7 MIN POUR COMPRENDRE - Les visages de la révolte agricole

  • il y a 6 mois
15 jours que la colère des agriculteurs a duré en France et cette dernière se termine au fur et à mesure aujourd'hui. L'occasion de revenir sur les visages de cette révolte agricole. 
Transcript
00:00 [Générique]
00:05 Pierrick Aurel, le secrétaire général des Jeunes Agriculteurs, est avec nous.
00:08 Bonjour Pierrick, merci d'être là.
00:10 On est en direct de Montesquieu-Volvestre en Haute-Garonne
00:13 avec Jérôme Bell, éleveur de bovins,
00:15 et c'est un peu l'homme par qui tout a commencé il y a presque un mois maintenant
00:19 sur la 64 à Toulouse.
00:21 Et puis on est dans le tracteur de José Pérez,
00:23 le coprésident de la Coordination Rurale du Loter Garonne.
00:25 - Je sais pas si c'est un tracteur.
00:27 - C'est un camion.
00:29 - Dans le camion, avec également à ses côtés Karine Duc.
00:32 Tous deux sont en train de repartir pour Agen,
00:34 après être montés jusqu'à Rungis.
00:36 Merci à vous d'être avec nous.
00:38 José, première question pour vous.
00:40 Quelle est la mesure la plus importante que vous retenez,
00:44 ce que vous avez réussi à obtenir après ces deux semaines de mobilisation historique ?
00:48 - Alors je vous dirais, franchement, on est tellement pris par les occupations et partout.
00:54 Hier j'avais ma coprésidente qui sortait de garde à vue au moment des annonces.
00:58 On n'a pas eu le temps de se poser 5 minutes encore pour regarder vraiment les mesures.
01:04 Mais bon, d'après ce que j'ai entendu, pour l'instant c'est que du blabla administratif.
01:08 Il n'y a rien de concret.
01:10 Nous avions demandé des mesures de trésorerie urgentes.
01:14 Et je vois que tout ça, personne n'en a parlé.
01:17 Sur le reste des mesures, pour l'instant, c'est des promesses à échéance prochaine.
01:25 Pour l'instant c'est que du blabla.
01:27 - Non mais José, José, si c'était vraiment du blabla, vous n'auriez pas fait demi-tour entre nous ?
01:31 - Non, non, non. On a fait demi-tour parce qu'on nous a mis dehors.
01:35 On nous a mis dehors et on a été exportés par la gendarmerie, par les CRS.
01:42 Les préfets de département nous ont mis dehors.
01:46 Hier on a été bloqués sur un parking par des forces de l'ordre, par des CRS.
01:51 On nous a pris par les bras et on nous a mis dehors des départements.
01:56 Et là, tout ce qu'ils veulent, c'est qu'on dégage de chez nous.
01:59 Donc voilà, on ne s'en bat pas parce qu'on est d'accord avec les mesures.
02:03 On ne s'en bat pas parce qu'on nous chasse.
02:05 D'ailleurs, on ne nous chasse pas, on ne nous a même pas laissé monter.
02:08 Ce qu'il y a, on est un peu tenace et on a réussi à monter jusqu'à Paris.
02:11 Mais là, je vous dis qu'on nous vire un grand coup de pied au cul.
02:15 - Bon, 400 millions d'euros de mesures, c'est quand même pas mal, Pierre Icorel.
02:20 Vous avez le même sentiment que votre collègue de la coordination rurale ?
02:24 - Non, on a le sentiment que tout n'y est pas, mais qu'on a quand même avancé.
02:28 C'est une mobilisation historique et par l'ampleur et par la nature.
02:32 Pour le coup, chez Jeunes agriculteurs et FNSEA, pas de violence,
02:35 pas une personne des forces de l'ordre blessée.
02:37 Il faut quand même le souligner, un mouvement de cette ampleur,
02:40 aujourd'hui en France, c'est plutôt en ça une victoire aussi.
02:44 Et puis, évidemment, sur les mesures qui ont été annoncées,
02:46 tout n'y est pas complètement, mais globalement, ça va plutôt dans le bon sens.
02:51 - C'est quoi la mesure pour vous, Pierre, en Jeunes agriculteurs ?
02:53 - Des mesures sur la fiscalité, notamment sur la transmission,
02:56 et puis des mesures sur l'accompagnement à l'installation qui ont été annoncées,
02:59 notamment sur l'AITA.
03:01 - C'est quoi l'AITA ?
03:02 - C'est l'accompagnement des agriculteurs à l'installation,
03:05 et sur des mesures de suivi des exploitations et des projets d'exploitation.
03:10 Et ça, on sait que 80%, 90% des projets qui sont accompagnés en agriculture
03:16 sont périns dans le temps.
03:19 Et donc, c'est plutôt un très bon signal pour nous, pour Jeunes agriculteurs.
03:22 - Sur les pesticides, c'était important pour vous d'obtenir cette pause du plan éco-phyto ?
03:26 - Oui, bien sûr, c'est ce qu'on voulait, parce que ce plan éco-phyto,
03:29 il n'a été fait pas dans la concertation avec les agriculteurs, ou si peu.
03:33 Et donc, on demandait l'arrêt aussi d'éco-phyto pour pouvoir le retravailler.
03:37 Alors, on sait que ça fait bondir les associations écologistes.
03:40 - Justement, on va écouter Marie Toussaint, qui va être tête de liste des écologistes
03:43 aux futures élections européennes au mois de juin.
03:45 Elle est furieuse ce matin, écoutez-la.
03:47 - C'est un cadeau empoisonné, fait aux agriculteurs.
03:49 Pourquoi ? Parce que les agriculteurs sont les premiers à être empoisonnés
03:52 justement par ces pesticides.
03:54 On compte, dans le milieu agricole, plus 50% de probabilités
03:58 de tomber malade d'un lymphome ou d'un cancer de la lèvre.
04:01 Ce sont des cancers qui sont liés aux pesticides,
04:03 et donc, il faut absolument changer de modèle.
04:05 Et par ailleurs, ça porte une atteinte considérable à la biodiversité.
04:08 On a perdu 60% des oiseaux des champs, 70% des insectes volants,
04:14 et donc, on voit bien qu'on ne peut pas continuer comme ça.
04:16 - Il n'y a pas un vrai sujet quand même, José Pérez, autour de ça ?
04:19 - Comment ? Oh, il y a un vrai sujet !
04:22 Il y a un vrai sujet, mais ça, c'est comme tout médicament.
04:27 À un moment donné, si on n'a pas ce qu'il nous faut
04:30 pour pouvoir continuer à travailler, continuer à produire,
04:32 comment on fait ?
04:34 Et après, on est capable d'accepter de faire venir des mêmes produits,
04:39 des produits d'autres origines, avec les traitements, tout ça.
04:43 Aujourd'hui, il faut que nous maintiennions les produits phytos qu'on a,
04:49 qui restent, les seuls qui restent actuellement,
04:52 et sinon, on est morts, on n'arrivera plus à produire en France.
04:55 - Jérôme Beyl est en direct avec nous de sa ferme.
04:59 Ça vous fait réagir, ça, ou pas ?
05:02 - Bien sûr que ça fait réagir, au bout d'un moment.
05:08 Il ne faut pas oublier que trop d'écologie tue l'écologie,
05:11 parce que quand on voit qu'on ne peut plus curer les fossés
05:14 dans le nord de la France et qu'il y a des inondations,
05:16 je ne suis pas sûr que les animaux de la faune sauvage
05:19 se sauvent tous de toutes ces inondations.
05:22 Quand il y a des incendies, que tout brûle,
05:24 qu'il y a eu des centaines de milliers d'animaux brûlés, vivants,
05:28 dans les Landes, parce qu'on a interdit les coupes-feux et tout ça,
05:32 je ne suis pas sûr que ces animaux-là soient sauvés par les écologistes.
05:40 Au bout d'un moment, on veut en faire trop en France.
05:42 Le souci, c'est qu'on veut toujours faire plus blanc que blanc.
05:45 On le voit, on importe, comme ils l'ont dit mes prédécesseurs,
05:48 on importe des produits qui utilisent des matières actives interdites en France,
05:53 mais ça ne choque personne.
05:55 La France veut tout le temps être un exemple,
05:57 mais on est loin d'être exemplaires en ce moment.
05:59 - Jérôme, vous avez suivi forcément à distance tout ce qui s'est passé cette semaine,
06:04 parce que vous, vous avez regagné votre ferme
06:07 après avoir obtenu ce que vous attendiez sur le gazole non routier.
06:11 Vous êtes allé sur les barrages, d'ailleurs, cette semaine ou pas ?
06:14 - Non, non, non, parce que malheureusement, après dix jours de blocage,
06:20 j'avais énormément de boulot, mais j'ai appelé déjà sur les barrages pour les soutenir.
06:25 Et après, on n'a pas obtenu que le gazole non routier.
06:28 On a aussi obtenu l'ouverture des dossiers de la MHE qui doit avoir lieu lundi,
06:34 et on a rouvert les dossiers LAC partout en France,
06:39 et d'autres mesures, comme le curage des fossés, justement, et plein d'autres choses.
06:44 - Je vous pose cette question parce que vous vous êtes fait un peu charrier.
06:47 - On n'a pas levé parce qu'on n'a eu que ces mesures.
06:49 - Voilà, je vous pose cette question parce que vous vous êtes fait un peu charrier,
06:52 après vous vous êtes retiré du barrage de la 64.
06:54 Ça s'est un peu calmé ou pas ?
06:56 - Mais bien sûr, bien sûr.
07:01 Après, il ne faut pas oublier, c'est ce que les gens ont oublié,
07:03 c'est que quand on est rentré nous sur le barrage,
07:05 on n'avait aucun syndicat avec nous, et on n'avait personne avec nous qui nous soutenait.
07:09 Au contraire, ils nous mettaient des bâtons dans les roues.
07:11 Donc on n'a pas été gourmand, je l'ai dit, je le répète.
07:14 Nous, on avait trois mesures parce qu'on voulait se faire entendre.
07:17 On n'aurait jamais cru que ça prenne une ampleur nationale.
07:20 Et tant mieux, tant mieux au final, même si j'en prends un peu sur le dos.
07:24 Dites-vous que je reçois 99% de messages positifs
07:27 de tous les agriculteurs de France et d'autres personnes.
07:30 Après, maintenant, on a montré autre chose aussi.
07:33 On a montré que tous les agriculteurs de France étaient capables de se mobiliser.
07:37 Donc si l'État joue un peu trop avec nous et ne tient pas ses engagements,
07:41 il faudra bien se rappeler qu'à l'appel de beaucoup de gens,
07:46 tout le monde va se mobiliser rapidement et très rapidement.
07:49 - Il y a un de vos collègues ce matin dans un de nos reportages qui disait
07:52 "ça restera une magnifique aventure dont on se souviendra toute notre vie ces deux semaines de mobilisation".
07:58 Une image en direct en ce moment, c'est sur l'autoroute A6 à Chilly-Mazarin.
08:02 Les agriculteurs sont en train de lever le camp.
08:04 Vous voyez, ils démontent les barnum, ils nettoient la chaussée.
08:08 Images donc sur l'autoroute A6 ce matin.
08:12 Ça restera une mobilisation historique selon vous, Pierre Ricorelle ?
08:16 - Ah oui, en effet.
08:18 Enfin, ça fait une quinzaine d'années que je fais du syndicalisme.
08:21 On a fait quelques mobilisations, mais de cette ampleur-là, de cette intensité,
08:25 non, je pense que ça sera historique.
08:28 Pour échanger un petit peu avec la FNS, on sait que ça fait longtemps.
08:30 - Est-ce que ça vous a fait du bien, au moral ?
08:32 - Pas sur le coup. Je vous avoue que c'est dur.
08:35 Ce sont des moments qui sont intenses, où on a beaucoup de pression.
08:38 Il y a beaucoup de personnes qui sont mobilisées.
08:40 Mais ce qui nous a fait du bien, c'est que j'étais sur des barrages la semaine dernière.
08:45 Le soutien des citoyens, les klaxons, les repas à porter,
08:49 ça nous a surpris un petit peu parce qu'on ne s'attendait pas à autant de soutien.
08:53 Et ça, c'est plutôt très agréable.
08:55 - Vous pouvez peut-être nous éclairer notre lanterne sur un petit mystère dans cette mobilisation ?
08:58 On voulait finir sur un clin d'œil.
09:00 C'était les tracteurs qui arrivaient en klaxonnant.
09:03 Est-ce qu'on l'a, Julien Navarro ? Est-ce qu'on a Baby Shark ?
09:06 Pourquoi est-ce que les tracteurs jouent Baby Shark au klaxon en arrivant dans les cortèges ?
09:10 - Parce qu'on est des J.A. et qu'on écoute Baby Shark pour les enfants.
09:13 - Pour enfants, c'est la chanson la plus écoutée sur YouTube.
09:16 C'est 14 milliards de vues. On avait mis des années à s'en débarrasser.
09:19 Et grâce à vous, voilà, on fait le klaxon.
09:23 - Tous les tracteurs sont écoutés d'un klaxon Baby Shark ?
09:27 - Non, tous les tracteurs des J.A., oui, on va dire.
09:30 - C'est des kits de klaxon qu'on achète et on peut faire des petites musiques.
09:33 - Bon, merci. Merci beaucoup. Merci d'être venu nous voir.
09:36 Elles sont belles, vos vaches, Jérôme Bail. On les voit derrière vous. Superbes.
09:40 Merci d'avoir été en direct avec nous ce matin.
09:43 - Merci beaucoup.

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