La députée LFI de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain était l'invitée du 8.30 franceinfo du vendredi 2 février.
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00:00 - FNSEA, les jeunes agriculteurs appellent finalement à suspendre les blocages, c'est un bon point pour le gouvernement ?
00:05 - Écoutez, le compte n'y est toujours pas. L'essentiel, j'ai envie de dire, n'y est pas dans cette loi.
00:10 Moi, j'attendais à la fois des prix planchers, ce qui permet aux agriculteurs, aux paysans de vivre de leur travail,
00:18 et aussi un engagement ferme à arrêter les traités de libre-échange.
00:22 - Alors on va revenir sur ces différents points, mais ça veut néanmoins dire que les agriculteurs ont le sentiment d'avoir été entendus.
00:26 - Il y a des éléments, des mesures qui vont dans le bon sens. Je pense notamment à la clause de sauvegarde.
00:31 J'ai envie de dire enfin, ça fait des mois que nous demandons qu'il y ait en effet des clauses de sauvegarde.
00:36 Alors ici, c'est limité, puisqu'il s'agit seulement d'un pesticide, le thiaclopride, voilà, pour être précise.
00:45 Donc c'est l'idée qu'on arrête d'importer des fruits et légumes avec des pesticides que nos agriculteurs en France
00:51 n'ont pas le droit de mettre dans leur production, ce qui est déloyal d'un point de vue de la concurrence,
00:59 mais ce qui est aussi une folie sur un plan sanitaire. Mais ce que je retiens de ces mesures,
01:05 c'est évidemment la folie, la folie totale sur le plan écologique. Parce que s'il y a cette petite clause de sauvegarde, le plan éco-phyto...
01:16 — C'est ça. Alors l'exécutif a décidé justement de mettre ce plan éco-phyto qui visait à réduire l'usage des pesticides sur pause.
01:23 C'était un plan qui suscitait la colère des agriculteurs. Est-ce que le gouvernement n'a pas eu raison d'entendre cette colère ?
01:29 — Écoutez, il répond à la logique de la FNSEA, mais pas à l'intérêt de la majorité des paysans,
01:34 et certainement pas à l'intérêt des Français pour leur santé, à l'intérêt même des agriculteurs pour leur santé eux-mêmes,
01:40 puisque l'utilisation des pesticides, les premières victimes en sont les paysans, qui sont contaminés. Et puis il y a un enjeu pour l'écosystème.
01:50 — Mais c'est ce qu'ils en ont besoin, aussi. Comment ils font, en fait ? Le parti gouvernement, c'est pas de la réponse sans solution.
01:54 — Vous voyez bien que le système ne marche pas. Mais vous voyez bien que le système ne marche pas. C'est-à-dire que l'Union européenne
01:58 et les gouvernements successifs ont détruit toutes les protections de notre agriculture pour favoriser le productivisme et l'accumulation de profits.
02:07 Et au total, qui paie la facture ? La majorité des paysans qui peuvent pas vivre de leur travail et notre santé,
02:13 puisque on mange mal. Vous avez des agriculteurs qui crèvent la dalle, et nous, qui mangeons des choses qui sont dangereuses pour la santé.
02:20 — Par exemple, la Jachère, qui est une pratique européenne bien connue, n'est pas particulièrement une mesure de surproductivité.
02:26 — Eh ben précisément, oui. La Jachère, la FNSEA, demande à ce qu'on sorte carrément de la Jachère.
02:32 — C'est l'Europe qui impose... — Oui, mais l'Europe, avec la PAC, vous le savez comme moi, la PAC, elle, favorise une agriculture qui est intensive.
02:41 Et vous savez très bien que quand vous signez les traités de libre-échange... Moi, sous le précédent mandat,
02:45 je me suis beaucoup battue sur les CETA, contre le CETA, qui était un traité de libre-échange avec le Canada.
02:51 Mais il y en a eu des flopées. Les gouvernements et la Macronie ont signé un traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande.
02:58 Et là, sur le Mercosur, il n'y a pas d'engagement clair. Il y a une formule qui est alambiquée,
03:06 puisque Gabriel Attal fait semblant de taper du poing sur la table en disant qu'il n'est pas question de signer ce traité du Mercosur.
03:12 Mais attention. — Mais ça, ça va dans le fond. — En l'État ! Non ! En l'État ! Il dit en l'État.
03:17 Les négociations ne sont pas suspendues. Donc nous, ce qu'on attend du gouvernement, c'est de dire que ça suffit. — Vous appuyez à mettre fin totalement aux négociations.
03:22 — On ne peut pas être compétitif. Les agriculteurs, ils ne peuvent pas, français, être compétitifs avec...
03:26 — Et vous savez que ces accords de libre-échange, ils visent aussi à exporter...
03:29 — Écoutez-moi. Mais écoutez-moi. D'abord, ce grand déménagement du monde, d'un point de vue écologique, est une absurdité.
03:36 Si on dit « on veut inscrire » – ce qui est déjà dans la loi – le gouvernement se moque un peu de nous, puisqu'il dit
03:39 « on va inscrire la souveraineté alimentaire dans la loi », c'est déjà dans la loi. Bon. Mais admettons, on va le mettre à un autre endroit,
03:45 et essayer de consolider. La souveraineté alimentaire, ça veut dire aussi l'autosuffisance. Et si on est dans une logique d'échange,
03:53 c'est-à-dire qu'on se met à manger des tomates produites à l'autre bout du monde, du bovin qui vient transporter, tout ça a un coût écologique.
04:02 Ça a un coût écologique. Et par ailleurs, on ne peut pas... Les agriculteurs français ne peuvent pas être compétitifs avec des pays
04:08 où il n'y a aucune norme environnementale et où le planét n'est pas le même. Et donc le prix du travail, la rémunération du travail
04:14 n'est pas le même. Donc plus vous ouvrez, plus vous dérégulez le marché, ce qui a été la logique européenne, et des gouvernements successifs,
04:23 vous le dérégulez, plus vous affamez. - Donc vous ne dites aucun accord de libre-échange ? Ils sont tous mauvais par principe ?
04:28 - Bien sûr, les accords de libre-échange. Mais ça ne veut pas dire aucun échange. Ça ne veut pas dire une fermeture totale.
04:33 - Parce que les accords avec le Canada ont fait augmenter les exportations françaises de 43%. Qu'est-ce que vous dites aux agriculteurs
04:39 qui ne pourront plus exporter leurs produits ? - Ce que je vous dis, c'est que ce sont les gros agriculteurs qui importent. Et ce sont ceux-là qui sont favorisés.
04:45 Mais l'agriculture de proximité, l'agriculture bio, elle, elle n'y trouve pas son compte. Et d'ailleurs, elle n'y trouve pas son compte,
04:52 y compris dans les annonces en millions. C'est en millions et pas en milliards. Ce n'est pas énorme, ce qui a été annoncé.
04:56 - Il y a un plan pour le bio, notamment. - Oui, mais ce n'est pas énorme. Pour la filière bio, vous savez combien c'est ?
05:00 50 millions d'euros seulement pour la filière bio. Vous croyez qu'on va la sauver comme ça ? Or, c'est la puissance publique,
05:06 la puissance publique, sa responsabilité, c'est d'investir dans le bio, c'est d'investir dans la relocalisation de l'économie
05:14 et donc de notre agriculture. Par exemple, je vais vous prendre une mesure simple, quelques mesures simples qui, d'ailleurs,
05:19 relèveraient de l'esprit public et du service public pour améliorer la situation. Je vous ai dit des prix planchers.
05:24 D'abord, ça, c'est pour réguler. Les prix planchers, c'est ce qui permet d'éviter la vente à perte et c'est ce qui permet
05:31 que les agriculteurs aient une rémunération. Le gouvernement... - Le ministre de l'Agriculture sur France Info vous dit que c'est démagogique,
05:35 cette mesure, parce qu'on ne peut que agir sur les produits français. Donc, 1 kg de tomates coûtera 10 euros, de tomates françaises.
05:41 À côté, 1 kg de tomates importées coûtera 3 euros. Vous pensez que dans un contexte d'inflation, les Français se dirigeant vers
05:46 quel sachet de tomates ? - Il suffit de faire des droites de douane. Vous pouvez jouer sur la douane. Non ? C'est pas possible, ça ?
05:52 - C'est votre réponse. - C'est une des réponses. Oui, protéger notre agriculture. C'est une des réponses.
05:56 - Donc, les tomates seront à 10 euros. - Non. De toute façon, l'idée qu'on doit payer toujours moins cher l'alimentation dans l'ensemble
06:06 du coût de la vie, de tout ce qu'on a à... comment dire... à rémunérer pour vivre correctement, est un problème.
06:14 Donc, tout ça, il faudra tâcher au coût de la vie. Si votre logement était moins cher, s'il n'y avait pas une augmentation de l'électricité
06:21 à 10 % depuis hier, c'est énorme ! 44 %, 44 % sur une période extrêmement courte, depuis 2023, d'augmentation de l'électricité.
06:31 Si vous aviez une hausse des salaires, etc., etc., on pourrait décider, collectivement, que ce bien essentiel, qui est quand même la nourriture,
06:38 pour en avoir une de qualité, pour que nos paysans puissent vivre, oui, on met plus d'argent dans l'alimentation, à condition que l'équation
06:44 globale tienne. Or, le gouvernement n'est pas dans cet état d'esprit-là, absolument pas. Mais je voulais vous donner des exemples de ce que
06:50 l'État, le public, pourrait faire. Si la restauration collective... - Il y a l'État qui s'engage, pardonnez-moi, l'État qui s'engage,
06:58 notamment sur la question de la loi EGalim, qui, semble-t-il, a fonctionné à une époque, et qui ne fonctionne plus.
07:04 - Non mais, cette loi, elle a 6 ans. Elle a 6 ans, la loi EGalim, et maintenant, voilà ce gouvernement qui se réveille et qui se dit
07:10 « Tiens, maintenant, on va peut-être essayer de faire en sorte qu'elle soit appliquée ». Vous n'avez pas l'impression qu'on se moque du monde ?
07:16 C'est-à-dire que dans les mesures qu'on nous annonce, c'est « Les aides prévues vont être payées ». Super. Il était temps. Moi, j'ai vu des
07:22 agriculteurs en Bretagne, il n'y a pas si longtemps que ça, après des intempéries, ça faisait plusieurs mois, qu'ils attendaient d'avoir les aides
07:29 auxquelles ils ont droit. Et entre-temps, comment vous voulez qu'ils tiennent ? Donc c'est quand même le minimum qu'un gouvernement s'échine
07:34 à faire appliquer la loi, et non pas qu'aimande, mais s'échine à la faire appliquer, et deuxièmement, qu'il verse les aides auxquelles les agriculteurs
07:41 ont droit. Alors qu'il faille un mouvement, une colère, des blocages pour en arriver là, vous voyez, c'est quand même assez pathétique.
07:47 C'est assez pathétique. Mais je reviens sur ce que peut faire un État sur la restauration collective. Bien sûr, mais en positif.
07:54 Si la restauration collective – je parle des cantines, des restaurants, des Ehpad – était fournie par des agriculteurs qui sont dans un périmètre,
08:03 vous voyez, proche, bien, juste avec une mesure comme ça légale, vous pourriez sauver la majorité des paysans qui aujourd'hui ont bien du mal...
08:11 – Il y a aujourd'hui des injonctions et des obligations d'avoir du bio et du local, notamment dans les cantines, dans les cantines scolaires,
08:18 et c'est aujourd'hui dans... – Je vous parle de circuit court. Je vous parle de circuit court.
08:21 – Aujourd'hui, c'est déjà dans la loi. – Pas seulement du bio, je vous parle du circuit court. Du bio, c'est mieux, mais encore faut-il
08:25 qu'à l'échelle européenne et française, on investisse dans le bio et qu'on arrête de nous mettre des pesticides partout. C'est dangereux
08:32 pour la santé, c'est grave.