Jacques Pessis reçoit Christophe Dechavanne : il y a l’animateur mais aussi l’homme qui se raconte sans pudeur dans un livre aussi étonnant qu’émouvant : « Sans transition » (Flammarion).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-03-05##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:04 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:07 Après plusieurs décennies de télévision menée tambour battant,
00:10 vous avez choisi de prendre le temps de vous raconter dans un livre,
00:14 sans le moindre écran, l'occasion de faire rimer Confessions avec émotion.
00:18 Bonjour Christophe Dechavanne.
00:20 C'est gentil, comment allez-vous mon cher Jacques ?
00:21 Très bien, puisque d'abord je vous reçois et c'est toujours un privilège.
00:24 Mais c'est un plaisir partagé, figurez-vous, on se connaît depuis quoi ?
00:27 Trente, trente-cinq ?
00:28 À peu près, oui.
00:30 Vous n'avez pas bougé, vous n'avez pas bougé.
00:31 Vous êtes toujours aussi joli.
00:33 Quand on aime, on ne compte pas dans nos métiers.
00:36 Voilà, c'est ça.
00:37 Alors, vous publiez un livre qui s'appelle Sans Transition.
00:39 Alors, ce n'est pas moi qui le publie, c'est Flammarion, mais je l'ai écrit.
00:42 Vous l'avez écrit, oui, c'est une autobiographie.
00:44 Et donc, ça va être le fil conducteur de notre émission,
00:46 les clés d'une vie, à travers des dates clés, puisque c'est le principe de l'émission.
00:49 Alors, je suis nul en dates, je vous le dis tout de suite.
00:52 Autant au Maroc j'adore manger, autant les dates, mon cerveau fait que
00:57 je suis très mauvais en dates.
00:59 Je connais à peu près ma date de naissance, 1922,
01:02 et pour le reste, c'est un peu compliqué.
01:04 Bon, de toute façon, c'est pas grave.
01:05 Oui, c'est moi qui les connais, les dates, je les ai préparées, donc bien sûr.
01:08 Alors, je vous laisse le choix.
01:09 Alors, la première date que j'ai trouvée, c'est le 10 octobre 71,
01:12 liée à quelque chose qui est passé le dimanche soir à la télévision.
01:15 Bon, je suis gay.
01:20 Le Ciné-Club.
01:21 Ah non, je me prends d'autres, c'est beaucoup mieux, moi.
01:23 Et oui, le Ciné-Club de Jean-Philippe.
01:24 Ah, vous voyez, non seulement j'ai des problèmes avec des dates,
01:26 mais j'ai aussi des problèmes avec la musique.
01:28 On va découvrir ça.
01:29 Il va falloir que je me fasse, grosso modo, hospitalisé en sortant.
01:32 Surtout pas, vous restez le Cine-Club.
01:34 Ah, le Ciné-Club, bien sûr.
01:35 C'était "Amour et Printemps" qu'on faisait par Émile Valkulfeld,
01:38 qui était joueur à l'angle limonaire, et vous étiez infidèle de ce rendez-vous.
01:42 On peut l'entendre encore un petit peu, parce qu'on peut parler dessus, même,
01:45 parce que c'est tellement... ça parle à tout le monde.
01:47 Ah oui ?
01:48 J'étais infidèle, interdit, j'étais tout... j'étais petit garçon,
01:52 et moi, normalement, le couvre-feu, c'était à 21h.
01:56 Donc j'ai fabriqué une espèce d'antenne,
01:58 parce que mes parents avaient stocké dans ma chambre leur vieille télé Noir et Blanc,
02:02 et qui avait la taille d'une commode normande, normand-normande,
02:06 et j'avais fabriqué une antenne avec une fourchette que j'ai piquée à la cantine,
02:10 et ma foi, ma faible culture cinématographique
02:15 vient de tous ces vendredis et dimanches passés tard, en cachette,
02:18 à un mètre de l'écran, pour que le son soit le plus faible possible,
02:21 pour pouvoir me faire rigoler,
02:23 et à voir tous ces films merveilleux qui sont passés dans ces moments-là,
02:26 qui étaient des films Noir et Blanc, souvent, et des années 35-50.
02:30 Voilà, et Pierre Sabat qui a voulu mettre cette émission en place,
02:33 personne ne l'y croyait, il y a eu un million de fidèles,
02:35 c'est quand même incroyable, ça fait rêver aujourd'hui.
02:38 Il y avait notamment Humphrey Bogart aussi, Casablanca,
02:41 et Humphrey Bogart, je crois que votre mère avait une particularité.
02:44 Alors, ma mère était assez pote, et ma mère m'avait raconté
02:47 que Humphrey Bogart, je ne sais pas d'où elle le tient,
02:49 parce que je ne crois pas qu'elle l'ait rencontré,
02:51 avait une haleine de poney décédée.
02:54 Et que donc, la scène du baiser, par exemple, en Casablanca,
02:57 a dû être absolument un enfer pour sa partenaire.
03:01 Ce qui s'est passé, c'est qu'en fait, c'était pas Humphrey Bogart
03:04 et Lorraine Bacal qui devaient jouer au départ,
03:06 c'était Ronald Reagan qui avait été contacté,
03:08 qui n'a pas pu le faire, et Michel Morgan qui devait jouer le rôle,
03:11 mais elle était trop chère pour la production.
03:13 Bah écoutez, pour... je ne sais pas ce qu'on aurait fait pour Reagan,
03:17 mais pour Michel Morgan, elle a fait tellement d'autres choses magnifiques.
03:20 - Exactement. Alors tout ça se passe rue des Saules,
03:22 la rue des Saules qui est une rue fréquentée par des peintres
03:25 et des peintres à Montmartre pendant des décennies.
03:27 - Je suis né à Montmartre, enfin je suis né à Paris,
03:30 mais le retour de la maternité s'est fait rue des Saules,
03:34 j'y suis resté jusqu'à l'âge de 23 ou 24 ans.
03:36 - C'était une maison tranquille, pas loin d'un cabaret légendaire.
03:39 - Collé. - Collé.
03:40 - Ah oui, mais ça m'a valu des nuits courtes,
03:43 parce que l'été, Yves Mathieu, qui était le propriétaire de ce cabaret,
03:46 et qui avait une voix de centaure qui portait très loin,
03:49 et qui chantait "Si la garonne avait voulu l'enturlue",
03:52 moi je dormais fenêtre ouverte parce que ma chambre était sur les toits,
03:56 et bon, "Si la garonne avait voulu l'enturlue", je la connais.
04:00 - Et même dans ce cabaret, on débutait Claude Nougarau qui lisait des poèmes.
04:04 - Que j'ai connu aussi, puisque lui, il habitait dans la maison d'à côté
04:07 où avait vécu Annie Gérardot, et son mari a consommé des aliens
04:10 dont le nom m'échappe, le mari de Jacques.
04:14 - Oui, Jacques.
04:17 - Ah ben vous l'avez là. - Oui, exactement.
04:20 - Montrez-moi votre langue. Ah il est là, on va y aller.
04:23 - Alors, il se trouve aussi que la maison de Nougarau était une maison réputée pour les fantômes.
04:26 Il paraît qu'il y avait des fantômes à l'intérieur. - Alors je ne sais pas ce qu'il mettait Nougarau
04:29 dans le tas dans lequel il était, mais en tout cas quand il était assis sur le banc
04:32 en bas de cette petite portion piétonnière dans laquelle il y avait nos deux maisons,
04:36 le voisin Yves Mathieu, moi et le lapin Gilles, donc,
04:39 Nougarau était assis sur le banc le soir de printemps,
04:43 et quand je passais devant à vélo, j'entendais "Petit camp".
04:47 Voilà. - Et d'ailleurs il y a quelqu'un d'autre...
04:50 - Il était en forme. Mais peut-être qu'il écrivait à nouveau une nouvelle magnifique chanson poétique.
04:53 - Ça ne m'étonne pas de lui. Mais surtout il faut savoir qu'il y a aussi
04:56 quelqu'un qui a débuté au lapin Gilles et qui a été viré le premier soir, c'est Brassens.
05:00 - Ah, j'ignorais. - Ah, il a fait une audition catastrophique avant Patachou.
05:03 - Ah, j'ignorais, comme Simone. - Ouais, exactement.
05:06 - Non, pas exactement. Vous écoutez mes jeux de mots débiles.
05:09 - Vous l'avez entendu ? - Oui, Simone Signoret. Voilà, j'ai compris.
05:12 Alors, il se trouve Christophe aussi que Yves Mathieu, ça a dégénéré un peu en bagarre,
05:16 parce que vous faisiez du bruit aussi. - Bon, ça n'a pas dégénéré en bagarre,
05:19 parce que je pense que je serais décédé. Il faisait 1m95 de haut et autant de large.
05:24 - Il le fait toujours. - Oui, oui, tout à fait.
05:26 Mais moi j'avais 16 ans, donc j'étais vraiment un galet.
05:29 Et donc on faisait les couillons avec nos vélos ou une mobilette dans la rue,
05:33 et il s'est mis deux fois à la fenêtre parce qu'il était siesteux,
05:36 et arrêté de faire chier en gros. Et oui, oui, oui, puis on a continué, il est descendu.
05:43 Et comme j'ai répondu d'une manière un tout petit peu arrogante,
05:46 comme peut être un ado du genre "ouais, oh, ça va", il m'a mis un coup de boule.
05:52 Mais il l'a mis avec modération, parce que sinon je ne serais plus là pour en parler.
05:56 - Alors, dans ce livre "Sans transition", vous évoquez avec beaucoup d'émotion
05:59 Christophe de Chavannes, votre famille, votre père d'abord.
06:02 Votre père avec qui vous avez beaucoup joué et ri quand vous étiez enfant.
06:06 - Euh... Pas tant que ça.
06:09 - Il vous racontait des histoires de ça ?
06:11 - Ah oui, oui, pardon, alors oui, on n'a pas joué.
06:13 Mais le soir, oui, oui, le soir quand j'étais dans mon lit, oui, en effet,
06:16 il me racontait des histoires.
06:18 Je pense que de là vient, un, ma passion qui malheureusement est un petit peu frustrée en ce moment,
06:24 parce que depuis des années, à ma foi, il n'y a plus beaucoup d'histoires.
06:27 Pendant deux, trois décennies, on ne pouvait pas aller aux restaurants
06:29 sans que le maître d'hôtel vienne en disant "Dis donc, tu connais la dernière ?"
06:33 Et il me racontait beaucoup d'histoires de rôle.
06:36 Il était très drôle, très beau.
06:38 Et le soir, oui, il me racontait des histoires sur mon lit,
06:41 des histoires de la fin de la guerre, des histoires qu'il avait vécues.
06:44 C'était un type adorable, voilà, très gentil,
06:48 et qui est mort à l'âge de 54 ans.
06:51 J'ai cru plus jeune pendant des années, mais c'est dans mon bouquin,
06:55 on ne va pas s'expliquer maintenant, c'est très long.
06:57 Mais c'est très jeune quand même, 50 ans.
07:00 Il est mort d'alcool et de clopes.
07:02 Donc, "Mettons-nous des clopes et de l'alcool."
07:04 - Et puis, vous le racontez avec beaucoup d'émotion dans ce livre,
07:07 et c'est très touchant.
07:08 Alors, la femme de votre jeunesse, c'est votre grand-mère,
07:11 c'est votre confidente, elle a connu Josephine Baker ?
07:14 - Ah oui, et Rému.
07:16 Oui, elle était copine avec Josephine Baker, avec Rému,
07:19 et avec Simone Volterra, et je pense que c'est par Madame Volterra,
07:22 par Simone Volterra qu'elle a fréquenté un peu tout ce milieu.
07:25 - Simone Volterra, qui était la femme de Léon Volterra,
07:27 créateur du Quai de Paris, qui ne savait ni lire ni écrire au départ,
07:31 et qui signait ses contrats avec un X.
07:33 - Ah, je ne savais pas.
07:34 - Quand il a été ouvert à la banque.
07:35 - On apprend plein de choses ici.
07:36 Et je suis allé, moi, petit garçon, au château du Cap Camara,
07:39 où mon grand-mère passait ses vacances, avec Simone Volterra,
07:42 qui était un tout petit peu alcoolique,
07:44 enfin, alcoolo-dépendante, et qui cachait ses bouteilles,
07:47 et qui passait des nuits à chercher ses bouteilles,
07:50 qu'elle ne retrouvait pas.
07:51 - C'est une bonne chose quand même.
07:53 Alors, il y a eu aussi le permis de conduire de votre grand-mère,
07:57 qui est un des premiers permis de conduire féminin.
07:59 - Si, il n'est pas le premier.
08:00 - Nicolas Cédoux m'a raconté que sa grand-mère aussi avait eu un permis.
08:04 - Alors, comme Nicolas Cédoux est plus âgé que moi,
08:06 on va dire que c'est sa grand-mère qui remporte.
08:09 - Et je crois que votre grand-mère, votre père, lui a sauvé la vie un jour.
08:13 - Non, ne croyez pas, il lui a sauvé vraiment la vie.
08:16 Elle est allée faire une boulette, elle n'était pas très manuelle,
08:20 elle est allée faire évacuer le gaz d'une petite bonbonne qui fuyait.
08:26 Mon père était en train de lui construire une cuisine qui n'était pas encore terminée,
08:30 donc elle avait son petit réchaud, car elle logeait chez nous.
08:32 Donc mon père avait sa belle-mère, qui est une belle chose chez nous,
08:36 donc c'était quand même un brave homme.
08:40 Mais elle était patente, et elle a pris la bonbonne de gaz,
08:44 elle est allée pour la faire évacuer dans les toilettes en tirant la chasse.
08:47 Chacun sait, le gaz ne part pas dans l'eau, il monte,
08:51 et au bout d'un moment, comme si elle était dans la chaudière à côté,
08:53 elle s'est mise en marche, donc ça a été une explosion énorme.
08:55 Donc elle était dans les flammes, et mon père était en retard.
08:58 Ça, il y a des gens qui ont cette maladie, c'est insupportable !
09:02 Ces gens qui sont en retard, c'est insupportable !
09:05 Et ben tu vois, c'est génétique ou héréditaire.
09:10 Donc comme il était en retard au tennis, il était en short,
09:13 il n'avait plus de poids après, mais là il était en short,
09:15 et là, au milieu des flammes, je cherchais ma grand-mère
09:17 qui hurlait et qui allait mourir en gros.
09:19 - Et la différence, c'est que vous, vous avez toujours été en avance sur votre temps en télévision.
09:22 - Écoutez, je vous laisse, je l'essaye.
09:25 - Alors il se trouve aussi qu'il y a chez vous, à la campagne,
09:27 une plaque de rue, d'avenue, parce qu'à Marseille...
09:30 - Ça n'a pas à se faire, de rue.
09:32 - Parce qu'à Marseille, un de vos ancêtres...
09:34 - Ah non, non, non, mon oncle !
09:35 - Votre oncle, oui.
09:36 - Ah oui, carrément, mon oncle a été le dernier résistant tué
09:38 d'une balle dans la tête en cherchant des plans dans un bunker,
09:41 où ma mère, et sa propre mère, donc la mère de ma mère,
09:44 lui ont dit "non, non, on n'y va pas", il avait 23 ans,
09:46 il a pris son vélo, il était résistant,
09:48 et il est allé vers le bunker, il y avait un Allemand dans un buisson
09:50 qui lui avait mis une balle dans la tête,
09:52 et ça a été le dernier tué à Marseille,
09:55 mort pour la France, c'est ce qui a été écrit sur cette plaque de pierre,
09:58 et un jour j'ai appelé le maire Godin,
10:02 M. Godin de Marseille, pour dire quand même,
10:04 c'est mon oncle direct, c'est le frère de ma mère,
10:07 qui est le dernier tué pour Marseille,
10:09 on pourrait peut-être faire un petit truc,
10:11 je sais pas, une petite photo, un machin commémoratif,
10:14 je suis très très fier quand même d'avoir un oncle mort pour la France,
10:18 le dernier dans la France libérée,
10:21 et il en avait rien à foutre,
10:24 et puis je sais pas comment c'est arrivé,
10:26 en tout cas quelqu'un a eu vent de ça,
10:28 est allé démonter visiblement la plaque,
10:30 un jour on a sonné chez moi un soir,
10:32 où j'habitais chez un copain qui me prêtait sa maison à Marseille,
10:36 et j'ai ouvert la porte et il y avait la plaque par terre,
10:38 donc c'est anonyme, je ne saurais jamais,
10:41 sauf s'il se manifeste, qui m'a apporté cette plaque.
10:43 - En tout cas c'est un bon souvenir,
10:45 et c'est quelque chose d'important.
10:46 - Alors bon souvenir je ne sais pas,
10:48 mais que mon oncle direct fut le dernier tué,
10:51 dernier mort pour la France à Marseille,
10:54 alors je ne suis pas un patriote,
10:57 dans le sens où parfois ce mot est un peu galvaudé en ce moment,
11:00 mais oui je pense que ma fibre patriotique forcément vibre un peu, oui.
11:05 - Alors autre date importante dans votre vie,
11:07 le 19 juin 1993, on en parle dans...
11:09 - Le démarquement, ça c'est pas ça.
11:11 - Non c'est autre chose, on en parle dans quelques instants,
11:13 sur Sud Radio avec Christophe Dechavanne.
11:15 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pécisse.
11:17 - Sud Radio, les clés d'une vie,
11:19 mon invité Christophe Dechavanne pour ce livre "Sans transition",
11:22 chez Flammarion, plein d'anecdotes, plein d'émotions,
11:25 et avec plein d'histoires qu'on raconte,
11:27 et par exemple le 19 juin 1993,
11:29 c'est lié à un souvenir important pour vous,
11:31 reconnaissez cette voix.
11:33 - On est rentrés au restaurant,
11:35 Ayrton qu'on connaissait pas, 185 millions de fans,
11:37 - Jacques Laffitte.
11:39 - Oui j'entends, j'entends.
11:41 - Il était assis avec quelqu'un de sa famille je crois,
11:44 - Il parlait d'Ayrton Senna j'imagine.
11:46 - On est rentrés.
11:47 - Et Jacques est un ami.
11:49 - Voilà, et Ayrton Senna d'ailleurs c'est un de vos maîtres.
11:51 - Alors je ne sais pas comment on appelle ça,
11:53 en tout cas c'est manifestement une idole,
11:57 c'est à dire que j'ai fait de la course automobile pendant 25 ans,
12:01 celui qui m'a donné absolument envie de faire de la course automobile,
12:05 c'était déjà un mois avant,
12:07 mais oui on va dire que c'était mon...
12:09 oui enfin voilà,
12:11 et puis je l'ai rencontré en plus,
12:13 donc il y a une fois ou une autre.
12:15 - Oui, il faut se rendre à.
12:17 - Moi j'ai rencontré mes deux idoles,
12:19 Coluche qui m'a fait faire mon métier comme je l'ai fait,
12:21 dans ma tête,
12:23 et Ayrton Senna qui m'a fait faire la course comme je l'ai fait,
12:25 avec certains résultats pas autant que lui,
12:27 et quand même double champion de Belgique,
12:29 troisième au 24 heures de Chamonix,
12:31 11ème pilote français sur la glace,
12:33 j'ai deux trois coupettes.
12:35 - Ayrton Senna, il faut le savoir,
12:37 il avait un cœur gros comme ça,
12:39 - Pas que le cœur hein.
12:41 - Un jour on lui a acheté 75 paires de chaussures au Brésil,
12:44 c'est pour les pauvres Sao Paulo à qui il offrait ses chaussures.
12:47 - Écoutez, je pense qu'il a dû en acheter plus que 75.
12:51 - Alors j'en reviens à ces 24 heures du Mans,
12:54 le 19 juin 93, avec...
12:56 - Ah c'est ça ? Non mais je suis con.
12:58 - Vous avez fait les 24 heures du Mans ?
13:00 - Non j'ai fait les 22 heures du Mans.
13:02 - Mais c'est déjà pas mal.
13:04 - C'est déjà pas mal, mais j'étais débutant en plus,
13:06 donc c'est dommage parce que si j'avais fait 15 ou 20 ans après,
13:09 ça aurait été certainement des résultats différents,
13:11 j'étais tout à fait débutant, c'était le début de ma carrière de pilote,
13:14 car j'estime que j'ai eu une carrière pilote,
13:16 comme j'ai eu une...
13:18 je pense même peut-être que je...
13:20 oui je faisais de l'auto, je roulais comme je travaillais,
13:23 c'est-à-dire avec la même intensité, la même énergie,
13:26 la même passion, la même envie, le même plaisir,
13:28 et parfois avec de bons résultats.
13:30 - Alors il se trouve que ces 24 heures du Mans,
13:32 et vous le racontez dans ce livre,
13:34 ce sont 24 heures, 22 heures de bonheur et de cauchemar,
13:36 parce que c'était épouvantablement dur.
13:38 - C'était très dur, en plus j'étais à bord d'une voiture
13:41 qui était... qui venait d'être créée...
13:44 - Une Venturi.
13:45 - Oui, qui était un prototype, donc en tout cas,
13:47 qui avait été fabriquée pour le Mans,
13:49 et qui avait 2-3 petites bricoles,
13:51 un peu compliquées à gérer, du style,
13:53 vous êtes à 240, 260,
13:55 vous arrivez à la première chicane,
13:57 et quand vous freinez, la voiture traverse la piste
13:59 immédiatement en latérale.
14:01 Donc quand vous avez quelqu'un qui a, d'ailleurs,
14:03 lui, à 400 km/h, parce que c'est une catégorie,
14:05 la catégorie supérieure,
14:07 c'était assez chaud, et je me souviens très bien,
14:09 quand je descendais de mes relais,
14:11 j'ai le marine,
14:13 et je me disais, à voix haute,
14:15 je m'entendais dire "oh putain, je suis violent".
14:17 - Oui.
14:18 - C'était très chaud, vraiment.
14:19 - D'ailleurs Jacques Laffitte montait à bord, et lui aussi...
14:21 - Ben oui, il a fait le premier relais,
14:23 c'est lui qui a fait le départ,
14:25 il a fait le meilleur temps, évidemment,
14:27 c'est lui qui a pris le départ, il a fait son premier relais,
14:29 je faisais le deuxième, et quand je me suis installé dans l'auto,
14:31 et qu'il m'a...
14:33 arnaché,
14:35 il était, lui, bleu marine,
14:37 et c'est un athlète de haut niveau, donc pour qu'il soit bleu,
14:39 je vous garantis que c'était compliqué,
14:41 il faisait 80 degrés dans la voiture, je le regarde,
14:43 je lui dis "c'est comment", il me serre la dernière ceinture,
14:45 il me regarde, il me fait...
14:47 l'enfer. Et il claque la porte.
14:49 - Et vous êtes parti. - Et je suis parti.
14:51 - Vous avez été remporté par Gaeoff Braham,
14:53 qui est le troisième fils de Jacques Braham,
14:55 qui a été triple champion du monde. - Ah oui, oui, oui,
14:57 Jacques Braham, c'est une légende.
14:59 - Alors, la passion des voitures, je crois que c'est né très tôt
15:01 chez vous. D'abord, vous aviez
15:03 un oncle qui était trahi à Mercedes,
15:05 un grand-père, un grand-père. - Un arrière-grand-père,
15:07 oui, un arrière-grand-père, oui, oui, qui avait même
15:09 un certain nombre d'actions
15:11 de chez Mercedes, c'est comme il s'est
15:13 engueulé avec lui, monsieur
15:15 Benz, il lui a mis ses actions à la figure,
15:17 ou il l'a vendu pour 3,
15:19 je ne sais pas quelle monnaie, 50,
15:21 et c'est dommage, parce qu'aujourd'hui,
15:23 vous avez en face de vous un gars qui en a fait un livre
15:25 en plaqué or. - Exactement.
15:27 - Vous voyez, je serais tranquille. - Mais je crois que
15:29 le premier stand Mercedes
15:31 aux Champs-Élysées... - Non, non, le premier
15:33 grand, grand magasin Mercedes impérial,
15:35 c'était aux Champs-Élysées, oui, oui, c'est mon arrière-grand-père
15:37 qui l'a créé,
15:39 et il a créé toute une rue
15:41 derrière la maison de la radio à Paris,
15:43 qui s'appelle la rue Mercedes,
15:45 et il a
15:47 fait tous les immeubles
15:49 en pierre de taille de la rue,
15:51 j'avais un arrière-grand-père qui était
15:53 un sacré homme d'affaires, mais j'ai eu d'autres
15:55 descendants après, qui ont eu un malin plaisir,
15:57 je ne sais pas pourquoi, à tout dépenser.
15:59 - C'est curieux. - Allez savoir.
16:01 - Il se trouve qu'en plus, Mercedes, il y a une histoire,
16:03 un jour, il se trouve que Raymond Leblanc,
16:05 le créateur du journal Tintin, se retrouve
16:07 en Allemagne et voit
16:09 le logo Mercedes
16:11 au-dessus d'un toit, et dit "ça tourne,
16:13 je vais faire la même chose", et c'est comme ça qu'est né le Tintin
16:15 qui tourne à Bruxelles, avec le même ingénieur
16:17 que Mercedes. - Ah ok.
16:19 - Tintin et Milou.
16:21 - Est-ce que vous connaissez
16:23 la différence entre Tintin et Milou ?
16:25 - Allez-y. - Milou n'a pas de chien.
16:27 - C'est très joli aussi.
16:29 Mais c'est vrai qu'il n'y a plus d'histoire drôle.
16:31 - Non, mais moi c'est mon malheur,
16:33 j'adorais aller
16:35 dans un resto, et que le directeur
16:37 de salle vienne me voir en disant
16:39 "tu connais un dernier", ça un mec figure-toi,
16:41 c'était royal, j'ai rencontré un
16:43 marathonien dans les îles, il y a 30 ans,
16:45 où j'étais en vacances, anglais,
16:47 un champion olympique marathonien jeune homme anglais,
16:49 on se racontait des histoires en anglais,
16:51 et c'était les mêmes, c'est-à-dire que les histoires
16:53 drôles elles sont internationales en fait.
16:55 Et ça, c'est les mêmes,
16:57 mais dans d'autres langues, et ça n'existe plus.
16:59 - Mais les histoires belges aux Etats-Unis,
17:01 c'était des histoires polonaises. - Oui, voilà.
17:03 Vous savez ce que dit...
17:05 - Allez-y. - Ça c'est une blonde,
17:07 qui voit une peau de banane sur le trottoir en marchant,
17:09 "ah ah, je vais encore glisser".
17:11 C'est très joli.
17:13 Alors il se trouve aussi que la passion
17:15 de l'automobile, c'est venu très tôt chez vous,
17:17 et c'est venu comment en fait ?
17:19 - Très tôt.
17:21 Non mais,
17:23 j'en sais rien, parce que
17:25 je ne suis pas issu de
17:27 quelques milieux automobiles que ce soit,
17:29 j'ai pas de doncle, ou grand-père garagiste, mécano,
17:31 ou concessionnaire, je sais pas,
17:33 mais très très jeune, je lisais
17:35 Échappement,
17:37 le jour de la sortie du journal Échappement,
17:39 je lisais en cachette, parce que je lisais le soir,
17:41 j'étais plus branché à Rally,
17:43 et j'ai pas fait de rally parce que j'ai des enfants,
17:45 et que le rally est un tel danger
17:47 par rapport à la piste que...
17:49 Déjà la piste c'est chaud,
17:51 mais le rally c'est un arbre, puis ça peut être fini en deux secondes.
17:53 J'en ai fait deux quand même.
17:55 - Oui, mais en même temps, plus dur pour vous que sur Deuxchevalles,
17:57 c'est de trouver des sponsors, parce qu'au départ,
17:59 personne ne vous donnait. - Bah c'est-à-dire qu'au début,
18:01 les gens disaient "lui, pfff, c'est pas un pilote",
18:03 ensuite ils disaient
18:05 "oh d'accord, c'est un mec célèbre
18:07 qui veut frire une combine",
18:09 et puis après ils se disaient "il a de l'argent,
18:11 c'est pas la peine", et moi j'avais les boules,
18:13 parce que d'abord ça coûtait
18:15 2 millions de francs je crois, une saison,
18:17 donc très très cher, et je voulais surtout être comme les autres.
18:19 Je voulais pas être là parce que j'avais
18:21 les moyens d'être là, je voulais être là,
18:23 comme les autres, parce que je trouvais
18:25 des sponsors. Et à partir du moment où j'ai commencé
18:27 à faire des temps, voire des pole positions,
18:29 alors ça, ça a pu rigoler du tout,
18:31 et j'ai eu des sponsors comme Speedy,
18:33 comme Mobil, comme Castrol,
18:35 enfin des gros pilotes, des gros sponsors
18:37 du milieu automobile, des grosses compagnies.
18:39 - Et vous dites dans ce livre "Histoire de Chavannes"
18:41 que si vous aviez commencé plus tôt,
18:43 vous auriez pu courir en formule 1.
18:45 - Alors c'est pas moi qui le dis, ce sont des pilotes de formule 1
18:47 qui m'ont dit "si t'avais commencé tôt,
18:49 tu nous aurais bien fait chier".
18:51 - Vous le regrettez ? - Non, je regrette pas.
18:53 Vous savez,
18:55 si je devais avoir des regrets, j'en aurais 2000,
18:57 parce que je suis passé à côté de plein de choses dans ma vie,
18:59 donc j'essaie de ne pas regretter.
19:01 Est-ce que la vie de pilote est aussi fun
19:03 que ça d'aller vivre à Monaco
19:05 pour pas payer d'impôts,
19:07 parce que 60% de...
19:09 plus de 60% de vos revenus
19:11 viennent d'étrangers, parcourir le monde ?
19:13 Oui, non, j'aurais sûrement adoré ça,
19:15 mais je pense que...
19:17 être pilote,
19:19 c'est extraordinaire.
19:21 Je suis très malheureux, en revanche, de ne pas pouvoir
19:23 continuer, parce que, bon, je l'ai parlé
19:25 avec mon dos, et il refuse catégoriquement.
19:27 Il ne veut pas. - Beaucoup d'accidents,
19:29 des bus qui écrasaient. - Non, parce que
19:31 les voitures de course sont des voitures en bois,
19:33 c'est tellement dur que
19:35 c'est pas une promenade de santé. Tout le monde pense
19:37 que le chavat, c'est un sport assis,
19:39 on tourne le volant. Non, non, non,
19:41 c'est un sport d'athlète.
19:43 Et pendant deux ans, Christophe de Chaval, vous avez
19:45 fait des courses uniquement en Belgique.
19:47 Oui, parce que
19:49 j'avais eu quelques soucis
19:51 avec un dénommé Raël,
19:53 et donc ses membres bienfaiteurs,
19:55 c'est-à-dire qui lui donnaient leur salaire,
19:59 et qui venait sur toutes les pistes
20:01 à Albi, à Manicou,
20:03 à Pau, et il se mettait
20:05 dans les endroits les plus rapides, dans les grandes courbes,
20:07 avec des grandes banderoles marquées
20:09 de Chaval-Monteur. Et puis après, il venait
20:11 m'embêter dans les cendres, il venait
20:13 chercher la bagarre, parce qu'il y avait un photographe qui était toujours
20:15 à l'affût. Donc j'en ai marre, et je suis parti
20:17 en Belgique. Et là, j'ai rencontré
20:19 une population dont je suis tombé amoureux.
20:21 C'est-à-dire que les Belges sont absolument délicieux,
20:23 bien élevés, gentils,
20:25 et par exemple, quand vous êtes en train de faire
20:27 votre télémétrie, c'est la chose un peu technique,
20:29 où vous essayez de trouver à quel endroit
20:31 vous pouvez gratter
20:33 2-3 centièmes, ou 1 dixième, dans une
20:35 grande courbe, ou voilà. Parce que c'est...
20:37 Quand vous en êtes là, c'est que vous êtes déjà
20:39 bien avancés quand même, quand vous essayez de gratter
20:41 des centièmes, ou des dixièmes,
20:43 et que les Français, par exemple,
20:45 étaient 2 ou 3 cents dans ma tente, parce que c'était
20:47 une époque où j'étais vedette, hein.
20:49 Et... "Eh, tu photographes,
20:51 tu fais des photos ?" Et je dis "Attendez les gars, laissez-moi
20:53 finir." "Bon, allô, t'es là pour qui
20:55 se prend la star ?" Alors ça, c'était un peu
20:57 fatigant parfois, et en Belgique,
20:59 c'était ce qu'on serait à avoir en autographe,
21:01 et je disais "Écoutez, laissez-moi finir mon
21:03 boulot." Les gars attendaient une heure ou deux,
21:05 et je passais une heure avec eux après,
21:07 voilà. Et donc, voilà, c'est plus...
21:09 C'est plus calme en Belgique, c'est pour ça que je suis là-bas,
21:11 et que je suis double champion belge. - Enfin, et vous
21:13 vous étiez revenu là-bas non pas comme la vedette
21:15 de Zem, mais que le pilote qui
21:17 réussit ses courses. - C'était mon plus
21:19 grand plaisir, c'était de voir la couverture du journal,
21:21 ou un simple article en mettant "Le pilote français
21:23 Christophe de Chavannes a réalisé..."
21:25 C'était... C'était plus
21:27 bondant pour moi que n'importe quelle couverture
21:29 de match où t'es 7 jours. - Une autre date
21:31 importante dans votre revue, c'est le 12 juin
21:33 1974. On en parle dans quelques instants
21:35 sur Sud Radio avec Christophe de Chavannes.
21:37 - Sud Radio, les clés d'une vie.
21:39 Jacques Pécisse. - Les clés d'une vie,
21:41 on a invité Christophe de Chavannes, ce livre
21:43 sans transition, chez Amarion,
21:45 avec souvenirs tout à fait inattendus, parce que
21:47 on découvre l'homme au-delà de la télévision,
21:49 et c'est non seulement passionnant,
21:51 mais émouvant. - C'est-à-dire qu'en fait, pour être
21:53 tout à fait franc, j'ai toujours
21:55 été plutôt discret sur ma vie prévue depuis 30 ans.
21:57 Vraiment.
21:59 J'ai passé mes vacances à l'étranger,
22:01 j'ai fait quelques reportages parce que
22:03 ça fait partie du métier, je l'ai toujours fait avec plaisir,
22:05 mais...
22:07 Voilà, je...
22:09 Les paparazzis n'étaient pas mes copains,
22:11 et donc là, je pense qu'à arriver à un
22:13 certain âge, et avant que je ne passe
22:15 sous un bus, je me suis dit que c'était peut-être pas inintéressant
22:17 de montrer 2-3
22:19 véritables aspects de ma personnalité,
22:21 plutôt que d'être celui
22:23 qu'on pense que je suis.
22:25 Là maintenant,
22:27 ceux qui l'ont lu,
22:29 ils savent. - Et ils vous découvrent autrement.
22:31 Alors, vous parlez quand même de télévision... - Ah bah, qu'ils l'ont lu,
22:33 ou qu'ils le liront. - Oui.
22:35 - C'est ce qu'on a fait là pour parler de...
22:37 - En plus, moi, franchement, on le lit
22:39 avec passion, et on découvre une autre
22:41 chose de Chavannes. - Tu te souviens plus ? - Beaucoup.
22:43 Et puis, il y a de l'émotion avec l'homme
22:45 qu'on découvre, mais vous parlez aussi de télévision...
22:47 - Puis on rigole un petit peu aussi. - Oui, bien sûr,
22:49 toujours avec vous. Et le 12 juin,
22:51 le jour de 14, est une date importante.
22:53 Écoutez.
22:55 Le Grand Échiquier. - Ah oui, ça prend le coup, oui.
22:59 - Alors, c'est le Grand Enfy, l'émission
23:01 qui a présenté le Grand Échiquier,
23:03 qui devait s'appeler au départ "La Règle du Jeu", mais Jean Renoir
23:05 a refusé de présenter le titre.
23:07 - Ah, bah oui, peut-être. - Donc, vous êtes
23:09 dans cette émission, c'est votre première télé,
23:11 Christophe de Chavannes. - Alors, c'est ma première...
23:13 Oui, c'est ma première télé de passage.
23:15 C'est-à-dire que j'avais
23:17 15 ou 16 ans, et ma mère avait un
23:19 papier en L sur la génération
23:21 des 15-16 ans, et
23:23 elle avait interviewé 5 ou 6
23:25 personnes, et le dernier,
23:27 elle l'avait pris sous la main, il était là.
23:29 Et donc, la dernière question
23:31 de l'interview sur ces adolescents
23:33 et la société comme ils la voyaient,
23:35 c'était, la dernière question était "Qui voudriez-vous être ?"
23:37 Et que j'avais
23:39 une passion pour Alexis Wessenberg, que j'écoutais
23:41 tout le temps, j'écoutais tous ses disques,
23:43 enfin voilà, il jouait Bach à merveille,
23:45 enfin, c'était un... Il est mort, c'était un pianiste
23:47 absolument extraordinaire, qui est devenu un copain
23:49 de ma mère par la suite, parce que...
23:51 Allez-y, vas-y, vas-y, vas-y...
23:53 Parce que Bach...
23:55 - Il est parti, il a dit "ouais, ouais, ouais..."
23:57 Donc, il est devenu un copain...
23:59 - Non, mais il a une main
24:01 qui est très particulière...
24:03 Et qui est extrêmement...
24:07 aérée, légère...
24:11 Donc, il est devenu... Voilà.
24:13 - Ce qu'il fait découvrir, c'est Von Karajan, tout une crue dans lui.
24:15 - Oui, et Von Karajan, qui était particulier,
24:17 était un homme très violent, très difficile.
24:19 Et Alexis Wessenberg a su
24:21 que j'avais dit ça dans le journal,
24:23 il a fait venir ce jeune homme,
24:25 au Grand Chiquier,
24:27 où j'étais assis à côté de lui,
24:29 et tout d'un coup, Jacques Chancel a eu
24:31 la très mauvaise idée de se pencher vers moi,
24:33 en me disant "Bon, alors je vais te demander ça, ça, ça..."
24:35 Et tout d'un coup, c'est devenu un bordel monstre
24:37 dans ma tête, et quand j'ai eu...
24:39 Quand il m'a donné un pareil, j'ai...
24:41 J'ai brodouillé.
24:45 Et comme à l'époque, il n'y avait pas de métroscope,
24:47 évidemment, tous les potes de ma classe m'avaient vu
24:49 au Grand Chiquier de la Vallée, et même toute l'école,
24:51 mais moi, je n'avais jamais vu.
24:53 J'ai vu 20 ans après, en me disant "Mais je suis con,
24:55 c'est Alina !" Et quand je faisais mon métier,
24:57 donc j'ai demandé à Alina, et j'ai vu ces images.
24:59 - Oh, c'est pas si catastrophique que ça !
25:01 - Non, non, enfin, j'ai fait quelques
25:03 progrès, si vous voulez bien.
25:05 - Alors, il y a quelqu'un qui faisait aussi
25:07 des films sur des musiciens, sur des pianistes classiques,
25:09 c'était François Rechenbach, et vous avez tourné
25:11 dans un de ses documentaires. - Alors, j'ai tourné dans le documentaire
25:13 concernant Alexis Weissenberg,
25:15 et comme Alexis Weissenberg était au moins sexuel,
25:17 je pense que François Rechenbach
25:19 fut aussi.
25:21 Tout le monde pensait que j'étais le petit ami d'Alexis Weissenberg.
25:23 J'étais plutôt mignon,
25:25 j'avais 16 ans,
25:27 j'avais les cheveux longs,
25:29 j'avais une espèce de lavalière,
25:31 c'était ridicule !
25:33 Et je me rappelle de ce documentaire,
25:35 vraiment, le quotidien l'avait repassé une fois,
25:37 j'ai dit "mais arrêtez ça tout de suite !"
25:39 Et pour le coup, je comprends,
25:41 on n'ait plus pensé que j'étais son petit ami,
25:43 parce que j'étais très...
25:45 ...
25:47 précieux, non ?
25:49 Mais quand même, ados, sensibles,
25:51 quoi. Et donc, j'ai été invité
25:53 après dans une fête, où je suis allé
25:55 heureusement avec un copain, on est arrivé avec nos jeans,
25:57 notre mobilette et notre blouson,
25:59 et on est arrivé dans une fête, c'était des gens richissimes,
26:01 qui avaient des Picasso au mur,
26:03 sur la scène, dans un appartement incroyable,
26:05 et il n'y avait pas...
26:07 il n'y avait que des hommes, et on était
26:09 assez mal à l'aise,
26:11 et puis tout d'un coup, ils ont dit "Ah ! Elle arrive !"
26:13 Ah, on s'est dit "Putain, super !"
26:15 Super ! Et en plus, ils avaient l'air d'être excités
26:17 comme des rats, ça devait être une femme absolument
26:19 extraordinaire, et elle arrive,
26:21 et ils ouvrent, et effectivement, une grande robe
26:23 et tout ça, sur un grand homme,
26:25 très large et très costaud,
26:27 donc au bout d'un moment, on est rentré chez nous,
26:29 et je me suis félicité, parce que tout seul,
26:31 j'aurais été franchement...
26:33 j'aurais pas su quoi faire,
26:35 j'aurais pas su comment partir.
26:37 - Mais Richard Bale filmait beaucoup dans le...
26:39 - Ah, c'était un filmé dans le documentaire,
26:41 - Un truc, il a raté, un soir, il était tous les soirs
26:43 à l'Ilsée-Matinion, discothèque brésilienne,
26:45 - Où je suis allé avec la fille de Jean Poiret
26:47 que je fréquentais à l'époque, et j'ai dîné
26:49 avec Jean Poiret, avec
26:51 Jacqueline Maillan,
26:53 avec Serot, avec Hernandez,
26:55 - Jeanine Hernandez, oui.
26:57 - Voilà, et...
26:59 je crois à Roger Carrel,
27:01 et j'étais...
27:03 j'étais à Disneyland, c'est-à-dire que
27:05 ces gens étaient d'une drôlerie
27:07 dans la vraie vie, extraordinaire.
27:09 Et moi j'avais 17 ou 18 piges,
27:11 et avec Caroline Selier qui était
27:13 la plus belle femme du monde, et je fumais la pipe,
27:15 et pendant des années, à chaque fois que j'ai revu
27:17 Caroline, je me disais "mais qu'est-ce que t'avais l'air
27:19 con avec ta pipe, jamais 17 ans".
27:21 - Et Roger Carrel et Poiret étaient très liés,
27:23 mais en fait Carrel a fait une blague épouvantable
27:25 à Poiret, Poiret lui dit
27:27 "écoute, Benny Hill, j'adore, est-ce que tu peux me donner une cassette ?"
27:29 Il donne une cassette de Benny Hill,
27:31 et un soir en famille, il y a Poiret, Caroline Selier,
27:33 Nicolas leur fils qui a 3 ans,
27:35 "allez on va regarder Benny Hill", il met la cassette,
27:37 et c'était un porno.
27:39 - Oui j'imagine. - Alors ça a été... il s'est presque fini
27:41 sur le magnétoscope, le fils a dit "qu'est-ce que c'est ?"
27:43 - Bon à 3 ans, ça va...
27:45 - Oui ça allait bien. - Il t'a pas censé... et puis bon...
27:47 c'était pas... c'était quoi comme film ?
27:49 - Je ne sais pas.
27:51 Alors il se trouve que la radio et la télévision,
27:53 ça a commencé grâce à la NPE,
27:55 c'est pour vous ? - Oui, je me suis inscrit à la NPE
27:57 alors que rien ne m'y destinait,
27:59 je faisais des peintures d'appartements, moquettes, papier,
28:01 papier peint, tissu anglaisé,
28:03 sans aucune marque, sans galonnage,
28:05 donc j'étais plutôt doué de mes doigts,
28:07 chaque fois que j'avais un flirt en gros,
28:09 je refaisais l'appartement des parents.
28:11 Et ça me permettait de vivre à la nez,
28:13 ça rendait ma mère absolument...
28:15 très malheureuse, parce que je disais
28:17 "mais bon, qu'est-ce que tu vas faire dans la vie ?
28:19 Qu'est-ce que tu fais ?
28:21 Tu ne fais pas d'études ? Tu ne travailles pas ?"
28:23 Je ne travaillais pas, je ne travaillais pas,
28:25 je travaillais un mois, et après je ne travaillais pas trois mois,
28:27 mais je me démerdais quand même.
28:29 Et puis un jour, je me suis inscrit à la NPE,
28:31 et on m'a dit "spectacle",
28:33 et on m'a dit "il y a un casting
28:35 à Radio Avoriaz, je cherche quelqu'un
28:37 où vous savez faire de la radio ?"
28:39 Je dis "bah oui, bien sûr, chaque fois qu'on me demande de faire de la radio,
28:41 si je ne sais pas faire quelque chose, je disais oui".
28:43 Et je suis parti à Avoriaz,
28:45 ou Avoriaz, je ne sais plus comment on dit,
28:47 et... Avoriaz, je ne sais plus,
28:49 on dit la Clusaz, mais je ne sais jamais
28:51 si on dit Avoriaz ou Avoriaz.
28:53 Mais pourtant on dit la Clusaz.
28:55 Je ne suis pas allé passer mes vacances à la Clusaz.
28:57 Et j'ai été
28:59 refusé au casting,
29:01 ce qui m'a rendu
29:03 extrêmement malheureux, parce que l'idée,
29:05 c'était une paire de skis, un forfait,
29:07 un studio,
29:09 des tickets à restos pour Bt,
29:11 et on faisait quatre heures d'antenne par jour, et le reste du temps,
29:13 moi qui adore le ski, c'était parfait.
29:15 Et je suis rentré à Paris complètement,
29:17 vraiment très dépité,
29:19 et le lendemain j'ai eu un coup de fil de monsieur que je ne connaissais pas,
29:21 il s'appelait Maurice Rosec,
29:23 il était patron des programmes de TF1 de l'époque,
29:25 et il m'a dit "Est-ce que vous voulez faire la télé ?" "Oui."
29:27 Et c'est comme ça que ça a démarré,
29:29 avec un jeu qui s'appelait "Super Défi",
29:31 qui m'a valu mon premier papier en Figaro,
29:33 qui a fait très plaisir à ma mère,
29:35 parce qu'elle était très fière que j'aie un papier en Figaro,
29:37 qui était titré "Super Défi,
29:39 mini-dépi, animateur de quinzaine de commercials,
29:41 qui fera mieux de rester chez lui."
29:43 Le mec a eu du blair.
29:45 Peut-être que vous le connaissez,
29:47 il y en a eu tellement qui ont défilé au Figaro.
29:49 Il faut savoir que Maurice Rosec,
29:51 il a quand même à son actif le fait qu'il a créé
29:53 l'heure de vérité. C'était assez important,
29:55 il ne faut pas l'oublier.
29:57 Et puis vous étiez, je crois, vous avez vu comme réalisateur
29:59 Jean-Jacques Delanois,
30:01 le fils de Jean Delanois,
30:03 première palme d'or du Festival de Cannes,
30:05 le père de Jean-Père, avec la symphonie pastorale,
30:07 et lors des cinq ans du Festival de Cannes,
30:09 on a oublié Jean Delanois,
30:11 ce qui l'a traumatisé pendant des années.
30:13 - Vous m'étonnez.
30:15 - C'était un peu particulier.
30:17 Je n'avais jamais fait de télé de ma vie.
30:19 Je suis arrivé sur un plateau à Montparnasse,
30:21 sous la tour, ou dans la tour,
30:23 je ne sais plus. Et là, il y avait le producteur
30:25 et Jean-Claude Delanois.
30:27 Ils m'ont regardé, ils m'ont dit "Bon alors, on fait comment ?"
30:29 Et là, j'avoue que
30:31 je me suis dévergondé, j'ai dit "Bah écoute, je ne sais pas,
30:33 moi je pourrais mettre là,
30:35 on pourrait mettre une caméra là." Enfin bon, j'avais ça en moi,
30:37 j'ai découvert là que c'était en moi.
30:39 - Et ensuite, il y a eu le premier
30:41 vrai succès, c'était "C'est encore mieux l'après-midi",
30:43 c'était une émission révolutionnaire.
30:45 - Gros succès, oui. - Et ça n'existait pas, ce genre
30:47 d'émission, l'après-midi. - Et non, on sortait d'"Aujourd'hui Madame".
30:49 Donc "Aujourd'hui Madame"
30:51 n'a plus
30:53 été là,
30:55 et à la place, il y a eu
30:57 cette émission que j'ai présentée,
30:59 on m'a filé quand même, Dominique Rosset m'a quand même filé
31:01 les clés, et je l'embrasse, si elle l'écoute,
31:03 d'une émission
31:05 de deux heures et demie quotidienne,
31:07 alors que je faisais cinq minutes par semaine
31:09 au préalable,
31:11 au paravent, c'est mieux,
31:13 au parachute,
31:15 "Ah, mais dites donc, vous pouvez faire du
31:17 one-man show, vous êtes prêts, vous êtes prêts".
31:19 Et
31:21 j'ai fait "C'est encore mieux l'après-midi", oui, c'est là que j'ai commencé
31:23 à devenir ce qu'on appelle une vedette
31:25 de télé, et le vendredi, on m'en parle
31:27 encore, enfin, celles qui ne sont pas décédées,
31:29 et on m'en parle encore,
31:31 à la campagne, "Alors, le Playmec, c'était
31:33 bien, parce qu'on mettait un type jusqu'en string,
31:35 le vendredi après-midi, on appelait ça le Playmec,
31:37 et figurez-vous qu'on a eu des
31:39 drôles d'histoires là-dedans, parce que par exemple,
31:41 on a découvert des années plus tard, qu'on avait eu
31:43 cet assassin épouvantable qui s'appelait Thierry Hollin,
31:45 qui assassinait les vieilles dames,
31:47 et qui était venu se foutre à poil
31:49 à "C'est encore mieux l'après-midi". - C'est fou,
31:51 il y a quelqu'un qui vous a repéré aussi,
31:53 qui a voulu vous engager, c'est Silvio Berlusconi.
31:55 - Alors, lui, il m'a pas repéré,
31:57 il y a des gens qui l'ont dit,
31:59 mais enfin, il m'a repéré, on va dire en dernier,
32:01 parce qu'il y avait déjà tout TF1 qui s'était
32:03 vidé pour
32:05 aller ramasser des pépettes,
32:07 parce qu'ils étaient payés beaucoup plus cher tous,
32:09 et ils sont tous partis là-bas,
32:11 mais quand Berlusconi, que j'ai rencontré,
32:13 en me disant "quand même, enfin",
32:15 j'ai été amené chez lui par un type que je connaissais
32:17 qui était charmant, qui était création du toit,
32:19 particulier, mais sympathique,
32:21 et Berlusconi m'a reçu
32:23 comme un cow-boy, les pieds sur la table,
32:25 j'étais déjà moins classe, et puis il m'a
32:27 proposé 7 fois mon salaire,
32:29 ce qui était beaucoup pour un jeune homme
32:31 qui gagnait déjà très bien sa vie sur
32:33 Antenne 2 à l'époque,
32:35 et il m'a demandé si je portais le smoking
32:37 avec un accent rouge anglais,
32:39 d'Italien, et j'ai dit non,
32:41 et le fait que je lui dise non, ça lui a pas plu,
32:43 donc ça s'est arrêté là, je ne voulais pas présenter un smoking,
32:45 et quand j'ai regardé la première de la 5,
32:47 la toute première, que vous avez certainement
32:49 dû regarder aussi, et on voyait tous ces
32:51 garçons que je connaissais, arriver
32:53 avec la main comme ça, les 5 devant
32:55 la main, et en smoking, et des
32:57 paillettes, et des machins,
32:59 j'étais pas mécontent d'avoir tenu ma règle, ça veut dire
33:01 que j'ai refusé, pour ne pas avoir à porter
33:03 un smoking tous les jours, parce que
33:05 c'est ridicule, enfin je veux dire, ça me paraissait
33:07 ridicule, je voulais lui apporter un smoking
33:09 le 31 si vous m'invitez, et encore,
33:11 si c'est nécessaire, vous voyez ce que je veux dire,
33:13 et j'ai pas regretté, et d'ailleurs,
33:15 ça n'a pas duré très longtemps,
33:17 et tous ces petits camarades sont
33:19 retournés travailler sur TF1
33:21 pour la plupart. - Oui, TF1, vous êtes
33:23 arrivé après une négociation aussi, avec
33:25 Francis Bouygues directement. - Particulière, oui.
33:27 Oh, on va pas te raconter, mais là,
33:29 c'est dans le livre, c'est assez étonnant. - Oui, c'est un peu
33:31 comme dans un film, un peu, ça s'est passé
33:33 un peu comme dans un film américain, ça pourrait
33:35 être une scène, c'est dans une voiture,
33:37 sous la pluie, sa femme
33:39 avec le chauffeur qui lui tient
33:41 le parapluie sous du tornado dehors,
33:43 et lui lui posant un truc dans
33:45 le ci, c'est un contrat,
33:47 et c'est pareil, j'ai dit "je peux pas",
33:49 bon, on a fini par
33:51 y arriver. - Et on va découvrir dans le livre,
33:53 il y a aussi, il vous dit dans ce livre que vous avez à un moment
33:55 représenté 10% du chiffre d'affaires de TF1
33:57 avec "Coucou c'est nous". - Oui, il paraît.
33:59 C'est fou, hein ? - C'est beaucoup.
34:01 C'est pour ça que quand je l'ai arrêté, ils étaient pas contents.
34:03 Et c'est pour ça que quand je l'ai arrêté pour faire un domaine d'air
34:05 qui s'appelle "Total Team", qui n'a pas aussi
34:07 marché que prévu, ils étaient encore moins
34:09 contents. Et après, ils ont essayé de me faire un sale
34:11 coup, c'est dans le livre.
34:13 - Voilà, c'est dans le livre, et vous le racontez
34:15 avec une précision,
34:17 et on découvre l'enfer, l'enfer de la télévision.
34:19 - Alors, on va dire que
34:21 cette période était particulière. Si vous étiez
34:23 un bon gars, et que ça marchait
34:25 bien, vous étiez le roi du pétrole,
34:27 ça m'est arrivé il y a quelques années.
34:29 Vous étiez très aimé,
34:31 vous étiez adulé, vous pouviez faire
34:33 ce que vous vouliez, vous pouviez même avoir des demandes.
34:35 Euh...
34:37 Pas des caprices de ça,
34:39 mais des vraies demandes financières pour travailler,
34:41 pour faire des décors, etc.
34:43 Euh...
34:45 Et moi, j'avais... Voilà.
34:47 Il y avait jusqu'à 6 ou 7 millions
34:49 qui regardaient "Coucou" à 19h, donc c'était
34:51 beaucoup de monde, ça marchait très bien.
34:53 Et du jour où vous faites quelque chose qui marche plus,
34:55 en gros, vous passez de génie
34:57 à crotte. - Voilà.
34:59 - Vous le racontez dans ce livre qu'on va continuer à évoquer
35:01 à travers la date de sa sortie, le
35:03 29 janvier 2024. A tout de suite
35:05 sur Sud Radio avec Christophe Dechavanne.
35:07 - Sud Radio, les clés d'une vie.
35:09 Jacques Pessis. - Sud Radio,
35:11 les clés d'une vie. Mon invité Christophe Dechavanne.
35:13 - Mais non ! - Si, si. - Mais non.
35:15 - Vous avez de la chance. - J'ai beaucoup de chance.
35:17 - Oh là là ! - C'est un privilège. - Oh mais non, c'est
35:19 une chance inouïe ! - Mais oui. - Et vous savez qu'il fait rien
35:21 en ce moment. - Rien ? Non, il fait un livre
35:23 sans transition qui est sorti le
35:25 29 janvier 2024. - Qui est bien.
35:27 - On peut pas le lâcher d'un
35:29 bout à l'autre du livre. - Et il l'est bien écrit ?
35:31 - Oui, en plus. - C'est lui qui l'a écrit ? - Mais oui.
35:33 Vous savez qu'aujourd'hui, il y a 29%
35:35 des auteurs qui ont vraiment écrit leur livre.
35:37 Il en fait partie. - Oui, mais lui c'est un type bien. - Oui, je crois.
35:39 - Donc il a fait ça bien. - Pourquoi justement
35:41 avoir écrit ces souvenirs aujourd'hui, Christophe Dechavanne ?
35:43 - Ben je...
35:45 Je...
35:47 J'ai glissé vite fait tout à l'heure.
35:49 J'arrive à un âge
35:51 où je n'ai plus...
35:53 Je n'ai plus d'obligation
35:55 de réserve, entre guillemets. C'est-à-dire que
35:57 je pense que les gens savent
35:59 qui je suis, savent quel homme je suis.
36:01 Et c'est vrai
36:03 quand vous êtes producteur, animateur
36:05 d'émissions de télévision pendant des années,
36:07 même si tout mon travail,
36:09 c'était vraiment mon principal travail,
36:11 c'était d'être le plus possible moi-même
36:13 sans avoir une posture
36:15 et être un mec totalement différent dans la vie.
36:17 C'est-à-dire que j'essayais d'être le même
36:19 à l'antenne que le même dans la vie,
36:21 même si j'étais un peu chiant, même si je coupais la parole,
36:23 même si on m'appelait le roquet, même si je lâchais pas une question.
36:25 J'étais ce que j'étais.
36:27 C'est-à-dire ce que je suis dans la vie.
36:29 Honnête, droit, plutôt un type bien,
36:31 pas antipathique et pas trop con.
36:33 Et donc j'ai...
36:35 Comme je sais,
36:37 et pour cause, qu'il y a pas mal
36:39 de gens, quelques-uns en tout cas,
36:41 dans mon métier, qui ne sont pas tout à fait
36:43 le reflet de ce qu'ils sont à l'antenne,
36:45 j'ai eu envie de montrer par ce bouquin
36:47 qui j'étais vraiment pour que les gens
36:49 qui m'aiment bien soient sûrs
36:51 qu'ils font pas d'erreurs et puis que ceux
36:53 qui ne me connaissent pas, ou même moyennement,
36:55 je puisse éventuellement les faire changer la vie.
36:57 - Curieusement, le bouquin des morts,
36:59 vous dites que vous n'avez pas de mémoire.
37:01 - Non, j'ai une mémoire de merde.
37:03 - Et alors, comment répondre ?
37:05 - Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de gens morts, en plus, au-dessus de moi.
37:07 Donc ça a été très compliqué de rassembler des souvenirs,
37:09 mais j'ai des garçons très près de moi,
37:11 comme Patrice Carmouze, qui est mon ami,
37:13 ou comme Frank Schettinger, qui est mon ami,
37:15 et qui sont avec moi depuis 35 ans,
37:17 dans ma vie et dans mon métier,
37:19 et donc, ils m'ont parfois,
37:21 je disais "mais attends, merde,
37:23 il y a quand même eu ça"
37:25 et depuis l'écriture du bouquin,
37:27 il m'est remonté mais mille choses
37:29 que j'avais oubliées,
37:31 qui méritaient tout à fait d'être dedans,
37:33 mais elles sont venues depuis.
37:35 - Ce sera le tome 2, peut-être.
37:37 - Écoutez...
37:39 - Alors, Patrice Carmouze, en plus,
37:41 vous avez eu le coup de fou de l'amitié.
37:43 - Non, on s'est connus chez des amis,
37:45 chez des amis d'une copine,
37:47 et cette copine
37:49 avait un mari,
37:51 dont elle me parlait tout le temps,
37:53 que je trouvais très intéressant,
37:55 enfin, voilà, bref, mais je ne connaissais pas.
37:57 Et puis on va chez des amis,
37:59 je me retrouve assis à côté de lui,
38:01 et on est partis
38:03 avant le dessert, en s'excusant, bien évidemment,
38:05 en étant très gentils,
38:07 parce qu'on a eu une espèce de crush,
38:09 quoi, de coup de foudre
38:11 réciproque d'amitié,
38:13 et la preuve, c'est que
38:15 35 ans après, on est encore là,
38:17 et on est partis,
38:19 et on a passé une nuit, un peu une nuit d'ivresse,
38:21 on va pas se le cacher,
38:23 et on a vécué tous les bars de Paris,
38:25 y compris les plus étranges,
38:27 on a fini à 5h du matin
38:29 à bouffer des pâtes
38:31 avec des filles de...
38:33 de... comment on a ?
38:35 Très joyeuses, hein, très joyeuses,
38:37 mais on a consommé que les pâtes.
38:39 Et on s'est plus quittés.
38:41 - C'est votre côté bonne pâte, justement.
38:43 - Voilà. - Alors il se trouve aussi que vous racontez dans ce livre
38:45 que vous avez commis des larcins,
38:47 vous avez volé des autoradios et des phares de voitures.
38:49 - Oui, alors, j'ai commis des larcins. Jeune,
38:51 j'ai fait des conneries. Voilà, je préfère...
38:53 Ah, ça s'est arrêté il y a très longtemps, hein.
38:55 Je veux dire, oui, oui, oui, bah écoutez,
38:57 j'avais pas d'argent, il m'est arrivé un jour
38:59 de casser un phare de ma 204,
39:01 j'avais absolument pas les moyens de remplacer le phare,
39:03 et...
39:05 et je ne pouvais pas rouler sans phare.
39:07 Et voilà, j'ai fait une bêtise,
39:09 mais c'est dans le bouquin, j'ai pas envie d'en parler.
39:11 Et sinon, il m'est arrivé de faire des plaints,
39:13 voilà, où je sentais l'essence,
39:15 qui ne me coûtait pas une fortune,
39:17 et il m'est arrivé de vendre
39:19 un autoradio qui était tombé
39:21 d'une voiture, voilà. - C'est bête, hein, c'est des choses
39:23 comme ça. - Non, mais, je vous jure,
39:25 c'était très particulier, parce que j'étais avec un copain
39:27 qui, lui, était plus chaud, hein,
39:29 c'était plus son...
39:31 son mode de vie.
39:33 Et je l'ai fait,
39:35 et moi, j'ai toujours été très, très
39:37 friand et amoureux des fées d'hiver,
39:39 donc là, je vivais un tout petit truc,
39:41 parce que, bon, voilà, mais...
39:43 il y a des montées d'adrénaline absolument incroyables
39:45 quand vous arrivez à...
39:47 à faire quelque chose
39:49 qui n'est pas bien, et d'un coup, clac, ça marche,
39:51 c'est... voilà, je... voilà, voilà.
39:53 Mais c'est tout petit, hein,
39:55 j'ai pas volé de vidame, j'ai pas volé d'argent,
39:57 j'ai pas... vous voyez. - Vous auriez pu vous faire
39:59 une fortune avec une photo que vous n'avez
40:01 jamais donnée à aucun journal,
40:03 la photo de la mort de Jacques Mestrine.
40:05 - Ah, fortune, j'en sais rien, mais...
40:07 mais de manière absolument
40:09 incroyable, je me baladais,
40:11 je faisais de la photo tout le temps, j'adorais ça,
40:13 j'avais ma 75 Mono Honda
40:15 verte, et je me fais doubler au Colin Court
40:17 par, je sais pas, une douzaine de
40:19 caisses de police en civil avec des brassards
40:21 qui étaient à 110 dans le Colin Court,
40:23 et je les ai suivis en me disant
40:25 "il se passe quelque chose", et je suis arrivé
40:27 par le Colin Court, j'ai mis mon... j'ai mis ma béquille
40:29 de la moto,
40:31 et je suis allé au milieu
40:33 du carrefour où il n'y avait pas encore de périmètre de sécurité,
40:35 et où j'ai vu
40:37 un homme en blouson de cuir, qui a blé de balle, la tête pendante,
40:39 pouvert de sang, une fin par terre
40:41 qui hurlait, qui avait un oeil
40:43 explosé, qui était Sylvie Jean-Jacques
40:45 et j'ai fait des photos, donc, de Jacques Mestrine
40:47 qui était encore chaud,
40:49 ça venait de se passer. Oui, c'est des drôles
40:51 de trucs de vie, ça. - Et puis, alors...
40:53 - Mais comme je faisais des tirages de merde, je faisais des
40:55 jolies photos, mais des tirages de merde, donc
40:57 une fois que les tirages étaient faits, la photo
40:59 devenait ignoble, vous voyez ? Donc c'était pas présentable.
41:01 - Il se trouve aussi,
41:03 c'est tout à votre honneur, parce que c'est un sujet d'actualité,
41:05 vous évoquez dans ce livre, votre éducation,
41:07 le respect des autres, et en particulier
41:09 des femmes. - Bien sûr. - Ça c'est très, très
41:11 important, et on en parle beaucoup aujourd'hui.
41:13 - Mais... il était temps.
41:15 Non, non, mais je veux dire, il était temps qu'on en parle
41:17 beaucoup. Alors parfois, on en parle un peu trop,
41:19 et parfois, on en parle un peu trop violemment,
41:21 ce qui fait que le féminisme
41:23 exacerbé, je trouve,
41:25 ne sert pas le féminisme véritable. Moi, je suis
41:27 un féministe, vraiment.
41:29 Enfin, je suis pas militant,
41:31 mais je suis féministe, et parfois,
41:33 je trouve que cette espèce de
41:35 déo-féminisme,
41:37 bon, ne sert pas forcément
41:39 tout le temps à la cause des femmes, voilà.
41:41 Mais j'explique dans mon bouquin que,
41:43 et ça, ça apprête aux parents,
41:45 c'est très éducatif.
41:47 Je veux dire par là que l'éducation
41:49 sur le respect des femmes, ça marche.
41:51 Moi, j'ai été élevé par un père qui m'a dit
41:53 "On ne touche pas une femme, même avec une rose."
41:55 J'ai malheureusement eu dans ma vie
41:57 deux, trois possibilités avec des femmes qui sont
41:59 très méchamment et très salement
42:01 conduites avec moi. Je n'ai
42:03 jamais levé la main sur quiconque.
42:05 En rien. Et avec rien.
42:07 Enfin, je sais pas, l'autre jour,
42:09 on m'a raconté une fourchette, je me suis dit "quelle connerie".
42:11 Et donc, je dis,
42:13 et puis ça dérape, évidemment,
42:15 sur le non. C'est-à-dire que
42:17 le consentement est absolument
42:19 indispensable. J'ai eu une vie
42:21 sexuelle très riche,
42:23 j'étais une vedette, je pouvais avoir
42:25 à peu près les petites opines que je voulais.
42:27 Quand #MeToo est arrivé,
42:29 je me suis dit "Ah, dans le métier,
42:31 qui est-ce qui va prendre ?" Et pas une seule seconde,
42:33 je me suis dit, et je touche du bois,
42:35 qu'il pouvait m'arriver quoi que ce soit parce que je n'ai jamais
42:37 rien fait sans consentement. Jamais.
42:39 Et la seule fois où ça aurait
42:41 pu arriver, où j'avais 18 ou 20
42:43 piges avec une fille toute nue dans mon lit,
42:45 elle s'était déshabillée
42:47 toute seule. Et quand j'ai voulu
42:49 faire l'amour parce que je croyais un petit peu
42:51 qu'on y était, au bout du
42:53 troisième nom, je me suis redressé sur mes bras,
42:55 j'ai dit "Je suis pas un violeur". Et je pense que
42:57 c'est grâce à mes parents. Donc l'éducation
42:59 est très importante pour les garçons,
43:01 pour qu'ils aient un regard.
43:03 Parce que malheureusement, sur les téléphones en ce moment,
43:05 la possibilité est
43:07 tellement facile pour un homme
43:09 de voir des trucs dégoûtants
43:11 avec des gamines qui ont à peine 18 ans,
43:13 alors elles le disent "I'm 18"
43:15 et elles font n'importe quoi
43:17 avec n'importe qui, et en général
43:19 avec plusieurs personnes. Et donc ça donne une
43:21 image tout à fait dégradante, d'abord de la
43:23 femme et de la sexualité.
43:25 Parce qu'elle n'est pas le plaisir le plus
43:27 immense que de progresser,
43:29 que de grandir,
43:33 que sa sexualité se panouisse doucement,
43:35 tranquillement et normalement, et avec le temps
43:37 qu'il faut pour ça.
43:39 Et non seulement ces
43:41 films de cul sont mauvais pour les garçons,
43:43 mais ils sont aussi mauvais pour les filles.
43:45 Parce que si les filles ne font pas comme dans les films,
43:47 elles se trouvent nulles,
43:49 et si les mecs ont
43:51 des filles qui ne font pas les trucs
43:53 qu'ils voient dans les films,
43:55 ils les trouvent nases. Donc tout ça, et moi j'ai
43:57 un ancien beau-fils absolument formidable,
43:59 que j'adore, que j'embrasse, qui s'appelle Léonard,
44:01 et il a regardé
44:03 évidemment comme un couillon deux-trois fois avec ses copains,
44:05 et on en a parlé il y a très peu de temps,
44:07 et il ne veut plus.
44:09 Ça les goûte, et il a peur pour lui,
44:11 pour sa propre vie amoureuse,
44:13 intime et sexuelle. Et il a bien raison.
44:15 Donc le conseil, c'est...
44:17 c'est...
44:19 Vous savez, dans l'actualité,
44:21 on a dit depuis quelques semaines, oh là là,
44:23 il y a une baisse de l'intalité, les gens font
44:25 plus la mange. Mais à cause de quoi ?
44:27 A cause de ces putains de films qui sont
44:29 d'un accès tellement
44:31 easy, que voilà,
44:33 les hommes n'ont plus besoin
44:35 d'aller tromper leur femme,
44:37 ou les jeunes gens, ils s'autosatisfont,
44:39 bon bah après, on voit un coup,
44:41 mais on boucle un coup.
44:43 - Et dans le même univers, je crois qu'une des plus grandes fiertés
44:45 de votre vie, ça a été le site d'action
44:47 "Personne ne voulait" Christophe Dechavanne.
44:49 - Ah, "Personne ne voulait" ?
44:51 Oui, non, pas dans mon monde. C'est qu'en fait, j'ai eu l'idée
44:53 de réunir six chaînes,
44:55 à l'époque, pour que
44:57 les Français qui, en changeant de chaîne,
44:59 voient le même programme à la même heure
45:01 sur toutes les chaînes jusqu'à pas d'heure,
45:03 se disent "Ah, il se passe peut-être
45:05 quelque chose de grave." Parce qu'en fait, c'était pour
45:07 faire...
45:09 pour faire avoir une prise de conscience
45:11 pour les gens qui
45:13 considéraient en gros
45:15 "Le SIDA, c'est pour les PD et les drogués."
45:17 Bah non, le SIDA, c'était pour tout le monde.
45:19 C'était une maladie épouvantable
45:21 qui, en plus, vous faisait passer de l'amour
45:23 à la mort, ce qui pour moi a été inconcevable.
45:25 Et donc, ça a été
45:27 le début de mon combat.
45:29 Ça a été mon site d'action
45:31 qui a eu lieu.
45:33 - 23 millions de téléspectateurs.
45:35 - Oui, c'était une grande fierté.
45:37 Et puis, j'ai pu jamais lâcher la prévention contre le SIDA.
45:39 Ça veut dire que j'ai...
45:41 Ensuite, j'ai lancé la capote à un franc.
45:43 Et puis après, j'ai fait
45:45 tout un tas d'opérations.
45:47 - Mais restez couverts, c'est de vous. - Sortez couverts.
45:49 - Et il y a aussi les coucounettes, vous avez inventé
45:51 plein d'expressions. - Ah, ça, ça n'a rien à voir.
45:53 - Mais ce qui est étonnant, Christian Dechoyne,
45:55 c'est le nombre d'expressions que vous avez inventées
45:57 qui sont aujourd'hui dans le langage courant. - Bah, les coucounettes,
45:59 j'ai dit ça parce que "couille", c'est moche à l'antenne.
46:01 Les coucounettes, ça passe très bien et j'ai toujours été contre
46:03 le langage
46:05 hard et grossier.
46:07 Comme je ne voulais jamais qu'on joue avec de la bouffe
46:09 dans mes émissions, je ne voulais pas qu'on casse de vaisselle.
46:11 Enfin, voilà. Et donc...
46:13 Et puis, j'ai fini par
46:15 faire avec mon ami Patrick Pisa...
46:17 On a fait 80 millions
46:19 de capotes, sans demander un euro à personne.
46:21 80 millions de capotes
46:23 à 0, 0, 0 marge.
46:25 Et puis finalement, on est arrivé à les faire
46:27 rembourser par la Sécu en 2019.
46:29 Et maintenant, elles sont gratuites pour l'entièreté
46:31 de la population jusqu'à 26 ans.
46:33 Si vous allez dans une pharmacie,
46:35 vous, c'est un peu juste. - Tout de suite.
46:37 - Mais si vous êtes dans une pharmacie avec un jeune homme
46:39 ou une jeune fille, et que vous dites "sans portée couverte",
46:41 vous avez une boîte de préservatifs gratuite
46:43 et le préservatif,
46:45 aujourd'hui, c'est pas que contre le sida, c'est contre
46:47 les grossesses malheureuses pour des gamines
46:49 de 15 ou 16 ans qui font un drame de famille
46:51 et je finis. Et les IST,
46:53 qui sont les infections sexuellement transmissibles,
46:55 qui sont en rose, absolument catastrophiques, puisque
46:57 justement, les gens ne mettent plus de capotes.
46:59 Donc, sortez couverts, tous, s'il vous plaît.
47:01 - On va vous écouter. Alors moi, dans ce livre,
47:03 il y a plein d'anecdotes, mais il y en a une qui m'a aussi étonné.
47:05 C'est le cauchemar auquel
47:07 vous avez échappé, c'est le service militaire.
47:09 - Alors, j'y ai échappé,
47:11 mais ça a été un boulot. - Oui.
47:13 - J'ai pas plu du tout à mon oncle
47:15 qui était un général d'armée,
47:17 trois étoiles,
47:19 et j'étais le vilain canard
47:21 de la famille, vous imaginez bien, je suis le seul garçon
47:23 de cette grande famille. Mon père avait trois soeurs
47:25 qui chacune avaient quatre enfants,
47:27 qui n'a pas fait son service,
47:29 mais ça a été un gros travail pour moi.
47:31 Je suis allé voir très longtemps
47:33 un médecin,
47:35 voilà, et puis quand j'ai fait les trois jours,
47:37 j'ai passé
47:39 les quinze jours précédents
47:41 enfermé dans ma chambre, sans me laver,
47:43 sans voir personne,
47:45 à remuer dans ma tête que des souvenirs
47:47 les pires, que des mauvaises choses.
47:49 Ma sœur me déposait
47:51 un plateau repas devant la porte sans même que je la vois,
47:53 et je suis arrivé
47:55 aux trois jours avec une chemise élimée,
47:57 un air triste,
47:59 tout blanc, mal,
48:01 mal dans ma peau, machin,
48:03 et in fine, mais les détails rigolos,
48:05 parce qu'il y en a à la fin,
48:07 parce que le mec a levé le tampon,
48:09 il avait le mauvais tampon, il avait marqué "apt" à l'envers,
48:11 mais voilà, je suis passé devant
48:13 un petit cadre, je suis passé devant,
48:15 et puis bon, là j'ai été réformé, et alors je veux dire,
48:17 je ne prône pas ça maintenant,
48:19 car je serais plutôt pour
48:21 de ma bouche, franchement,
48:23 faut aller chercher le truc, je serais plutôt pour
48:25 aujourd'hui un service militaire,
48:27 parce que le seul truc formidable
48:29 de service militaire, c'est qu'il mélangeait
48:31 les gens, et c'est qu'il faisait que des riches
48:33 voyaient des pauvres, que des pauvres
48:35 voyaient d'autres gens, que des gens d'un département
48:37 fréquentaient d'autres gens
48:39 d'un autre département, que des Savoyards
48:41 rencontraient des Croisoirs, alors qu'aujourd'hui
48:43 chacun est très renfermé sur soi,
48:45 les mecs d'un département ne connaissent pas les autres,
48:47 les garçons,
48:49 enfin, il y a...
48:51 la société ne se mixise pas
48:53 beaucoup, ne se mélange pas
48:55 assez, et pour le coup, autant
48:57 le service est chiant pour plein de raisons qu'on sait,
48:59 mais autant psychologiquement et philosophiquement, pour que
49:01 des gens de toute nature...
49:03 Moi, mon père était chasseur alpin, et il avait des cons
49:05 avec lui, mais en tout cas,
49:07 il a vu, pas seulement
49:09 le milieu bourgeois duquel
49:11 il venait, et je pense que le service militaire
49:13 à ce style doit être bon, et peut-être aussi,
49:15 avec la jeunesse en ce moment qui part un peu en boulette,
49:17 un peu de structure,
49:19 un peu de discipline, et un peu
49:21 respect de l'administration,
49:23 et, enfin, je veux dire, moi, à mon âge,
49:25 on n'aurait jamais osé jeter un caillou sur
49:27 des keufs, jamais. On pouvait
49:29 dire les keufs, les flics, les lardus,
49:31 les condés, mais jamais on aurait
49:33 craché, jeté une
49:35 pierre sur une camionnette, etc. Et là,
49:37 vous voyez, par exemple,
49:39 moi, président de la République, moi, je dis "président",
49:41 quand j'entends des gens qui disent "Macron",
49:43 ben non, nous, de notre génération,
49:45 on dit "Monsieur", "Monsieur Chirac",
49:47 ou depuis Sarkozy, c'est "ouais, Nicolas",
49:49 "Macron", "Pierre",
49:51 c'est...
49:53 Il faut redonner un tout petit peu de respect aux institutions,
49:55 et à la démocratie, parce que
49:57 s'il n'y a plus de respect, c'est plus
49:59 démocratie, c'est autre chose.
50:01 - Moi, du respect, j'en ai beaucoup pour le livre que vous avez écrit,
50:03 "Sans transition", parce qu'il y a vraiment
50:05 plein de choses, on a évoqué... - Mais il y a des photos, hein, pour ceux qui
50:07 ne veulent pas lire ! - Oui, non, mais il y a plein de choses,
50:09 passionnantes, on a juste évoqué quelques sujets,
50:11 c'est pourquoi, je recommande à celles et ceux
50:13 qui nous écoutent de plus en plus nombreux à lire
50:15 "Sans transition", je suis un marion, et je suis sûr
50:17 qu'il y aura une suite. - Ben, écoutez, je...
50:19 Il y aura une suite, que ça marche pas bien,
50:21 hein, j'ai une... - Il y a des chances.
50:23 - Mais l'envie est là, en tout cas, si vous me le demandiez,
50:25 j'ai vécu
50:27 quelque chose de très étrange, parce que ça m'a pris
50:29 un an d'énergie, et de manière nocturne,
50:31 très difficile, parce que c'est...
50:33 Je ne savais pas que c'était aussi difficile d'écrire un livre,
50:35 je ne savais pas, c'est très difficile,
50:37 la ponctuation, ne pas se tromper,
50:39 mettre les bons mots au bon endroit,
50:41 il y a une ou deux coquilles dans le bouquin qui vont être
50:43 corrigées sur l'impression, déjà, mais
50:45 honnêtement, j'ai très envie de faire un deuxième.
50:47 - Et bien alors, à très bientôt, on en parlera dans
50:49 "Les Kévines Vies". - Avec joie ! - Merci, Christophe
50:51 de Chavannes, je suis très content de vous avoir revu après
50:53 toutes ces années, et réciproquement. - Merci.
50:55 - On ne change en rien. - Partez-vous bien. - "Les Kévines Vies" est terminé
50:57 pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt, restez fidèles