Yves Maule - Secrétaire général-adjoint de l'UGIB (Union Générale des Infirmiers de Belgique) - était notre invité du Carrefour de l'Info pour revenir sur le mémorandum publié par l'UGIB.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Sur Arabelle.
00:02 [Générique]
00:04 Bonjour, bonjour à tous.
00:06 Bienvenue dans votre carrefour de l'information.
00:08 Tout de suite, le sommaire à l'international au Proche-Orient.
00:11 La guerre va entrer dans son cinquième mois, le 7 février.
00:14 Des centaines de milliers de Palestiniens à la vie déchirée
00:17 par l'une des guerres les plus meurtrières du XXIe siècle.
00:20 Revue de presse internationale tout à l'heure.
00:22 Chez nous, dans le versant politique,
00:24 le député bruxellois Youssef Ndichi quitte le PTB.
00:27 Le député siègera dorénavant au Parlement bruxellois comme indépendant.
00:32 L'état des lieux du monde infirmier est plutôt morose.
00:35 L'Union générale des infirmiers de Belgique vient de publier un mémorandum sur le sujet.
00:39 Yves Molle, vice-président de l'Egypte, sera avec nous dans quelques instants.
00:43 Et puis en deuxième partie d'émission, comme tous les jours, direction le Maghreb,
00:46 notamment en Tunisie, les élections locales.
00:48 Hier, le taux de participation au second tour s'établit à 12,44%.
00:53 La preuve du faible engouement des Tunisiens pour la chose politique.
00:57 Voilà pour l'essentiel du Carrefour de l'Info qui démarre dans quelques minutes.
01:00 Je vous le disais, à quelques instants, les infirmiers pointent les 5 priorités
01:10 pour soigner les soignants dans un mémorandum.
01:13 Notre invité du jour, Yves Molle, vice-président de l'Union générale des infirmiers de Belgique.
01:16 Bonjour.
01:17 Bonjour.
01:18 Merci d'être avec nous sur Arabelle.
01:20 Alors, l'Union générale des infirmiers a publié un mémorandum
01:23 d'une manière générale, disons, un état des lieux du secteur,
01:26 avec les principaux problèmes, mais aussi avec des pistes pour des solutions.
01:30 Un état des lieux, d'abord.
01:32 Qu'est-ce qui ne va pas, Yves Molle, dans le monde infirmier aujourd'hui ?
01:36 Ce qui ne va pas, c'est probablement une suite d'événements
01:40 qui perdurent depuis, je dirais, une quinzaine ou une vingtaine d'années.
01:43 Ça fait une quinzaine d'années que nous sommes inquiets pour la profession infirmière,
01:48 que nous le signalons, avec pas beaucoup d'effets quant au niveau politique.
01:52 Et donc, on a eu l'époque Covid qui a aggravé encore la situation,
01:58 puisque beaucoup de professionnels de la santé ont eu une perte de sens
02:01 à la suite de cette période Covid.
02:03 Et je pense que le monde politique pensait que tout redémarrait comme précédemment,
02:08 mais ça n'a pas redémarré comme précédemment.
02:10 Et aujourd'hui, les cadres sont vides.
02:12 Ça veut dire qu'on peine à trouver du personnel infirmier.
02:16 Des lits d'hôpitaux qui sont fermés, plus grave, des lits d'attentifs qui sont fermés.
02:21 Et nous, sur le terrain, on ne voit pas trop du changement
02:25 ni de motivation de changer les choses.
02:27 Donc, quand on arrive dans une année électorale,
02:31 la moindre des choses pour l'Union Générale des infirmiers de Belgique,
02:33 c'est d'être publié à un mémorandum politique
02:35 pour essayer d'avoir un effet sur cette campagne.
02:38 Oui, on va y revenir dans quelques instants.
02:40 Je voudrais m'arrêter sur l'absentéisme.
02:42 Il y a pas mal d'infirmières et d'infirmiers qui s'absentent.
02:45 Je dirais le pourquoi du comment.
02:47 D'abord, le métier d'infirmier, ça n'a pas l'air comme ça.
02:49 C'est un métier lourd.
02:51 Vous êtes présent 24 heures sur 24 au chevet du patient.
02:54 On doit faire face à toutes les éventualités.
02:57 La formation d'infirmier est une formation complexe.
03:00 C'est un métier qui est tout à fait merveilleux,
03:02 mais qui met sur les épaules des gens une charge de travail importante.
03:06 Et donc, quand vous n'arrivez plus à vous adapter à la charge de travail,
03:10 quand vous n'arrivez plus à faire face au challenge
03:14 qui représente de soutenir la vie d'autres personnes,
03:19 vous vous mettez en maladie.
03:21 Parce qu'il y a un moment donné où, je vais caricaturer,
03:25 mais l'hôpital ou les soins de domicile ne sont pas une usine de petits pois.
03:28 Quand on ne fait pas quelque chose correctement dans notre métier,
03:31 on blesse des gens, voire on peut en tuer.
03:33 Je crois que la plupart des professionnels qui sont confrontés à ça
03:37 prennent du recul et disent à un moment donné
03:39 « Ok, moi je ne peux plus aller dans ce sens-là ».
03:41 Soit ils quittent. Ils peuvent quitter la profession.
03:43 Ou alors, aller faire toute autre chose.
03:45 La formation d'infirmier, c'est une formation très polyvalente.
03:48 On ne s'intègre pas dans la plupart des environnements professionnels.
03:52 J'ai beaucoup de collègues qui ont quitté pour aller dans les assurances,
03:54 dans les banques et ainsi de suite, et ils se sont très bien intégrés.
03:57 Soit vous vous mettez en maladie.
03:59 Oui, on parle alors d'un cercle vicieux,
04:01 d'absentéisme, d'émotivation et abandon.
04:03 C'est pour ça que pas mal de personnel infirmier quitte finalement la profession ?
04:07 Oui, parce que le fait qu'on n'arrive plus à retenir le personnel au niveau du soin,
04:12 que ce soit à l'hôpital, en soi à domicile, dans les maisons de repos,
04:18 c'est tout à fait la même chose.
04:20 Les problèmes sont tout à fait superposables.
04:22 Et donc, il y a moins de personnel sur le terrain,
04:25 ce qui veut dire qu'il y a plus de pression pour ceux qui restent.
04:28 Cette pression, ils doivent s'y adapter.
04:30 Et résultat des courses, on crée de l'absentéisme.
04:33 Et donc, cet effet boule de neige fait que le système tourne un petit peu à vide.
04:38 Vous accueillez des étudiants qui viennent parce que
04:40 ils se disent « Ok, c'est un métier fantastique, il y a des stages. »
04:43 Ils découvrent des terrains de stage qui sont très compliqués à cause de cela.
04:47 Et puis, ils se disent « Ce n'est peut-être pas pour moi cette profession. »
04:50 Ils quittent en cours de formation.
04:52 Et ceux qui arrivent à la fin et qui sont diplômés restent deux ou trois ans
04:56 et puis disent « Ok, je vais faire autre chose. »
04:58 Alors, on déserte massivement le métier parce qu'il n'y a pas de revalorisation.
05:03 Elle ne vient pas finalement ?
05:05 Il y a plusieurs... C'est multifactoriel. Il y a plusieurs facteurs.
05:08 Effectivement, il y a une revalorisation qui a été demandée.
05:11 Et il y a déjà eu un essai de revalorisation au travers de ce qu'on appelle nous autres l'IFIC
05:16 qui était une volonté du ministre de la Santé publique de financer,
05:21 de payer les infirmiers en fonction de ce qu'ils font sur le terrain
05:24 et plus non plus au niveau de leur diplôme.
05:26 Ce qui a quelques effets pervers, mais bon.
05:28 Il y avait cette volonté de faire un certain nombre de choses.
05:31 Maintenant, on ne peut pas dire que le métier d'infirmier, c'est le métier qui est le mieux payé.
05:37 Je pense que c'est clair que quand vous êtes disponible jour, nuit, week-end
05:42 et que votre famille fait des barbecues et que vous devez dire "non, je suis désolé, moi je suis de garde"
05:47 et ainsi de suite, tout ça n'a pas de prix.
05:51 Mais au-delà de la revalorisation financière,
05:54 on a aussi un besoin de revalorisation par la société
05:58 et aussi à l'intérieur des structures dans lesquelles on travaille.
06:01 La voix de l'infirmier aujourd'hui n'est pas écoutée.
06:03 Quand on est à l'intérieur de l'hôpital et qu'on dit quelque chose,
06:07 il n'y a pas d'organe de représentativité qui nous permet de dire
06:11 "ok, c'est plus que la vie d'un seul individu".
06:13 Et aussi dans la société, aujourd'hui, quand on nous applaudissait en 2019
06:18 durant le Covid, c'était effectivement génial, mais c'est assez rapidement retombé.
06:23 Et quand on voit la pression des soins où vous vous faites agresser en permanence,
06:26 nous on doit travailler de manière très très rapide, très comprime,
06:30 on ne peut pas prendre le temps et donc ça génère plein de choses.
06:32 Tout ça fait qu'il y a cette perte de sens, et cette perte de sens,
06:36 elle fait qu'à un moment donné vous dites "bon, ce n'est plus pas le métier pour lequel j'avais signé".
06:40 Alors vous parlez beaucoup de pression sur le métier,
06:43 du coup les malades ne reçoivent pas certains soins justement
06:46 parce que les infirmiers n'ont plus de temps finalement pour les accomplir.
06:49 C'est ce que nous appelons aujourd'hui les soins manquants.
06:51 Donc en fait, dans beaucoup d'environnements, on regarde ce que l'infirmier fait comme activité,
06:56 mais très peu d'environnements regardent ce qu'il ne fait pas parce qu'il n'a pas le temps.
07:00 Et aujourd'hui, plusieurs études montrent que par manque du temps,
07:03 les infirmiers négligent un certain nombre de soins
07:06 qu'ils considèrent comme des soins de base mais qui sont moins importants
07:09 puisque quand vous avez toute une série de patients à prendre en charge
07:12 et que vous n'avez pas le temps de les prendre en charge,
07:14 vous fonctionnez par priorité, comme dans tous les systèmes.
07:16 Et donc vous faites le tri sur "qu'est-ce qui est le plus urgent ?
07:19 Qu'est-ce qui fait que si je ne fais pas ce geste-là, ça va nuire aux patients ?"
07:24 Et donc tous les soins de confort, tous les soins qui permettent de soutenir psychologiquement le patient,
07:29 d'adapter le soin, c'est des choses qui passent en second plan.
07:32 Et pour les infirmiers, c'était des soins qui étaient très importants aussi
07:35 pour leur image de leur propre profession.
07:38 - Alors Yves Maul, est-ce que vous pensez que le système des soins de santé
07:41 d'une manière générale est en danger un petit peu chez nous ?
07:44 - Je pense qu'il est plus qu'en danger, il est en faillite totale.
07:47 Et donc quand vous savez qu'il faut...
07:49 Donc la formation d'infirmier aujourd'hui, c'est minimum 4 ans.
07:52 Si vous voulez travailler dans un secteur spécialisé, il faut une année supplémentaire.
07:55 Donc ça fait 5 ans. Si vous voulez faire un des études universitaires, c'est 2 années supplémentaires.
08:00 Donc pour avoir des infirmiers qui fonctionnent bien, il faut entre 5 et 9 ans.
08:04 Donc aujourd'hui, toute décision qui va être prise pour changer le système
08:08 ou promouvoir le métier d'infirmier n'aura des effets que dans 5 ou 7 ans.
08:12 Aujourd'hui, on a 10% d'absentéisme à l'intérieur des structures,
08:17 qu'elles soient hospitalières, maisons de repos, et ainsi de suite.
08:19 Et on a plein de lits qui sont fermés, qu'on ne sait plus rouvrir.
08:22 Donc la population va avoir besoin de ces lits à un moment donné.
08:26 Il suffit d'avoir une épidémie de grippe ou d'avoir besoin d'un lit chirurgical.
08:33 Vous voyez les délais qui s'allongent parce que l'infirmier, ce n'est pas un médecin.
08:37 Ce n'est pas lui qui pose le geste, mais le médecin, il a besoin d'un infirmier à ses côtés
08:40 pour pouvoir poser le geste.
08:41 Donc quand ces infirmiers, par exemple, au quartier opératoire, ne sont pas présents,
08:44 il n'y a pas possibilité d'opérer le patient.
08:46 Et donc les listes d'attente augmentent.
08:47 Donc il y a des impacts non négligeables pour la société.
08:50 Alors comment expliquer aussi que certains établissements hospitaliers
08:53 ont recours à des infirmières et des infirmiers venus d'autres pays que la Belgique ?
08:58 Parce que quand on a dû gérer le manque de personnel,
09:04 naturellement, on s'est tourné vers des endroits où il y avait des gens
09:09 qui avaient été formés avec la formation qui ressemblait la plus à la nôtre.
09:12 Donc on a le Portugal.
09:14 Les infirmiers au Portugal, je vais prendre l'exemple type du Portugal,
09:19 les infirmiers au Portugal sont moins bien payés qu'en Belgique.
09:23 Et donc quand on leur offre une opportunité de carrière pendant quelques années en Belgique,
09:27 il n'y a pas de souci, ils viennent.
09:29 Cela étant dit, ce n'est pas une solution.
09:30 Parce que quand ils sont présents en Belgique, ils ne sont plus présents au Portugal.
09:33 On l'a vécu avec le Liban, où nous avons énormément engagé de Libanais
09:37 dans nos environnements professionnels.
09:39 Mais allez voir au Liban aujourd'hui, dans les hôpitaux,
09:42 eux aussi vivent les faits.
09:45 Donc ce n'est pas une solution à long terme.
09:47 C'est une solution à court terme d'adaptation,
09:52 mais qui malheureusement est en train de se transformer en quelque chose de long terme.
09:56 Et donc, puisqu'on n'a pas mis derrière cette solution d'adaptation,
09:59 des solutions pour que le recrutement ou la formation
10:03 ou la rétention du personnel à l'intérieur des structures actuelles fonctionnent.
10:07 Yves Molle, vice-président de l'Union Générale des infirmiers de Belgique.
10:10 Vous avez souligné tout à l'heure que le monde avait salué
10:13 tout le travail remarquable des infirmiers et des infirmières pendant la pandémie.
10:17 Mais on semble avoir un petit peu la mémoire courte,
10:21 surtout du côté de nos politiques.
10:23 Et c'est aussi un message à quelques mois des élections.
10:25 Tout à fait.
10:26 Donc c'était vraiment l'objectif du mémorandum politique.
10:29 Nous avions invité sur cette journée,
10:31 qui était une journée tout à fait spéciale pour nous,
10:33 un panel de politiques.
10:35 Et on voulait leur transmettre un certain nombre de choses.
10:38 Je crois que la chose la plus importante, c'est
10:40 qui va prendre soin des infirmiers qui prennent soin de la population ?
10:44 Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas très clair.
10:45 Aujourd'hui, on est dans un système où les infirmiers sont un peu
10:48 les laissés pour compte du soin.
10:51 Eux-mêmes, d'ailleurs physiquement,
10:53 beaucoup d'entre nous ont été touchés par le Covid.
10:55 Beaucoup d'entre nous souffrent de maladies diverses.
10:59 Et aujourd'hui, il n'y a pas cette prise de conscience
11:01 que s'il n'y a plus de soignants,
11:03 on ne pourra plus prendre soin de la population à un moment donné.
11:07 Et donc, ce qu'on demande aux politiciens,
11:09 c'est de bien se rendre compte qu'aujourd'hui,
11:13 si cet infirmier qui est face à vous,
11:16 c'est le même infirmier qui va soigner votre enfant
11:20 quand il tombe de trottinette,
11:21 c'est le même infirmier qui va accueillir vos parents,
11:24 votre conjoint quand il est malade à l'hôpital,
11:26 c'est le même infirmier qui accueille vos parents
11:28 dans une maison de repos,
11:29 et c'est le même infirmier qui vous tient la main
11:32 quand vous êtes en train de partir vers une autre vie.
11:36 Donc, résultat des courses,
11:37 nuire à ces infirmiers en ne mettant pas
11:40 les conditions de fonctionnement adaptées,
11:45 c'est indirectement nuire à la population,
11:47 nuire aux personnes qui vous sont chères.
11:49 Donc, c'est un message qu'on a essayé de leur transmettre.
11:51 On espère vraiment que les solutions qu'on propose,
11:54 vous pouvez amener beaucoup de problématiques.
11:57 Beaucoup de monde se plaint dans Belgique aujourd'hui.
12:00 Nous, on a fait plus que se plaindre.
12:01 On a dit, on se plaint, mais on amène des solutions.
12:04 Donc, s'il n'y existait pas de solution,
12:06 à la limite, on pourra encore dire,
12:08 ok, il n'y a pas de solution, mais des solutions, elles existent.
12:10 – Alors, on va aller dans le détail, justement,
12:12 de ce mémorandum qui adresse aux responsables politiques
12:14 des grandes priorités.
12:15 Bien sûr, le nerf de la guerre, c'est le soutien financier.
12:18 – Oui, le soutien financier pour pouvoir avoir des cadres stables.
12:22 Ça veut dire aujourd'hui, en Europe, de manière globale,
12:25 puisqu'on dit que la Belgique a un système de santé exceptionnel,
12:28 ce qui est vrai, mais en ce qui concerne la prise en charge
12:31 des patients par les infirmiers, ça l'est un peu moins.
12:33 Le ratio infirmier/patient en moyenne dans l'Europe, c'est 1 pour 8.
12:38 En Belgique, c'est 1 pour 11, parce qu'il n'y a pas suffisamment
12:42 de finances pour pouvoir avoir plus que 1 pour 11.
12:46 Et alors, ça, je vous parle en journée, parce qu'en nuit,
12:49 dans une unité de soins classiques, c'est 1 infirmier pour 30 patients.
12:52 Donc, vous vous rendez compte qu'effectivement…
12:54 Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut absolument
12:57 changer les normes, revaloriser les finances de l'hôpital
13:00 pour permettre d'aller vers cette norme de 1 infirmier pour 8 patients.
13:04 – Soutien financier, synonyme de moyens matériels aussi.
13:07 – Moyens materniels, il y a beaucoup de choses qui ont été faites,
13:10 on a eu beaucoup de supports à un moment donné,
13:12 notamment au travers du Fonds des Blouses Blanches
13:14 qui a été créé par le ministre de la Santé publique,
13:16 Frank Vandenbroek, mais ces milliers de personnes…
13:20 Globalement, on dit qu'en Belgique, il manque 25 000 professionnels
13:23 de la santé, surtout dans le domaine infirmier.
13:25 Le Fonds des Blouses Blanches a pu ramener 4-5 000 personnes
13:29 vers les hôpitaux, vers les maisons de repos,
13:31 mais ce n'étaient pas des infirmiers, ce sont des logisticiens,
13:34 ce sont des personnes qui fournissent du support.
13:36 C'est vraiment très important pour nous, mais ce n'est pas une solution
13:39 sur du long terme non plus, parce que le fait que vous n'avez pas
13:42 d'infirmiers, ça reste présent.
13:44 – Alors, d'autres axes dans ce mémorandum,
13:47 on parle de la formation au niveau national, il faut un peu…
13:51 – Oui, en fait, une des problématiques héritées des années 70,
13:54 c'est le fait que nous avons plusieurs niveaux de formation.
13:57 L'Europe, en 2003, s'est posé la question de savoir en Europe
14:03 qu'est-ce qu'il fallait comme formation globale,
14:07 et a émis un certain nombre de recommandations.
14:09 Malheureusement, la Belgique ne suit pas toutes ces recommandations
14:13 pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'on est rentré
14:16 dans la 6ème réforme de l'État, et donc il y a une lasagne institutionnelle.
14:21 Le ministre de la Santé, public fédéral, n'est pas responsable
14:25 de la formation, c'est le régional qui est responsable de la formation.
14:29 Il n'est pas responsable, par exemple, directement des normes.
14:33 Il va produire un certain nombre de normes, mais ce n'est pas lui
14:36 qui va vérifier qu'elles sont appliquées.
14:38 Par exemple, sur Bruxelles, c'est la COCOM qui s'occupe de ça.
14:41 Et donc, la multiplication des différents intervenants fait
14:45 qu'en fait, on n'arrive pas à avoir quelque chose de structuré,
14:49 et on a plusieurs niveaux de formation.
14:51 Vous avez des infirmiers bacheliers en soi généraux,
14:54 qui ont fait 4 ans de formation.
14:56 Vous pouvez avoir des infirmiers brevetés,
14:58 ce qu'on appelle nous autres les HB05.
15:00 Et maintenant, le ministre a introduit en plus une nouvelle notion
15:04 qui est l'aide à infirmiers, qui a commencé ses formations
15:08 du côté néerlandophone, mais pas encore du côté francophone,
15:11 qui va encore venir compléter ce système.
15:15 Le problème, c'est qu'il y a un problème de lisibilité.
15:17 Qui est l'infirmier ? Qui fait les choix ?
15:20 C'est plus lisible pour le patient,
15:24 c'est plus fonctionnel sur le terrain.
15:26 Aujourd'hui, nous avons voulu absolument recommander
15:30 que quand on s'adresse et qu'on dit qu'on est infirmier,
15:33 on est infirmier euroconforme, selon la recommandation européenne,
15:37 avec une formation de 4 ans en haute école.
15:40 - Il y a quelques instants, vous avez dressé un constat
15:43 assez sombre de la profession.
15:45 Comment rendre attractive encore cette profession aujourd'hui ?
15:49 - Il y a beaucoup de choses.
15:51 La première chose, je pense qu'il faut rendre la voix
15:53 aux infirmiers sur le terrain.
15:57 Beaucoup d'environnements professionnels,
16:00 qu'ils soient hospitaliers ou non-hospitaliers,
16:03 ne prennent pas attention à la voix de l'infirmier.
16:05 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de structure qui le permet.
16:08 Si vous allez à l'hôpital, vous avez un conseil médical
16:10 où les médecins se réunissent et proposent une co-gestion
16:16 à la direction de l'hôpital.
16:18 Au niveau infirmier, il n'y a pas de conseil infirmier.
16:21 Certains hôpitaux en ont développé,
16:23 pas uniquement pour faire de la gestion,
16:25 mais aussi pour parler de qualité.
16:27 Mais de manière plus politique,
16:29 on n'a pas de représentativité infirmière dans les cabinets.
16:32 Si vous allez dans le cabinet de la santé publique fédérale,
16:35 de M. Van Den Broek, il n'y a pas d'infirmier.
16:37 - Faudrait-il le créer, peut-être ?
16:39 - C'est ce qu'on recommande.
16:41 M. Van Den Broek a lancé une réforme des hôpitaux
16:44 en leur demandant de s'associer pour créer des réseaux.
16:47 Il a créé un arrêté royal.
16:50 C'est plutôt Mme de Bloch qui avait créé cet arrêté royal.
16:53 Dans cet arrêté royal, la partie administrative de l'hôpital
16:56 est tout à fait bien décrite, la partie médicale
16:58 est tout à fait bien décrite, avec des responsabilités
17:00 des représentants.
17:01 La partie infirmière a été complètement oubliée.
17:03 Aujourd'hui, on peut avoir des réseaux
17:05 où la voix de l'infirmier ne porte pas.
17:07 Ce qu'on propose, au niveau de l'Union générale
17:09 d'infirmiers de Belgique, c'est de dire que partout
17:12 où le métier d'infirmier est concerné,
17:15 on doit pouvoir avoir des organes représentatifs
17:18 qui permettent aux infirmiers de transmettre leur voix.
17:21 - Il y a aussi les questions d'éthique et de déontologie.
17:24 Il faut un peu plus de temps pour faire passer ces questions.
17:27 - Oui, ça fait partie des soins manquants
17:29 que j'expliquais au début.
17:31 Quand vous êtes affairé, que vous avez beaucoup de pression
17:34 en termes de productivité, vous avez nettement moins le temps
17:37 pour réfléchir à ce que vous faites,
17:39 à la relation que vous avez avec vos patients,
17:41 la relation que vous avez avec vos collègues.
17:43 Résultat des courses, il y a plein de problèmes éthiques
17:46 qui en découlent.
17:48 Est-ce que je me positionne dans un cadre
17:50 qui est adéquat ou pas ?
17:52 Qu'est-ce que pensent mes pairs de cela ?
17:54 Et même si je vais plus loin que ça,
17:56 en Belgique, si vous êtes infirmier
17:58 et que vous êtes "viré" d'un hôpital
18:00 parce que vous avez fait quelque chose de négatif,
18:03 rien ne vous empêche d'aller travailler dans l'hôpital
18:05 juste à côté.
18:07 Il y a un code de déontologie infirmier,
18:10 mais il n'y a pas de moyen de l'appliquer.
18:12 Donc nous, aujourd'hui, ce qu'on veut vraiment,
18:14 c'est qu'on puisse donner du temps aux infirmiers
18:17 de pouvoir réfléchir sur leur mode de fonctionnement,
18:20 notamment d'un point de vue qualitatif,
18:23 mais aussi d'avoir un système de régulation
18:25 de notre profession, que ce soit via un ordre infirmier
18:28 ou tout ce qui pourra être approchant,
18:30 mais qui va s'occuper de la partie déontologie et éthique.
18:33 - Je vois aussi qu'il y a les experts du terrain,
18:36 il en faudrait un peu plus sur le terrain,
18:38 justement, explications peut-être ?
18:40 - En fait, l'infirmier, quand vous avez fini
18:43 votre formation de 4 ans,
18:45 vous êtes infirmier bachelier,
18:48 vous êtes infirmier généraliste,
18:49 on va appeler ça de cette manière-là.
18:51 Mais vous avez plein de contextes
18:52 dans lesquels il faut être un peu plus formé,
18:54 et c'est notamment le cas de ma profession à moi,
18:57 je suis infirmier urgentiste,
18:58 et donc j'ai dû étudier une année supplémentaire
19:01 pour pouvoir faire cela.
19:03 Aujourd'hui, il n'y a pas de volonté de promouvoir cela.
19:05 L'infirmier qui décide de s'engager
19:07 dans une spécialisation,
19:08 non seulement il n'est pas payé,
19:10 mais en plus, ça lui coûte une année de salaire,
19:12 puisque les autres qui n'ont pas fait cette spécialité,
19:15 eux, ont commencé à travailler.
19:17 Alors, cerise sur le gâteau, si on va en Flandre,
19:19 les études ne sont même plus remboursées par la Flandre,
19:22 et donc pour pouvoir s'inscrire en spécialisation,
19:24 vous devez sortir 4 ou 5 000 euros.
19:26 Donc, comment est-ce que vous voulez promouvoir
19:29 la science, le bon niveau,
19:32 le bon professionnel au bon endroit,
19:34 dans un cadre où on ne respecte pas ces professionnels ?
19:37 Alors maintenant, on va s'intéresser justement aux jeunes,
19:40 plus d'informations, plus de communications
19:42 pour encourager justement ces jeunes
19:44 qui voudraient s'orienter vers cette filière.
19:47 Oui, je crois que la génération actuelle
19:50 a des challenges et des pensées
19:53 qui ne sont pas superposables à, par exemple, ma génération.
19:56 Moi, j'ai été diplômé en 1996,
19:58 mon objectif à moi, quand je sortais de l'école,
20:00 était de travailler, d'avoir une maison,
20:02 d'établir une famille,
20:04 et je n'ai pas pensé beaucoup à ma famille
20:07 ni à moi-même au travers de mon travail.
20:09 Je me suis investi à 250 % dedans.
20:11 Aujourd'hui, cette génération, elle pose des questions.
20:14 Pourquoi ? Comment ?
20:16 Et aujourd'hui, on ne lui répond pas.
20:18 Et donc, quand vous ne répondez pas
20:20 à un certain nombre de challenges
20:22 ou de questions qui sont posées par les jeunes,
20:24 il change d'optique, il se désaffecte.
20:27 Ce qui était important pour moi en 1996
20:29 n'est plus nécessairement important pour les jeunes aujourd'hui.
20:31 Or, l'hôpital ne s'est pas du tout adapté.
20:33 Et donc, c'est ça aussi, le mode de gestion de l'hôpital
20:36 ne s'est pas du tout adapté à cette génération
20:39 qui est présente et qui demande à pouvoir
20:42 avoir une balance vie privée,
20:46 vie professionnelle différente de ce qu'elle l'est
20:50 ou de ce qu'elle a été.
20:51 - Donc, il faudrait peut-être aussi sensibiliser
20:53 encore plus les grandes écoles ?
20:55 - Il faut sensibiliser les hautes écoles.
20:57 Il faut, je pense aussi, promouvoir l'image
21:02 du métier de l'infirmier,
21:04 parce que je pense que beaucoup de gens
21:06 ne savent pas réellement ce que nous faisons au quotidien,
21:08 sauf s'ils ont été à l'hôpital un jour,
21:10 mais ce n'est pas le cas de la plupart de la population.
21:12 C'est assez symptomatique.
21:16 Si vous avez un médecin dans une rue,
21:17 tout le monde sait qui est le médecin.
21:19 Mais si vous avez un infirmier dans une rue,
21:21 ça peut être assez inaperçu par rapport aux voisins.
21:24 Donc, je crois qu'il y a aussi ce côté
21:27 de pouvoir amener une série d'images positives
21:30 sur le métier pour que les jeunes,
21:32 en vrai, et surtout qu'ils arrivent dans un cadre
21:34 où ils peuvent s'exprimer,
21:35 et dans un cadre où ils peuvent aussi s'approprier,
21:38 je vais dire, en adéquation avec leurs valeurs.
21:41 - Il nous reste encore quelques minutes.
21:42 Yves Molle, peut-être quelques mots
21:44 de l'Union Générale des Infirmiers de Belgique.
21:46 Rappelez que l'UGIP regroupe des dizaines
21:48 d'organisations professionnelles.
21:49 C'est important de le souligner.
21:50 - Oui, donc c'est une association qui a été créée
21:53 en 1952, donc ce n'est pas une toute jeune association.
21:56 Et donc, c'est une association qui regroupe
21:59 40 associations professionnelles.
22:01 Vous avez les infirmiers spécialisés en oncologie,
22:04 en diabétologie, en chirurgie,
22:07 toutes les spécialités sont reprises dedans.
22:09 Et donc, bon an mal an, cette ASBL représente
22:12 aujourd'hui la voix de 140 000 infirmiers.
22:15 Donc, c'est pareil, quand nous on dit aujourd'hui,
22:17 voilà, le mémorandum que nous avons publié,
22:20 qui est visible sur le site de l'UGIP,
22:22 c'est un travail collectif des 40 associations.
22:25 Ce n'est pas deux personnes qui se sont réunies
22:27 dans un bureau et qui ont dit, on va inventer
22:29 un mémorandum politique.
22:30 C'est loin d'être le cas.
22:31 Et donc, c'est ça qui a une grosse valeur,
22:33 parce que c'est vraiment l'essence même
22:35 de la profession.
22:36 - Je lis aussi sur le site, "Réunir les praticiens
22:39 et surtout défendre leurs intérêts",
22:41 puisque bon, il y a un vide quelque part,
22:43 donc vous faites office.
22:44 - On n'est pas un syndicat, parce que souvent
22:46 on est comparé à un syndicat, on n'est pas un syndicat.
22:48 Il existe des syndicats, mais vous savez qu'en Belgique,
22:50 les syndicats ne peuvent pas être mono-profession,
22:53 et donc on n'a pas un syndicat infirmier.
22:55 Nous sommes défendus par les voix syndicales habituelles,
22:58 mais c'est assez aspecifique par rapport à la profession.
23:00 Donc ce que fait l'UGIP, c'est de prendre la parole
23:04 où justement il y a ces trous de représentation,
23:08 en essayant de pousser un certain nombre de valeurs
23:12 qui sont les valeurs de la profession.
23:13 - Peut-être avant de quitter, le message,
23:15 le mot de la fin à quelques mois des prochaines élections
23:19 pour, disons, secouer un petit peu le cocotier
23:23 et bousculer tous ces gens qui ne s'intéressent pas tellement
23:26 à ce secteur ô combien important pour notre société.
23:28 - Je dirais à tous vos auditeurs que lorsqu'ils vont aller voter,
23:32 quand on fait un vote, ce vote a directement un impact
23:36 sur le programme qui sera mis en application.
23:39 Donc lisez bien les programmes.
23:40 Beaucoup de programmes aujourd'hui n'ont absolument pas une ligne
23:43 en ce qui concerne ni le métier infirmier,
23:45 ni une vision positive sur la santé.
23:47 Je pense que la santé est un bien communautaire
23:51 très très très important.
23:53 Et aujourd'hui, l'abrader comme le fait le politique,
23:56 ce n'est pas une bonne idée.
23:57 - Alors l'idéal, ce serait donc de ?
23:59 - De choisir les partis qui aujourd'hui soutiennent
24:04 le métier d'infirmier et qui proposent ou qui ont repris
24:08 certains éléments de notre mémorandum.
24:11 Il existe des partis avec qui nous avons
24:13 un certain nombre de collaborations,
24:15 qui nous demandent des avis.
24:17 Maintenant, ce n'est pas pour ça qu'ils vont les appliquer.
24:20 Mais si vous lisez les programmes,
24:22 certains programmes intègrent les mêmes recommandations
24:25 que celles de l'UJIP.
24:26 Et donc, ce ne sont pas uniquement des recommandations
24:29 politiques en l'air.
24:30 Elles prennent base au milieu du terrain.
24:34 - Voilà, rendez-vous pris après les élections
24:36 pour faire un autre point.
24:38 Merci Yves Molle.
24:39 Je rappelle que vous êtes vice-président
24:40 de l'Union Générale des infirmiers de Belgique.
24:42 Merci d'avoir été avec nous en direct sur Arabelle.
24:44 On se retrouve dans quelques instants pour la suite de votre Cafour de l'Info.