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Interventions de Philippe Amiotte-Suchet – Université de Bourgogne sur l’évolution future de la température, de la pluviométrie et des débits lors de la table-ronde « Conséquences du changement climatique en Bourgogne-Franche-Comté : pluviométrie, débits, biodiversité et production hydroélectrique » de la 10ème rencontre de l’hydroélectricité du 1er décembre 2023.

S'informer sur les conséquences, les impacts, les prévisions du changement climatique sur la variabilité des débits des cours, la vie des cours d'eau et sur la production hydroélectrique

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00:00 Philippe Amiot-Suchet, on peut se poser la question de pourquoi et comment le changement
00:11 climatique a un impact sur les débits.
00:15 Est-ce que vous pouvez nous faire un petit peu de pédagogie sur cet aspect-là, qu'on
00:21 comprenne bien tous les paramètres qui rentrent en ligne de compte ? Ça nous sera utile pour
00:25 la partie prospective.
00:28 Oui absolument, il faut d'abord juste se rappeler quelques petits fondamentaux, comment
00:35 l'eau de pluie qui arrive à la surface du sol se partitionne.
00:40 Il y a déjà une partie qui est évaporée et évapotranspirée, et puis sinon elle se
00:48 partitionne en trois grands types d'écoulement, le ruissellement superficiel, c'est l'eau
00:54 qui ne s'infiltre pas et qui ruisselle à la surface du sol, et puis dans l'eau qui
01:00 s'infiltre, le ruissellement de surface, qu'on appelle aussi le ruissellement hypodermique,
01:04 donc c'est le ruissellement qui est juste sous la surface du sol, et puis si elle s'infiltre
01:09 encore un petit peu plus profondément, le ruissellement ou l'écoulement profond qui
01:14 va recharger les nappes, et puis les nappes elles vont ensuite s'écouler vers le cours
01:18 d'eau.
01:19 Donc le début du cours d'eau, à tout moment du cycle hydrologique, en fait il est potentiellement
01:24 alimenté par ces trois types d'écoulement, le ruissellement superficiel, le ruissellement
01:29 hypodermique et l'écoulement profond.
01:32 Alors comment le changement climatique va venir influencer ça ? C'est la diapositive
01:38 suivante.
01:39 Alors j'ai une petite zappette.
01:41 Oui merci.
01:42 La première chose c'est que comme il fait plus chaud, on a plus d'évapotranspiration,
01:50 donc du coup on a moins d'eau disponible pour l'écoulement.
01:56 L'évapotranspiration en deux mots, même si on se doute un peu de ce que c'est, qu'est-ce
02:02 que c'est l'évapotranspiration ? Alors l'évapotranspiration c'est l'ensemble des processus qui vont,
02:07 c'est ce qu'on appelle aussi maintenant l'eau verte, c'est-à-dire que l'eau de pluie qui
02:11 arrive à la surface du sol, elle va soit être évaporée directement vers l'atmosphère,
02:16 soit à la surface du sol ou à la surface de la végétation, et puis une bonne partie
02:20 quand même va s'infiltrer et va permettre à la végétation de croître, et qui elle-même
02:27 va beaucoup transpirer cette eau, et donc l'ensemble de ces processus est ce qu'on
02:31 appelle l'évapotranspiration.
02:32 Actuellement, le partitionnement, on peut donner quelques chiffres, en Bourgogne-Franche-Comté,
02:40 quand on est en plaine, à peu près deux tiers de l'eau de pluie repart en évapotranspiration,
02:46 quand on est en zone de moyenne montagne c'est la moitié voire 40%, à peu près c'est ces
02:53 ordres de grandeur là.
02:55 Donc en clair, quand on est en plaine, seulement le tiers de l'eau de pluie est transformé
03:00 en écoulement, quand on est en moyenne montagne, entre 50 et 60% de l'eau de pluie est transformée
03:07 en écoulement.
03:10 Donc évidemment, comme la température augmente, l'évapotranspiration va augmenter, puisque
03:14 c'est un processus qui est directement lié à la température de l'air, entre autres.
03:19 On peut revenir en arrière quand même, voilà.
03:24 Et puis les précipitations, elles vont être également influencées par le changement
03:30 climatique, soit en quantité, c'est-à-dire il pleut plus, soit aussi par le fait qu'elles
03:36 ne tombent pas de la même façon, c'est-à-dire qu'elles peuvent être plus intenses, moins
03:40 intenses, ou que le régime saisonnier puisse être modifié.
03:44 Actuellement, sur Bourgogne-Franche-Comté, ça va souvent à l'encontre de certaines
03:50 idées reçues, mais les cumuls de précipitation changent relativement peu entre l'hiver et
03:55 l'été, c'est-à-dire qu'on a toujours à peu près les mêmes cumuls.
03:57 Alors effectivement, ça ne tombe pas de la même façon en hiver et en été, en été
04:02 on a plutôt des précipitations orageuses, intenses, etc.
04:04 En hiver, c'est des précipitations un petit peu plus diffuses sur l'ensemble des mois
04:13 d'hiver, mais en cumul, en fait, on a à peu près la même chose.
04:16 Alors vous avez participé à une vaste étude en 2016 qui s'appelait ICAR, sur le changement
04:27 climatique en Bourgogne.
04:29 Quelles ont été déjà les conclusions sur l'impact passé, pour prolonger un petit
04:39 peu l'intervention de M.Le Barbu, déjà si on s'intéresse au passé, quels sont les
04:43 constats jusqu'à aujourd'hui ?
04:46 Ce qu'on a nous essayé de regarder, c'est qu'on avait déjà remarqué qu'il y avait
04:51 dans les températures, donc ça c'est le travail qu'on fait avec les collègues climatologues
04:55 de l'université de Bourgogne, on a constaté que, globalement c'est valable pour l'Europe
05:03 de l'Ouest et pour l'ensemble du territoire français métropolitain, on a une rupture
05:07 des températures qui tombe à peu près sur l'année 87-88.
05:14 En clair, en Bourgogne, les moyennes températures de l'air après 87-88 sont de 1,1 degré plus
05:24 chaude qu'avant 87-88.
05:26 Donc on a voulu regarder s'il y avait eu un impact sur le débit des cours d'eau, en
05:32 Bourgogne aussi et en France, de part et d'autre de cette rupture.
05:37 On a d'abord regardé s'il y avait des modifications des précipitations, donc ça c'est les cumuls
05:41 moyens annuels des précipitations, il n'y a pas de modification sur les précipitations,
05:47 mais par contre il y a bien une modification sur les débits.
05:48 Donc on a regardé 13 bassins versants sur le territoire bourguignon et on a comparé
05:58 les débits avant la période 87-88 et après 87-88.
06:05 Donc c'est le diagramme que vous avez surtout à droite.
06:10 Globalement, nous on a considéré que les débits moyens étaient impactés d'à peu
06:14 près 11%, c'est-à-dire qu'ils baissaient environ de 11% en moyenne, mais surtout on
06:19 a remarqué que c'était le régime saisonnier de ces débits qui était fortement impacté,
06:26 avec une baisse assez importante des débits des tiages pendant la période de mai jusqu'à
06:33 août-septembre.
06:34 Et là, la région la plus impactée, est-ce que vous pouvez nous décrire un petit peu
06:41 la carte qu'on voit ?
06:43 Alors, les cours d'eau les plus impactés sont ceux qui vont avoir le plus faible soutien
06:50 des tiages, soit parce qu'ils ont par exemple des barrages sur leurs cours d'eau, c'est
07:00 le cas pour l'Armanson par exemple, ou au contraire, la roue qui a de faibles réserves
07:07 en termes de nappes d'eau souterraines, donc il y a un faible soutien des tiages par l'écoulement
07:11 des nappes d'eau souterraines.
07:13 Ça rejoint un petit peu ce qu'Erwann disait juste avant, de toute façon sur sa répartition
07:18 à lui aussi, c'était typiquement un cours d'eau comme la roue à une vraie sensibilité
07:26 au changement climatique parce que les soutiens des tiages par les nappes sont relativement
07:34 limités parce qu'il n'y a pas de grands aquifères sur ce système-là.
07:38 Oui, là la raison est liée à l'aquifère et pas forcément à l'évapotranspiration
07:43 plus importante dans cette zone-là.
07:46 Si, elle est liée aux deux en fait, on a bien effectivement des évapotranspirations
07:52 plus importantes, mais surtout aussi, on va le voir un petit peu plus loin aussi, un régime
07:58 saisonnier des précipitations qui est différent, et donc des débits des tiages qui sont plus
08:04 faibles parce que globalement on a moins de précipitations en été.
08:10 Quand on a moins de précipitations en été, si on a un soutien des tiages relativement
08:14 important, ça peut être compensé par ce soutien des tiages.
08:18 Quand on est sur des hydrosystèmes où les aquifères sont relativement plus importants
08:22 ou en tout cas en termes de volume d'eau sont plus faibles, le soutien des tiages par l'écoulement
08:29 des nabeus souterraines est plus faible et donc on voit, ça accentue encore un petit
08:35 peu plus le fait que les précipitations soient plus faibles en été.
08:40 Très bien, donc par rapport au futur, pareil, peut-être un petit peu de pédagogie sur
08:49 comment vous travaillez par rapport à ces fameux modèles climatiques.
08:53 Oui, alors très très rapidement, mais c'est juste pour montrer un petit peu qu'on essaye
08:59 de prendre en compte toutes les incertitudes autour des méthodes qu'on manipule.
09:06 Donc en fait on part de modèles globaux qui sont ceux que vous connaissez tous, dont on
09:14 parle tous dans les médias.
09:15 Et donc là en l'occurrence sur l'étude qu'on a faite, on a utilisé 18 modèles globaux.
09:22 On utilise l'ensemble de ces jeux de données là.
09:27 Les simulations qu'on a faites sont celles qui fuient des trajectoires les plus pessimistes.
09:33 Alors à l'époque on se disait, bon c'est la trajectoire sur laquelle on est encore,
09:40 mais peut-être qu'elle va s'infléchir.
09:42 Une dizaine d'années plus tard, en fait on est toujours sur cette trajectoire là, donc
09:47 finalement entre guillemets on avait fait le bon choix, mais ça reste effectivement
09:51 la trajectoire la plus pessimiste, c'est-à-dire la trajectoire qui rend compte de l'impact
09:58 de l'utilisation des combustibles fossiles si on reste toujours dans l'utilisation actuelle,
10:04 c'est-à-dire sans limiter nos émissions.
10:07 Donc trajectoire la plus pessimiste du vieux modèle globaux, et en fait on désagrège
10:14 ces modèles globaux à l'échelle du territoire bourguignon.
10:19 Donc là sur 12 km par 12 km, c'est-à-dire qu'on a un point tous les 12 km, et on simule
10:25 sur tous les 12 km la température, les précipitations et un certain nombre de variables climatiques
10:33 qu'on va injecter ensuite dans des modèles hydrologiques.
10:37 Donc nous on a utilisé deux modèles hydrologiques différents.
10:39 Donc un qu'on a fait tourner sur 13 bassins versants pour simuler les débits, et donc
10:48 on simule les débits de 2010 à 2100 quotidiennement, c'est-à-dire qu'on a une valeur par jour.
10:56 Et on fait autant de simulations qu'on a de modèles différents, ça demande des temps
11:06 de calcul relativement importants.
11:07 Et alors quel est le constat ?
11:11 Alors le constat il est que, évidemment comme la température augmente, donc ça c'est
11:20 la vision 2010-2100, comme la température augmente, évidemment les vapeaux de transpiration
11:25 augmentent en moyenne, vous voyez clairement sur la partie gauche la tendance pour les
11:32 vapeaux de transpiration potentiels.
11:33 Et puis vous avez juste en dessous son régime saisonnier qui lui est de plus en plus accentué
11:39 également.
11:40 Par contre pour ce qui est des précipitations, a priori on reste en tout cas en moyenne annuelle
11:45 sur des précipitations qui sont stables.
11:47 Par contre le régime saisonnier des précipitations très clairement change, puisqu'on s'attend
11:53 à ce qu'il y ait beaucoup moins de précipitations en été, et puisqu'on garde des précipitations
11:58 moyennes annuelles à peu près similaires à stables, on fait plus de précipitations
12:03 en hiver.
12:04 Donc on va prendre saisonnalité dans les précipitations.
12:07 Et donc ça c'est pour les variables climatiques.
12:13 Je pense qu'on discutera plus tard de l'influence sur les débits.
12:21 Oui, il y a peut-être un ordre inversé, donc je vous laisse peut-être, même si on
12:25 ne la voit pas, commenter la diapo qui était prévue juste après, peut-être si vous allez
12:30 peut-être un peu plus loin, il y a peut-être une diapo qui a zappé en cours de route.
12:34 Mais oui, vous en aviez une autre sur les débits il me semble.
12:41 Oui, mais on y reviendra après.
12:43 Mais la conséquence de ça, évidemment, vous le voyez tous, c'est que, voilà, on y est.
12:47 Là c'est l'exemple de Lattie à Crecy.
12:51 Alors nous on travaillait surtout sur les étiages, c'est peut-être quelque chose qu'on rediscutera
12:55 un petit peu plus tard.
12:56 Mais on n'a pas travaillé du tout sur les crues par exemple, ou sur les problèmes de
13:01 ruissellement, on a travaillé sur les étiages.
13:03 Et donc, c'est ce qu'on a constaté sur tous les cours d'eau bourguignons qu'on a regardés,
13:13 donc là c'est Lattie, mais si vous regardez Larousse c'est la même chose, si vous regardez
13:16 Lyon à Corency c'est la même chose également.
13:19 En fait on double la durée de l'étiage.
13:24 Entre aujourd'hui et la fin du siècle, on est aujourd'hui aux environs de 40 jours d'étiage
13:30 en moyenne par an, et on va aller vers 75 à 80 jours d'étiage en moyenne par an.
13:38 C'est bien dit, c'est en moyenne, ça veut dire que certaines années on n'aura pas 80
13:42 jours d'étiage, on aura peut-être 100 ou 120 jours d'étiage.
13:46 Alors la conséquence de ça c'est que comme l'étiage dure plus longtemps, alors l'étiage
13:51 c'est en fait la période de vidange, comme l'étiage dure plus longtemps, les débits
13:56 d'étiage vont baisser également.
13:57 Là c'est l'exemple du graphe juste en dessous, actuellement le débit d'étiage moyen sur
14:06 Lattie il est de 3 m3/s, 3 à 3,5, on va perdre 1 m3/s.
14:10 Alors c'est pareil, on perd 1 m3/s en moyenne, mais ça veut dire que certaines années,
14:16 on s'attend sur Lattie par exemple à avoir des assecs.
14:20 Donc vraiment une très nette aggravation quand même des étiages.
14:27 Très clairement.
14:28 D'accord, merci pour ces précisions et explications.
14:35 [BIP]

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