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00:00Perfours de l'info sur Arabelle.
00:02Je vous le disais, dans le sommaire de cette émission, Fédérico Dessy devient le nouveau
00:10directeur de Médecins du Monde en Belgique et il est avec nous aujourd'hui.
00:13Bonjour.
00:14Bonjour.
00:15Merci d'être avec nous sur Arabelle.
00:16Peut-être avant d'aller plus loin, tout d'abord une petite carte de visite pour faire plus
00:20en connaissance qui est un petit peu Fédérico Dessy, un petit peu ses études, son parcours
00:24et son histoire.
00:25Oui, merci.
00:26Donc, j'ai une formation d'ingénieur, mais j'ai travaillé toute ma carrière dans les
00:30organisations non gouvernementales pour l'aide humanitaire et la coopération au développement.
00:35J'ai près de 20 ans d'expérience, notamment quelques années en Afrique en début de carrière
00:40et puis presque 15 ans au Moyen-Orient, Liban, Palestine, Syrie, Irak et Jordanie avec des
00:48organisations telles Médecins du Monde, Médecins sans frontières, Handicap international.
00:53Et depuis quelques semaines, quelques mois, j'ai repris la direction des Médecins du
00:58Monde ici en Belgique.
00:59Alors, je veux reprendre quelques unes de vos déclarations.
01:02Vous dites, je pense que quand on gère une organisation internationale et humanitaire,
01:06c'est essentiel d'être connecté à ce qui se vit réellement sur place.
01:10Vous l'avez dit sur le terrain.
01:11Vous avez été pendant de nombreuses années dans pas mal de théâtres d'opération et
01:14pour coller à l'actualité immédiate à l'étranger.
01:18Tout d'abord, on va parler bien sûr du Liban, de la Syrie, mais tout d'abord de Gaza où
01:22vous avez travaillé longtemps.
01:23Oui, j'ai travaillé à Gaza avec Médecins du Monde.
01:26J'étais le chef des bureaux là-bas en 2011 pendant huit mois et après, je suis revenu
01:32plusieurs fois à Gaza sur les quatre dernières années parce que j'étais directeur régional
01:35Moyen-Orient pour une autre organisation.
01:37La dernière fois, c'était au mois de mars et j'ai fait deux semaines sur place pendant
01:44la guerre qui continue toujours maintenant.
01:46Justement, votre sentiment, votre témoignage après votre dernière visite à Gaza sur la
01:50situation sur le terrain ?
01:51C'est hallucinant, c'est la pire situation que j'ai vue dans toute ma carrière.
01:56La bande de Gaza était à moitié rasée par les bombardements et les opérations militaires
02:03israéliennes.
02:04J'ai vu des milliers de personnes qui s'entassaient dans les écoles qui ont été fermées dès
02:11le début de la crise et transformées en abris pour déplacer.
02:14Des centaines de personnes qui faisaient la queue pour avoir à manger ou pour pouvoir
02:20retirer de l'argent dans la seule filiale d'une banque qui était encore en fonction.
02:24Et puis, il y a des centaines de milliers de personnes qui habitent sous des tentes.
02:28Toute la côte sablonneuse de Gaza a été transformée en campement en plein air avec
02:35des tentes qui ont été installées, des fortunes.
02:39Les gens manquent de tout et ça fait plus d'un an qu'ils habitent dans une situation
02:43de crainte et de souffrance indescrivable.
02:47Est-ce que vous avez le sentiment que toutes les ONG sur place, notamment médecins du
02:51monde, sont impuissants face à ce qu'il se passe actuellement, notamment aussi l'impuissance
02:56de la communauté internationale face à cette stratégie d'asphyxie de l'armée israélienne ?
03:01Alors oui, peut-il y avoir parfois un sentiment d'impuissance parce que ça fait plus d'un
03:06an qu'on demande d'en cesser le feu, qu'on demande d'avoir accès aux personnes d'aller
03:11besoin, de pouvoir faire notre travail sans les risques d'être bombardés, d'être tués.
03:16Il y a plus de 300 opérateurs humanitaires qui ont été tués en un an de guerre.
03:20C'est important de le rappeler.
03:21Et en fait, on se demande la communauté internationale, notamment les pays alliés d'Israël, qu'est-ce
03:28qu'ils font ? Parce que face à une situation où on voit des violations flagrantes du droit
03:35de l'internation humanitaire, on a l'impression parfois que les puissances internationales
03:39n'ont pas fait assez pour imposer un cessez-le-feu, pour imposer les respects des lois de la guerre
03:49et pour faire en sorte que l'aide humanitaire, qui d'ailleurs elle finance elle-même aussi,
03:55puisse arriver sans entrave aux personnes qui la nécessitent.
03:57Alors Jean-François Corti, que nous avions interrogé sur cette rentaine, sur Arabel,
04:02sur la situation à Gaza, avait déclaré qu'à Gaza, le droit international humanitaire
04:07est aujourd'hui à un point de bascule.
04:09C'est le cas selon vous, Fédérico Dessy ?
04:11J'ai aussi la même impression de mon collègue.
04:14En fait, il y a eu tellement de violations et tellement flagrantes, et en plus faites
04:19par un État qui soit disant est un allié de l'Occident, que ça remet un peu en question
04:25parfois l'utilité même ou l'application même de ces lois.
04:29Et on voit bien que la Cour internationale de la justice d'un côté, la Cour pénale
04:36internationale de l'autre, ont mené des démarches, d'une certaine manière aussi avec des procédures
04:41relativement rapides par rapport au temps de la justice, mais pour le moment ces démarches
04:48n'ont pas encore amené ni le gouvernement israélien, ni les autres partis au conflit,
04:52ni les puissances internationales à changer les pratiques autour de cette guerre et surtout
04:57arriver à en cesser le feu, qui reste pour nous la première priorité.
05:01Le dernier rapport de médecins du monde est sans appel, ce sont des rapports comme les
05:05précédents, disons balayés d'un revers de la main par Israël, et il y a toujours
05:10aussi cette non-réponse de la communauté internationale.
05:13C'est vrai, en même temps on pense qu'on doit continuer à témoigner de ce qui se
05:19passe, nos collègues sur place, nos patients aussi nous le demandent, de continuer à parler,
05:28de continuer à montrer les photos, les histoires, je pense que c'est important pour les grands
05:35publics aussi de continuer à suivre, et je sais que Gaza parfois, au fur et à mesure
05:40que la guerre s'est prolongée, est aussi tombée un peu en dehors de la une des médias,
05:46puis il est revenu, puis il est retombé, il y a eu aussi d'autres situations très
05:51graves qui se sont passées, notamment deux mois de guerres et d'offensives israéliennes
05:58au Liban contre Hezbollah, maintenant aussi la chute du régime d'Assad en Syrie.
06:04Justement, pardon, je vous interromps, vous l'avez dit, le curseur de la guerre s'est
06:08déplacé au Liban, est-ce que vous avez des retours sur ce qui se passe sur la situation
06:13sanitaire et humanitaire au Liban en ce moment ?
06:15Oui, tout à fait, alors, le Liban a vécu une année de guerres à basse intensité,
06:20qui avait quand même causé les déplacements autour de 100 000 personnes qui avaient fui
06:25les villages tout au sud du Liban, mais les situations dans le reste du pays restaient
06:29en guillemets en partie sous contrôle. Après, le Liban, vous le savez, c'est un pays qui
06:33a vécu une multiplication des crises sur les dernières années, à partir de sa propre
06:40révolution en 2019, qui a fait partie des premiers ministres, les débuts d'une crise
06:44économique, les Covid-19, les impacts de la guerre en Ukraine, et puis cette guerre contre
06:51Israël. Le Liban a aussi accueilli la plus grande proportion au monde de réfugiés, avec
06:57un des millions de Palestiniens et autour d'un million et demi de Syriens sur son territoire.
07:01Depuis septembre, avec l'anticipation de l'offensive israélienne, le Liban a vécu
07:10deux mois de bombardements intensifs, avec, je crois, autour d'un million de personnes qui
07:16sont déplacées au total, des villages et aussi certains quartiers des villes au sud du Liban,
07:22et dans la vallée de la Bekra notamment, qui a été bombardée lourdement. Il y a eu quelques
07:30milliers de morts et de blessés, et puis beaucoup de personnes qui ont perdu l'accès au service de
07:37santé et à l'éducation. Il faut tenir compte aussi que certains de ces personnes étaient déjà
07:43des réfugiés, qui avaient déjà passé plusieurs années dans une situation de difficulté.
07:47Un petit peu aussi le cas en Syrie, après la chute du régime de Bachar al-Assad. C'est un
07:54petit peu le chaos et surtout l'incertitude aujourd'hui. Oui, on ne sait pas ce que l'avenir
08:00va amener. En tant que médecin du monde déjà, on appelle toutes les parties au conflit à arrêter
08:07tout de suite les combats, parce qu'il y a encore quelques combats qui se passent, comme certains
08:13états, certaines puissances étrangères qui bombardent des sites de l'armée syrienne notamment.
08:18Un cessez-le-feu, pour nous, c'est la priorité aussi en Syrie. On espère que ce changement puisse
08:26amener à une reconstruction, une relance de l'économie et aussi des services publics. Il faut
08:35savoir qu'autour de la moitié des structures de santé en Syrie, qui étaient présentes avant le
08:41début de la crise en 2011, aujourd'hui sont soit détruites, soit endommagées, ne sont plus en
08:46fonction. C'est un petit peu le dénominateur commun avec Gaza, le Liban et la Syrie, je dirais,
08:51cette déliquescence du système de santé dans cette région. Oui, en fait, malheureusement, c'est
08:56ça que la guerre entraîne et surtout des guerres qui perdurent, qui s'éternisent. Les services
09:03publics, la santé, mais aussi l'éducation, l'accès à l'eau, à l'abri, etc. se délabrent. Plusieurs
09:12docteurs et infirmières ont été tués ou ont fui en Syrie pendant les 14 ans de guerre, mais aussi
09:18à Gaza depuis un an. Donc il y a moins de personnes pour fournir des services, moins de structures
09:24parce que certaines structures sont détruites. Les gens ont peur de se déplacer et donc parfois
09:28ils ne peuvent pas accéder aux structures qui continuent à fonctionner. Et donc on espère qu'en
09:34Syrie, toutes ces tendances puissent être renversées. Bien sûr, on espère qu'il y ait une stabilité,
09:38une forme de paix qui permettent de reconstruire, réparer, former une nouvelle génération de cadres
09:48médicaux qui puissent renforcer et relancer les systèmes publics de santé. Alors, Fédérico Dessy,
09:55je rappelle que vous êtes le nouveau directeur de Médecins du Monde. On va revenir chez nous,
09:58à présent, si vous voulez bien. On change de théâtre d'opérations, entre guillemets, pour
10:03évoquer tout autre chose. L'une des dernières campagnes de Médecins du Monde, on s'en fout,
10:08la santé avant tout. C'est un peu le slogan. De quoi s'agit-il ? Alors pour nous, ça touche
10:14vraiment à nos valeurs cœur. En fait, on s'en fout d'où une personne, elle vienne ou si elle a
10:23des papiers ou pas. On s'en fout de sa profession, s'il est ou elle est travailleur ou travailleuse
10:30du sexe, par exemple. On s'en fout si la personne a peut-être été en prison avant d'arriver chez nous
10:36ou si elle consomme des drogues, par exemple. Ce qui compte pour nous, quand une personne est
10:42malade ou elle est blessée, c'est qu'elle doit être soignée avant tout. C'est un droit humain et
10:49surtout, n'importe les statuts, n'importe le parcours de tout et chacun, c'est une personne
10:56avant tout. Ce n'est pas une chose, ce n'est pas quelqu'un qui serait en dehors de la société. On
10:59doit les soigner, on doit l'accueillir, on doit les remettre en forme, disons, et en bonne santé.
11:05Je vois que vous avez, pour cette campagne, demandé les services de rappeurs pour mettre
11:12un peu de punch dans tout cela. Oui, parce qu'on essaie quand même de faire passer notre message
11:18à toutes les différentes couches et groupes dans la société. Pour nous, c'est important aussi que
11:24ce soit un effort commun. On appelle aussi les grands publics à relayer nos messages sur les
11:29médias sociaux, par exemple, à faire des donations s'ils veulent soutenir notre cause.
11:34Alors justement, vous parlez de projet et on sait que le nerf de la guerre, sans faire de mauvais
11:39jeu de mots, c'est l'argent. Pour faire fonctionner tout cela, il faut des sous. Comment faire
11:44justement pour faire un don ou bien simplement être bénévole ou trouver toutes les infos
11:50pratico-pratiques ? Alors, vous pouvez aller sur notre site, www.armes-du-monde.be et là,
11:59vous trouverez des informations. C'est possible de faire des dons à travers les spécifiques. Il y
12:05a aussi la possibilité d'avoir une attestation fiscale. C'est possible aussi de devenir volontaire.
12:09Donc, nous cherchons régulièrement des volontaires, des professions sociales et sanitaires, donc
12:17médecins, infirmiers, assistants sociaux, mais aussi parfois d'autres rôles, par exemple,
12:23accueillants ou parfois aussi des rôles d'administration au bureau pour aider nos équipes
12:29d'administration. Et nous avons régulièrement des soirées aussi où nous introduisons un peu
12:36l'organisation au potentiel volontaire et nous expliquons ce que ça implique. Et voilà, donc oui,
12:42on encourage toute personne qui aurait envie de nous rejoindre, de chercher sur nos sites et puis
12:47de voir les différentes formes d'appui qu'elles pourraient nous amener.
12:51Alors, une dernière question, centre d'intérêt de médecins du monde, c'est la crise de l'accueil
12:56des personnes migrantes et sans-abri. Et ce qui vous tient particulièrement à cœur, ce sont les
13:01familles avec enfants qui sont dans la rue. Oui, c'est clair, parce que c'est vraiment,
13:06je dirais, la violation la plus flagrante du devoir d'accueil. On sait qu'au moins depuis
13:12des ans, les gouvernements belges mènent une politique de non-accueil, on l'appelle comme ça,
13:17parce qu'ils ont décidé de ne plus donner automatiquement les droits à un abri sécurisé
13:25et confortable aux personnes qui demandent la protection internationale, notamment aux hommes
13:30seuls. Mais la réalité, c'est que même les familles avec enfants qui, normalement,
13:34doivent avoir un accès automatique, en fait, doivent d'abord avoir un rendez-vous avec les
13:40bureaux des étrangers pour pouvoir, après, être dirigés vers un centre d'accueil. Et parfois,
13:46ça peut prendre des jours ou des semaines. Et c'est parce qu'au bout d'un moment, il fait froid.
13:49Voilà, il fait froid, il fait très froid, vous le savez. Et aussi, tous les systèmes d'accueil,
13:55aussi pour les personnes sans-abri et sous pression, il n'y a plus assez de places. Les
14:00nombres de personnes sans-abri augmentent année après année. Et il y a de plus en plus de personnes
14:06qui auraient droit automatiquement à l'accueil en tant que demandeurs de protection internationale,
14:11demandeurs d'asile, mais ils ne reçoivent pas. Donc, elles vont être accueillies par les réseaux
14:18des abris qui, normalement, sont assez concentrés sur les personnes sans-abri. Et donc, c'est un
14:24cercle vicieux. Et on voit des centaines, des milliers de personnes, en fait, qui n'ont pas
14:30des places et qui dorment dans la rue, qui dorment, voilà, sous les trottoirs, dans les
14:36trottoirs ou auprès des immeubles de magasins, où ils peuvent trouver, ou dans les métros, parfois
14:42même, on les voit, malheureusement. – Peut-être, avant de nous quitter, si vous avez un message à
14:46faire passer, le mot de la fin, disons, à notre public, à toutes nos auditrices, à nos auditeurs,
14:52toutes les bruxelloises, les bruxellois, pour les sensibiliser à cette problématique, mais
14:55aussi à nos politiques qui traînent encore à former un gouvernement parce qu'il y a pas mal
15:00de choses qui les attendent, aussi. – Pour nous, l'accueil, c'est vraiment une question d'humanité.
15:06Et c'est quelque chose qu'on peut faire et on peut fournir tous ensemble, citoyens, organisations
15:15et gouvernements. La Belgique s'est engagée, avec la déclaration de Lisbonne, à éliminer les
15:20sans-abris, mais d'ici 2030, avec la plupart des pays européens. Donc, il manque encore 6 ans, on peut
15:26les faire, mais il faut une volonté politique. Et il faut aussi une pression et un appui de la
15:31part du public pour que ça s'efface. – On peut le faire, c'est la conclusion de Fédérico Dessy,
15:35qui est le nouveau directeur de Médecins du Monde en Belgique. Merci d'avoir été avec nous.
15:39– Merci, merci beaucoup, au revoir. – On se retrouve dans quelques instants pour la
15:43deuxième partie de votre Cafour de l'Info.