Compliance : quand l'entreprise crée le droit [Jean-Philippe Denis et Christophe Lapp]

  • il y a 8 mois
Xerfi Canal a reçu Christophe Lapp, avocat, spécialiste de droit de la construction au cabinet Advant Altana, pour parler de la compliance.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Christophe Lappe.
00:09 Bonjour monsieur le professeur.
00:11 Christophe Lappe, vous êtes avocat, vous êtes spécialiste de droit de la construction,
00:16 cabinet que vous avez fondé à devant Altana.
00:18 Christophe Lappe, revue française de gestion, numéro spécial a été consacré au management
00:24 face aux judiciaires, a été coordonné par deux professeurs, Romain Loffer et Yvonne
00:28 Muller-Lagarde.
00:30 Romain Loffer définit le management comme un système quasi juridictionnel.
00:34 Ici, on parle juridictionalisation de la compliance et je crois que vous considérez
00:41 que la compliance au regard de la conformité c'est précisément s'intéresser à l'entreprise
00:46 comme créatrice de droit.
00:48 Alors est-ce que Romain Loffer a raison de considérer l'entreprise comme un système
00:51 quasi juridictionnel ?
00:52 Pour moi oui, je le partage.
00:56 Encore une fois, mon regard est celui d'un praticien et je vois que l'entreprise n'est
01:01 pas qu'un sujet de droit, plus d'aujourd'hui.
01:03 Elle est aussi créatrice de droit.
01:05 Alors elle l'est notamment dans le domaine de la compliance, le disais-je, par le fait
01:09 de la délégation qui lui a été consentie par les États, incapables de régir eux-mêmes
01:15 les problèmes et les difficultés qui sont aujourd'hui les nôtres de réchauffement
01:20 climatique, etc.
01:21 Mais elle l'est tout autant par des mécanismes internes, ceux de son management, de sa gestion,
01:26 etc.
01:27 Regardez un peu.
01:28 Elle a la capacité d'établir ses propres normes, un règlement intérieur.
01:32 Cette norme, quelle est-elle ? Est-ce qu'elle est une prescription générale ou une règle
01:38 de droit ? Une règle de droit au sens de Motulsky.
01:41 Motulsky caractérisait une règle de droit comme étant d'une part l'expression d'une
01:44 présupposition, c'est-à-dire une exigence, une EU, une contrainte, et une sanction.
01:51 L'entreprise est dotée d'un pouvoir disciplinaire, que je sache.
01:55 Donc l'entreprise est effectivement dans son management un organisme quasi-juridictionnel
02:02 puisqu'elle est capable d'émettre une norme au sens d'une règle juridique comportant
02:07 ses deux termes de présupposition, exposée du principe et de l'obligation de faire
02:12 ou de ne pas faire, et de sa sanction.
02:14 Et plus encore.
02:15 Aujourd'hui, nous avons à tout le moins deux illustrations de cette capacité ou de
02:22 ce pouvoir quasi-juridictionnel.
02:23 Je prends l'exemple de l'oversight board de Facebook, cette prétendue cour suprême
02:29 qui n'en est pas une, bien évidemment, mais qui néanmoins l'idée qu'une entreprise,
02:34 en se dotant par le recours à des tiers neutres, mais à qui elle va déléguer un pouvoir,
02:44 non pas normatif, mais un pouvoir d'émettre une sanction, une interdiction, une autorisation
02:53 de faire ou de ne pas faire.
02:54 La voici non plus comme simplement émetteur de droit, créateur de droit, mais comme
03:00 sanctionnateur du droit.
03:02 C'est un organe quasi-juridictionnel.
03:05 Le second exemple, c'est que, revenons encore une fois sur l'accompliance qui va nous
03:10 obliger à changer notre regard sur l'entreprise.
03:14 L'accompliance, par cet exercice d'introspection que l'entreprise s'impose dans son diagnostic
03:20 de son activité, de ses zones de risque, puis dans son exercice de prospective, va
03:28 de temps en temps être conduit à faire des arbitrages.
03:31 Y aller, ne pas y aller, sur tel marché, dans tel pays.
03:36 Ces arbitrages, aujourd'hui, elle envisage de les confier également une sorte d'arbitrage
03:41 interne.
03:42 C'est bel et bien aussi se reconnaître un pouvoir quasi-juridictionnel.
03:47 J'en tiens une ultime preuve dans le développement de ces voies nouvelles de règlement des
03:53 litiges.
03:54 Alors cette fois-ci, je suis entre deux entreprises et non plus dans le management interne, je
03:59 dépasse votre question.
04:00 Mais il y a de plus en plus de recours à des voies alternatives de règlement des litiges,
04:07 c'est leur terminologie, marge, moyens alternatifs, modes alternatifs, etc.
04:12 Mais qui passent par des organismes quasi-juridictionnels, c'est-à-dire par la confiance que nous
04:18 accordons à quelqu'un qui n'est pas un juge, qui n'est pas doté d'impérium,
04:22 et pour autant qui est capable d'émettre une décision qui va s'imposer à moi.
04:27 Et j'accepte à l'avance que cette décision conventionnelle s'impose à moi.
04:31 Donc on voit qu'aujourd'hui, nous allons dans un sens où l'entreprise dépasse
04:36 son statut de sujet disais-je, en propos conclusif, pour être à la fois créatrice de normes,
04:43 mais aussi quasi-juridictionnellement dotée du pouvoir d'appliquer cette norme en sorte
04:49 d'en assurer l'effectivité.
04:51 Un changement de paradigme complet.
04:55 Je suis d'accord.
04:56 Et tant mieux.
04:57 Et tant mieux.
04:58 Et tant mieux.
04:59 Et donc il est urgent que les dirigeants prennent conscience.
05:02 Aussi, ils n'en ont pas toujours conscience.
05:04 Non.
05:05 Et qu'ils le positivent.
05:06 C'est-à-dire qu'ils envoient, pour eux, un moyen y compris de management et de ressources
05:11 humaines.
05:12 C'est peut-être par ce biais-là qu'on redonne du sens au travail.
05:14 Et une raison d'être.
05:17 Et une raison d'être.
05:18 Merci à vous, Christophe Lappe.
05:20 Merci beaucoup.
05:20 Merci à vous.
05:22 [Musique]
05:27 [SILENCE]

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