Jacques Pessis reçoit Christian Morin : animateur de télévision et de radio, il est aussi musicien. La clarinette et le jazz font partie de son histoire. D’autres notes lui ont permis d’écrire un livre, « Notes légères » (First).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-01-25##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Vos dessins vous ont permis de tracer votre route.
00:08 Vous avez grandi à Bordeaux avant de découvrir Paris.
00:12 Vous n'êtes pas venu en Vins, bien au contraire.
00:14 Bonjour Christian Morin.
00:15 Vous écrivez Vins comment mon cher Jacques, bonjour ?
00:18 V A I N, en bon français.
00:20 Je suis heureux de vous retrouver à ce micro pour évoquer tout à l'heure
00:24 ces notes légères bis chez First.
00:26 Un livre racontant des histoires légères de la musique classique
00:29 mais la musique c'est votre domaine, la radio, la télé aussi
00:32 et le principe des clés d'une vie c'est de raconter votre parcours
00:35 à travers des dates clés.
00:36 Avec plaisir.
00:37 Donc je l'ai trouvé plusieurs et la première que j'ai trouvée
00:39 elle est étonnante.
00:40 Le 14 juin 1967, votre première télé.
00:44 Vous êtes élève à l'école des Beaux-Arts
00:46 et vous présentez votre premier livre,
00:48 la préparation du journal télévisé de Bordeaux.
00:51 Exact.
00:52 Quel mémoire.
00:53 Oui d'ailleurs j'ai failli avoir quelques soucis parce que
00:57 comme c'était la deuxième année de mon diplôme d'art graphique
01:00 et de publicité après mes 4 ans de Beaux-Arts,
01:03 de bac artistique, de préparation d'un bac artistique,
01:08 cette thèse où j'avais choisi comme thème le déroulement
01:11 d'un journal régional en France,
01:14 et c'était celui de Bordeaux,
01:16 c'était l'ORTF de Bordeaux-Equitaine,
01:19 je ne devais pas faire voir la thèse à quiconque
01:22 avant que le jury ne le voie.
01:24 Donc j'ai failli me faire un petit peu taper sur les doigts
01:26 mais ça s'est très bien passé puisque
01:28 j'ai eu une très bonne note, j'ai eu 18.
01:30 Très bien. Alors il se trouve qu'on voit une conférence de rédaction
01:33 à FR3 Bordeaux avec un jeune journaliste Alain Fernbach
01:36 qui sera plus tard à TF1.
01:39 Et vous évoquez donc ce reportage consacré à une baleine.
01:44 Oui parce qu'il fallait que je trouve quelque chose un petit peu léger,
01:47 déjà.
01:48 Donc j'avais imaginé une touriste, une parisienne
01:53 qui venait en vacances dans le Bordelais du côté de Soulac
01:55 ou du côté de Lacanau et qui, en se baignant,
01:58 se retrouvait les pieds sur une baleine.
02:02 Donc le reportage à ce moment-là,
02:04 il y avait un décrochage avec Paris pour France 3,
02:06 c'était une autre époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.
02:10 Et j'avais raconté tout ça, j'avais été voir les gens bien sûr,
02:13 travailler sur place et ça m'avait beaucoup amusé
02:15 de faire ce mini reportage pour ma thèse
02:19 que j'avais traité avec mon père étant imprimeur,
02:22 il m'avait octroyé des papiers de différentes couleurs,
02:26 de différentes textures et j'avais une très très belle revue,
02:29 que j'ai toujours d'ailleurs et je la tiens à votre disposition mon cher Jacques.
02:33 Merci, il se trouve que la baleine y a un souvenir très précis,
02:36 en 53 à Paris, on voit une baleine géante qui arrive aux Invalides,
02:40 Jonas, qui déplace les foules.
02:42 On sait aujourd'hui que c'était des Espagnols qui avaient monté ce coup-là
02:45 avec une fausse baleine pas aussi énorme
02:48 et qu'ils avaient fait le tour de l'Europe en gagnant beaucoup d'argent.
02:50 Exactement, un canular, mais ma baleine l'était tout autant.
02:55 Alors vous êtes né à Bordeaux, vous avez grandi à Bordeaux
02:57 et c'est aussi à Bordeaux que vous avez fait vos débuts
03:00 sur scène au théâtre avec cette chanson.
03:03 [Musique]
03:12 Car vous avez chanté cette chanson de Georges Hulmer,
03:14 je crois à une fête de l'école.
03:17 Oui, mais non, ce n'était pas la fête de l'école exactement,
03:20 c'était au Grand Théâtre de Bordeaux,
03:25 et il y avait une réunion avec tous les enfants des anciens combattants
03:28 après la guerre, et j'étais sur scène,
03:31 j'avais découvert quelque chose que vous connaissez bien Jacques,
03:33 à cette époque-là, il y avait les rampes de lumière
03:37 qui éclairaient les visages par en dessous, c'était très impressionnant,
03:40 et j'étais monté sur scène et je ne voyais personne dans la salle.
03:44 Donc j'avais chanté cette petite chanson qui était très à la mode,
03:46 que beaucoup d'artistes de l'époque chantaient,
03:49 et que j'entendais à la radio.
03:50 C'était une chanson de Georges Hulmer, qui a créé aussi Pigalle,
03:53 et c'était fait juste après la guerre en hommage au GI
03:56 qui avait permis la libération de la France.
03:58 Exactement.
03:59 Alors, effectivement, vous êtes à l'époque un enfant,
04:03 vous allez devenir dessinateur, faire vos études,
04:05 parce que votre père qui était autodidacte en dessin,
04:08 a voulu vous entraîner sur ce chemin.
04:10 C'est lui qui a tout déclenché finalement,
04:12 il y a une chose très curieuse qui m'a énormément ému,
04:16 après la disparition de mon père en 1970.
04:19 Bien après, quand je suis entré dans une radio concurrente,
04:25 et néanmoins amie, à Europa, en 72,
04:27 j'ai découvert les résultats que mon père avait reçus
04:33 après des tests qu'il m'avait fait passer à la sécurité sociale à l'époque.
04:38 Des tests psychotechniques,
04:39 où il y avait 80% de réponses favorables aux arts,
04:42 musique, littérature, théâtre, comédie, etc.
04:46 Et il y a une chose qui m'avait profondément frappé,
04:51 il y avait un petit Alinea qui disait
04:54 "Christian pourrait être doué pour la profession de speaker".
04:57 Ce qui fait que ce mot est resté, et quand je suis arrivé à Rome,
04:59 j'ai dit "Est-ce que vous avez des stages pour devenir speaker ?"
05:02 On m'a dit "Mais on ne dit plus speaker,
05:04 on dit meneur de jeu, animateur, etc."
05:07 Et mon père a tiré les ficelles,
05:08 j'avais quelques dons pour le dessin,
05:10 il m'a fait suivre au Delbor des cours du soir pendant 3 ans,
05:15 dès l'âge de 14 ans au Beaux-Arts,
05:17 et puis ensuite je suis rentré au Beaux-Arts
05:19 pour passer ce diplôme d'art graphique, j'y suis resté 7 ans.
05:22 - Et vous avez fait des travaux d'art graphisme
05:25 dans des agences de publicité locale au départ ?
05:27 - Exactement, je faisais beaucoup de pochettes de disques,
05:29 beaucoup d'affiches pour une semaine d'art culturel à Bordeaux
05:33 qui s'appelait la semaine Sigma.
05:36 J'ai fait des affiches pour Miles Davis, pour Duke Ellington,
05:38 j'ai monté des festivals de jazz évidemment,
05:40 j'avais monté un quartet de jazz,
05:42 et puis un jour je suis allé au journal Sud-Ouest
05:45 avec mes dessins tout timides pour proposer des dessins humoristiques,
05:50 et là il y a un monsieur noble, Jean Noble, qui m'a reçu,
05:53 qui m'a dit "vous savez jeune homme, il y a un garçon comme vous,
05:57 qui il y a 10 ans est venu nous présenter ses dessins",
06:00 et il m'a fait remarquer que ce jeune homme avait une cravate à l'époque,
06:03 moi je n'en avais pas, on était au mois de juin,
06:05 il faisait une chaleur horrible à Bordeaux,
06:08 et il m'a dit "c'était Jean-Jacques Sempé".
06:10 Et curieusement, de 10 ans en 10 ans,
06:13 on s'est quelques fois croisés, indirectement avec Sempé,
06:16 que j'ai eu le bonheur de rencontrer, qui m'a beaucoup influencé aussi.
06:19 Et c'est d'ailleurs dans Sud-Ouest que Sempé a publié
06:22 les premières planches du Petit Nicolas,
06:24 qui était à l'époque une BD,
06:25 qui a duré quelque temps, je crois 9 mois,
06:28 scénarisée par Goscinny, qui l'avait rencontré,
06:31 et qui est devenue ensuite une série "Le Petit Nicolas".
06:33 Tout à fait.
06:35 Alors il se trouve aussi que vous avez fait des expositions,
06:38 je crois avec Ben, à l'école de Nice.
06:40 Non, c'était l'école de Nice qui était venue.
06:43 C'est toute l'école avec...
06:45 Il y avait dans le groupe, Pinoccheli,
06:49 qui était un peintre assez classique,
06:51 et qui, ému et gêné par le plafond de l'opéra,
06:56 décidé par M. Malraux et peint par Chagall,
07:00 avait commis un attentat culturel contre Malraux,
07:02 en lui jetant de la peinture rouge à l'eau sur le visage,
07:06 avec une poire à lavement.
07:08 Ça a failli mal se terminer, mais Malraux n'a pas porté plainte.
07:10 Et il y avait dans cette école, il y avait Ben qui s'exposait lui-même,
07:13 et à l'époque je faisais beaucoup de graphismes sur toile,
07:17 et donc j'ai exposé à ce moment-là,
07:19 dans le cadre de la semaine que j'évoquais tout à l'heure,
07:21 d'art culturel et contemporain, la semaine Sigma.
07:23 L'école de Nice, on ne sait pas très bien ce que c'est,
07:26 c'est un mouvement artistique,
07:27 où il y a eu Klein, il y a eu Armand, quelques autres,
07:30 mais ça n'a pas été plus loin, les artistes sont devenus célèbres.
07:32 Armand notamment avec ce "Compression",
07:34 un petit peu à l'école de ce qu'a fait par la suite César.
07:37 – Et puis vous avez travaillé aussi pour un autre journal parisien, qui était lui.
07:41 – Oui, j'ai fait trois dessins dans le journal de lui,
07:43 j'étais déjà à la radio à ce moment-là,
07:46 et alors il fallait faire des dessins un peu légers,
07:49 et c'est à la suite de ça que Claude François m'avait demandé,
07:53 il avait créé, souvenez-vous, un journal pour faire concurrence au journal de lui,
07:57 qui s'appelait "Absolu".
07:59 Et il m'avait demandé de faire une bande dessinée,
08:03 et il y avait un journaliste à la radio qui s'appelait,
08:06 qui s'appelle toujours Daniel Pate, qui faisait le scénario,
08:10 et on avait imaginé un couple qui était tout le temps à poil,
08:13 c'était une espèce de Adam et Eve prolongé pour le journal de Claude François,
08:17 et que nous avions appelé Germaine et Maurice,
08:19 en référence un à Germaine, Germaine Soleil,
08:23 qui était sur l'antenne d'Europe,
08:24 – Madame Soleil.
08:25 – Et Maurice Siegel, qui était mon patron, le grand patron,
08:28 grand journaliste d'Europe 1.
08:29 – Voilà, et alors ça c'était à Paris, mais j'en reviens à Bordeaux,
08:32 parce que vous parlez de lui et d'Absolu,
08:35 où vous avez croisé quelques dames dans votre quartier natal,
08:38 le quartier Méridianec,
08:39 sans savoir qu'elles étaient des dames de petite vertu.
08:42 – C'était, je l'ai compris beaucoup plus tard,
08:46 c'est-à-dire vers l'âge de 14 ans ou 15 ans.
08:49 Oui, je vivais dans un quartier,
08:51 mais écoutez, cette vie de quartier que j'ai racontée dans un livre était épatante,
08:55 parce que l'école était à 200 mètres à peu près,
08:58 l'école d'Anatole France, c'était un quartier, après la guerre,
09:01 qui a été entièrement reconstruit sous l'air de Jacques Charmand-Delmas,
09:06 et ce quartier, il y avait ce qu'on appelait vulgairement,
09:10 ou encore que le nom convienne bien, c'était des bordels,
09:13 il y avait le Central Bar, il y avait des hôtels aux courantes,
09:17 avec des jeunes dames qui étaient devant ces hôtels aux courantes
09:21 pour interpeller le client.
09:22 Nous n'étions pas loin du centre de Bordeaux, de la place Gambetta,
09:25 où on coupait les têtes à l'époque de la Révolution,
09:28 et un jour, on avait peu de monnaie pour s'acheter des roues doudou,
09:35 je devais avoir 12-13 ans,
09:37 et il y avait des inspecteurs de la police des mœurs
09:39 qui venaient quelques fois contrôler ces prostituées
09:43 et débouler un petit peu dans le quartier.
09:45 Et un jour, il y avait un qui avait été baptisé,
09:48 il avait un grand imperméable, c'était le flic à la Gaba,
09:52 dans les films des années 50, en noir et blanc,
09:55 et on l'avait aperçu très loin,
09:58 on était allé avertir ces dames de petites vertus,
10:02 et pour nous remercier, elles nous avaient donné un peu de monnaie,
10:05 qui nous avait permis d'acheter quelques illustrés et quelques carambars,
10:10 et un jour, à court d'argent, on est allé mentir,
10:14 on a dit "attention, il y a le grand blond qui débarque",
10:16 elles nous ont donné un peu de monnaie,
10:17 il n'est jamais passé, elles ne l'ont jamais su,
10:19 et nous n'avons jamais rien dit.
10:21 – C'est là votre vertu, si j'ose dire.
10:23 – Voilà.
10:23 – Et puis il y avait aussi les promenades à vélo jusqu'au Pilar.
10:27 – Le Pilar.
10:28 – Ah, le Pilar.
10:31 Alors ça c'était, on partait en train de la gare Saint-Jean,
10:35 avec les copains, on partait le matin avec un petit casse-croûte,
10:38 et on allait passer la journée à Arcachon,
10:40 c'était épatant, on revenait rouge, grimoisi le soir,
10:43 on se faisait un petit peu engueuler par les parents,
10:46 mais c'est vrai que la position géographique de Bordeaux est un régal,
10:49 parce que l'Atlantique est à 40 km, le Pilar c'est à 60 km,
10:53 vous avez l'Élande un petit peu plus bas, le Pays Basque si on va plus loin,
10:57 enfin je défendrais toujours l'Aquitaine, mon Aquitaine.
11:01 – Et pour aller dans votre sens, il faut savoir que la plage de la dune du Pilar
11:05 est aujourd'hui la plage la plus populaire sur Instagram, la plus visitée.
11:09 – Exactement, oui.
11:10 Je ne sais pas, est-ce qu'elle a, vous pourriez peut-être me le dire Jacques,
11:13 est-ce qu'elle a réduit un petit peu de sa taille, de sa hauteur ?
11:16 – Apparemment oui, mais on n'en est pas certain,
11:20 et puis de toute façon dans la mesure de ce genre de choses,
11:22 il faut garder le maximum pour ne pas finir sur le sable.
11:25 – Là, là, bravo.
11:27 – Alors autre date, le 14 août 1969, très importante dans votre carrière,
11:31 on en parle dans quelques instants sur Sud Radio avec Christian Morin.
11:34 – Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:37 – Les clés d'une vie, mon invité Christian Morin,
11:40 nous parlerons tout à l'heure de ces notes légères bis chez First Edition,
11:44 un livre qui va devenir un classique si j'ose dire.
11:48 On revient à une date importante pour vous, le 14 août 1969,
11:52 c'est le jour où vous organisez et présentez
11:55 le deuxième festival de jazz d'Andernos.
11:58 – Tout à fait, alors là, la création c'est un travail d'équipe si j'ose dire,
12:02 puisque j'avais fondé, je l'évoquais tout à l'heure,
12:04 un quartet de jazz peu de temps après avoir commencé à apprendre la clarinette,
12:09 j'avais écouté du jazz, ça m'avait beaucoup plu,
12:11 j'allais à des réunions dans les caves du Hot Club de France à Bordeaux,
12:16 et j'avais monté ce quartet, et l'été, on était tous étudiants,
12:21 donc pour se faire un petit peu d'argent,
12:23 on jouait sur le bassin d'Arcachon, mais à Andernos,
12:25 face à la dune du Pilat que vous évoquiez tout à l'heure Jacques.
12:28 Et à Andernos, le patron Guy Péruchon nous dit un jour,
12:33 "Et si on montait un festival ? Pourquoi pas ?"
12:35 Alors on va contacter la mairie, etc.
12:38 On monte ce festival, et le premier festival a eu lieu,
12:41 qui existe d'ailleurs toujours, j'ai été invité pour les 40 ans,
12:45 et c'est un festival qui marchait très très bien.
12:47 On jouait déjà avec quelques musiciens américains
12:51 dans le club qui s'appelait le Neptune,
12:53 mais là, ça a été un premier festival sous chapiteau au début,
12:56 d'abord en plein air, mais on a moins pris de risques,
12:59 ne faites jamais, n'organisez jamais un festival après le 15 août,
13:02 au moment du changement de la pleine lune,
13:04 il peut y avoir quelques pluies, quelques orages, c'est dangereux.
13:07 Mais ce sont des souvenirs merveilleux.
13:08 - Là, pour la deuxième édition, vous avez construit un théâtre de verdure.
13:12 - Exactement.
13:13 - Et il y avait dans le programme, Maxime Sorry,
13:15 les haricots rouges, Stéphane Grappelli,
13:18 et on a oublié qu'il a commencé au piano à la radio, à Radio Cité,
13:21 en 1933, et il remplaçait Johnny Hess,
13:25 le complice de Charles Trenet, dans l'émission
13:28 "Le rendez-vous des enfants terribles".
13:30 C'était les débuts de Grappelli.
13:31 - Exactement, mais avec Grappelli, j'ai une petite anecdote
13:34 qui m'est arrivée, il avait plu,
13:36 et on était en train de répéter, on avait mis une bâche
13:38 pour protéger le sol de la scène,
13:41 et à un moment, Stéphane me dit "Christian,
13:44 faites-moi passer mon ampli pour le violon,
13:47 et j'attrape l'ampli, et les pieds humides,
13:50 j'ai pris une décharge électrique, et Stéphane,
13:53 qui était un homme délicieux, me dit "mais c'est de ma faute,
13:56 je suis... oh là là, écoutez, je suis...
13:58 qu'est-ce que je peux faire, etc."
13:59 Je lui ai dit "vous n'avez qu'à jouer".
14:01 C'était un homme merveilleux.
14:02 - Extraordinaire. - Merveilleux.
14:04 - Il y a eu aussi à ce festival une chose étonnante,
14:06 je crois, Christian Morin, c'est une messe en jazz le 15 août.
14:09 - Tout à fait.
14:10 On avait fait ça avec...
14:12 en accord avec la mairie et le clergé,
14:16 et le curé de Danderneuhaus,
14:18 on avait fait une messe en jazz,
14:20 mais j'en avais déjà présenté une,
14:24 la première messe en jazz en France,
14:26 j'ai eu l'honneur de jouer,
14:28 cette messe en jazz, c'était à Perigueux,
14:31 à Saint-Front de Perigueux,
14:33 pour le mariage du président du club de Perigueux.
14:37 Et l'abbé Bellemey, le maître de chapelle de Perigueux,
14:41 qui jouait du bac à l'orgue,
14:42 qui était un homme extraordinaire,
14:44 était en bisbille avec l'archevêque de région,
14:48 Mgr Louis, qui disait "non, non, mais du jazz dans une église,
14:51 vous n'y pensez pas".
14:52 Là, on était en 64-65,
14:55 ce n'était pas tellement accepté.
14:58 Et donc, on ne pouvait jouer que des morceaux assez lents,
15:01 parce qu'il y avait une espèce de résonance,
15:03 Saint-Front à Perigueux est construit un petit peu
15:05 sur le style de Sainte-Sophie,
15:07 et la réverbération de chaque note est double de sa valeur.
15:10 Donc, il fallait jouer des morceaux lents,
15:12 avec trompette, clarinette, orgue et contrebasse.
15:16 Et on ne le savait pas,
15:18 mais l'archevêque était venu assister à la messe,
15:22 et à la fin, il a accepté de reconnaître
15:25 que ça s'était bien passé,
15:26 il nous a reçus avec les félicitations,
15:29 et l'abbé Bellemey s'était réjoui de cette messe en jazz.
15:32 - Alors la clarinette, Christian Morin,
15:33 ça a commencé par un professeur de musique
15:36 qui n'était pas loin de chez vous.
15:37 - Oui, et c'est-à-dire que c'était le père d'un copain
15:40 qui était à l'école avec moi, et je dis à mon copain,
15:43 parce qu'il faut dire quand même, je vais faire un aveu, Jacques,
15:45 je ne sais pas comment c'était pour vous,
15:47 dans certaines matières, il y avait des matières
15:48 où c'était très très faible, me concernant.
15:51 L'algèbre, la géométrie, comme je dessinais un peu,
15:54 pour les figures, ça n'allait pas trop mal,
15:55 mais l'algèbre, A facteur 2,
15:59 B au carré plus C au carré, fermez la bras,
16:01 alors là, que dalle !
16:03 Et il y avait d'autres matières, la physique, la chimie,
16:06 je me demandais à quoi ça servait, où ça pourrait servir,
16:08 et donc je suivais des cours du soir,
16:11 en dehors des cours des Beaux-Arts, etc.,
16:13 et à 18h, le soir jusqu'à 22h,
16:16 enfin bref, j'ai toujours eu un emploi du temps chargé,
16:18 et je dis à un copain, mon père voudrait me faire
16:20 apprendre un instrument de musique,
16:23 papa qui avait connu la guerre, puisqu'il avait été retenu
16:25 par les Allemands trois ans en Pologne,
16:28 pour avoir refusé de travailler pour les Allemands,
16:30 donc il me dit, apprends un instrument de musique,
16:32 on ne sait jamais, ça peut toujours servir.
16:36 Bon, je dis à ce copain, voilà mon père,
16:38 il me dit, mais mon père est professeur de saxophone et de clarinette,
16:41 s'il avait été prof d'accordéon, peut-être, ou de harpe,
16:44 je n'aurais pas choisi ces instruments,
16:46 mais ce qui m'amusait, Jacques, c'est qu'à l'époque,
16:49 souvenez-vous, c'était la déferlante du rock'n'roll, Elvis Presley,
16:52 les débuts de Johnny, Eddie Mitchell, les Chaussettes Noires,
16:55 Claude Moine, etc., bon, et Dutronc,
16:57 alors je me suis dit, tiens, c'est amusant,
16:58 au lieu de pratiquer la guitare, la clarinette, et ça m'a plu.
17:01 - Voilà, et la clarinette, ça vient du chalumeau,
17:04 qui était au départ, au 17e siècle, un instrument avec 8 trous,
17:08 un corps en bue et une hanche battante en roseau,
17:11 et c'est comme ça qu'ensuite un Allemand, Johann Christoph Denner,
17:14 a ajouté un pavillon et créé la clarinette.
17:16 - Exactement, et puis après, l'homme a créé des clés
17:19 pour les dièses et les bémols, et c'est devenu maintenant un instrument,
17:22 c'est un bel instrument auquel j'étais sensible,
17:24 il y en a un qui lui a rendu un bel hommage, c'est Mozart, entre autres.
17:28 - On est bien d'accord, alors je crois que votre premier quartet,
17:31 ça vient assez vite, Christian Morin a 15 ans.
17:34 - Oui, c'est ça.
17:35 Je rencontre un garçon qui était pianiste, étudiant en médecine,
17:41 et puis un autre garçon qui était batteur,
17:44 qui est devenu un immense trompettiste déjà, François Biensan,
17:47 qui répétait dans une cave, et il devait jouer le lendemain,
17:50 mais il n'y avait pas d'autres musiciens, et quand je suis arrivé,
17:54 mon ami pianiste me rappelle, il me dit "quand tu es descendu,
17:58 on t'a vu descendre avec une boîte de clarinette",
18:00 il ne me connaissait pas, "et tu avais des pinces à vélo sur mes pantalons",
18:05 parce que j'avais dû venir en vélo de course,
18:07 bon bref, je faisais beaucoup de vélo,
18:09 et on a commencé à se réunir avec un autre ami guitariste,
18:13 puis un contrebassiste, et on a monté un premier quartet.
18:16 Et là, on a commencé à jouer, le premier travail pour nous,
18:19 c'était tous les balles d'étudiants à Bordeaux.
18:21 - Et le cabaret studio 3 aussi.
18:23 - Alors le cabaret studio 3, ça c'était très drôle,
18:25 c'est M. Martin, qui en fait était un agent immobilier
18:29 qui avait racheté ce cabaret studio 3,
18:31 à Bordeaux, c'était derrière le théâtre français,
18:34 où c'est devenu un cinéma aujourd'hui,
18:37 c'était un très beau théâtre où passaient souvent des artistes tels que
18:41 Brel, qui avait donné deux concerts, Léo Ferré, Jean Ferrat, etc.
18:44 Et on jouait dans ce club, ce qui était amusant,
18:47 c'est que nous touchions à l'époque 1500 francs de cachet,
18:51 et nous avions droit à deux consommations gratuites,
18:56 la troisième était payante et coûtait 1500 francs,
19:00 donc on n'en prenait que deux pour avoir au moins un petit peu de bénéfice.
19:04 Et puis après, il y a eu la cité universitaire,
19:06 il y a eu l'association des étudiants,
19:08 ce qui fait qu'aujourd'hui, il m'arrive encore de recevoir quelques courriers,
19:12 continuant à faire de la radio, d'éminents professeurs de médecine
19:15 qui sont devenus de grands chercheurs ou qui sont à la retraite,
19:18 et ils me disent "en souvenir de la cité universitaire où on était tous étudiants,
19:22 où il n'y avait pas d'alcool, mon cher Jacques,
19:25 pas d'alcool le dimanche après-midi à la cité universitaire,
19:28 mais il y avait une seule boisson, c'était de la sangria,
19:33 parce que c'était une boisson folklorique,
19:35 tous les étudiants venaient de Toulouse, Agen, du Pays Basque,
19:38 des Landes, de la Rochelle, etc.
19:40 Donc on passait de très très bons moments.
19:42 - Ensuite vous avez donné des concerts partout en France et dans d'autres pays,
19:46 avec Claude Luther, avec Errol Gartner, avec Lionel Hampton,
19:49 ça a été vraiment un festival.
19:51 - On a eu la chance justement d'être approchés,
19:53 j'avais un ami Jean-Marie Monestier qui a créé depuis une firme
19:57 qui s'appelle "Black and Blue",
19:59 firme de jazz, il avait racheté des bandes aux Etats-Unis,
20:02 j'ai fait ses premières pochettes de disques,
20:04 il avait un magasin qui s'appelait "La boîte à musique",
20:06 et par là même on a eu l'occasion, l'opportunité de pouvoir jouer
20:10 à 17 ou 18 ans, imaginez Jacques,
20:12 avec des gens que nous écoutions sur les disques.
20:15 Je pense à Buck Lytton, ancien premier trompette de Count Basie,
20:19 qui est devenu ensuite un ami,
20:20 qui m'a permis de jouer avec Count Basie chez Maxims en 1983,
20:26 et c'était des rencontres extraordinaires,
20:29 ces gens-là nous permettaient d'apprendre,
20:31 il y avait Emile Buckner, Joe Jones, le batteur, enfin formidable.
20:34 - Et de toute cette époque, il reste quand même des sons
20:36 grâce aux enregistrements que vous avez faits, comme celui-ci.
20:47 "What a Wonderful World" par Christian Morin et son quartet.
20:51 - Alors ça c'est un peu moins jazzy que ce que j'ai pu faire,
20:56 mais c'est une aventure qui m'est arrivée, qui a été formidable.
20:59 Je savais qu'il y avait un mouvement aux Etats-Unis dans les années 90,
21:02 avec mon ami Alain Morisot, avec qui j'ai beaucoup travaillé
21:05 à la télévision suisse, qui est musicien,
21:08 et il y avait un mouvement qu'on appelait le "Easy Listening Music",
21:12 on plaquait un instrument avec des cordes derrière,
21:15 le piano c'était très simple.
21:17 Il y a des musiciens de jazz qui voulaient reprocher
21:19 parce que c'était une musique simple à faire,
21:22 c'est comme ce qu'on avait reproché à Stan Getz
21:24 quand il s'est mis à faire de la bossa nova.
21:26 Lui, éminent saxophoniste ténor, formidable,
21:29 et les albums ont très bien marché,
21:32 puisque le premier album est sorti à 400 000 exemplaires,
21:36 il y avait une clientèle qui aimait ça,
21:38 et je me souviens, faites attention aux journalistes,
21:41 je m'adresse à ceux qui nous écoutent,
21:43 il y a un journaliste qui m'avait dit "400 000 albums, c'est formidable,
21:46 vous avez vendu plus que Vanessa Paradis",
21:49 et je m'étais permis de lui dire, en plaisantant,
21:51 "je suis la Vanessa Paradis de la clarinette",
21:53 et c'est devenu le titre de l'article.
21:55 Il m'avait un peu gêné, mais j'aime beaucoup Vanessa Paradis.
21:58 Très bonne comédienne.
22:00 - Pour l'histoire "Wonderful World", c'est en fait le dernier succès
22:03 de Louis Samstrong, qui évoquait son bonheur de vivre chez lui,
22:08 et il s'est vendu un million d'exemplaires également.
22:11 Vous savez, "What a Wonderful World", par les temps qui courent,
22:14 on pourrait transformer ce titre en disant "un monde au poil",
22:17 ce que j'espère, ce qui va se dessiner peut-être dans le futur,
22:21 sait-on jamais.
22:23 - Espérons, en attendant, on va évoquer une autre date,
22:25 le 7 septembre 1987.
22:27 A tout de suite sur Sud Radio, avec Christian Morin.
22:30 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessy.
22:33 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Morin,
22:36 le livre "Notes légères bis" chez First Edition,
22:39 on en parle dans quelques instants, mais vous savez qu'on travaille
22:41 avec des dates, et je suis sûr que vous n'allez pas oublier
22:44 celle du 7 septembre 1987. Écoutez.
22:48 (musique)
22:53 Vous arrivez ce jour-là sur TF1, pour remplacer Michel Robb,
22:56 c'est la roue de la fortune.
22:58 - Alors, quelle aventure, quelle aventure formidable,
23:00 parce qu'on m'avait contacté, TF1, Dominique Gancien et Christian Dutoit
23:04 m'ont appelé, Christian Dutoit m'a téléphoné,
23:07 j'étais en Espagne, il cherchait à me joindre,
23:09 mais il n'y avait pas les portables à l'époque.
23:11 Donc pour envoyer, il fallait laisser un télégramme
23:14 dans un bureau de poste où j'étais en Espagne,
23:16 enfin bon, c'était compliqué, et en revenant à Paris,
23:18 je reçois un coup de téléphone à 2h ou 2h30 du matin,
23:22 "Christian Dutoit, je te réveille ?" "Non, non."
23:24 "Et alors, qu'est-ce qui se passe ?"
23:26 Il me dit "Est-ce que tu es disponible demain ?
23:28 Il faut absolument que je te vois avec Dominique Gancien."
23:31 Michel Robb, donc, était parti travailler sur La 5
23:33 avec Marie-France Brière, une autre des grandes papesses
23:38 des variétés en télévision, et on me dit
23:41 "Voilà, il y a un jeu qui va s'installer à 19h30 sur TF1,
23:45 on voudrait que ce soit toi qui le présente."
23:47 Donc j'ai demandé à voir la cassette,
23:49 que j'ai vue une dizaine de fois pour comprendre
23:51 comment ça marchait et pourquoi il y avait ce succès aux Etats-Unis,
23:55 et j'ai compris que la vedette de ce jeu,
23:57 c'était pas le présentateur ou la présentatrice,
24:00 Annie Pujol en l'occurrence, c'était La Roue de la Fortune.
24:04 Alors vous parlez du 7, le 9, deux jours après, le mercredi,
24:08 commençait un autre camarade.
24:10 À vous, mon cher Jacques, et à moi, c'est Jean-Pierre Foucault,
24:13 avec Sacré Soirée la même semaine.
24:15 - Il se trouve que ce jeu est né aux Etats-Unis en 1975,
24:18 La Roue de la Fortune, et il a établi le record de longévité
24:21 d'un jeu aux Etats-Unis en 2009,
24:23 et il y a exactement 65 adaptations internationales.
24:26 - Exactement. Alors, on avait l'adaptation la plus proche
24:30 de celle des Etats-Unis, où nous avons été reçus d'ailleurs
24:33 avec Annie Pujol, par Pat Sajak et Vanna White,
24:36 aux Etats-Unis, c'était intéressant de voir le même décor pratiquement,
24:40 mais c'est un jeu qui est extraordinaire.
24:43 C'est Murph Griffins, qui était un producteur américain,
24:46 pour le comparer, c'était une espèce de Guilux américain,
24:49 qui avait eu cette idée, il travaillait aussi pour Globo au Brésil,
24:53 il vendait des différentes émissions de variétés,
24:56 et il avait eu cette idée de ce produit,
24:59 mais qui rapportait énormément d'argent. Pourquoi ?
25:01 Parce qu'aux Etats-Unis, vous aviez La Roue de la Fortune
25:04 qui passait sur le département de l'Indiana,
25:06 mais sur un autre département, l'État de New York, la Californie,
25:10 et à chaque fois, les droits mécaniques et les droits de publicité
25:14 n'étaient pas les mêmes.
25:16 Donc, ça engrangeait beaucoup, beaucoup d'argent,
25:19 c'est un jeu qui existe toujours aux Etats-Unis aujourd'hui.
25:22 - Et dans la mythologie antique, on l'oublie,
25:24 la roue que la déesse Fortune tourne pour fixer le sort de chaque être humain,
25:28 ça les fait passer, selon les circonstances, de la chance à la malchance.
25:32 - Exactement.
25:33 - Et donc, c'est d'ailleurs cette Roue de la Fortune
25:35 qui est à l'origine de l'expression "La Roue tourne".
25:37 - Exactement.
25:38 - Alors, ça a changé votre vie, finalement, cette émission.
25:41 - Oui, parce qu'on apparaît...
25:42 Alors, j'avais commencé à faire de la télévision, déjà, à TF1,
25:45 en 75, j'avais commencé sur France 3,
25:47 et puis Pierre Belmar m'avait demandé de le remplacer
25:51 dans les paris de TF1, déjà à 19h30 avec Georges Folgoas,
25:55 et puis là, TF1 devenait surtout privé, une chaîne privée.
25:59 Donc, c'est Hervé Bourges, d'ailleurs, il faut le rappeler,
26:02 qui avait eu l'idée, avec Marie-France Brière,
26:04 d'amener ce jeu américain sur le département de TF1,
26:09 et quand j'ai eu à présenter ce jeu, alors, là aussi,
26:12 vous connaissez le milieu de la télévision
26:14 et ce que vous disent les gens, mon cher Jacques,
26:16 vous êtes bien placé, on me disait, mon ami Jacques Chancel me disait
26:20 "T'es conscient, tu fais du jazz, tu fais du dessin humoristique,
26:23 tu fais de la radio, tu crois pour ton image un jeu à 19h30,
26:27 bon, les mêmes trois mois après, parce que ça marche bien, forcément,
26:30 l'exposition était extraordinaire, vous disent
26:34 "Ah, mais tu es formidable", alors que rien n'avait tellement changé.
26:38 J'avais une formule 1 à piloter, je pense que je la pilotais pas trop mal,
26:42 et ça a très bien marché, on avait quand même 12 à 13 millions de personnes
26:47 en période d'automne et d'hiver jusqu'au printemps sur TF1,
26:51 mais il faut dire, pour être honnête aussi, qu'il y avait la 1,
26:55 quand on allumait un poste de télévision, ça s'allumait sur la 1,
26:58 il y avait la 2 et la 3, Canal qui était payant,
27:01 la 6 qui balbutiait, qui commençait à naître,
27:03 donc on venait sur TF1.
27:06 – Et Annie Pugeot, on l'a un peu oublié, au départ,
27:08 elle n'était pas dans l'émission, elle a remplacé deux Coco Girl
27:11 qui sont successivement tournées la roue.
27:14 – Exactement, mais Annie, j'ai commencé moi avec elle,
27:17 et Annie est revenue aujourd'hui à son premier métier de danseuse,
27:21 et elle a un cours de danse qui marche très très bien,
27:23 près des Invalides, ça s'appelle le Studio A,
27:26 et de temps en temps, je passe la voir comme ça,
27:28 mais t'arrives un jour, je suis passé la saluer,
27:30 et il y a deux jeunes filles qui prenaient des cours de danse,
27:33 deux gamines, il y en a une qui me dit "qu'est-ce que tu viens faire toi ?"
27:36 forcément, voir un type d'un certain âge qui vient dans un cours de danse
27:40 comme celui-là, je lui ai dit "je viens te prendre des cours de danse,
27:42 toi tu viens prendre des cours de danse", et là il y a une dame,
27:45 une grand-mère qui rentre avec sa petite-fille,
27:48 et qui voit en face d'elle les souvenirs qu'elle avait encore de la télévision,
27:53 Annie Pujol, et votre serviteur, elle était subjuguée,
27:57 je veux dire, en plus c'est en couleur.
27:59 – Alors il se trouve aussi que l'aventure va durer 5 ans,
28:02 et puis déjà on parle de rajeunissement sur les chaînes,
28:05 et vous en êtes la victime.
28:06 – Oui, alors parce que De Chavanne avait proposé de venir sur ce créneau
28:11 pour proposer son émission "Coucou c'est nous",
28:14 et j'avais dit à Étienne Mougeot, je lui ai dit "à mon avis,
28:18 la roue de la fortune, ne la déplacez pas vers midi,
28:21 placez-la à 18h30 avant l'arrivée de De Chavanne,
28:26 je pense que ça aurait servi de ronde de lancement",
28:28 non non, ils ont déplacé le jeu, mais après moi je suis parti,
28:33 j'ai arrêté en 1982, ça a duré 5 ans, vous avez raison,
28:36 parce qu'il fallait surtout, c'était pour des raisons publicitaires,
28:40 il fallait rajeunir la clientèle,
28:43 donc je devais représenter une clientèle qui commençait à être
28:46 un peu vieillissante, cette fameuse ménagère de 50 ans,
28:50 quand je regarde des ménagères de 50 ans aujourd'hui,
28:52 je dois dire que certaines sont magnifiques,
28:55 j'aimerais bien aider certaines de ces jeunes ménagères à faire le ménage.
29:00 – On est bien d'accord, alors il se trouve aussi qu'au début
29:03 à la télévision, Christian Morin, moi j'ai retrouvé "Altitude 1000"
29:06 qui était une limite à 10 000,
29:08 c'est l'inflation mais quand même.
29:10 – C'était Alain Jérôme qui a été le maître de "Dossier de l'écran"
29:14 entre autres, et qui a même joué dans "Papy Fille de la résistance",
29:19 qui avait créé ce jeu, qui voulait proposer,
29:21 ce sont vos débuts de présentateurs.
29:23 – Exactement, mais vous vous souvenez, parce que vous faisiez vos débuts
29:26 je crois sur une autre chaîne, c'est François aussi,
29:29 sur laquelle vous avez commencé, puisqu'avec Michel Laffont,
29:32 avec qui nous sommes amis tous les deux,
29:34 on regardait certaines de vos émissions,
29:36 parce que je balbutie un petit peu,
29:38 mais ce qui s'était passé, Pierre Bonte,
29:40 qui était dans la station de radio où j'étais à l'époque,
29:44 m'avait dit "écoute, je crois qu'à France 3, qui était rue François 1er,
29:47 ils cherchent des animateurs pour un nouveau jeu,
29:51 et je prends contact, je vais à ce rendez-vous,
29:55 et deux animateurs passent avant moi,
29:58 et là j'étais liquéfié, je me dis "c'est pas possible,
30:00 je ne vais pas y arriver", il y avait André Torrent et Gérard Rolls,
30:05 ils passent avant moi, je revenais des États-Unis,
30:08 où j'avais fait un séjour assez rapide,
30:10 où j'avais été assez ébloui par la télévision américaine,
30:13 je me plante à un moment dans la présentation de ce jeu,
30:17 je me récupère, en faisant rire un peu le plateau
30:20 et les cadreurs qui étaient là, et à la fin,
30:23 Alain Jérôme me dit "est-ce que vous êtes libre à déjeuner ?"
30:25 et c'est là qu'il m'a proposé de commencer.
30:27 Alors le jeu était très intelligent, parce qu'on survolait la France,
30:30 Alain avait récupéré des milliers de kilomètres de vues sur les villes
30:35 de France et de Navarre, il fallait reconnaître les villes,
30:37 plus haut on les reconnaissait, plus on gagnait de points transformables
30:41 en kilomètres avions Air France, et plus on se rapprochait du sol,
30:45 plus on donnait de renseignements historiques avec deux individus,
30:49 et non des moindres que j'ai rencontrés à ce moment-là, imaginez,
30:52 j'étais tout jeune, et je tombe sur Alain Decaux et André Castelot.
30:56 Le rêve, et on est devenus amis par la suite.
30:59 - Et ils ont commencé la télévision alors qu'ils ne voulaient pas en faire,
31:02 parce qu'ils espéraient que ça leur ferait vendre plus de livres en 1954.
31:05 - Exactement, c'est vrai.
31:07 - Alors il se trouve que vous avez fait aussi une émission
31:09 qu'on imagine mal aujourd'hui à la télévision,
31:11 parce que les réseaux sociaux se déchaîneraient,
31:13 c'est "Histoire d'Henri", Christian Morin.
31:15 - "Histoire d'Henri", oui, c'était avec Jean-Pierre Alessandri
31:18 ou Alessandrini, qui était le producteur, c'est ça, je crois,
31:21 et qui... alors on recevait deux invités,
31:26 alors les premiers là aussi, très émus,
31:29 j'avais Jacques Martin et Philippe Bouvard, que vous connaissez bien,
31:32 et chacun choisissait soit des extraits de films qu'ils avaient fait rire,
31:37 soit raconté des blagues, etc.
31:39 Et la concurrence, les gens votaient par téléphone,
31:43 et donc il y avait une équivalence pour savoir qui allait gagner
31:46 ce mini-concours autour du rire.
31:49 - Et en même temps, cette histoire aujourd'hui crée un grand scandale,
31:52 parce que c'était pas toujours...
31:54 - C'est-à-dire que là, tout était libre, c'était ouvert, si j'ose dire,
31:58 mais aujourd'hui, il y a des blagues qu'on ne pouvait plus raconter,
32:01 qu'on ne pouvait plus raconter.
32:03 - Et vous avez fait aussi un jeu qui s'appelait "Le Clou et dos".
32:05 - "Le Clou et dos", ça n'a pas duré très longtemps,
32:07 parce que ça s'est mal passé avec la production.
32:09 Alors, "Le Clou et dos", il y avait Andréa Ferréol,
32:12 il y avait Bernard Menez, il y avait mon ami André Pouce,
32:16 qui faisait le général Moutarde, et c'était extraordinaire,
32:20 parce qu'on jouait carrément le jour, on était en tenue,
32:23 et j'étais le présentateur, mais le jeu n'a pas...
32:25 la mayonnaise n'a pas très très bien pris auprès du public.
32:29 Je le regrette un peu, mais c'est un bon souvenir.
32:31 - Oui, mais en même temps, le jeu est très célèbre,
32:33 puisque, je ne sais pas si vous le savez, c'est un musicien qui a créé ce jeu.
32:36 - Alors non, ça, je ne le sais pas.
32:37 - Il s'appelait Anthony Pratt, il est au chômage pendant la Seconde Guerre mondiale,
32:40 il est passionné de ce jeu de mystère et d'Andrea Tachristi,
32:44 il mélange les deux, et il invente "Le Clou et dos",
32:47 qui a été un des succès de l'après-guerre.
32:49 - Ça a été formidable.
32:50 - Et puis, il y a eu aussi une autre émission de télévision,
32:53 qui a bien marché, c'était sur France 2, avec Sandrine Dominguez.
32:57 - Oui, c'était une reprise de "La tête et les jambes".
33:00 Bien moins important que "La tête et les jambes", avec les moyens,
33:06 c'était Rémi Grimba qui réalisait, Sandrine et moi nous présenteur cette émission,
33:10 donc il y avait des sportifs, et des questions qui étaient posées à quelques candidats,
33:15 et il fallait rattraper le coup avec un exploit sportif.
33:18 Nous étions dans le même studio, on tournait en dehors de Paris,
33:21 je crois que c'était après la Défense, ou pas très loin,
33:24 et il faisait très très chaud dans les studios.
33:28 Ça a duré, je crois que ça a duré un an, un an et demi à peu près.
33:31 - Vous vous rendez compte du nombre d'émissions de télévision
33:33 que vous avez présentées, Christian Morin ?
33:35 - Oui, mais j'ai travaillé aussi pour la télévision suisse pendant 5 ans,
33:39 mais je vais vous dire une chose, c'était comme à la radio d'ailleurs,
33:43 à Europe 1 j'ai présenté 14 émissions en 15 ans.
33:47 Ça nous permettait d'apprendre notre métier,
33:50 parce qu'on avait des patrons à l'époque, je vais me plaindre un petit peu,
33:54 on avait des patrons qui connaissaient l'outil radio ou la télévision.
33:58 Quand Belmar vous téléphone un jour en disant "Bien, mon cher Christian, c'est Pierre,
34:04 alors tu n'es pas sans savoir que je m'en vais sur France 3, je quitte TF1,
34:07 tu vas me remplacer, est-ce que tu es libre lundi à 18h ? "
34:09 Qu'est-ce que vous répondez ? Vous dites "Oui", vous y allez, et vous démarrez.
34:13 Entouré par Jean-Paul Rouland et Georges Folgoas, on ne peut qu'apprendre son métier,
34:18 se faire engueuler, des réprimands, mais à la radio, moi j'ai connu une période
34:21 où quand les sondages étaient un peu faibles, on vous reléguait le soir,
34:25 mais on ne vous gardait pas forcément parce qu'il y avait un contrat,
34:28 que je n'ai jamais eu pendant 15 ans d'ailleurs à Europe.
34:30 - C'est autre chose. Et puis il y a quand même une chose étonnante,
34:32 c'est quand même l'auto-dérision avec un film qui s'appelle "Casablanca Driver"
34:37 où vous êtes le présentateur, Chris Morin, show !
34:40 - Chris Morin, ah oui, c'était censé se passer en Belgique,
34:44 c'est... comment s'appelait le réalisateur ?
34:47 - Maurice Barthélémy.
34:48 - Maurice Barthélémy, qui est un garçon qui m'avait téléphoné,
34:50 il m'avait dit "Voilà ce que je vous propose", etc.
34:52 Je lui ai dit "Mais ça m'amuse énormément", parce qu'on me voit présenter une émission,
34:56 recevoir ce type complètement illuminé, qui, ça se termine,
35:01 il me fout un point sur la gueule à la fin, moi je tombe dans le décor, etc.
35:06 Et on me retrouve, 20 ou 25 ans après, avec une perruque et des cheveux gris,
35:13 des lunettes un peu à la Presley, en train d'évoquer les souvenirs de télévision,
35:18 du présentateur que j'étais, vedette à l'époque, enfin c'était...
35:21 Mais l'auto-dérision c'est important, si on n'a pas ça, on est cuit, je crois.
35:25 - Je crois aussi. Et puis, ben écoutez, on va continuer à parler de vous
35:29 avec une date très récente, le 15 octobre 2023.
35:32 A tout de suite sur Sud Radio, avec Christian Morin.
35:35 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:38 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Morin.
35:41 On a parlé de vos débuts à Bordeaux, comme dessinateur,
35:45 l'animation à la radio, à la télévision, et puis aussi tout ce qui s'est passé
35:50 dans le monde du jazz, et là, le 15 octobre 2023 est sorti "Note légère, pisse",
35:56 deuxième top de "Note légère" chez First Edition.
35:58 Alors ce sont des histoires sur la musique classique,
36:01 et avec des dessins et des anecdotes, ça a été un gros travail,
36:04 mais le jazz et la musique classique, finalement, ce sont deux domaines presque proches.
36:10 - Ah ben, de toute façon, s'il n'y avait pas eu la musique classique,
36:13 il n'y aurait peut-être pas eu le jazz, probablement,
36:15 et puis l'association la meilleure, c'est Gershwin,
36:18 qui a réuni les deux, et puis d'autres compositeurs par la suite.
36:21 Mais l'histoire de ces anecdotes dessinées, il y a beaucoup de dessins aussi,
36:25 sans anecdotes, des dessins sans paroles, parce que c'est le graal pour des dessinateurs,
36:31 c'est très difficile à faire, mais tout le monde comprend.
36:34 Et l'histoire est venue d'une rédactrice en chef de journal "Notre Temps",
36:39 une revue, un magazine pour lequel je travaille depuis 8 ans,
36:42 qui m'avait demandé de faire des critiques sur les disques.
36:44 Je lui avais dit, par rapport à une invitée que vous avez reçue, je croyais, il y a peu, Jacques,
36:49 Evrugiri, je lui avais dit "mais je ne suis pas Evrugiri,
36:52 je ne suis pas un grand, grand spécialiste de la musique,
36:55 faire des critiques de disques, ce serait un petit peu gonflé de ma part".
36:58 Donc je lui dis, et j'avais un carton à dessin, parce que je portais à ce moment-là
37:02 des maquettes pour la maison Sony, pour des pochettes de disques,
37:06 sur le classique "J'aime pas mais ça j'aime bien", 10 ans après "Sans paix" d'ailleurs.
37:10 Et elle me dit "mais vous dessinez ?" Je lui dis "oui, j'ai fait les Beaux-Arts".
37:14 "Ah mais mon grand-père a fait les Beaux-Arts, ma mère a fait les Beaux-Arts, j'ai une idée,
37:17 appelez-moi à 17h". Je la rappelle à 17h, elle me dit
37:20 "Vous racontez des anecdotes pendant votre émission sur Radio Classique,
37:24 pourquoi ne pas les raconter dans le journal avec un dessin ?"
37:27 Je lui dis "alors écoutez, là, banco". C'est parti de là, il y a eu le premier opus,
37:32 et le deuxième qui vient de sortir, parce qu'il y a beaucoup d'anecdotes légères
37:37 dans la musique classique. Il y a les vacheries aussi entre musiciens, on peut en reparler.
37:41 Il se trouve que pour beaucoup de gens, la musique classique, ce sont des gens très sérieux,
37:44 en smoking, le visage grave, il n'y a qu'à voir des concerts symphoniques.
37:48 - Ce n'est pas du tout ça Christian Borin. - En tous les cas, je dirais que ce n'est pas que ça.
37:52 Je me rends compte que dans la musique classique, comme ailleurs, comme dans le cinéma,
37:57 comme dans la danse, comme dans la radio ou la télévision que nous connaissons,
38:02 il y a l'être humain qui est toujours pareil, jaloux, "quelqu'un a du succéder de plus que vous,
38:07 on va sortir des vacheries pour lui savonner un petit peu la planche".
38:10 Et bien en musique, c'est un peu pareil. Je prends un exemple qui est évoqué dans le livre.
38:14 Vous avez un monsieur comme Claude Debussy, immense compositeur,
38:18 formidable de l'époque de Ravel, ces gens qui font des musiques d'image.
38:22 Et Claude Debussy signait des critiques en se faisant appeler "Monsieur Croche".
38:28 Et il démolissait quelques-uns de ses co-réligionnaires parce qu'il était un petit peu dur.
38:34 Et quand on était un peu léger avec lui, il n'aimait pas. Je prends un exemple.
38:38 Il a composé "La mer de l'aube jusqu'à midi".
38:42 Et Éric Satie était venu voir le concert, il lui avait envoyé un courrier.
38:46 Ils étaient très amis en plus. Ils lui avaient envoyé un courrier en disant
38:49 "Mon cher Claude, j'ai beaucoup aimé le passage entre 9h30 et 9h45".
38:54 Claude Debussy lui a fait la gueule pendant trois semaines.
38:57 Voilà le genre de rapport qui existe aussi entre les musiciens.
39:00 - Et je me souviens de Charles Trainet racontant un jour une anecdote dans un concert classique.
39:04 Le présentateur dit "Et voici la mer, ah" fait le présentateur.
39:08 De Debussy "Oh" fait le public. Ça correspond à ça.
39:12 Alors ces anecdotes, il faut les trouver, Christian Morin ?
39:14 - C'est un travail de recherche comme je le fais déjà pour les dessins chaque mois pour cette revue.
39:19 Et là je travaille aussi avec quelqu'un qui est un de mes très très bons amis
39:23 qui a travaillé pendant 14 ans aux côtés de Cabu.
39:26 C'est lui qui a organisé toutes les éditions depuis l'assassinat de Cabu
39:30 pour Michel Laffont la plupart du temps.
39:33 Et puis qui a organisé l'exposition à l'Hôtel de Ville et d'autres en perspective future.
39:38 C'est Jean-François Pité qui est un homme, alors d'abord c'est un amateur de jazz.
39:43 C'est lui qui avait commencé à travailler avec Cabu sur les éditions
39:46 où on racontait Cap Calloway passionné pour Cabu, passionné de cette musique.
39:52 Et lui faisait les textes et donc un jour je lui ai dit
39:56 "Mais comme tu es habitué à faire de la mise en page, c'est pas tellement mon métier,
39:59 est-ce que tu pourrais venir travailler sur ce livre ?"
40:02 Et puis il s'est mis à faire des recherches avec moi sur les citations
40:06 et tous les textes qui sont dans ce livre.
40:08 Il y a une centaine de dessins et donc avec Jean-François Pité
40:11 c'est une participation, comme il le dit gentiment, amicale
40:14 mais c'est vrai que nous sommes très très proches.
40:16 - Mais ces pensées sont dignes d'un seul enseigne.
40:18 Au dos de la couverture il y a une pensée d'un compositeur, Richard Rodger,
40:22 qui quand même est assez étonnante.
40:24 - Ah oui, qu'est-ce qui vient en premier chez vous ?
40:26 La mélodie ou les paroles ? Le chèque ?
40:30 C'est d'une honnêteté grave.
40:33 - C'est très honnête.
40:35 Et vous évoquez aussi des personnalités comme Errol Gardner.
40:38 Vous l'avez expliqué sur un dessin qu'il placait sur son siège des livres
40:43 pour être à la bonne hauteur.
40:44 - Alors ça je l'ai vécu parce que lorsqu'il était venu à Bordeaux
40:47 pour un concert au Capitole, je me souviens,
40:49 après j'avais eu l'occasion avant le dîner de jouer avec lui,
40:53 il y avait un piano au restaurant "Nous étions".
40:55 J'ai joué un morceau avec Errol Gardner.
40:57 Je n'en pouvais plus à ce moment-là.
41:00 Et Errol Gardner, pour être...
41:02 Le siège du piano normal est un peu rigide.
41:06 Et pour avoir cette souplesse pour sa main gauche
41:08 avec laquelle il indique le tempo, c'est un musicien exceptionnel,
41:12 eh bien il demandait qu'on emballe dans du papier craft
41:16 un ou deux bottins qui lui permettaient d'avoir ça sous les fesses
41:21 et d'avoir cette souplesse par rapport au clavier.
41:23 Voilà des petites anecdotes qu'on peut raconter.
41:26 Mais dans les classiques, vous avez Arthur Rubinstein aussi.
41:28 - Je reviens juste au siège avant.
41:30 Parce que le siège, c'est Beko qui a fait la même chose
41:32 pour son premier passage à Bobineau avant l'Olympia.
41:34 Le piano n'était pas à la bonne hauteur.
41:36 Et il a fait rajouter trois annuaires pour pouvoir justement jouer du piano.
41:40 C'était avant son premier Olympia.
41:42 - Et après, vous savez ce qu'il a fait.
41:43 Après, il a fait fabriquer un piano en plexiglas.
41:46 Ça a coûté horriblement cher.
41:48 Il a fait réduire le pied du bout du piano.
41:51 Ce qui fait que le piano était incliné vers le public.
41:54 Et il avait cette dominante que vous évoquiez
41:56 avec justement les trois livres sous les fesses aussi.
42:00 - Alors Arthur Rubinstein, il est également présent dans ce livre.
42:03 Rubinstein d'abord parce que c'est un homme merveilleux.
42:05 Mais il disait que j'aime jouer devant le public.
42:09 Et quand il répétait seul dans une salle,
42:12 à chaque fois, ça me donnait envie d'appeler le mec de l'ascenseur
42:16 et de lui donner un pourboire pour qu'il vienne dans la salle
42:20 au moins m'applaudir à la fin d'une répétition parce que j'étais tout seul.
42:23 Mais Rubinstein était un homme merveilleux.
42:25 À la fin d'un concert, un soir, on lui dit
42:27 "Maître, vous avez été extraordinaire."
42:29 Il dit "Oh, vous êtes gentil. J'étais un peu fatigué ce soir."
42:32 Il avait beaucoup d'humour.
42:34 "J'étais fatigué ce soir."
42:36 Il n'y avait pas toutes les notes, mais il y avait l'âme.
42:39 Et j'ai un autre ami qui a voulu l'interviewer à Bordeaux,
42:42 André Limoges, qui lui dit
42:44 "Maître, est-ce que vous pourriez dire deux mots pour la télévision régionale ?
42:47 Non, je suis fatigué. Je voudrais me reposer avant les concerts de ce soir.
42:51 Mais juste deux mots, Maître."
42:53 Deux mots ? D'accord. Arthur Rubinstein.
42:56 Voilà l'humour qu'on peut trouver dans le classique.
42:59 Moi, je l'ai souvent croisé au début des années 80,
43:02 à l'île des Matignons, une discothèque,
43:04 où il venait dîner parce qu'il était copain avec la patronne,
43:07 mais jusqu'à 2h du matin, il était étonnant.
43:09 Il était pas loin de 80 ans.
43:11 Formidable. Formidable humour.
43:13 Alors que finalement, et vous le racontez dans ce livre, et je l'ai appris,
43:15 Christian Morin, il a tenté de se suicider très jeune.
43:18 Exactement. Il a tenté de se suicider parce qu'il avait une compagne
43:21 qui l'avait quittée, il n'y avait plus rien pour lui,
43:23 alors qu'il était admiré par des grands musiciens.
43:26 Il a fait une tentative de suicide, et puis avec une ceinture.
43:30 Il a voulu se pendre avec une ceinture, et la ceinture n'a pas tenu.
43:33 Donc il s'est retrouvé au sol, non étranglé et vivant,
43:37 et là, il a dit "c'est une renaissance", et là, la vie est repartie pour lui,
43:41 et je crois que ça lui a servi de pied d'estal pour le restant de ses jours.
43:46 Et puis, il y a deux musiciens totalement antinomiques
43:49 que vous évoquez dans ce livre, c'est Jimi Hendrix et Handel, Christian Morin.
43:52 Ah oui, parce que quand vous allez dans une rue à Londres,
43:56 ils ont vécu des époques différentes, bien sûr.
44:00 Handel a écrit pratiquement tous ses oratoriaux,
44:03 et une grande partie de son oeuvre, dans cette maison.
44:06 C'est Bookstreet, je crois, il faut que je retrouve là.
44:08 Oui, c'est ça.
44:10 C'est au 22... alors, lui a habité au 25, je crois,
44:13 et au 23, habitait Jimi Hendrix.
44:16 Alors, dans le dessin que j'ai fait, j'ai fait une rencontre
44:18 entre Hendrix et Handel, qui se présentent respectueusement
44:22 leur carte de visite, mais imaginez quand même,
44:25 les deux réunis pour une même musique, sait-on jamais,
44:28 ce sont devenus des musées, ces endroits-là.
44:30 Oui, et des musées où il y a un peu de Handel et un peu de Hendrix, d'ailleurs.
44:32 Un peu de Handel et de Hendrix, tout à fait.
44:34 Et puis, vous évoquez un musicien, Herschel, qu'on ne connaît pas forcément,
44:37 mais qui a été un grand scientifique,
44:39 et qui a découvert la planète Mars avant tout le monde.
44:42 Oui, oui, et Uranus, parce qu'il avait construit,
44:46 il avait une lunette, déjà, et il avait été salué par le roi en Angleterre.
44:50 Donc, c'est un homme formidable.
44:52 Il a inventé beaucoup de choses, et alors, ce qui est amusant,
44:56 c'est qu'il était d'origine allemande.
44:58 Et il a été enrôlé en Angleterre,
45:03 et il n'a pas supporté le sang lors de combat,
45:07 il a déserté, il s'en est bien sorti,
45:09 parce qu'après, il a dirigé des fanfares militaires,
45:12 et puis, après, il s'est devenu un musicien tout à fait reconnu aujourd'hui.
45:16 Et puis, à Sunset Boulevard, un jour,
45:18 Harpo Marx vient passer quelques jours de vacances avec sa harpe,
45:21 il y a un pianiste à côté, et là, c'est assez étonnant.
45:24 C'est à Los Angeles, au Jardin d'Allah,
45:26 c'était une espèce d'hôtel, comme il y en a beaucoup à l'époque,
45:29 dans les années... en 1931.
45:31 Les Marx Brothers venaient d'avoir un succès énorme pendant trois ans,
45:35 et donc, Harpo décide d'aller se reposer dans cet endroit,
45:41 qui était quand même assez cher, assez bien élevé,
45:44 il y avait tous les plus grands de ce monde que l'on pouvait croiser,
45:47 et il s'installe dans sa villa,
45:50 et il entend quelqu'un qui, toute la journée, jouait du piano.
45:54 Alors, pour un repos, c'était un petit peu ennuyeux,
45:56 et là, il ouvre toutes les portes-fenêtres de son appartement,
46:00 et il se met à jouer de la harpe,
46:02 en jouant un thème de Rachmaninoff,
46:05 je crois que c'était le prélude de numéro 9 de Rachmaninoff,
46:09 et il commence à jouer les quatre premières mesures,
46:12 et il remet ça, et il remet ça, et il remet ça,
46:14 et puis un matin, il n'entend plus du tout de piano.
46:18 Et il va voir à la réception, il dit "Qu'est-ce qu'il est passé ?
46:20 Le voisin n'était pas content parce que je faisais de la musique,
46:22 mais lui me dérangeait avec son piano."
46:24 Il dit "Non, non, c'était M. Rachmaninoff,
46:26 il n'a pas pu supporter la harpe, et il est parti."
46:29 - C'est magnifique !
46:30 Et puis, on apprend une chose aussi, parmi toutes celles qu'on apprend,
46:33 Christian Morin, c'est que dans la famille Bach,
46:35 tout le monde portait le même prénom.
46:37 C'est Jean-Sébastien, c'est quand même étonnant.
46:40 Même, c'est une famille nombreuse, les Bach.
46:44 Bach, c'est quelque chose qui m'a toujours frappé.
46:47 D'ailleurs, Jacques Loussier a fait connaître Jean-Sébastien Bach.
46:50 On le lui a reproché, mais il avait jazzifié un peu la musique de Bach,
46:55 et je dois dire qu'aujourd'hui, Bach, ça swingue.
46:59 Demandez à Lukiny, si vous l'invitez, il vous dira ce qu'il en pense.
47:02 - Il faut qu'il vienne, c'est une autre histoire.
47:04 - Je lui téléphonerai.
47:05 - Il y a une histoire d'ailleurs avec Bach et Mozart qui se retrouvent au paradis,
47:07 je ne sais pas si vous la connaissez.
47:09 On demande au barman, qu'est-ce que vous prenez ?
47:11 Bach dit, je prends un bébé, et Mozart, un bébé comme Bach.
47:14 - C'est exactement, c'est un classique.
47:16 - Référence aux Beatles.
47:18 Et dans les tenues d'anecdotes sur les musiciens,
47:25 il y a une phrase que j'aime bien de Hector Berlioz qui dit
47:28 "Le temps est un excellent professeur, malheureusement il tue tous ses élèves".
47:32 - C'est une phrase à méditer.
47:34 - Et puis il y a quand même un musicien que vous évoquez dans ce livre.
47:38 - "And I'm an American who lives here".
47:40 - Un Américain à Paris, car c'est un classique.
47:43 Et c'est né je crois par un musicien qui s'appelle Paul Whiteman,
47:47 qui était, je ne sais pas si vous le savez, le roi de la radio dans les années 30.
47:50 Il avait tellement d'argent qu'il avait 7 cadillacs, une par jour.
47:54 - Exactement, alors Paul Whiteman, chef d'orchestre blanc,
47:57 avait donc son orchestre, et il téléphone à Gershwin,
48:01 il lui dit "J'aimerais que vous me composiez un concerto pour mon orchestre".
48:06 Gershwin était débordé de travail, il avait une ou deux comédies musicales
48:11 qui étaient en route, il n'avait pas le temps.
48:13 Et puis il reçoit un coup de téléphone à l'hôtel où il était avant de revenir à New York,
48:17 de son frère Aira, qui composait, qui écrivait les paroles des comédies musicales avec Georges.
48:23 Et il lui dit "Est-ce que tu as travaillé sur le concerto pour Paul Whiteman ?"
48:28 Il dit "Non, non, pas encore, tu devrais te dépêcher parce que le concert est annoncé pour le 24 février".
48:34 On était au mois de janvier, pour le 24 février à New York,
48:37 le concert est déjà annoncé dans le journal.
48:39 Dans le train, il a eu les idées de la musique, c'était la Rhapsodie in Blue en fait,
48:45 c'était pas un Américain Paris, c'était la Rhapsodie in Blue, petite erreur.
48:49 Et pour cette oeuvre, il a composé très rapidement,
48:54 et les répétitions se sont terminées 2-3 jours avant le premier concert,
48:58 où Gershwin tenait le piano.
49:00 Il y a des parties de piano qui n'étaient pas écrites, qu'on a écrites après,
49:04 mais pour l'anecdote, il y a un glissando de clarinette au début de la Rhapsodie in Blue qui n'existait pas.
49:10 Et c'est le clarinettiste de Paul Whiteman qui l'a joué.
49:15 Gershwin a dit "On va le garder, c'est tellement magnifique".
49:17 Mais en 1946, il y a un drame qui est arrivé en Angleterre,
49:20 avec un musicien qui s'appelait Grisez, un clarinettiste,
49:24 qui, en concert, a commencé à faire le glissando à la clarinette de la Rhapsodie in Blue,
49:29 il est tombé, crise cardiaque, il était mort.
49:31 C'est pour ces raisons, Jacques, que je n'ai pas apporté ma clarinette,
49:34 et que pour mille raisons que vous comprendrez, je me refuse à jouer cette introduction.
49:39 - Mais vous continuez à jouer avec votre quartet régulièrement ?
49:42 - Tout à fait, tout à fait, régulièrement, oui oui.
49:44 - Et bien on dira vous voir un jour ou l'autre,
49:46 et en attendant, je recommande à ceux qui nous écoutent,
49:49 et qui vont découvrir des anecdotes totalement inédites,
49:52 et très drôles souvent, dans ce "Note légère bis" chez First Edition,
49:57 continuez comme ça et vous allez devenir un classique, j'en suis sûr, Christian Morin.
50:00 - Merci beaucoup Jacques.
50:02 - L'Écrit d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui,
50:04 on se retrouve bientôt, restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.