Le nouveau Passé Présent avec Philippe Pichot-Bravard : Au cœur de la régénération révolutionnaire

  • il y a 8 mois
La Terreur occupe une place unique dans notre longue histoire. Elle est la mauvaise conscience de la République, la part d’ombre d’une révolution qui se revendiquait "populaire", "humanitaire" et "libératrice", et décida la mort violente de plusieurs centaines de milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, dont les trois quarts appartenaient au peuple des laboureurs, des artisans et des journaliers. Elle demeure l’objet d’âpres controverses historiques. Les historiens se disputent encore aujourd’hui sur son ampleur, sur sa signification et sur son existence réelle. D’aucuns s’emploient à en minorer l’importance, à l’instar de Jean-Clément Martin. D’autres, au contraire, en font remonter l’origine dès le commencement de la Révolution. Pendant longtemps, les uns ont présenté la terreur comme une réponse aussi radicale que nécessaire aux menaces qui entouraient en 1793 la République française. Les autres relèvent, au contraire, que la terreur fut l’instrument indispensable de la politique de régénération de la société et de régénération de l’Homme poursuivie par les acteurs de la Révolution dès 1789.

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00:35 Chers amis de TVL
00:37 Le bienvenu dans "Passé-présent"
00:39 Votre émission historique présentée
00:41 En partenariat avec la revue
00:43 "D'Histoire Européenne"
00:45 La terreur occupe une place
00:47 Unique dans notre longue histoire
00:49 Elle est la mauvaise conscience de la République
00:51 La part d'ombre d'une révolution qui se revendiquait
00:53 Populaire, humanitaire
00:55 Et libératrice
00:57 Et décida la mort violente de plusieurs centaines de milliers
00:59 De personnes, hommes, femmes et enfants
01:01 Dont les trois quarts appartenait
01:03 Au peuple des laboureurs, des artisans
01:05 Et des journaliers
01:07 Elle demeure l'objet d'âpres controverses historiques
01:09 Les historiens se disputent encore aujourd'hui
01:11 Sur son ampleur, sur sa signification
01:13 Et sur son existence réelle même
01:15 D'aucuns, son poids a en minoré l'importance
01:17 A l'instar de Jean-Clément Martin
01:19 D'autres, au contraire, en font remonter
01:21 Leur régime dès le commencement de la révolution
01:23 Pendant longtemps
01:25 Les uns ont présenté la terreur comme une réponse
01:27 Aussi radicale que nécessaire
01:29 Aux menaces qui entouraient en 1793
01:31 La République française
01:33 Les autres relèvent au contraire
01:35 Que la terreur fut un instrument indispensable
01:37 De la politique de régénération
01:39 De la société et de régénération
01:41 De l'homme poursuivi par les acteurs
01:43 De la révolution dès 1789
01:45 C'est cette période noire et tourmentée
01:47 Que nous allons évoquer en compagnie
01:49 Notre invité Philippe Pichot-Bravard
01:51 Philippe Pichot-Bravard, bonjour
01:53 - Bonjour
01:55 - Vous êtes docteur en droit, historien
01:57 Historien en histoire du droit
01:59 Maître de conférences à l'université de Brest
02:01 Où vous êtes habilité à diriger des recherches
02:03 Vous enseignez également à l'université catholique de l'Ouest à Angers
02:07 Mais aussi à l'institut universitaire Saint-Pédis à Licep
02:11 Et au séminaire du Christ-Roi à Florence
02:15 Alors j'ajoute que
02:17 Je vais donner vos publications
02:19 Vous avez publié l'épopée de la Vendée
02:21 Chez Via Romana
02:23 Et une histoire de la Révolution française
02:25 Toujours chez Via Romana
02:27 Et j'ajoute que dans le dernier numéro
02:29 De la revue d'histoire européenne
02:31 Vous avez signé un article intitulé
02:33 "Climat de peur et régime de terreur
02:35 Au cœur de la régénération révolutionnaire"
02:39 Alors nous allons d'ailleurs commencer cet entretien
02:41 En tâchant d'expliquer
02:43 Ce terme qui vous est cher
02:45 La régénération
02:47 Alors que faut-il aux yeux
02:49 De ces révolutionnaires régénérés
02:51 Véritablement
02:53 - Alors régénération
02:55 Régénérer, redonner naissance
02:57 Le mot régénération
02:59 Ou le verbe régénérer sont omniprésents
03:01 Dans le discours révolutionnaire en 1789
03:05 On le trouve dans toutes les bouches
03:07 Chez les modérés et chez les radicaux
03:09 Même le roi en plein terme
03:11 Lorsqu'il reçoit
03:13 Les députés aux états généraux
03:15 Le 5 mai 1789
03:19 Il s'agit de donner naissance
03:21 A une nouvelle société
03:23 Et de donner naissance
03:25 A un homme nouveau
03:27 Par-delà la complexité
03:31 De la révolution
03:33 Qui est un événement très riche
03:35 Dont les causes sont multiples
03:37 Malgré d'incontestables actes
03:39 La France de 1789
03:41 Traverse une crise importante
03:43 Objectif
03:45 Par-delà cette complexité
03:47 Ce qui constitue le fil rouge
03:51 De la révolution
03:53 Qui doit avoir été une révolution idéologique
03:55 C'est-à-dire d'avoir eu pour ambition
03:59 De faire table rase du passé
04:01 Pour constituer une société nouvelle
04:05 Par la mise en œuvre
04:07 D'un programme idéologique
04:09 Qui est celui de la modernité philosophique
04:11 Celui de ce qu'on appelle
04:13 La philosophie des lumières
04:15 Avec la conviction que
04:17 La mise en œuvre de ces idées nouvelles
04:19 Du rationalisme
04:21 De la séparation des pouvoirs
04:23 De l'idée de la souveraineté nationale
04:27 Que la mise en œuvre de la sécularisation
04:33 Que la mise en œuvre de ces idées nouvelles
04:35 Permettra d'établir une société parfaite
04:41 Et d'apporter infailliblement
04:43 De manière scientifique
04:45 Parce que ces idées sont perçues comme parfaitement rationnelles
04:49 Le bonheur aux hommes
04:51 - Vous dites que même le roi, lui, emploie le terme de régénération
04:55 Est-ce que ça veut dire, vous parlez de renaissance
04:57 Que la vieille société était morte ?
04:59 - Alors, elle n'était pas morte
05:01 Mais on entend la balayer
05:03 L'écarter, la détruire
05:05 Et l'on va balayer en quelques mois
05:07 On va faire table rase
05:09 De la réalité institutionnelle et sociale
05:13 De la France de 89
05:15 Pour y substituer une autre réalité
05:17 Le député Rabot-Saint-Etienne
05:19 Le 3 novembre 1789
05:21 A l'occasion du débat sur la nouvelle division du royaume
05:25 Aborde cette question de la régénération
05:29 Il dit que l'assemblée a été convoquée pour faire le bonheur du peuple
05:33 Que faut-il faire pour faire le bonheur du peuple ?
05:37 Alors, on dresse l'oreille
05:39 Il y a peut-être une formule magique
05:41 Qui pourrait dire
05:43 Une formule magique
05:45 Qui pourrait nous intéresser
05:47 Il faut renouveler ce peuple même
05:49 Pour que le peuple soit heureux
05:51 Il faut changer le peuple
05:53 Et il ajoute, il faut
05:55 Changer les hommes
05:57 Changer les choses
05:59 Changer les mots
06:01 Il faut tout changer
06:03 - Quel est cet homme nouveau qui doit émerger
06:05 Donc finalement naître, puis-je dire, de la révolution ?
06:07 - Cet homme nouveau, c'est le citoyen
06:09 Dont Jean de Viguerie a raconté l'histoire
06:11 C'est le citoyen
06:13 Le citoyen, c'est un individu qui
06:19 est un militant de la révolution
06:25 Qui est au service de la révolution
06:27 Et qui est tout entier ordonné au succès de la révolution
06:33 Voilà ce qu'est cet homme nouveau
06:37 - Et ça se traduit comment dans les...
06:39 - Robespierre a disserté sur cet homme nouveau en 1793
06:47 Il s'agissait, pour lui, de constituer la République
06:57 C'est le programme qu'il fixe dans le discours du 4 février 1794
07:05 Le fameux discours sur la terreur et la vertu
07:07 Les principes moraux qui doivent guider la constitution de la République
07:13 Il s'agit de fonder la République
07:15 - Fonder la République
07:17 - Pourtant la République est la réalité institutionnelle de la France
07:21 - Déjà depuis - A ce moment-là, depuis déjà 15 mois
07:27 Donc il est clair que lorsque Robespierre dit qu'il faut fonder la République
07:31 Il ne parle pas de la formule institutionnelle
07:33 Il parle d'autre chose
07:35 Fonder la République, pour Robespierre, c'est fonder une société constituée de citoyens républicains
07:41 De citoyens républicains vertueux
07:43 La vertu consistant à aimer la République, la révolution, la patrie, l'égalité
07:51 Mots qui sont presque interchangeables dans sa bouche
07:57 Jusqu'au sacrifice de sa vie, de ses affections, de ses biens
08:03 Voilà ce qu'est l'homme nouveau
08:09 Un homme entièrement sacrifié à l'idéal républicain
08:15 Et pour cela, les Jacobins, pendant la terreur, se sont donné beaucoup de mal
08:21 - Cet homme nouveau, est-ce qu'il a encore une âme finalement aux yeux des révolutionnaires ?
08:25 - La question de l'âme n'a pas lieu d'être
08:31 Parce que ces révolutionnaires sont nourris de l'anthropologie des lumières
08:35 Qui est une anthropologie matérialiste
08:37 - Même Robespierre ? On ne le dit pas déiste ?
08:41 - Oui, mais en fait, il est déiste parce qu'il est utile qu'il y ait un Dieu
08:47 Et c'est ce qu'il défend dans le discours du 7 mai 1794
08:51 Lui, effectivement, y croit, à un principe divin
08:57 Mais cela ne change rien au regard qu'il porte sur l'homme
09:03 Les hommes sont des corps, interchangeables
09:07 Ils sont des corps, il n'y a pas d'âme
09:09 Ce sont de petites machines, comme l'a montré Xavier Martin dans ses études
09:15 De petites machines qui réagissent aux sensations qu'ils perçoivent, à ce qu'ils voient, à ce qu'ils entendent, à ce qu'ils touchent
09:21 Selon une seule règle, une seule motivation, qui est l'intérêt égoïste
09:27 Et donc, tout l'art pour le législateur révolutionnaire
09:31 Est de manipuler les sensations perçues par cet homme
09:35 Pour le transformer à son insu, en faire un citoyen
09:41 Et c'est là que les Jacobins se sont donné beaucoup de mal
09:45 Le calendrier républicain, par exemple
09:47 Le programme d'éducation proposé par Robespierre au mois de juillet 1793
09:55 Qui reprend le projet de l'EPLT de Saint-Fargeau
09:59 La religion civile dont il propose l'adoption le 7 mai 1794
10:07 Avec la reconnaissance de l'être suprême
10:11 Tout cela obéit à cette même logique
10:21 Changer les sensations perçues, les fêtes que l'on organise
10:27 Notamment la fête de l'être suprême
10:29 Mais pas seulement, il y a eu des quantités d'autres fêtes qui ont été organisées au cours de la révolution
10:35 Pour célébrer les grands événements de la révolution
10:39 Qui notamment servent à manipuler les sensations perçues par l'individu
10:47 Pour le transformer par ce que l'on considère que l'homme est déterminé par son environnement
10:53 Alors quant à l'immortalité de l'âme qui est évoquée le 7 mai 1794
10:59 Ce n'est qu'un argument politique
11:03 C'est-à-dire que Robespierre est convaincu qu'on ne pourra pas
11:07 Constituer une république de citoyens vertueux si on explique
11:11 C'est-à-dire de citoyens prêts à se sacrifier pour la république
11:14 Si on leur explique dans le même temps que la vie s'arrête avec la mort
11:18 Et qu'après il n'y a plus rien
11:20 On ne trouvera personne pour se sacrifier ou très peu de monde
11:22 Donc si l'on veut que les citoyens se sacrifient
11:26 Et bien il faut leur promettre une récompense dans l'au-delà
11:32 Dans cette entreprise de régénération comment s'inscrit la terreur ?
11:38 La terreur elle participe de cette politique de régénération
11:46 Evidemment parce qu'elle permet d'éliminer tous ceux qu'on ne peut pas régénérer
11:53 Tous ceux qu'il n'est pas possible d'intégrer dans la république
11:59 Et ils sont nombreux, ils sont même très nombreux
12:02 On commence par les nobles, les aristocrates ?
12:04 Les nobles, les aristocrates, les prêtres, les royalistes, les catholiques rebaptisés fanatiques
12:11 Les tièdes dont font partie statutairement les fonctionnaires
12:16 Parce qu'on ne peut pas faire une révolution entre 8h et 18h
12:21 5 jours par semaine, ce n'est pas possible
12:23 La révolution c'est H24 7 jours sur 7
12:27 On ne peut pas faire une révolution avec des formulaires
12:30 Il faut se libérer de tout un état d'esprit bureaucratique
12:33 C'est ce que Saint-Just explique le 10 octobre 1793
12:37 Les tièdes, c'est-à-dire en définitive beaucoup de monde
12:42 On ne sait pas jusqu'où cela pourrait aller
12:44 Mais ça peut aller très loin
12:46 Nous allons le voir
12:48 D'ailleurs les historiens ne sont pas tous d'accord sur le début de la terreur
12:52 Pour vous elle commence dès juillet 1789
12:56 Avec des événements extrêmement violents
13:00 Habituellement le commencement de la terreur est fixé en septembre 1793
13:07 Quand elle est à l'ordre du jour à l'instant
13:09 Lors de la séance du 5 septembre 1793
13:12 Certains orateurs proposent de mettre la terreur à l'ordre du jour
13:16 Et dans la foulée la convention sous la pression des sections de sans-culottes
13:21 Qui ont envahi l'assemblée
13:23 Adoptent plusieurs mesures
13:27 Notamment l'institution d'une armée de militants révolutionnaires
13:33 L'armée révolutionnaire qui va régénérer les départements
13:39 Et puis également la loi des suspects qui va remplir les prisons
13:46 Ça c'est l'explication habituelle
13:50 Seulement, force est de constater que
13:53 Une bonne partie du dispositif de la terreur est antérieure à septembre 1793
13:59 Le tribunal révolutionnaire a été créé au mois de mars 1793
14:05 Et il fonctionne depuis le 1er avril 1793
14:08 Et les lois qui vouent à la peine de mort
14:12 Ceux qui sont reconnus coupables de certains délits politiques
14:18 Des cris contre-révolutionnaires, de convictions royalistes
14:23 Ce sont des lois qui datent du mois de mars 1793
14:27 Ajoutons que ce tribunal révolutionnaire n'a pas été le premier
14:31 Il y a eu un premier tribunal révolutionnaire au lendemain du 10 août
14:35 Qui a fonctionné au mois d'août 1792
14:39 Et qui a condamné à mort un certain nombre de proches du roi
14:43 Et il y a eu les massacres de septembre
14:45 Qui ont été un épisode tout à fait épouvantable
14:48 Avec plus d'un millier de personnes massacrées à Paris en quelques heures
14:55 Dans des conditions terribles
14:58 Mais...
15:00 – On peut remonter plus loin
15:02 – On peut remonter encore plus haut
15:04 On peut remonter aux violences de l'été 72
15:07 On peut remonter à l'assaut donné au château de Versailles
15:11 Au mois d'octobre 1789
15:13 Avec une famille royale ramenée à Paris
15:16 Avec au portier les têtes de gardes du corps
15:19 Qui avaient été massacrées le matin même
15:23 Alors qu'ils défendaient les appartements de la reine
15:25 Et on peut remonter encore plus haut à l'été 1789
15:30 Et si l'on s'arrête un instant sur ce qui s'est passé
15:35 Lors des émeutes de juillet 1789
15:39 – Arrêtons-nous
15:41 C'est-à-dire les massacres qui ont suivi la prise de la Bastille
15:45 Le massacre du gouverneur de la Bastille
15:48 Le massacre de plusieurs officiers de la garnison de la Bastille
15:52 Dans la foulée, le massacre du prévôt des marchands
15:55 Jacques de Flessel, conseiller d'État
15:57 Le prévôt des marchands était l'équivalent du maire de Paris
16:01 Dont la tête a été promenée au bout d'une pique
16:05 Quand on s'arrête un instant sur les massacres qui ont suivi
16:10 10 jours plus tard à Paris est massacré d'abord l'intendant de Paris
16:16 Berthier de Sauvigny, lui-même conseiller d'État
16:19 L'intendant de Paris c'est l'équivalent du préfet d'Île-de-France
16:22 Ce n'est pas rien !
16:24 Suivi quelques instants plus tard de son beau-père Foulon de Douai
16:29 Qui était ministre quelques jours plus tôt
16:32 Un homme de 74 ans
16:34 Massacré dans des conditions épouvantables
16:37 Et encore, Chateaubriand a raconté cet épisode
16:41 Il a vu les têtes de Berthier de Sauvigny et de Foulon
16:44 Dans l'hôtel où il se trouvait à Paris
16:46 Il a mis de la paille dans la bouche de Foulon
16:48 Voilà, il a vu ces têtes qui ont été élevées jusqu'à son regard
16:54 A la fenêtre où il était
16:56 Et ça a été pour lui un moment décisif
16:58 Je n'ai rien à voir avec ces cannibales
17:00 C'est le moment de la rupture pour lui
17:02 Lui qui étant un peu libéral
17:07 aurait pu être touché par une certaine rhétorique
17:11 Il rompt à ce moment-là
17:13 Juillet 1789
17:15 Et puis en province, on a le massacre du colonel Henri de Belsens à Caen
17:20 Le 12 août, quelque chose d'épouvantable
17:23 Un véritable lynchage
17:25 On a le massacre du maire de Troyes au mois de septembre
17:29 Là encore, ce sont des scènes terribles
17:31 Et il est clair que de ces scènes
17:35 Naît un certain climat
17:39 Donc on n'est pas dans un régime de terreur
17:41 On n'est pas dans un régime de terreur
17:43 Mais il y a un climat de terreur qui règne
17:45 Et ce climat de terreur a engendré la première émigration
17:49 Les premiers gentils hommes qui ont quitté la France
17:54 sont partis parce que leur vie était en danger
17:58 Et parmi les proches de la famille royale
18:02 ceux qui sont partis sont partis parce que le roi leur a demandé
18:06 "Je ne peux plus garantir votre sécurité"
18:09 Il y avait des listes de proscriptions qui circulaient
18:12 qui vouaient un certain nombre de personnalités au massacre
18:17 Mais quand on parle de liste de proscriptions
18:18 ce n'est pas proscrire au sens d'exiler
18:22 mais c'est-à-dire que la personne proscrite
18:24 est susceptible d'être arrêtée, exécutée
18:26 d'être massacrée, le comte d'Artois, le prince de Condé
18:32 évidemment le duc et la duchesse de Paulignac
18:36 les ministres du roi, le baron de Breteuil, le maréchal de Breuil
18:39 Tous ces gens-là sont sur la liste
18:41 Une liste qui est établie par qui ?
18:44 On ne sait pas, elle circule, on sait qu'elle existe
18:48 mais on ne sait pas qui l'a dressée
18:52 Il y a beaucoup de choses mystérieuses
18:54 dans le déclenchement de la révolution
18:56 Il y a des petites mains qui agissent dans l'ombre
18:58 et qui suscitent le désordre
19:01 qui profitent d'un état de mécontentement un peu général
19:07 En 89, les gens sont effectivement assez mécontents de leur situation
19:12 C'est un sentiment assez subjectif
19:15 mais il faut en tenir compte
19:17 Il y a un mécontentement, les gens veulent autre chose
19:20 Dans l'ombre, il y a effectivement des petites mains
19:24 qui suscitent le désordre, qui provoquent des troubles
19:29 On a des témoignages, par exemple, qui soulignent
19:34 qu'au café de foie au Palais Royal, le 11 juillet 1789 au soir
19:42 il y a eu une réunion avec Mirabeau, Danton, Desmoulins, Ceinturuge
19:49 Latouche-Tréville, Santerre, un dénommé Alexandre
19:56 que je n'ai pas l'honneur de connaître
19:57 mais qui était un cahier du Faubourg Saint-Marcel
19:59 et quelques autres
20:02 et ils ont préparé le soulèvement parisien du lendemain
20:07 Comment mettre le feu aux poudres ?
20:09 Le complot de la cour
20:10 Il y aurait un complot de la cour destiné à massacrer les patriotes
20:16 Alors l'un d'entre eux a demandé
20:19 "Comment avez-vous su qu'il y avait un complot de la cour ?"
20:22 Et là, Mirabeau et Danton se sont regardés en souriant
20:25 "Ca va peut-être être un petit peu difficile de vous l'expliquer"
20:29 Et pourquoi ? Ils l'avaient inventé ce complot
20:32 Il fallait susciter la peur, la crainte dans la population
20:36 pour provoquer des émeutes
20:39 et c'est ce qui s'est passé au mois de juillet 1789
20:42 et quelques meneurs dans la population et le tour étaient joués
20:46 Est-ce que véritablement l'exécution du roi, le 21 janvier 93
20:51 Est-ce que à partir de ce moment-là, les choses s'accélèrent
20:53 et qu'on bascule dans le régime de terreur ?
20:55 Alors quand je dis régime, ça veut dire que ça devient institutionnel
20:58 Oui
21:01 La mort de Louis XVI est un épisode symbolique de rupture
21:05 avec le passé, on rejette la royauté chrétienne
21:13 et on rejette 1500 ans d'histoire
21:17 ou 1300 ans d'histoire
21:20 D'autre part, il y a quelque chose qui relève du sacrifice initiatique
21:29 Ceux qui ont participé à ce geste grave ne pourront plus retourner en arrière
21:40 Ils se sont coupés toute retraite
21:44 et à partir de ce moment-là, ils sont engagés dans la voie de la transformation révolutionnaire
21:53 et ça a été pour le personnel révolutionnaire l'heure de vérité
22:01 et l'heure d'une forme de sélection
22:04 Il y a ceux qui avaient accompli le geste et ceux qui étaient restés en deçà
22:11 Donc ceux qui sont restés en deçà sont les premiers à être éliminés, je pense aux Girondins
22:14 Et en tout cas à être mis de côté
22:16 Alors les Girondins, attention, beaucoup de Girondins ont voté la mort de Louis XVI
22:22 et si les Girondins avaient vraiment voulu défendre le roi et le sauver
22:26 il aurait suffi que tous votent contre la mort
22:31 et Louis XVI n'aurait pas été condamné à mort
22:33 Verriau a voté la mort de Louis XVI
22:36 Ils ont été effectivement débordés quelques mois plus tard
22:44 arrêtés, condamnés, exécutés
22:46 Ils ont été débordés pour des raisons idéologiques ou des raisons purement politiques
22:50 Est-ce que c'est fédéralisme contre...
22:52 Alors fédéralisme non, les Girondins ne sont pas fédéralistes
22:55 En fait, ce qui les distingue des Montagnards n'est pas si considérable
23:01 En 92 ils étaient tous aux Jacobins
23:05 Tous les futurs Girondins et les futurs Montagnards
23:10 Et donc jusqu'au 10 août, ils sont tous des révolutionnaires
23:15 qui sont contre le roi, contre les prêtres
23:20 et ils ont tous participé au désordre et aux violences
23:26 où ils les ont approuvés
23:28 Et puis survient le 10 août, la victoire contre la royauté
23:32 et l'abolition de la royauté
23:35 et là les vainqueurs se déchirent
23:37 Il y a effectivement une aile plus radicale et une aile plus modérée
23:41 Ce qui distingue fondamentalement les Montagnards des Girondins
23:45 c'est que les Montagnards considèrent que Paris a un rôle historique à jouer
23:51 alors que les Girondins considèrent que Paris n'est qu'un département parmi les autres
23:56 Ça ne fait pas d'eux des partisans de la décentralisation
24:00 On en est loin
24:02 La différence repose sur le regard qu'ils portent sur le rôle de Paris
24:10 J'ajouterais qu'en matière de violence révolutionnaire
24:14 les Girondins en sont encore à l'artisanat
24:20 une tête qui vole de temps en temps
24:22 Les Montagnards sont déjà rentrés dans l'ère industrielle
24:26 Et les Montagnards n'ont pas froid aux yeux
24:30 et ne lésinent pas sur les moyens
24:36 C'est pourquoi ils vont l'emporter contre les Girondins
24:40 Ils n'hésitent pas sur les moyens
24:42 ils inscrivent même la terreur à l'ordre du jour
24:45 Elle devient légale cette terreur ?
24:47 Oui, elle repose sur des lois, sur des décrets
24:52 qui vouent à la peine de mort certains délits d'opinion
24:55 qui instituent un tribunal criminel extraordinaire
24:59 pour juger les crimes politiques
25:02 Quelles sont les instances qui décident ?
25:04 On a la Convention d'un côté, le Comité de salut public
25:08 le Club des Jacobins, comment tout cela s'articule-t-il ?
25:12 Le pouvoir est exercé par la Convention
25:14 qui est l'Assemblée qui a été élue par une infime minorité
25:18 au mois de septembre 1792
25:20 La Convention a des comités, qui sont des commissions parlementaires
25:25 dont le plus important est le Comité de salut public
25:31 qui a été institué au mois de mars 1793
25:34 pour répondre à la crise à laquelle était confrontée la République
25:39 Et puis il y a le Comité de sûreté générale
25:42 qui lui est chargé, qui a été créé à peu près au même moment
25:45 au printemps 1993
25:47 et qui est lui plus particulièrement chargé de la police intérieure
25:51 et qui joue un rôle important dans la politique de terreur
25:54 Et ce sont les deux comités qui vont exercer
25:59 à partir d'octobre, décembre 1993
26:02 c'est-à-dire lorsque la Convention décide de ne pas mettre en oeuvre
26:05 la Constitution qui a été rédigée et adoptée
26:09 ce sont eux qui constituent le gouvernement révolutionnaire
26:14 Ça c'est vraiment le gouvernement ? Il y a des ministres également ?
26:17 Il y a des ministres, mais qui sont subordonnés
26:19 Qui est l'exécutif réellement ?
26:20 Ce qui gouverne la France en 1993-94
26:24 ce sont ces deux comités
26:26 les comités de la Convention
26:29 Ce sont eux qui dirigent le pays
26:31 Alors après le Club des Jacobins
26:34 c'est une société de pensée
26:37 Une sorte de pression
26:38 C'est le parti en quelque sorte
26:40 C'est l'ancêtre du parti
26:43 C'est un club dans lequel se retrouvent
26:48 des militants, les uns députés, les autres non députés
26:53 qui ont adhéré à ce club
26:56 Ce club existe depuis
26:58 Il est né entre l'été 89 et le début de l'année 90
27:02 par étapes successives
27:04 et ce club est un lieu où
27:07 les révolutionnaires, militants, se retrouvent
27:11 et notamment préparent les séances de l'Assemblée
27:14 définissent une stratégie
27:18 sur ce qu'il conviendrait de faire à l'Assemblée
27:20 et en s'appuyant sur le réseau de sociétés affiliées
27:23 qu'ils ont aux quatre coins de la France
27:26 Il y a en 91 des centaines de sociétés affiliées
27:31 au Club des Jacobins de Paris
27:33 et en 93 ils sont plusieurs milliers
27:35 Ce qui permet de créer des mouvements d'opinion artificiels
27:41 Lorsque le Club des Jacobins donne un mot d'ordre
27:45 ce mot d'ordre est diffusé dans les sociétés affiliées
27:49 aux quatre coins de la France
27:51 Il y a des clubs dans toutes les grandes villes
27:53 les moyennes et petites villes
27:55 et parfois même dans de simples villages
27:57 et en retour les pétitions remontent jusqu'à l'Assemblée
28:01 qui réclament ce que le club a décidé
28:07 et ainsi on donne l'impression d'une volonté populaire
28:10 alors qu'il s'agit d'une minorité idéologique organisée
28:14 sachant qu'une pétition ne dit jamais
28:17 "Les Jacobins de Saint-Cyrée-du-Lot demandent que"
28:21 Ils disent "Le peuple de Saint-Cyrée-du-Lot demande que"
28:25 Ils sont quelques-uns dans la ville
28:27 mais ils parlent au nom de tous
28:29 - Alors vous parliez justement de provinces
28:31 et ça va être l'objet de mes questions
28:33 Est-ce que le terreur était un phénomène parisien
28:36 ou est-ce qu'il y avait vraiment des guillotines
28:38 sur chaque place des grandes villes de France ?
28:40 - La guillotine elle est partout
28:42 - Les tribunaux révolutionnaires sont partout également ?
28:45 - Il y a des tribunaux révolutionnaires un peu partout
28:48 L'armée révolutionnaire elle-même
28:51 est un instrument de la terreur
28:53 et procède à des arrestations
28:55 Il y a des représentants en mission
28:58 qui ont été envoyés par la Convention dans les départements
29:01 pour veiller au recrutement
29:03 et pour veiller aussi à la répression, à l'arrestation des suspects
29:07 - Vous parliez de partis tout à l'heure, ce sont des commissaires politiques ?
29:09 - Ce sont des commissaires politiques qui sont des parlementaires élus
29:12 qui sont des députés, membres de la Convention
29:14 et la terreur a été variable d'un endroit à l'autre
29:18 Il y a des départements où il y a eu quelques exécutions
29:22 et même peut-être que dans certains départements
29:24 il n'y en a pas eu du tout
29:26 Un département comme L'Heure par exemple
29:28 le nombre d'exécutions doit se compter sur les doigts d'une main
29:31 et pas davantage
29:33 et puis il y a des endroits comme Lyon, comme Nantes, comme Angers
29:37 où les victimes se comptent par centaines et par milliers
29:41 - Donc là ce n'est même plus la guillotine à Lyon ou à Angers ?
29:43 - Alors ça a été la guillotine, on a fusillé beaucoup
29:47 et on a noyé à Nantes et à Angers
29:50 Alors, Jean-Claude Martin souligne à cet égard
29:55 que la terreur exprimerait un manque d'État
30:02 Ce n'est pas le trop-plein d'État qui a produit ce régime de terreur
30:08 c'est la faiblesse de l'État
30:11 et là je dois dire que je ne suis pas d'accord du tout avec lui
30:15 Je ne suis pas du tout d'accord avec lui, pourquoi ?
30:19 Parce que les acteurs de la terreur en province
30:23 sont des représentants de la Convention
30:26 ce sont des conventionnels, ce sont des représentants donc de l'État
30:29 dont certains d'entre eux sont membres du Comité de salut public
30:33 qui sont en lien avec les comités
30:36 À Lyon, la terreur, c'est Colaud Herbois, membre du Comité de salut public
30:40 et qui n'a jamais été désavoué par les comités
30:43 Dans l'Ouest, Prieur de la Marne joue un rôle très important dans la terreur
30:51 Prieur de la Marne, il est là au Mans, il organise la répression
30:55 après la défaite de l'armée catholique et royale de Vendée au Mans
30:58 Prieur de la Marne, il est à Savenay, c'est lui qui organise la commission militaire
31:03 qui fusille les prisonniers, sur simple reconnaissance d'identité
31:07 Il est à Noirmoutier où l'on a fusillé 1200 personnes
31:10 après la prise de la Presqu'île au début du mois de janvier 1794
31:15 et il est à Montaigu en Vendée, à très peu de distance des Lucs
31:21 quelques jours avant le massacre des Lucs
31:24 donc en plein milieu des colonnes infernales
31:27 donc on ne peut pas dire que l'État est absent
31:32 l'État est au contraire présent
31:34 Carrier, qui a été le proconsul de Nantes
31:39 est revenu de Nantes à Paris au milieu du mois de février 1794
31:45 mais il n'a jamais été désavoué
31:48 il a demandé à passer le scrutin épuratoire au club des Jacobins
31:52 parce que les Jacobins s'épuraient
31:55 et il est passé, et visiblement, facilement
31:58 et lorsque ses amis hébertistes ultra-révolutionnaires
32:01 ont été éliminés un mois après le 24 mars
32:04 il aurait été facile à Robespierre de le mettre dans la fournée
32:07 c'était ses amis, un de plus un de moins
32:10 il ne l'a pas fait
32:12 Carrier est resté membre de la Convention
32:14 membre du club des Jacobins jusqu'à la fin de la terreur
32:17 les poursuites engagées contre lui ont eu lieu après la terreur
32:21 Alors, à ce moment-là, qui sont les victimes ?
32:24 Est-ce que tout le monde peut être coupable ?
32:26 Est-ce que la noblesse aristocratie, il n'y en a plus beaucoup ?
32:30 La majorité des victimes sont des gens du peuple
32:34 à peu près entre les deux tiers et les trois quarts
32:38 ce sont des paysans, des artisans, des ouvriers
32:42 il y a évidemment des gentils hommes
32:46 il y a des prêtres
32:49 des prêtres réfractaires mais aussi des prêtres constitutionnels
32:54 et puis il y a des personnes qui se sont engagées contre la révolution
33:04 des royalistes, des vendéens
33:07 il y a des catholiques qui ont caché des prêtres
33:14 le décret du 20 octobre 1993 les voue à la peine de mort
33:18 et puis il y a aussi des personnes qui sont simplement coupables
33:25 de délits d'opinion
33:28 qui un jour n'ont pas su tenir leur langue
33:31 un de mes amis, un de ses ancêtres qui a été guillotiné le 21 janvier 1994
33:35 parce qu'il a dit publiquement que la convention ce n'était que des cochons
33:41 les comités n'étaient que des veaux, etc.
33:44 et que les princes allaient revenir dans les trois mois
33:48 guillotiné
33:50 on a des particuliers qui ont été condamnés pour
33:56 quelques mots glissés dans une lettre
34:00 dans une correspondance privée
34:02 et même l'un d'entre eux, c'est l'exemple peut-être le plus remarquable
34:10 qui a écrit à son correspondant "il faut faire attention à ce que nous écrivons
34:14 parce que si ce que nous écrivons déplait, on risque d'être arrêté
34:19 et d'avoir des ennuis"
34:21 pour avoir écrit cela, il a été arrêté, condamné et guillotiné
34:24 après, au moment de la grande terreur parisienne, quand on vide les prisons
34:28 il suffit d'être en prison à ce moment-là
34:31 pour être condamné
34:33 il y a eu des...
34:35 - là on est une justice plus qu'expéditif
34:37 - on est sous le régime de la loi de prairie
34:40 il n'y a plus de droit de la défense
34:44 il n'y a plus de défenseur à partir du 10 juin 1794
34:50 il n'y a plus de défenseur
34:51 car la République n'accorde pas de défenseur aux ennemis de la République
34:56 ou au conspirateur
34:58 donc par conséquent, il n'y a plus de présomption d'innocence
35:00 et donc on condamne des fournées de 30, de 40, de 50, de 60
35:04 en deux ou trois heures
35:06 et le procès consiste dans la lecture d'un acte d'accusation
35:10 où chacun trouve trois phrases qui lui est destinée
35:15 on fait venir un témoin qui est un espion qui se trouvait en prison
35:20 et qui vient confirmer les faits
35:22 on se tourne vers le jury
35:24 qui se déclare suffisamment éclairé
35:26 et l'affaire est entendue
35:28 et dans ce régime-là, les erreurs judiciaires sont très nombreuses
35:32 quand je parle d'erreurs judiciaires
35:34 je ne parle pas d'innocents exécutés
35:38 ça c'est le lot commun
35:39 je parle d'erreurs sur les personnes
35:41 un père qu'on exécute à la place de son fils
35:44 on a une anecdote à cet égard
35:46 un beau matin, on annonce la liste des gagnants du tirage
35:52 et on appelle un jeune homme de 23 ans
35:55 les hommes de 1793 étaient les mêmes qu'aujourd'hui
35:59 le jeune homme de 23 ans faisait la grâce matinée
36:01 et son père de 68 ans était déjà debout, habillé, rasé
36:05 le père a demandé qu'on ne réveille pas son fils
36:10 et il y est allé à sa place
36:12 on n'a rien vu
36:14 il a été condamné et exécuté à la place de son fils
36:17 et ce qui montre d'ailleurs que les bureaux ne se sont rendus compte de rien
36:22 pourtant entre un homme de 68 ans et un jeune homme de 23 ans
36:24 il y a quelques signes extérieurs qui témoignent d'une différence
36:29 c'est que le fils a effectivement sauvé sa tête
36:33 on a la maréchal de Mouchy
36:36 qui avait 70 ans
36:38 c'est la fameuse malame étiquette que l'on voit auprès de Marie-Antoinette
36:42 la maréchal de Mouchy a été exécutée sans être condamnée
36:47 on appelait son mari le maréchal
36:49 il n'était pas question que son mari aille où que ce soit sans elle
36:52 elle l'a suivi
36:54 elle l'a suivi jusque dans la salle du tribunal
36:56 évidemment elle a assisté en observatrice
36:59 on ne parlait pas d'elle mais elle l'a suivi
37:01 elle est montée dans la charrette avec tout le monde
37:03 elle n'a jamais été appelée
37:04 mais quand son mari a été appelé pour monter la guillotine
37:06 elle lui a emboîté le pas
37:08 voilà
37:10 ça c'est la grande terreur
37:12 une question qui peut fâcher
37:15 est-ce qu'on peut, non pas excuser, mais justifier la terreur ?
37:20 on parlait de faiblesse de l'Etat, vous avez démontré que non
37:23 mais est-ce que la menace tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
37:26 c'est la révolution, on est quand même affaibli à ce moment-là
37:28 est-ce qu'on peut justifier cette terreur ?
37:31 alors c'est effectivement l'argument qui a été agité
37:34 mais du point de vue, je me fais l'avocat du diable
37:36 du point de vue des terroristes
37:38 c'est l'argument qui a été agité par l'école républicaine
37:42 sous la 3ème république
37:44 la théorie des circonstances, la république était assiégée
37:47 les frontières étaient menacées
37:50 la république menacée d'invasion
37:53 et donc il fallait une réponse forte
37:55 je relèverais que si la république est dans cette situation
38:00 c'est parce qu'elle avait pris l'initiative de déclarer la guerre à ses voisins
38:04 premier point
38:06 deuxième point
38:09 cette situation de crise aurait pu justifier
38:13 quelques exécutions symboliques
38:15 notamment de généraux battus
38:18 pour faire un exemple
38:20 l'exécution de quelques personnalités politiques
38:23 mais certainement pas
38:25 l'exécution des sangrades
38:31 des gens du peuple
38:34 ces massacres massifs
38:37 j'ajoute que la terreur s'amplifie
38:40 après les premières victoires
38:43 c'est après que l'armée catholique et royale de Vendée
38:48 ait été vaincue et exterminée au Mans et à Savenay
38:52 qu'on lance les colonnes infernales en Vendée
38:55 c'est après les victoires d'octobre 1993
39:01 à Cholet, à Watigny
39:05 et puis celle de décembre 1993
39:08 que le régime de terreur s'intensifie à Paris, à Nantes, à Angers, à Lyon
39:15 et c'est alors qu'il n'y a plus aucun danger
39:20 que la convention adopte le 10 juin 1793
39:25 ce décret qui a établi le régime de la grande terreur
39:29 donc l'explication ne tient pas
39:31 en fait le but c'est bien d'éliminer
39:34 ceux qu'on ne peut pas intégrer à la France nouvelle en construction
39:38 - Alors je voudrais, vraiment on va terminer
39:41 mais ça me tient à coeur
39:43 on a coutume de faire de Robespierre l'instigateur, le bouc émissaire de la terreur
39:47 qu'en est-il réellement ?
39:48 parce que j'imagine qu'il n'était pas tout seul Robespierre
39:50 - Non pas du tout
39:51 Robespierre est effectivement le théoricien de la terreur
39:54 il bénéficie en 1994 d'un certain prestige
39:59 qui se tient à sa cohérence doctrinale et à ses qualités d'orateur
40:04 qui lui attire des partisans
40:07 mais il n'est qu'un des membres du comité de salut public parmi les autres
40:11 et il n'en est pas le chef
40:13 et il a même du mal parfois à imposer ce qu'il voudrait
40:18 et en définitive d'ailleurs il finit par ne plus y venir
40:21 parce qu'il est minoritaire
40:23 et Robespierre a été, tout en ayant une responsabilité importante dans la terreur
40:28 il a été éliminé par plus de terroristes que lui
40:31 les acteurs du 9 Thermidor
40:33 c'est Fouché, le bourreau de Lyon
40:36 et le déchristianisateur de la Nièvre
40:37 c'est Colodère-Bois, l'autre bourreau de Lyon
40:40 c'est Barras, le bourreau du Var
40:42 c'est Tallien, qui est compromis dans la terreur à Bordeaux
40:47 c'est Panis, compromis dans les massacres de septembre
40:51 c'est Barrère, l'homme de l'extermination de la Vendée
40:54 ce sont tous ces gens là et qui lui ont mis sur le dos
40:59 qui lui ont fait porter la responsabilité d'une politique
41:04 à laquelle ils avaient participé
41:06 – Tout à fait, bien Philippe Pichaud-Bravard, merci infiniment
41:09 c'était passionnant, je renvoie à votre ouvrage
41:11 "La Révolution Française" paru chez Via Romana
41:15 et bien évidemment également au dossier "La Terreur"
41:18 de la revue d'Histoire Européenne
41:21 avant de nous quitter, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
41:25 de vous abonner à notre chaîne YouTube
41:27 et maintenant vous allez retrouver Christophe Hollande et la Petite Histoire
41:30 Merci et à bientôt !
41:32 En 1702, une grande alliance, grande coalition
41:42 vous l'appelez comme vous voulez, se réunit contre la France
41:45 pour ne pas changer, enfin pas pour ne pas changer
41:48 pour le coup c'était la première ou l'une des premières
41:51 qui entraînera, qui préfigurera les grandes coalitions
41:54 lancées deux siècles plus tard contre qui on sait
41:57 et fomentées par qui on sait
42:00 j'en dis pas plus, mais vous m'avez compris je crois
42:02 enfin bref, en 1702, cette grande alliance déclare la guerre à la France
42:06 de Louis XIV, qu'il avait un peu cherché d'ailleurs
42:09 on va revenir là-dessus et d'ailleurs
42:11 ce sera l'une des guerres la plus pénible
42:14 sans doute, que le roi Soleil ait eu à affronter
42:17 Allez on y va !
42:18 Pour comprendre la guerre de succession d'Espagne
42:43 puisque c'est comme ça qu'elle s'appelle, voilà son joli nom
42:46 il faut remonter deux ans plus tard, donc en 1700
42:49 dans la désignation du Duc d'Anjou
42:52 qui est le petit-fils de Louis XIV
42:54 comme nouveau roi d'Espagne sous le nom de Philippe V
42:57 le fait que le petit-fils de Louis XIV devienne roi d'Espagne
43:00 a tout d'abord été accepté par les puissances européennes
43:03 mais Louis XIV est très taquin
43:05 il va multiplier les provocations
43:07 déjà il va lancer une punchline, il va dire
43:09 désormais il n'y a plus de Pyrénées
43:11 au sens de dire maintenant la France s'étend jusqu'à l'Espagne
43:14 donc ça c'était pas très avile
43:16 ensuite il va conserver le Duc d'Anjou
43:19 donc devenu Philippe V
43:21 comme potentiel successeur à lui-même
43:23 en tant que roi de France
43:25 ça c'est inacceptable pour les Anglais notamment
43:27 et puis en Angleterre il va soutenir les Stuarts
43:30 et puis il va faire entrer la flotte française
43:32 dans le domaine colonial espagnol
43:34 et la cerise sur le gâteau
43:36 il va faire occuper les Pays-Bas espagnols
43:38 voilà, donc autant vous dire que le roi d'Angleterre
43:41 Guillaume III n'était pas content du tout
43:43 c'est pourquoi il va susciter à La Haye
43:45 une grande alliance contre Louis XIV
43:47 nous sommes alors en 1702
43:49 cette coalition réunit l'Angleterre
43:51 les Provinces-Unis
43:53 la Prusse et l'Autriche
43:55 puis aussi plus tard le Danemark, le Portugal et la Savoie
43:57 mais bon, ça on s'en fout
43:59 au total cela fait quand même plus de 250 000 hommes
44:01 et 300 vaisseaux réunis contre la France
44:03 qui elle ne peut compter que sur l'Espagne
44:05 en gros, je vais pas rentrer dans les détails
44:07 et qui ne peut aligner que 200 000 hommes
44:09 et une centaine de vaisseaux
44:11 mais la France reste à l'époque de loin
44:13 le pays le plus puissant d'Europe et du monde
44:15 c'est bizarre de dire ça aujourd'hui
44:17 mais faut pas oublier que ça a existé
44:19 mais à peine la coalition est-elle réunie
44:21 que le roi d'Angleterre
44:23 Guillaume III meurt d'une chute de cheval
44:25 bêtement le 8 mars 1702
44:27 pas de chance
44:29 c'est Anne Stuart qui lui succède
44:31 donc une femme, pas de chance
44:33 plaisante mais c'est quand même une protestante assez austère
44:35 qui a mis au monde 17 enfants s'il vous plaît
44:37 tous morts en bas âge
44:39 pas de chance
44:41 elle va donc poursuivre la politique anti-française
44:43 de son prédécesseur
44:45 et continuer dans cette grande alliance contre la France
44:47 au début tout va bien démarrer pour la France
44:49 avec quelques succès initiaux
44:51 en Italie, dans les Flandres
44:53 et en Allemagne
44:55 mais très vite les armées françaises vont se voir paralysées
44:57 par le manque de moyens
44:59 la supériorité des ennemis
45:01 et le manque d'argent, d'effectifs
45:03 la France se retrouve donc très vite débordée
45:05 et pour ne rien arranger les protestants des Cévennes
45:07 toujours là quand il faut pas
45:09 ceux là les protestants des Cévennes
45:11 ils se soulèvent
45:13 sous la conduite d'ailleurs d'un valet de bergerie
45:15 du nom de Jean Cavalier
45:17 et c'est ce qu'on appelle la révolte des Camisards
45:19 en Bavière les armées françaises
45:21 vont être défaites à Blenheim
45:23 le 13 août 1704
45:25 d'ailleurs contre le prince Eugène
45:27 qui est un prince français
45:29 qui est pour l'occasion à la tête des troupes autrichiennes
45:31 et aussi contre le duc de Malbrock
45:33 celui de la fameuse chanson
45:35 et la semaine prochaine, 1704, les anglais vont mettre la main
45:37 sur un petit rocher
45:39 qui ouvre la Méditerranée, Gibraltar
45:41 un petit rocher très stratégique
45:43 et d'ailleurs
45:45 c'est assez significatif puisqu'ils l'ont conservé
45:47 jusqu'à aujourd'hui
45:49 les français vont ensuite perdre les Pays-Bas espagnols
45:51 vaincus par le duc de Malbrock
45:53 à la bataille de Rami
45:55 le 23 mai 1706
45:57 à Madrid ça ne va pas mieux puisque
45:59 Philippe V, vous savez le petit-fils
46:01 de Louis XIV qui avait été placé là
46:03 va être chassé de son trône et c'est son concurrent
46:05 justement l'archiduc Charles
46:07 un allemand qui est proclamé
46:09 roi d'Espagne le 1er septembre 1706
46:11 le 1er septembre 1706
46:13 ensuite l'île va tomber
46:15 bien qu'elle ait été puissamment fortifiée
46:17 par Vauban, elle tombe en 1708
46:19 les frontières sont menacées
46:21 de toutes parts, la France est épuisée
46:23 et pour ne rien arranger
46:25 là c'est vraiment comble de la malchance
46:27 et bien en 1709 c'est le grand hiver
46:29 qui commence, les températures chutent
46:31 et ça entraîne le gel des semis
46:33 et donc la famine
46:35 j'allais dire la farine mais vous avez compris
46:37 Louis XIV va donc devoir mettre son
46:39 immense égo
46:41 de côté et solliciter
46:43 la paix, mais évidemment comme
46:45 les coalisés sont en position de force
46:47 ils vont repousser cette proposition
46:49 et donc le roi va devoir en appeler
46:51 à la nation et lancer une grande
46:53 souscription, il va lui-même
46:55 donner l'exemple puisqu'il va vendre
46:57 sa vaisselle d'or
46:59 au peuple pauvre, ça me fait de la peine
47:01 quand j'entends des trucs comme ça
47:03 Louis XIV va donc former
47:05 une nouvelle armée qu'il va
47:07 confier au maréchal de Villars
47:09 et le célèbre maréchal de Villars
47:11 va mener campagne avec
47:13 Brio dans le piémont italien tout d'abord
47:15 puis ensuite il va livrer
47:17 bataille au prince Eugène et au duc de Malbroque
47:19 à Malplaqué dans les Flandres
47:21 le 11 septembre 1709
47:23 l'issue de la bataille est assez indécise
47:25 mais les anglais en face ont perdu
47:27 le mandome, qu'ils renoncent
47:29 à renvahir la France, et ça c'est toujours
47:31 bon à prendre. Pendant ce temps le duc de
47:33 Vendôme va franchir les Pyrénées
47:35 et grâce à la victoire de
47:37 Villaviciosa en décembre 1710
47:39 il va pouvoir restaurer
47:41 Philippe V sur son trône.
47:43 Et puis du côté des coalisés, surtout
47:45 côté anglais, ça va se compliquer puisque
47:47 le 17 avril 1711
47:49 l'empereur d'Allemagne
47:51 Joseph Ier va mourir et c'est donc
47:53 l'archiduc Charles, vous savez
47:55 le prétendant à la couronne d'Espagne
47:57 qui est son frère, qui va lui succéder
47:59 sous le nom de Charles VI.
48:01 Et là, ça va pas pour les anglais
48:03 puisque l'empereur d'Allemagne
48:05 ne peut pas être à la fois roi d'Espagne
48:07 sinon ça ressuscite l'empire de Charles V
48:09 et ça les anglais ne le veulent
48:11 surtout pas. Donc la France commence
48:13 à reprendre les choses en main, on s'entend
48:15 plus trop du côté des coalisés
48:17 et donc évidemment les anglais vont lancer
48:19 des préliminaires de paix.
48:21 Nous sommes en octobre 1711
48:23 des préliminaires sont enclenchés
48:25 mais ils vont être rompus dès le mois de mars
48:27 1712 et la guerre
48:29 va reprendre de plus belles.
48:31 Et là c'est le maréchal Villard qui va intervenir
48:33 il s'est remis d'une blessure et encore
48:35 une fois il va redresser la situation
48:37 en remportant la bataille de Denain
48:39 sur le prince Eugène le 1er septembre
48:41 1712. Donc
48:43 la France est définitivement
48:45 préservée de l'invasion, elle vient de remporter
48:47 une grande victoire et elle peut donc
48:49 négocier la paix tranquillement,
48:51 une paix honorable. Cette paix, c'est le
48:53 traité d'Ultrèche en 1713
48:55 et pour
48:57 analyser un peu ce traité, les choses
48:59 ne bougent pas beaucoup.
49:01 Louis XIV reconnaît les droits de
49:03 Georges 1er au trône d'Angleterre, il s'engage
49:05 à ne plus soutenir les Stuarts
49:07 la France restitue quelques villes
49:09 à l'Allemagne, mais Louis XIV
49:11 conserve ses principaux
49:13 territoires acquis et surtout il conserve Philippe V
49:15 son petit-fils sur le trône d'Espagne.
49:17 De leur côté, les anglais vont recevoir
49:19 des français des territoires d'Amérique
49:21 un peu bradés, les colonies de Terre-Neuve,
49:23 Saint-Pierre et Miquelon,
49:25 l'Acadie, etc. L'Espagne
49:27 quant à elle va céder le
49:29 territoire stratégique de
49:31 Gibraltar en Angleterre qu'il a conservé
49:33 jusqu'ici, et puis
49:35 concernant les autres alliés,
49:37 la Prusse, l'Autriche, la Savoie, tout ça
49:39 on va pas s'embarrasser avec des détails
49:41 on s'en fout. Voilà donc au final, une
49:43 guerre pour rien, Louis XIV
49:45 est allé un peu trop dans la provocation,
49:47 l'Europe s'est réunie contre la France
49:49 et la France a réussi malgré de nombreuses
49:51 difficultés à faire face.
49:53 Mais ce qu'on peut dire, eh bien, c'est que
49:55 cette guerre, cette coalition préfigure
49:57 comme je l'ai dit, les grandes coalitions
49:59 qui vont s'enclencher contre la France
50:01 à partir de la Révolution, puis
50:03 sous Napoléon, et ça, eh bien ce sera
50:05 une constante bien anglaise.
50:07 Merci beaucoup pour votre attention,
50:09 j'espère que ça vous a plu, je vous retrouve
50:11 comme toutes les semaines, mardi prochain
50:13 pour un nouvel épisode de La Petite Histoire.
50:15 À bientôt !
50:17 [Musique]
50:19 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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