Jacques Pessis reçoit Gilbert Thiel. L’un des juges les plus célèbres de France, en particulier au cœur de l’anti terrorisme. Il se raconte avec humour et précision. Son actualité, un livre : « Femmes criminelles ».
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-10-29##
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00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Le juge que vous êtes va être exceptionnellement soumis à la question, ou plutôt à mes questions.
00:11Je suis convaincu que vos réponses donneront l'envie à celles et ceux qui nous écoutent
00:15de se plonger dans votre nouveau livre.
00:17Ainsi, vous ne serez pas venu en vin de messe.
00:20Bonjour, Gilbert Thiel.
00:22Thiel.
00:23Ça commence mal, on dit Thiel.
00:24Thiel, oui, oui.
00:25Mais le vin de messe, c'était excellent.
00:29Alors, Gilbert Thiel, vous avez été juge d'introduction très, très célèbre.
00:33On va parler de votre parcours.
00:34Vous publiez « Femmes criminelles » chez Marie Édition, qui est un livre aussi étonnant,
00:38un livre de près de 500 pages.
00:40C'est quand même un pavé.
00:41Avec l'âge, mon sens de la synthèse s'émousse.
00:45Et puis, que voulez-vous, il y en avait beaucoup.
00:47Donc, malgré la pénurie de papiers, j'ai essayé de limiter.
00:51Mais il y en a quand même pour 475 pages.
00:54Ce qui est d'ores et déjà un démenti flagrant à toutes celles qui vont prétendre
00:59que la violence est genrée et fixée uniquement du côté masculin.
01:03Voilà.
01:04Malheureusement, la violence est une contingence, je crois qu'on peut le dire comme ça,
01:10de la nature humaine et non d'un genre sexué.
01:13Voilà.
01:13On va en parler justement tout à l'heure, mais là, on ne va pas se faire violence
01:16pour évoquer votre parcours à travers des dates clés.
01:19Et la première que j'ai trouvée, elle ne vous concerne pas directement,
01:22mais elle est importante, c'est le 3 octobre 1984.
01:26Écoutez.
01:27Allez Metz !
01:28Alors, comment vous avez vécu ce match-là ? Parce que ça a mal commencé, hein ?
01:31Je ne sais pas comment je peux vous expliquer ça.
01:33Metz bat le FC Barcelone par 4 à 1.
01:35Trois buts de Toni Kürbos.
01:37Exactement.
01:38Toni Kürbos, qui vit aujourd'hui à Vence, je crois, qui est importateur de voitures allemandes.
01:43C'était un germano-joueslav.
01:46On disait ça comme ça à cette époque-là.
01:49C'était avant la tragédie guerrière des années 90 dans les Balkans.
01:55Et d'ailleurs, comme en 1984, j'avais perdu ma petite chienne,
02:00j'étais cherché un chien à la SPA en octobre 1984,
02:07et je l'ai appelé Kürbos.
02:09Alors, il se trouve que ce match, personne ne croyait à cette victoire,
02:12à tel point qu'il n'y avait pas une caméra de télévision sur le terrain.
02:15Il n'y avait même pas un reporter radio.
02:17Les seuls qui avaient exposé quelques deniers
02:21pour financer le déplacement de Metz à Barcelone d'un journaliste,
02:25c'était une télé, une radio locale,
02:28puisqu'on est trois ans après la création des radios locales sous François Mitterrand.
02:33Et donc, effectivement, j'écoutais en modulation de fréquence ce reporter.
02:40Et comme le FC Metz, j'avais été au match aller à Saint-Symphonien,
02:44j'avais perdu le match aller 4 à 2,
02:46et qu'ils ont pris le premier but de la partie là-bas,
02:49au Newcombe, qui était désert,
02:51parce qu'il devait y avoir 35 000 spectateurs sur un stade qui en comporte 80 000.
02:57Donc, je m'étais dit que c'était très très mal parti.
03:00Et puis, comme le meilleur peut parfois arriver, comme le pire,
03:04mais là, c'était le meilleur.
03:06Eh bien, le FC Metz s'est imposé après prolongation 4 buts à 1,
03:10et s'est donc qualifié pour le tour suivant
03:13de ce qu'était à l'époque la coupe des villes de foire,
03:16une espèce de coupe de l'UEF.
03:18Il se trouve que l'équipe de Metz a eu des hauts et des bas dans sa carrière,
03:23des titres de vice-champions de France,
03:25des descentes en division 2, en division nationale,
03:27enfin, tout y est passé.
03:29Oui, en nationale une seule fois,
03:31contrairement à sa rivale, la SNC Lorraine.
03:34Mais là, effectivement, on fait un peu l'ascenseur,
03:39ces derniers temps, comme on l'avait fait dans les années 50 et 60.
03:43Après, dans les années 70 jusqu'en 98,
03:47avec cette perte du titre de champion de France à égalité de poids
03:53avec le football club de Lens, 1998, l'année de la coupe du monde,
03:58eh bien, on a connu des fortunes diverses,
04:01comme tous les petits clubs qui ne fonctionnent pas
04:04avec la puissance de l'argent qui fait du football
04:08un sport de plus en plus décevant.
04:10Oui, et on parle beaucoup de football sur celui de Radio,
04:13d'ailleurs, juste avant les clés d'une vie à 20h,
04:15et je suis sûr que tout ce que vous dites passionne celles et ceux qui aiment le football.
04:18D'ailleurs, vous auriez pu être joueur de football, Gilles Bertil ?
04:22Je n'avais pas les qualités, donc j'ai choisi un métier
04:25où on n'en exigeait pas beaucoup, j'ai fait juge.
04:27Et si j'avais couru plus vite, j'aurais pu faire juge de touche, bien évidemment.
04:32Alors, il se trouve qu'il y a aussi un boulevard à Metz qui vous a marqué,
04:35c'est le boulevard Point Carré,
04:37car c'est là où vous voyez l'arrivée ou le départ du Tour de France.
04:40Oui, parce que j'étais un grand passionné, je suis toujours de cyclisme,
04:44malgré les déboires aussi qui ne datent pas de l'affaire Festina,
04:48puisqu'on le savait depuis les frères Pellissier,
04:51la célèbre interview des forçats de la route,
04:56que tout ça ne marchait pas forcément à l'eau claire.
04:59Mais en 1998 encore, l'affaire Festina m'avait mis un coup,
05:05je m'étais dit, je ne regarderai plus le Tour de France,
05:07et puis que voulez-vous, les êtres faibles, c'est comme ça,
05:10je ne peux toujours pas m'en empêcher.
05:12Alors, je me suis un peu renseigné, depuis 1947, Gilbert Till,
05:15il y a eu 15 départs d'étapes, 14 arrivées et un départ d'épreuve à Metz.
05:19Oui, oui, oui, oui, et j'allais les voir, d'abord quand j'étais tout petit,
05:24mon papa m'amenait sur le bord de la route,
05:27et après j'allais sur le boulevard Point Carré,
05:29où avaient lieu les arrivées,
05:31et où j'ai vu l'un de mes champions favoris de l'époque, André Dariga,
05:35gagner une étape, et André Dariga qui était pendant des années et des années
05:40le recordman du nombre d'étapes remportées sur le Tour de France,
05:47et qui était à de multiples reprises maillot vert,
05:50avant qu'il ne se mette au service de Jacques Antil,
05:53qui avait plus de qualités, des qualités plus diversifiées que les siennes.
05:58Et moi, il faisait partie aussi de l'isole, je l'ai rencontré
06:00quand il était marchand de journaux à Biarritz, et il vit toujours aujourd'hui.
06:03Il vit toujours dans les langues, oui, tout à fait.
06:05Et il est en pleine forme.
06:06Mais dès que Sud Radio sera décidé enfin à m'inviter chez André Dariga,
06:10je viendrai avec vous.
06:12Alors, je me souviens des premiers commentaires...
06:14Ou de Mareuil, je précise aussi, mon éditeur peut le faire.
06:18Alors, les premiers commentaires en direct, je ne sais pas si vous le savez,
06:21pour l'arrivée au Parc des Princes, il y avait Georges Decôte dans un coin de la piste
06:24avec une petite télé, il commentait en gardant la télé dans un coin de la piste.
06:27Non, ça, je ne le savais pas.
06:29Alors, le cyclisme vous a toujours intéressé, vous aviez voulu,
06:34vous aviez songé à être coureur à 16 ans.
06:36Oui, j'ai fait beaucoup de cyclisme, mais je n'avais pas les qualités,
06:41même pour évoluer à un petit niveau.
06:44Mais j'ai suivi plusieurs fois des étapes du Tour de France,
06:50et une année, le producteur de Fête entrée, l'accusé,
06:55m'a fait inviter sur une étape de montagne du Tour de France,
07:00alors c'était merveilleux, on est venu me chercher en avion
07:04avec quelques chefs d'entreprise que j'avais cru reconnaître,
07:07on est parti en Falcon du Bourget, on s'est posé à Chambéry,
07:13là, un hélicoptère nous a amené de l'autre côté du lac,
07:17et après, le fils de Bernard Hinault, qui est mon idole devant l'éternel,
07:21le fils du Blaireau est venu me chercher en voiture,
07:24m'a conduit au village, et j'ai suivi l'étape du Tour de France
07:28dans la voiture du sous-directeur du Tour,
07:30et une étape où il y avait cinq cols,
07:33Gélabert s'était échappé pendant un bout de temps,
07:36et puis il a été repris, il a été lâché par le peloton,
07:39par le mini peloton qui l'avait rattrapé,
07:43et j'ai passé toute la journée,
07:44et le soir, je suis remonté dans le Falcon,
07:47et j'étais redéposé au Bourget,
07:51où mes gardes du corps sont venus me chercher.
07:54Donc, j'ai connu, une fois au moins dans ma vie,
07:58la vie des riches, avec champagne et à volonté.
08:01Oui, mais surtout, une étape de montagne, c'est ce qu'on appelle pour vous un sommet.
08:04C'est extraordinaire, oui, oui.
08:06Mais après les sommets, il vient toujours la descente,
08:09et parfois le ravin.
08:10Oui, mais là, pour l'instant, ce n'est pas le cas,
08:13parce qu'il faut dire aussi que votre réussite,
08:15vous avez grandi dans une famille modeste.
08:16Je crois que votre père, Léon, était fonctionnaire de préfecture.
08:19Oui, tout à fait.
08:20Il avait commencé comme commis de préfecture,
08:22et il a fini attaché de préfecture.
08:27Simplement, il est tombé, il a fait son premier infarctus à 46 ans.
08:31Un second, quelques années plus tard, il est mort à 62 ans, dans mes bras,
08:36alors qu'il était venu garder, avec ma mère,
08:38les enfants, mes enfants, au moment des fêtes de Noël.
08:45C'était un fumeur de gauloises,
08:48il fumait quand même un paquet de gauloises par jour.
08:53Moi, j'ai fumé pendant 50 ans, 3 paquets par jour.
08:57Comme quoi, la justice n'existe pas vraiment.
09:00Et encore moins la justice divine, serais-je tenté de dire.
09:04Et vous avez eu un privilège,
09:06le lycée Faber, où vous avez fait vos études,
09:08c'est l'un des premiers lycées choisis par Napoléon Bonaparte
09:12pour accueillir des élèves.
09:14Oui, oui.
09:15Mais j'avais fait ce qu'on appelait à l'époque
09:19le collège d'enseignement général,
09:21les classes de 6e et de 5e,
09:23parce que mes parents s'étaient bien rendus compte
09:25qu'il me fallait un encadrement assez strict
09:28pour stimuler un peu mes volontés défaillantes.
09:31Et puis, c'est ce qui s'est passé.
09:33Donc, quand je suis rentré en 4e au lycée,
09:37on appelait ça le lycée à l'époque, au lycée Faber,
09:41j'ai bénéficié de mon élan,
09:43en quelque sorte de l'aspiration du peloton,
09:45et ça a été sans problème.
09:47Mais dès la 3e, ça a commencé à dégénérer,
09:52donc j'ai redoublé ma classe de première
09:55et j'ai eu le bac au seul moment où je pouvais d'ailleurs l'obtenir,
09:58c'était en 1968.
10:00On le donnait, pratiquement.
10:01Je parle toujours après Jésus Christ.
10:03Oui, mais attendez, on le donnait, mais on l'a donné après,
10:06ça ne s'est qu'hier amélioré.
10:08Donc, effectivement, il fallait mettre une certaine
10:11mauvaise volonté pour ne pas l'avoir,
10:15mais en même temps, c'était très stressant,
10:18parce que quand vous ratez un bac
10:20où vous avez 20 ou 30% de vos camarades qui l'ont raté,
10:25vous pouvez essayer d'argumenter sur le manque de chance
10:28en rentrant à la maison,
10:30mais si vous le ratez en 1968,
10:32alors là, il n'y a plus d'excuse, c'est une catastrophe,
10:35donc j'ai fini par l'avoir, j'ai eu le bac à 20 ans.
10:37Voilà, et vous avez aussitôt embrayé
10:40sur des études de droit,
10:42parce que c'était théoriquement, selon votre père,
10:44le plus facile.
10:46Ah ben, mon père m'a dit
10:48tu n'es pas très doué dans les disciplines scientifiques,
10:52c'était un doux euphémisme, j'étais nul,
10:54et puis comme je n'avais pas de qualité particulière
10:58dans le domaine des arts,
11:04j'avais quelques dons avec tous les guillemets du monde,
11:10parce que je savais déjà un petit peu écrire,
11:12j'ai fini par abuser l'éditeur de Mareille
11:16qui a accepté d'éditer mon dernier ouvrage,
11:22donc il m'a dit
11:24est-ce que tu veux faire professeur ou instituteur ?
11:28J'ai dit non, papa.
11:30Il m'a dit donc tu n'iras pas à la fac de lettres
11:34parce que la psychosociologie animale,
11:36vous savez ça a commencé,
11:38ces métiers sont débouchés,
11:40donc il m'a dit tu feras droit
11:42parce que c'est à la portée de tout le monde,
11:44et comme j'étais un garçon obéissant,
11:46j'ai dit oui papa, et puis j'ai fait ma faculté de droit,
11:48à l'époque la licence c'était 4 ans.
11:50Et comme j'avais déjà le goût de la répression
11:52chevillé au corps,
11:54et bien j'ai choisi la carrière d'inspecteur des impôts.
11:58En réalité c'était les 30 glorieuses,
12:00la direction générale des impôts
12:04consciente qu'on ne devenait pas à 20 ans
12:06inspecteur des impôts par vocation,
12:10pour assurer la qualité du recrutement,
12:12vous payez une bourse en quelque sorte
12:16pendant toutes vos études.
12:18J'ai fait mes 4 ans de licence en droit à Nancy,
12:20après j'ai été à l'école nationale des impôts
12:24à Clermont-Ferrand,
12:26mais je vous rends la parole
12:28car je vois que je vous agace.
12:30– Non pas du tout, simplement,
12:32il ne faut pas dévoiler tout ce qu'on va raconter
12:34à travers la prochaine date, le 9 novembre 1987.
12:36A tout de suite sur Sud Radio avec Gilles Bertil.
12:40– Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
12:42– Sud Radio, les clés d'une vie,
12:44mon invité Gilles Bertil,
12:46monsieur le juge, rebonjour.
12:48– Rebonjour jeune homme.
12:50– Nous parlerons tout à l'heure de « Femmes criminelles »,
12:52ce livre chez Marie-Édition que vous publiez.
12:54Le principe des clés d'une vie, c'est d'évoquer votre parcours
12:56à travers des dates clés.
12:58On a parlé de vos débuts difficiles dans la vie
13:00parce que vos études ne vous intéressaient pas.
13:02Mais ça a changé et j'ai trouvé une date,
13:04c'est le 9 novembre 1987,
13:06votre première apparition à la télévision.
13:10Le journal TF1, un reportage de Dominique Martineau
13:14à propos du meurtre de Bernard Rethier par Simone Weber.
13:18Jacques Vergès veut absolument faire une reconstitution
13:24et vous vous y opposez.
13:26C'est la première fois qu'à la télévision
13:28vous vous défendez avec une force incroyable, Gilles Bertil.
13:30– C'est-à-dire que maître Vergès,
13:34à un moment j'ai appelé maître Verges,
13:36il s'appliquait à m'appeler monsieur Thiel malgré mes rectifications.
13:42Et le jour où je l'ai appelé maître Verges,
13:44il m'a appelé du jour au lendemain comme vous tout à l'heure, monsieur Thiel.
13:48Donc il avait voulu démontrer l'impossibilité du crime
13:54en découpant avec une disqueuse à béton 6 600 tours minutes
14:00les pattes d'un galinassé mort à l'étouffée.
14:04Vous voyez la justice spectacle, malheureusement des fois ça existe,
14:08mais la défense spectacle l'a largement précédée.
14:12Donc tout ça a été d'un ridicule confirmé.
14:14J'ai fait apposer les scellés sur les lieux présumés du crime
14:18que je venais de lever il y a quelques temps auparavant,
14:20puisque l'affaire date de juin 1985
14:24avec une inculpation de Simone Weber et de sa soeur Madeleine
14:28au mois de novembre de cette année-là.
14:30Donc il a déposé plainte contre moi pour attentat aux libertés,
14:36il a déposé une requête en suspicion légitime,
14:40des choses pour lesquelles j'ai été habitué par la suite,
14:43mais qui n'ont jamais prospéré.
14:45Donc effectivement on m'a vu à la télévision en ces circonstances,
14:50parce que tout cela avait été supérieurement organisé par les avocats
14:54pour faire venir à les stations de radio et de télé périphériques,
14:58et je ne serais pas complet si je ne citais pas
15:02France 3, Lorraine et RTL, télévision.
15:06Il se trouve aussi qu'on remarque le sérieux de votre rigueur
15:10et on se dit avec ce juge-là, on ne doit pas rigoler tous les jours.
15:13Ce n'était pas exactement l'idée que je m'étais faite de la fonction de faire rire.
15:19Malheureusement d'autres s'en sont chargés.
15:22Alors il se trouve que cette affaire, vous en parlez dans ce livre « Femmes criminelles »,
15:25cette affaire de Simone Weber qui a tué son amant,
15:28c'est un des sujets des « Femmes criminelles »,
15:30ça a commencé dans votre bureau,
15:32à un moment où on est venu vous déranger en plein Tour de France.
15:35Oui, oui, tout à fait, parce que j'avais pris l'habitude,
15:38je travaillais quand même énormément,
15:40je travaillais, je ne sais pas, 12-13 heures par jour.
15:44Donc pendant la période d'estival et pendant la période du Tour,
15:47j'amenais ma petite télévision portative,
15:49je n'en avais qu'une d'ailleurs,
15:51pour regarder l'arrivée de l'étape du Tour de France.
15:55Et le jour était ouvert, ça devait être le 8 juillet 1985,
16:03le Tour de France est parti depuis quelques jours déjà de Bretagne,
16:07et Bernard Hinault, le blaireau,
16:09essaye de conquérir son cinquième Tour de France,
16:14ce qui le mettrait à égalité avec Jacques Antil et Edi Merckx notamment.
16:23Et le peloton est dans la montée du col...
16:33C'est entre Morsi et Lavoriaz.
16:35Du Pas-de-Morgin, et le blaireau s'est échappé avec Lucho Herrera,
16:42un des premiers coureurs colombiens qui venait sur le Tour,
16:46et donc voilà, là ça se passe, c'est un moment extrêmement tendu,
16:52on frappe à ma porte et il y a deux flics de la Sûreté urbaine
16:55qui disent M. le juge, on vous dérange,
16:57donc je leur dis, ils voient bien qu'ils me dérangent,
17:01et je leur dis quand même, est-ce que c'est urgent ?
17:05Ils me disent non non, on repassera tout à l'heure,
17:07et bien j'ai dit repassez tout à l'heure,
17:09et quelques temps plus tard, ils sont revenus m'expliquer
17:15qu'ils avaient été saisis d'une recherche depuis le 1er juillet,
17:19depuis une semaine avant,
17:20d'une recherche dans l'intérêt des familles,
17:22donc une procédure administrative suite à la disparition du nommé Bernard Etier,
17:26âgé à l'époque de 55 ans,
17:28et qu'ils allaient demander l'ouverture d'une information judiciaire.
17:32Alors vous savez, tout n'est pas toujours d'une netteté absolue dans le domaine judiciaire,
17:37c'est le président du tribunal qui désigne le juge d'instruction en charge,
17:41mais en réalité le parquet a une influence grandissante,
17:44et comme les flics m'aimaient bien, et aimaient bien travailler avec moi en tout cas,
17:49eh bien ils étaient venus me voir,
17:51donc l'ouverture de l'information judiciaire s'est faite dans ces circonstances-là.
17:57Et quelques années plus tard, mais je ne sais pas si vous l'avez déjà prévu,
18:00j'ai gagné un concours organisé par le républicain Lorrain
18:05sur la carrière de Bernard Hinault,
18:07et c'est Bernard Hinault en personne, himself,
18:10qui est venu me remettre un vélo-look
18:12qui m'a permis de faire la première page du républicain Lorrain,
18:18alors que j'étais à l'époque substitut général au parquet de Metz,
18:22et j'ai vu que ma hiérarchie judiciaire appréciait médiocrement
18:27mes exploits sportifs à la première page du journal.
18:30Mais ça ne fait rien, j'ai eu le vélo,
18:32et c'est maintenant un de mes petits fils qui l'a.
18:34– Et d'ailleurs, pour les enfants,
18:36Bernard Hinault a fait trois volumes en bande dessinée de sa carrière
18:39pour inciter les jeunes à aimer le cyclisme,
18:41avec l'espoir qu'un Français gagne un jour le Tour de France.
18:44– Oui, oui, puisque c'est le dernier vainqueur,
18:47et on ne voit toujours pas à l'horizon
18:51qui pourrait, compte tenu de la conquérance féroce
18:54entre les Vingegaarde et les Pogacar,
18:58qui pourrait interrompre cette funeste série,
19:02parce que j'ai connu bien sûr l'époque du cyclisme non mondialisé,
19:06où les Français gagnaient au moins trois Tours de France sur cinq,
19:11c'est fini cette époque-là.
19:13– C'est fini. Dans ce livre, justement, « Femmes criminelles »,
19:17vous évoquez l'affaire Simone Weber en lui donnant un sous-titre
19:21qui correspond à une chanson.
19:23« N'avoue jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... »
19:29Chanson de Guy Mardel, qui a fait l'Eurovision en 65,
19:32il a fini troisième, la première était France Gall
19:35avec Poupée de cire, Poupée de son, et aujourd'hui...
19:37– Je préférais France Gall à Guy Mardel,
19:40surtout que Guy Mardel avait été avocat auparavant.
19:43– Il est rabbin aujourd'hui. – Il est rabbin.
19:46– En Israël, il s'appelle Mordeshaï El Koubi.
19:48– Ah ben ça, je l'ignorais complètement.
19:51Mais je me demande si ce n'est pas une chanson de 1964.
19:55– 1964-65, c'est exactement ça.
19:57Et Françoise Dorin l'a écrite, c'était une de ses premières chansons.
20:00Alors il se trouve aussi que « N'avoue jamais », ça correspond à votre métier
20:03parce que vous avez toujours été confronté à des situations
20:06où il ne fallait pas faire avouer,
20:08mais mettre la personne en face de vous en confiance, Gilles Bertil.
20:11– C'est un peu le jeu du chat et de la souris.
20:15Il y en a un qui a passé le concours de chat, c'était moi,
20:18et puis l'autre c'était la souris, pas du tout au sens sexué du terme.
20:24Quand vous avez quelqu'un, vous êtes là pour l'interroger,
20:29donc la relation, quelle que soit sa durée,
20:32est toujours une relation faussée entre un interrogateur
20:37qui cherche à savoir la vérité et l'interrogé,
20:41qui elle la sait mais ne veut pas forcément la révéler.
20:45Donc ce n'est pas le monde des bisounours, c'est une épreuve,
20:51c'est une espèce de psychodrame qui se noue
20:55entre celui qui interroge et celui ou celle qui est interrogée.
20:59– Et vous êtes devenu juge d'instruction
21:01après avoir passé le concours de l'école d'administrature,
21:03c'était une idée, une vocation finalement ?
21:05– Non, c'était un hasard puisque, je crois l'avoir dit,
21:10j'ai été inspecteur des impôts.
21:13Après ma sortie de l'école nationale des impôts à Clermont-Ferrand,
21:18j'ai été inspecteur des impôts à Argenteuil,
21:20et puis je me suis dit que je ne ferais peut-être pas ça toute ma vie.
21:24Donc j'ai passé ensuite le pré-concours
21:30de l'école nationale d'administration, de l'ENA, je l'ai eu.
21:34Donc pendant une année j'ai été payé, une nouvelle fois,
21:37c'était ça les 30 glorieuses,
21:39j'ai été payé pendant une année pour préparer le concours
21:45de l'école nationale d'administration.
21:47Je croyais encore à l'époque que j'étais intelligent,
21:49mais heureusement je ne l'étais pas, donc j'ai raté ce concours.
21:52Et comme on passe toujours un second concours,
21:56puisque j'étais fonctionnaire détaché quand même,
22:00le deuxième concours, il y a un soir un magistrat
22:05qui est venu au centre de formation professionnelle
22:07qui est venu dire « devenez magistrat, c'est intéressant,
22:14on est bien payé, on est indépendant ».
22:16Seule l'école l'a cru, et j'étais tête de gondole,
22:19donc j'ai passé comme deuxième concours
22:22le concours de l'école nationale de la magistrature,
22:25et donc j'ai eu celui-ci.
22:28Et comme j'avais fait du droit civil à la faculté de droit,
22:31du droit financier à l'école des impôts,
22:35du droit administratif pour préparer l'ENA,
22:38je me suis dit maintenant je vais faire du droit pénal.
22:40Donc vous voyez que tout ça est assez loin de la vocation,
22:43mais si on parle de vocation, j'ai éprouvé une véritable terreur
22:48en 1976, le 1er février 1976,
22:52quand je suis arrivé à l'école nationale de la magistrature à Bordeaux,
22:56où j'ai entendu mes camarades,
23:00ceux qui allaient devenir mes camarades de profession,
23:03me parler de Kierkegaard, de Kant,
23:06enfin des types dont je ne savais même pas en quelle année
23:09ils avaient gagné le Tour de France,
23:11et qui m'ont avoué que dès l'âge de 12 ans,
23:14ils avaient la vocation de devenir magistrats.
23:17Alors quand on agit par mimétisme familial,
23:19parce que le père, le grand-père est magistrat,
23:21oui je veux bien, mais non, cela ce n'était pas le cas.
23:24Donc quand on a à 12 ans la vocation de juger les autres,
23:28pour moi c'est très inquiétant,
23:30parce qu'au moins à cet âge-là, je voulais conduire le camion
23:33de police, de pompier, ou même la poubelle municipale,
23:37de façon à avoir sous mes yeux les attributs de ma fonction.
23:42– Mais vous avez beaucoup d'autres choses,
23:44et il y a une autre date importante dans votre vie,
23:47c'est le 3 septembre 2012.
23:49A tout de suite sur Sud Radio avec Gilles Bertil.
23:52– Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
23:55– Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Gilles Bertil,
23:59juge, ou ancien juge, qui publie
24:01« Femmes criminelles » chez Marie-Édition.
24:03On a commencé à en parler avec l'affaire Simone Weber,
24:06mais il y a beaucoup d'autres choses qu'on va évoquer.
24:08Mais je reviens au 3 septembre 2012 avec cette série.
24:16Premier épisode de la saison 4 d'engrenage,
24:19il y a le cadavre d'un étudiant qui a été déchiqueté par une bombe artisanale,
24:24et vous devenez conseiller dans cette série mythique d'engrenage,
24:28qui est, je crois, la série française la plus vendue au monde dans 70 pays.
24:33– Oui, j'ai été sollicité par la scénariste en chef de l'époque, Anne Landoy,
24:39qui m'a téléphoné un jour en me disant
24:44« Je suis la scénariste de la série Engrenage ».
24:47Je lui ai dit « Mais Engrenage, qu'est-ce que c'est que ça ? »
24:49Elle me dit « C'est une série télévisée, vous ne connaissez pas ? »
24:52Je lui ai dit « Non, elle ne dit ça pas sur Canal+.
24:55Je lui ai dit « Si vous croyez que mes émoluments de premier juge d'instruction à Paris
24:58me permettent de m'abonner à une chaîne APH, vous vous trompez ».
25:01Et donc on a sympathisé, on a déjeuné une fois ensemble
25:05et elle voulait avoir quelques renseignements
25:09sur le sort qui allait être réservé à Philippe Duclos, le juge robant,
25:15et savoir comment ça se passait.
25:16Alors comme je passais pour avoir eu dans ma carrière ou ce qui en tient lieu
25:20quelques relations difficiles et parfois électriques avec ma hiérarchie,
25:25je lui ai expliqué tout ça.
25:27Et après, la production a insisté pour que je reste jusqu'au bout de la série.
25:35Et comme j'avais très envie, bien qu'étant un très médiocre acteur,
25:40de faire passer des messages subliminaux à ma hiérarchie,
25:44eh bien j'ai demandé à un petit rôle d'un premier vice-président
25:49qui passait son temps à empoisonner l'avis de ses juges d'instruction.
25:54Comme j'avais eu quelques modèles sous les yeux, ça ne m'a pas été trop difficile.
25:59Et un jour aux grosses têtes, Philippe Bouvard m'a dit
26:01« Mais monsieur le juge, est-ce que vous avez demandé à votre hiérarchie
26:07l'autorisation de faire ces tournages ? »
26:11puisque j'étais encore pour deux ans en fonction.
26:14Et je lui ai dit « Monsieur Bouvard, je vais quand même vous apprendre quelque chose.
26:18Il ne faut jamais demander les autorisations que vous êtes sûr de ne pas avoir. »
26:23Et puis comme c'était une activité littéraire et artistique
26:27pour reprendre la formule juridique consacrée,
26:30qui était un bien grand mot pour ma propre production,
26:33je n'avais pas de demande à formuler.
26:35Donc j'ai pu envoyer quelques messages subliminaux
26:38pour que ma hiérarchie qui regardait cette série
26:42se fasse une idée la plus exacte possible de ce que je pensais d'elle.
26:47– Mais en même temps, il y a une autre chose dans cette série
26:49que vous avez apportée, c'est qu'on a compris la logique du juge.
26:52Car tout au long de votre carrière, Gilles Bertil,
26:54la logique a guidé vos pas et votre travail.
26:58– C'est Pierre Mendes France qui disait « La vérité est de guider leurs pas ».
27:03Mais quand il a écrit sur ses glorieux prédécesseurs de la gauche française,
27:09la vérité, c'est un objectif.
27:14On part en quête de la vérité lorsqu'on est juge d'instruction.
27:19Mais c'est un concept qui peut être aussi un peu presque totalitaire.
27:25La vérité, ma vérité.
27:28Alors oui, la logique, c'était pas mal.
27:32La logique judiciaire, la logique juridique.
27:35– Il se trouve aussi que, je ne sais pas si vous le savez,
27:37mais la première émission avec des juges, c'était en votre âme et conscience,
27:41c'était au début de la télé, c'était Pierre Degrope et Pierre Dumayet.
27:45Il y avait un procès et les juges étaient le public
27:50qui ensuite votait pour ou contre l'avocat.
27:53C'était quelque chose.
27:54– J'ai vu des anciennes émissions dont un certain nombre ont été conservées par l'INA.
27:59– Exactement.
28:00Alors votre carrière a quand même été marquée par des affaires entrées dans l'histoire,
28:03que ce soit l'affaire Guy Georges, que ce soit d'autres, c'est vraiment…
28:06– Guy Georges c'est le tueur en série de l'Est parisien,
28:09je le précise juste pour les auditeurs,
28:11qui a sébi au milieu des années 90 et qui a tué cette jeune femme.
28:15– Et qui a été arrêtée, je crois, à Pigalle devant un monoprix.
28:18– Le 24 mars 1998, alors qu'il avait été détenu pendant l'été 1995
28:27et que nous aurions dû l'identifier et qu'on l'aurait identifié à coup sûr
28:33comme étant l'auteur des crimes perpétrés à compter de l'année 1994.
28:41Oui, 1994, si on avait pu disposer d'un fichier automatisé des empreintes génétiques.
28:52Mais là encore, à l'Assemblée nationale, on se collait des orions au nom des grands principes
28:59et on ne mettait pas en place les outils qui sont nécessaires à la justice pénale
29:05pour essayer d'identifier et de mettre hors d'état de nuire les tueurs,
29:11les assassins, les criminels, les délinquants,
29:14étant précisé qu'un tueur en série ne s'arrête jamais spontanément de lui-même.
29:19Donc c'est une course contre la montre, une course contre la mort,
29:25parce que tant que vous n'avez pas mis l'individu hors d'état de nuire,
29:29eh bien il va recommencer.
29:31Et là, on était très exactement 10 ans après l'affaire de Thierry Paulin
29:36qui a tué 19 grands-mères.
29:38Et si à l'époque on avait disposé d'un fichier automatisé des empreintes digitales,
29:43cette fois-ci, eh bien dès la troisième ou quatrième grand-mère,
29:46il aurait été identifié et mis hors d'état de nuire.
29:49Ça veut dire que la justice met souvent, hélas, un temps.
29:54Et le politique, parce que le juge applique la loi,
29:58il a les outils qui sont mis à sa disposition par le législateur,
30:03eh bien souvent dans le domaine judiciaire, on a 10 ans de retard.
30:08Et ce retard, ce n'est pas un simple retard qui fait qu'on va y…
30:12on va résoudre une procédure après quelques années
30:15de souffrance supplémentaire pour les victimes.
30:17Non, là, quasiment, on va avoir des morts supplémentaires.
30:21Donc une quinzaine pour Thierry Paulin,
30:23et Magali Siroti assassinée en septembre 1997,
30:33et Estelle… 19 ans, elle allait se marier,
30:36et Estelle Magde, 26 ans, la dernière victime de Guy Georges,
30:42assassinée en novembre 1997,
30:45eh bien ces deux victimes-là devraient être toujours vivantes
30:49et leur famille n'aurait pas été dévastée.
30:51Pourtant, on préférait faire les grands débats, vous savez,
30:54le fichier, le fichier des Juifs, de Vichy, etc.,
30:57la Ligue des droits de l'homme qui était d'une hostilité bornée
31:02pour la création de ce fichier, qu'on en a fait de toute façon,
31:07il a fallu attendre la loi de Mme Guigou,
31:10trois mois après l'arrestation de Guy Georges,
31:13donc c'est une loi de juin 1998,
31:16pour faire un fichier automatisé des empreintes génétiques,
31:23mais qui ne conservait que les crimes connotés sexuellement,
31:27c'est-à-dire vous commettez un crime de sang connoté sexuellement,
31:32vous pouviez utiliser le fichier pour l'alimenter
31:36avec les éléments de preuve et puis pour faire les comparaisons,
31:40mais par contre, si vous contentiez,
31:43tous les guillemets du monde, de tuer,
31:46mais sans connotation sexuelle,
31:49eh bien vous n'aviez pas accès à ce fichier.
31:52Et puis il a fallu attendre 2001, les élections de 2002 approchées,
31:58pour qu'enfin le législateur revienne à la raison,
32:02parce que le premier fichier était complètement inutilisable,
32:06de fait, il a fallu attendre la fin de l'année 2001,
32:10pour que le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, poussant à la roue,
32:14ont créé cette fois-ci un fichier des empreintes,
32:17un champ d'application du fichier, du domaine du fichier,
32:21qui permettent de l'utiliser pour les crimes de sang et pour le terrorisme,
32:25ce qui jusque-là était…
32:30– N'existait pas.
32:32– Ce qui jusque-là était exclu,
32:35et donc après, il faudra attendre,
32:38pourtant je n'ai jamais fait preuve d'un sarcosisme flamboyant,
32:42qui explique la prestigieuse carrière que j'ai eue,
32:46mais il faut reconnaître à Nicolas Sarkozy,
32:50lorsqu'il était ministre de l'Intérieur,
32:53d'avoir encore fait progresser le champ d'application de ce fichier
32:58et de la loi qui le prévoyait, et qui, exceptionnellement,
33:02parce que ça n'arrive pas très souvent en France,
33:05s'est donné les moyens, et a donné à la police judiciaire
33:08et à la justice les moyens d'alimenter ce fichier
33:11en allant prélever les détenus dans les prisons,
33:14en allant rechercher les pièces à conviction des anciennes procédures,
33:18donc ça veut dire que ce fichier a commencé à véritablement fonctionner
33:262002-2007, il a dû commencer à fonctionner véritablement en 2008.
33:341995-2008, vous faites le calcul du nombre d'années qui se sont écoulées.
33:43Il était arrivé 10 ans auparavant la même chose
33:47avec le fichier des empreintes digitales.
33:51– Alors en observant votre biographie, je me suis aperçu qu'il y a quelqu'un
33:54que vous n'avez pas pu arrêter, mais que vous auriez aimé, je pense, l'arrêter,
33:58c'est celui-ci.
33:59– Au village sans prétention, j'ai mauvaise réputation,
34:03je me démène ou que je reste quoi ?
34:06– Georges Brassens qui dans sa jeunesse a été accusé d'avoir volé
34:10chez un copain de sa tante quelques bijoux et qu'il a dû venir à Paris,
34:13d'ailleurs ça lui est bien servi, mais ça, il fait aussi partie de vos idoles.
34:16– Ah oui, c'est une poésie rare, d'une humanité rare,
34:22j'étais le voir chanter à Clermont-Ferrand,
34:25on voyait dans son œil toute la bonté humaine.
34:29Et à propos de ces petits erments de jeunesse,
34:33tous ceux qui prônent une répression absolue dès le premier fait
34:40feraient bien d'y réfléchir un petit peu.
34:43Et puis surtout, il a fait une très belle chanson sur son père
34:48qui vient le chercher au commissariat avec les pères de ses deux autres copains
34:54qui avaient été arrêtés avec lui, et donc il a vu comment les pères
35:00de ses copains s'étaient comportés devant l'institution policière
35:04et il a bénéficié ce jour-là de l'immense mensouétude,
35:10de l'immense bienveillance de son père qui l'a marqué à vie.
35:14Parce qu'un père doit pardonner à ses enfants,
35:17quitte à les remettre dans le droit chemin.
35:19Vous avez bien raison.
35:20Alors, il se trouve que maintenant on va évoquer une date importante dans votre vie aussi,
35:24la sortie de ce livre, le 29 août 2024.
35:26A tout de suite sur Sud Radio avec Gilles Bertil.
35:29Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:32Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Gilles Bertil,
35:36juge à la retraite mais écrivain aujourd'hui,
35:39et vous publiez « Femmes criminelles » chez Marie-Edition,
35:43qui est un livre de plus de 400 pages,
35:45et vous racontez le parcours de tueuses en série
35:48qui ont marqué l'histoire de la justice.
35:49Pourquoi avoir fait ce livre aujourd'hui ?
35:51De tueuses en série mais de tueuses individuelles aussi.
35:55Mon précédent ouvrage était consacré aux tueurs en série français.
36:00En 1956, il n'y avait que des hommes, parce que c'était mon choix d'écriture,
36:06avec une seule femme puisque j'évoquais notamment le cas de Monique Olivier,
36:12la femme de Michel Fourneré, dont les responsabilités et le comportement
36:18sont indissociables de celui de son ex-mari, désormais décédé.
36:24Et donc, comme je suis un garçon craintif, vous avez dit le remarquer,
36:29j'ai tellement eu peur qu'on m'accuse de manquer gravement aux règles de la parité
36:34que je me suis dit qu'il serait parfaitement juste
36:36de consacrer un ouvrage uniquement aux femmes qui ont cédé au délice du crime,
36:43avec les empoisonneuses de la marquise de Brunvilliers,
36:46de l'affaire des poisons du temps des splendeurs Versailles,
36:53ce qui annonçait d'ailleurs, avec cette criminalité en pente pas très douce
37:03qui montait vers les sommets, une forme de décadence déjà de l'ancien régime,
37:09et on ferait peut-être bien d'y penser aujourd'hui dans d'autres circonstances,
37:15et puis des tas d'autres femmes, alors des criminels en série,
37:19comme Hélène Géliadeau, qui était une bonne de curé,
37:23qui a dû empoisonner entre 60 et 80 personnes,
37:27c'était l'époque où les empoisonnements à l'arsenic
37:30représentaient pour leurs victimes les mêmes symptômes que les malades du choléra.
37:37Donc il y avait un chiffre noir pendant tout le XIXe siècle.
37:41– Cette femme a donné l'idée à Jean Genet d'écrire sa première pièce qui était « Les Bonnes ».
37:44– Oui, oui, oui.
37:45– Et il y a eu Chabrol ensuite qui a fait des films autour,
37:47ça a donné plein, parce que ces tueuses en série donnent toujours plein d'idées.
37:51– Et puis Chabrol a écrit aussi sur les sœurs Papin,
37:53vous savez ces deux sœurs-là qui avaient inutilé leur patronne,
37:57la fille de leur patronne à main nue.
38:00Je pense d'ailleurs que c'est probablement une des affaires
38:03qui ne serait plus jugée aujourd'hui,
38:05car il y a quand même eu quelques progrès ici ou là,
38:07notamment dans le domaine de la psychiatrie médico-légale,
38:10qui auraient fait que Léa Papin et Christine Papin,
38:17en tout cas pour l'aîné, n'auraient pas été jugées.
38:21Et puis il y en a eu des tas d'autres,
38:24il y a eu des femmes qui ont été motivées par la cupidité
38:30à travers les systèmes d'assurance-vie, etc.
38:33Vous avez des empoisonneuses, vous avez des éborgneuses,
38:38je viens de les évoquer, vous avez des déchuteuses,
38:42vous savez celles qui découpent leur ancien chéri en tout petits morceaux
38:47pour aller les jeter aux quatre coins de la campagne,
38:53avec l'une d'entre elles qui a découpé son ex en 87 morceaux
39:02et les a jetés depuis le viaduct de Savigny-sur-Orge
39:05sur les chemins de fer.
39:07On est en 1949, et bien la police sans ordinateur, sans rien,
39:12va établir que tous les trains qui sont arrivés à La Rochelle,
39:16à Bordeaux, à Rennes, etc.,
39:18avec des morceaux de chair humaine sur les wagons,
39:21étaient passés sous le viaduct de Savigny-sur-Orge.
39:27Amélie Rabilloux, elle s'appelait, sera arrêtée et sera condamnée.
39:33Donc il y a aussi à travers l'imagination meurtrière et criminelle
39:38de certaines de ces dames, la mise en valeur d'un travail policier
39:42qui par moments est absolument extraordinaire.
39:45Oui, mais il y a aussi un travail extraordinaire de votre part
39:47car toutes ces tueuses, vous racontez en détail le travail,
39:53la vie de chacune de ces tueuses jusqu'au bout,
39:57avec une précision diabolique, la précision d'un romancier,
39:59d'un romancier du vécu, j'ai l'impression.
40:01J'ai l'impression que j'étais à côté d'elle.
40:02Je dément complètement cette allégation.
40:05Non mais c'est vrai que vous avez fait un travail de recherche exceptionnel.
40:08Oui, j'essaye d'être précis parce que ça a été une de mes formations
40:14une des exigences de la formation qui m'a été donnée
40:19parce qu'on n'est pas là pour écrire des romans.
40:22Lorsqu'on est juge, on est là pour être précis.
40:24Alors après même quand on quitte la fonction
40:28et que l'on relate des affaires du passé,
40:31on essaye d'être le plus exact et le plus complet possible.
40:35Ce qui fait que ça arrive à 475 pages
40:40ce que vous sembliez me reprocher au début de l'émission.
40:43Non, non, au contraire, c'est un pavé heureux
40:46et un pavé saignant, si j'ose dire,
40:48vu le nombre de femmes qu'il y a et d'assassins là-dedans.
40:51Mais il faut faire des recherches pour ça,
40:53pour retrouver tous ces détails.
40:54Comment vous avez choisi ces femmes, Gilles Bertil ?
40:56Eh bien, d'abord, il y a un certain nombre de cas que j'ai traités moi-même.
41:02Vous avez cité Simone Weber.
41:04Il y en a une autre affaire, une de celles qui m'a le plus marquée
41:09dans ma carrière professionnelle.
41:11Il s'agit de l'affaire de Laurence Bailly
41:13qui a fait brûler ses deux enfants dans leur chambre
41:16en répandant de l'essence.
41:18Je me souviens lorsque je l'ai conduite sur la scène de crime,
41:23un peu comme un cheval refuserait l'obstacle,
41:26elle ne voulait plus rentrer.
41:28J'ai carrément dû la pousser devant ses avocats
41:31pour qu'elles me montrent l'endroit exact
41:33où elle avait jeté l'essence.
41:35Moi, je savais que par l'expertise en incendie
41:41qui avait été réalisée sur les plaques qui avaient brûlé,
41:44si elle allait me dire la vérité ou non.
41:46Et ce fut également la vérité.
41:49Mais quand vous êtes dans ces situations-là,
41:51vous n'apprenez pas ça dans les écoles,
41:53c'est tellement violent psychologiquement comme scène,
41:59et pour l'auteur, mais pour tous ceux qui sont là autour.
42:03Donc pour ces affaires-là,
42:05j'avais conservé quelques documents d'archives
42:09où j'ai complété par une visite
42:11aux archives départementales de Berthe Mosel
42:14pour aller relire mes anciens dossiers
42:16après en avoir obtenu l'autorisation du procureur général.
42:20Et puis je fais des recherches également
42:24par les moyens informatiques,
42:26même si je ne suis pas très habile par ces moyens-là.
42:29Et puis je regarde ce qui s'est écrit sur les affaires,
42:32j'achète un certain nombre de livres
42:35pour voir ce qui en a été dit.
42:37Et puis surtout, je me reporte,
42:40une fois que j'ai les dates, à la presse de l'époque
42:43pour voir ce qui a été dit sur les faits
42:45et ce qui a été dit sur les audiences
42:51de jugement de ces affaires.
42:54Et puis vraiment, quand je suis dans la difficulté
42:57et que j'ai du mal à me procurer des pièces de procédure,
43:01je m'adresse à la plus grande archiviste du monde,
43:04de France en tout cas, de la presse judiciaire,
43:08c'est Patricia Touranchot,
43:09qui par un mystère que je ne m'explique pas complètement,
43:13dispose des ordonnances de mise en accusation,
43:16c'est-à-dire des ordonnances de clôture de l'instruction
43:20par un juge d'instruction
43:22avant de renvoyer dans la cour d'assises.
43:24Donc, comme c'est une amie,
43:26elle me les prête et je les lui rends.
43:28– C'est très bien, vous faites votre travail, monsieur le juge.
43:30Il se trouve aussi qu'il vous évoquait la violence conjugale,
43:33mais aussi la violence conjugale des femmes,
43:36parce qu'en général, on parle de celle des hommes,
43:38pas toujours de celle des femmes.
43:40– On parle à juste titre de celle des hommes,
43:42car malheureusement, les hommes sont encore assez largement
43:45en tête sur le podium de la violence
43:48et de la criminalité intraconjuguelle,
43:51mais simplement un chiffre pour vous dire
43:55à quel point les organisations féministes radicales,
44:01je parle de celles qui sont radicales,
44:03les autres, effectivement, elles ont bien fait de se battre
44:07et de lancer leur combat pour les femmes,
44:09mais pour les radicales, celles qui prétendent
44:11que la violence est genrée
44:13et que les hommes sont de perpétuels agresseurs
44:16et que les femmes sont des éternelles victimes,
44:19je vais vous citer les chiffres qui viennent directement
44:24de l'Observatoire national de la délinquance
44:28et des réponses pénales,
44:30ça concerne deux années, 2012 et 2013,
44:33qui ont été analysées globalement,
44:36et cet observatoire a recensé 398 000 femmes
44:44victimes de violences intraconjugales,
44:46qui ne sont pas toutes traduites bien évidemment par la mort,
44:49mais par des violences à l'intérieur du couple,
44:51mais il y avait 149 000 hommes battus,
44:54149 000 hommes battus par leurs femmes à l'intérieur du couple,
45:02alors ces chiffres ne sont pas représentatifs
45:04de l'ampleur de la violence,
45:05puisque seuls 10% des femmes victimes de violences intraconjugales
45:12vont déposer plainte,
45:14alors pour les hommes ça tombe à 3%,
45:16parce que le type qui va déposer plainte,
45:19alors déjà pour les femmes,
45:20on a eu la problématique de le manque de formation
45:24des enquêteurs pour recueillir leurs plaintes
45:26avec la délicatesse nécessaire,
45:30mais pour les bonhommes,
45:33le premier que j'ai vu rentrer, ça devait être en 1979,
45:36toujours après Jésus-Christ, dans mon cabinet,
45:39je ne le savais même pas,
45:40je n'imaginais pas que des hommes,
45:42mais ça devait être ma vieille formation machiste des années 50,
45:46puissent être battus, il y en a eu,
45:49et d'ailleurs il y a eu une association qui a été créée,
45:53SOS Hommes Battus, en 2009,
45:56elle a mis la clé sous la porte,
45:58parce qu'il n'y avait plus personne qui allait,
46:00parce que ça déclenchait l'hilarité générale
46:03dans les commissariats et dans la gendarmerie,
46:05et vous connaissez les chansons,
46:07quand un gendarmerie dans la gendarmerie,
46:09tous les gendarmeries dans la gendarmerie.
46:11Et moi je me souviens de Jacques Vesside,
46:13rédacteur en geste de l'Albana-Vermo,
46:15dans les années 70-80,
46:16il avait fondé une première association,
46:18car il avait été battu par sa femme,
46:19et il habitait dans un studio tout seul au-dessus de chez Michou,
46:22et il a défendu cette association sans pouvoir avancer non plus.
46:25Et le docteur Zaguri,
46:27dans un ouvrage qui était intitulé
46:31La barbarie des hommes ordinaires,
46:33a dit que, franchement,
46:35la définition même du concept de féminicide
46:39écrasait tous les autres motifs de passage à l'acte,
46:45donc c'était quelque chose qui était assez notif,
46:49et puis surtout les organisations féministes radicales
46:52contestent, enfin passent sous silence,
46:56mettent la poussière sous le tapis,
46:58parce que les violences au sein des couples homosexuels
47:04de femmes, et d'hommes d'ailleurs,
47:07sont particulièrement rudes,
47:10et il y a une journaliste de Libération
47:13qui s'appelait Ondine Mio,
47:15qui a relaté en 2013 dans un roman
47:18l'histoire de deux femmes
47:20qui s'étaient massacrées à l'intérieur de leur couple.
47:24En tout cas, vous connaissez ces histoires par cœur,
47:26elles sont dans ce livre Femmes criminelles,
47:29qui a plus de 495 pages,
47:31je m'en félicite parce qu'au moins,
47:32on a de la lecture pour les longues soirées d'hiver,
47:35et surtout vous avez un avenir de romancier...
47:37– C'est pour le feu dans la cheminée.
47:38– Oui, exactement.
47:39Et vous avez un avenir de romancier extraordinaire,
47:41et vous allez faire d'autres livres, Gilles Bertil.
47:43– Il y en a d'autres qui sont sous presse maintenant,
47:46les clés sont entre les mains de M. Louis de Mareuil.
47:49– Eh bien écoutez, en tout cas,
47:51je recommande Femmes criminelles chez Maru Éditions,
47:53il vous fait une proposition,
47:55vous avez tellement de choses à raconter
47:57que vous revenez dans les clés d'une vie
47:59pour le prochain livre.
48:00– Je le jure, M. le Président.
48:02– Je l'accepte, je vous remercie, M. le Juge.
48:05Femmes criminelles chez Maru Éditions
48:07et les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
48:09On se retrouve bientôt,
48:10restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.
48:12– Merci à vous.