Ma multitude

  • il y a 8 mois
Au fond de mes entrailles nos chers disparus toc à la porte, et me susurrent :
Coucou c’est nous !
Mon parrain, ma marraine toujours là et que dire de tante germaine, près du lavoir en plein hiver, les doigts gercés il faut battre le linge.
À quoi bon se plaindre !
Le but de ma balade là, mon bel étang aux eaux profondément troublées.
Transcript
00:00 Un souvenir, une bise légère, un froid brûlant, une journée d'hiver, belle promenade dans
00:08 la lande, le contact avec le sauvage me rapproche des temps anciens, du cousin Bertrand cadençant
00:16 la vie du village, coup de marteau après coup de marteau, sur l'enclume du père de
00:23 son père, Luguette d'un pas gracile se rendance au marché pour vendre ses fleurs, réminiscence
00:32 de ce qui était et qui s'oublie.
00:35 Écoute le gène et son accordéon, les soirs de bal, ils étaient tous là, en dimanché
00:42 parfumés, prêtes à séduire la magnifique Eulalie, déesse aux mille prétendants, tape
00:50 frappe le sol en terre battue, un verre de vin posé négligemment au bord d'une presque
00:57 table, décidément cette balade dans ce morceau de verdure, à l'abri de la convoitise, de
01:05 la bêtise humaine, me ramène à eux, cette lande me rapproche de mes ancêtres, une volée
01:13 de canards déboule telle des flèches, mon regard s'envole, ciel bas, nuage, il fait
01:19 un peu gris, tient une odeur familière, il me semble sentir le ragout de la jane, mes
01:26 sens me jouent des tours, belle harmonie avec ce qui a été, ce qui est et ce qui sera,
01:35 unité de temps, au fond de mes entrailles, nos chers disparus toquent à la porte et
01:41 me susurrent « Coucou, c'est nous, mon parrain, ma reine, toujours là, et que dire
01:48 de tante Germaine, près du Lavoir, en plein hiver, les doigts gercés, il faut battre
01:55 le linge, à quoi bon se plaindre ? » Le but de ma balade, là, mon bel étant aux
02:02 os profondément troublés, qui suis-je, sinon le fruit de tant de siècles écoulés, de
02:10 durs labeurs, de paysans aux dos voûtés ?
02:13 Georges rentre à la nuit tombée, la fourche à l'épaule, fier, il a fait ce qu'il
02:19 devait, et recommencera demain, une veillée au coin de l'âtre, le grand-père, comptant
02:26 l'histoire de la bête du Gévaudan, nous avions presque peur, des champs à perte
02:32 de vue, ici gît toutes nos joies, nos peines, nos passions et espoirs, ils sont à jamais
02:40 sur ces chemins croutés, mes aïeux, mes vieux, mes amours, mes très chers disparus,
02:48 ma multitude.
02:50 !