est mortel pour la droite
16:18 parce qu'il est absolument évident que d'un point de vue démagogique,
16:23 d'un point de vue populiste,
16:26 l'extrême droite gagnera toujours par rapport à la droite.
16:30 - Stéphane Ravier est sénateur, juste petite précision.
16:33 - Stéphane Ravier est sénateur.
16:34 - Merci pour la précision Agathe.
16:36 - Ce texte a été introduit au Sénat, car le Sénat a beaucoup durci le texte.
16:39 - Merci beaucoup Jacques Thioubon, invité du 8.30 France Info ce matin
16:43 à l'occasion de cette journée de manifestation contre la loi immigration,
16:46 loi à laquelle vous vous opposez, on l'a bien compris.
16:49 Très bonne journée. - Merci.