Laurence Ferrari - Judith Godrèche porte plainte pour viols : le cinéma français est-il sous omerta ?

  • il y a 7 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités reviennent sur les accusations de Judith Godrèche pour viols et violences sexuelles contre les réalisateurs Jacques Doillon et Benoît Jacquot.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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Transcript
00:00 (Générique)
00:07 Punchline, 18h-19h, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1.
00:13 (Générique)
00:16 18h38, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1.
00:20 On va évoquer maintenant les agressions sexuelles sur de très jeunes femmes,
00:24 on parle de 14-15 ans.
00:25 À la lumière de ce que l'on découvre, de ce qui se déroule dans le cinéma français,
00:29 l'actrice Judith Godrej qui porte plainte,
00:32 il y a aussi énormément d'affaires qui ont été ainsi rendues publiques.
00:36 On est avec maître Isabelle Steyer, bonsoir,
00:38 vous êtes avocate spécialiste de violences conjugales.
00:41 Eva Darlan également est en ligne, actrice, comédienne.
00:44 Merci beaucoup d'être avec nous,
00:46 parce que c'est important d'avoir votre témoignage ce soir.
00:48 On va juste faire le point d'abord sur ce que dit aujourd'hui
00:51 l'actrice Judith Godrej avec une authenticité,
00:54 une dignité absolument incroyable dans les mots qu'elle emploie.
00:58 Et le parquet de Paris qui a ouvert une enquête à la suite de sa plainte.
01:01 Explication Camille Guédon.
01:02 C'est la première fois que Judith Godrej s'exprime
01:06 après le dépôt de sa plainte contre deux réalisateurs.
01:09 Interrogée ce matin, l'actrice a évoqué l'emprise
01:12 que Benoît Jacot a eue sur elle lorsqu'elle était adolescente.
01:15 J'étais tellement docile.
01:17 Au début, j'étais complètement endoctrinée.
01:21 C'est comme si j'avais joué à une secte
01:25 et que j'étais la préférée de toutes les filles de la secte.
01:29 Enfin, je suivais complètement les règles de mon gourou.
01:33 Donc au début, il n'y avait pas vraiment de raison d'avoir peur,
01:37 parce que dans le fond, il n'y avait aucune,
01:39 mais pas l'ombre d'une rébellion.
01:40 Et c'est à partir du moment où j'ai commencé à émettre
01:43 des désirs ou des souhaits, des trucs qui ne correspondaient pas
01:47 à ces règles, que là, c'est devenu terrifiant.
01:52 Judith Godrech accuse également le réalisateur Jacques Doyon
01:55 d'avoir abusé d'elle sexuellement alors qu'elle était âgée
01:58 de seulement 15 ans à l'époque des faits.
02:00 Il a engagé un acteur qui s'appelle Rudiger Hauer.
02:02 On a commencé le tournage et il l'a viré.
02:04 Et il s'est mis à la place.
02:06 Et puis après, à Ibiza, il me faisait écrire des scènes
02:09 la veille pour le lendemain.
02:10 Et puis tout d'un coup, il décide qu'il y a une scène d'amour,
02:13 une scène de sexe entre lui et moi.
02:15 Et là, on fait 45 prises.
02:18 Et j'enlève mon pull et je suis torse nu.
02:20 Et il me pelote et il me roule l'épelle.
02:23 Et il y a Jane qui est là derrière le combo.
02:25 - Et c'est Jane Birkin ? - Oui.
02:28 Une situation extrêmement douloureuse pour elle.
02:31 Pour l'heure, les deux réalisateurs nient les accusations de l'actrice.
02:34 Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris.
02:37 Je vais vous passer la parole dans un instant, maître Isabelle Steyer.
02:40 Mais j'aimerais tout de suite me tourner vers vous, Eva Darlan,
02:42 quand vous entendez ce témoignage,
02:44 qu'est-ce qui vous vient à l'esprit ?
02:46 Vous vous dites, on aurait dû les protéger, ces jeunes femmes.
02:49 Elles auraient pu être protégées ou pas ?
02:52 Ce que je vois surtout, c'est qu'il a fallu toute une vie
02:56 à Judith Gaudrech pour arriver à parler, quand même.
03:00 C'est quelque chose d'une violence inouïe.
03:03 Et il est possible que ce soit classé sans suite,
03:07 qu'il y ait prescription.
03:09 Ce sont des crimes qui ne devraient jamais être prescrits.
03:15 Enfin, 14 ans, je me demande même jusqu'à quel point
03:18 ces gens-là ne sont pas des pédophiles.
03:21 Ils sont des prédateurs, en tout cas, c'est évident.
03:23 Ce sont des prédateurs.
03:24 Et d'un côté, on demande aux femmes de parler.
03:28 On leur demande de parler.
03:29 Et dès qu'elles ouvrent la bouche, on dit, attention,
03:31 présomption d'innocence, n'allez pas trop loin.
03:34 Et puis, ça se termine un petit peu en eau de boudin,
03:37 où les gens ne sont pas vraiment punis, vraiment.
03:42 Mais ils ont dégommé des vies, ces mecs-là.
03:44 Bien sûr que tous les hommes, mais mon Dieu, heureusement,
03:47 ne sont pas comme ça.
03:48 Mais ces prédateurs-là, ils doivent être absolument punis.
03:51 Il faut quand même se souvenir que le viol
03:55 et toutes les exactions sexuelles
03:57 ne sont pas du domaine du désir sexuel,
04:01 mais du domaine de la puissance
04:03 et de la volonté d'abîmer l'autre
04:06 et de lui montrer que c'est lui qui est...
04:08 Et d'ailleurs, Judith le dit très bien,
04:11 quand elle dit "du jour où j'ai commencé à dire
04:13 ah ben je ne suis pas tout à fait d'accord,
04:15 là, ça n'a plus été".
04:16 Ça veut bien dire qu'il n'y a pas de place.
04:19 Les êtres, les femmes et les enfants
04:22 sont complètement objectifiés
04:24 et doivent obéir et être sujets,
04:27 objets définitivement.
04:30 C'est ce que c'est particulier,
04:31 alors ce n'est pas particulier au cinéma français,
04:33 mais on découvre, Eva Darlan,
04:34 que ça se déroule comme ça,
04:36 que certains réalisateurs, producteurs aussi,
04:39 sont de véritables prédateurs.
04:40 Ils s'empruntent à des jeunes filles
04:41 qui rêvent peut-être de devenir des stars.
04:45 Il n'y a aucun...
04:46 Aujourd'hui, on sait que sur chaque tournage,
04:49 il y a désormais des référents
04:50 pour éviter ce type de situation,
04:51 mais est-ce que vous avez vécu
04:53 des situations similaires ou pas ?
04:55 Non, non, non, non, moi non, non, non.
04:58 Moi, j'ai vécu d'autres choses, mais ça non.
05:00 Simplement, je crois que ce n'est pas du tout
05:05 dans ce métier que ça se passe.
05:06 Ça se passe partout, mais partout,
05:09 y compris à la poste, à la banque, partout.
05:12 À partir du moment où quelqu'un a le pouvoir
05:14 et qu'il entend l'exercer sur des femmes
05:20 qui sont en situation de faiblesse,
05:22 qui travaillent moins, qui ont moins d'argent,
05:25 qui ont besoin de ce travail, etc.,
05:28 je veux dire que c'est facile.
05:29 Non, non, c'est partout.
05:31 Alors évidemment, les gens connus
05:33 sont plus dans la lumière,
05:34 mais c'est bien, c'est très, très bien.
05:39 C'est très, très bien que Gérard Depardieu
05:41 soit accusé.
05:43 C'est très bien, c'est très bien que PPDA, etc.
05:46 Maintenant, on attend Nicolas Hulot,
05:47 donc bon, allez, tout ça, ça passe à la trappe.
05:50 Il n'y a quand même pas de condamnation.
05:53 C'est quand même dingue.
05:54 Il faut parler, mais présomption d'innocence.
05:58 Il faut arrêter avec ça.
05:59 Oui, présomption d'innocence.
06:01 Il n'empêche qu'ils sont accusés.
06:02 C'est énorme.
06:03 Mais quand vous dites que vous avez vécu,
06:04 vous, d'autres choses dans le cinéma français,
06:06 c'est-à-dire quoi, des situations de violence ?
06:08 Non, non, dans ma vie.
06:10 Dans ma vie, ne vous inquiétez pas,
06:12 j'ai bien, bien donné dans ma vie,
06:15 dans le cinéma, non.
06:17 Ça a été...
06:19 Quoique, il se trouve que j'ai mis très, très longtemps,
06:23 c'est très récent,
06:24 à réaliser qu'un immense metteur en scène français
06:28 déjeunait, on déjeunait ensemble,
06:30 et puis après, il me propose de prendre un café chez lui,
06:34 il habitait à côté.
06:35 J'ai dit oui, bien sûr, c'était presque un copain.
06:37 On se connaissait, oui, très bien, quoi.
06:40 Et je rentre chez lui, à peine je rentre chez lui,
06:42 il me plaque contre la porte, pas un mot,
06:44 il me plaque contre la porte,
06:45 il me met une langue jusque là,
06:46 il me plote de tous les côtés,
06:48 et je lui dis "mais qu'est-ce que tu fais ?
06:52 Mais tu fais quoi, là ?"
06:53 Bon, il s'est excusé, il me fait "oh, pardon,
06:57 je pensais que..."
06:58 "Mais tu pensais que quoi ?
07:00 Que je suis un objet, qu'on fait n'importe quoi ?
07:02 C'est pas open bar,
07:03 on n'est pas un magasin de supermarché
07:05 où on dit "oh, tiens, aujourd'hui,
07:06 je vais me servir de ça, de toi,
07:08 et puis demain, tiens, je vais prendre un enfant,
07:10 je vais me servir de lui".
07:12 Non, ça va, quoi.
07:13 On est des êtres humains à équivalence,
07:17 on souhaiterait, voilà, on n'y est pas.
07:20 Mais non, non, moi, ça ne m'est pas arrivé,
07:23 il m'est arrivé d'autres choses,
07:25 très, très, très gratinées,
07:27 mais dans ma vie privée, en dehors du théâtre.
07:31 Mais cela dit, dans le théâtre, dans le cinéma,
07:34 dans ce métier, j'ai été suffisamment humiliée
07:37 par des metteurs en scène,
07:39 sorties en pleurant du plateau.
07:43 Voilà, on est légion, les femmes, à être...
07:47 - Vous restez avec nous, Eva Darland,
07:49 on a maître Isabelle Steyer,
07:50 qui est avocate spécialiste des violences...
07:52 - Que j'admire beaucoup, c'est un travail magnifique.
07:55 - On voit qu'effectivement, il y a des situations
07:57 qui sont refoulées pendant des dizaines d'années,
07:59 c'est le cas de Jutte et de Cotrèche,
08:00 elle a mis des années, des dizaines d'années
08:02 avant que ça ressurgisse dans sa mémoire.
08:05 - Oui, c'est ce que je vois tous les jours,
08:07 c'est ce que j'entends tous les jours dans mon cabinet.
08:09 On a des femmes qui ne peuvent pas dire pendant,
08:13 effectivement, alors là, on a un délai de prescription
08:15 qui est de 30 ans, à dater de la majorité,
08:18 mais il faut pouvoir s'imaginer en tant que victime,
08:20 il faut pouvoir se repositionner,
08:22 il faut finalement suivre une psychanalyse
08:25 pour réaliser ce que l'on subit,
08:27 il faut oser le dénoncer et dénoncer autour de soi
08:30 tous ceux qui ont vu, su, compris,
08:32 et finalement, on réalise qu'on dénonce un système.
08:35 On dénonce ceux qui ont fait et ceux qui ont laissé faire.
08:39 Et c'est en ça que c'est intéressant,
08:41 c'est que ceux qui font ne peuvent faire
08:43 que parce que d'autres laissent faire.
08:45 Et on est comme dans une histoire de dictature,
08:48 finalement, il y a le dictateur, il y a ceux qui sont autour.
08:50 Et donc, c'est vraiment une lutte
08:52 contre un système de domination,
08:54 puisque, évidemment, elle a dit,
08:56 le viol, c'est un acte de domination,
08:58 c'est un acte d'emprise,
09:00 et un acte qui était institutionnalisé
09:02 parce qu'on avait fait accepter aux fans
09:04 et finalement, pour être actrice,
09:06 le deal, c'était aussi de subir ça.
09:08 Et il y a des années, j'ai eu des dossiers
09:10 concernant des actrices,
09:12 c'était pendant le festival de Cannes,
09:14 et bien le dossier est allé au non-lieu
09:16 parce qu'on n'était pas capables,
09:18 les institutions judiciaires, c'était pas prescrit,
09:20 n'étaient pas capables d'entendre
09:22 que des hommes intelligents, que des hommes de pouvoir,
09:24 que des hommes créateurs, que des hommes brillants
09:26 puissent aussi être des hommes violeurs et violents.
09:30 Maintenant, on commence à comprendre
09:32 qu'on peut être à la fois brillant
09:34 et à la fois violent et violeur.
09:36 Mais on me disait tout le temps
09:38 "Mais tu défends des classes sociaux."
09:40 Mais pas du tout ! Je défends pas des classes sociaux,
09:42 je défends toutes les classes sociales,
09:44 et ça se passe dans toutes les classes sociales, différemment.
09:46 Puisque là, on embarque par une romance,
09:48 par un rôle,
09:50 par une posture qui est différente,
09:52 qui est brillante, une promesse.
09:54 - Ça vous fait beaucoup réagir, Catherine.
09:56 - Oui, parce qu'il faut voir aussi d'où on vient,
09:58 parce qu'on l'a oublié
10:00 dans les années 78-80,
10:02 c'était après mai 68,
10:04 par exemple, le journal Libération
10:06 donnait des tribunes à quelqu'un qui s'appelait Jacques Duguay,
10:08 et qui organisait
10:10 des réseaux pédophiles
10:12 dans lesquels il faisait l'apologie de la sodomie.
10:14 Faut pas l'oublier !
10:16 Et puis, il disait "Mais arrêtons de persécuter
10:18 un adulte parce qu'il aime les enfants
10:20 avec son corps, parce que c'est toujours de l'amour."
10:22 Faut pas l'oublier, ça !
10:24 Et dans Libération, le grand Serge Julli
10:26 avait fait une tribune pour dire "Bah oui,
10:28 la pédophilie, maintenant, ça fait partie,
10:30 dans le fond,
10:32 c'est un fait de société."
10:34 Bon, et alors, Jacques Duguay
10:36 était très soutenu par Gabriel Matzneff,
10:38 dont on connaît les écrits,
10:40 et qui lui-même était invité à la Gordon Party
10:42 de Mitterrand pendant des années,
10:44 et reçu comme un héros.
10:46 Faut pas oublier ça non plus !
10:48 Jacques Duguay a fini par être condamné en 2002,
10:50 vous voyez, 30 ans après,
10:52 parce qu'il avait sodomisé
10:54 des enfants dont certains...
10:56 qui sont condamnés à 30 ans,
10:58 dont 3 avaient entre 3 et 9 ans !
11:00 Donc c'est ça l'histoire !
11:02 Bon, il y a eu Coen Bandit,
11:04 qui dans le Grand Bazar racontait,
11:06 quand il était éducateur en Allemagne,
11:08 des enfants qui voulaient jouer avec sa braguette,
11:10 avec son sexe, comme ça leur plaisait,
11:12 ils laissaient faire parce qu'ils sentaient que ça leur faisait plaisir !
11:14 Donc il y a eu ça après Mai 68.
11:16 Faut pas l'oublier non plus !
11:18 - Éric Nolot, dans ce témoignage de Judith Godrej ?
11:20 - D'abord, il y a d'une part
11:22 les déclarations de Judith Godrej,
11:24 qui sont très bien prises,
11:26 elle parle de viol, de violence sexuelle,
11:28 de violence physique, de violence psychologique,
11:30 qui vont, pour les violences physiques,
11:32 jusqu'à la privation de nourriture.
11:34 Le dossier est quand même...
11:36 c'est vraiment terrible à entendre.
11:38 Ensuite, ce qui m'impressionne encore plus,
11:40 c'est l'engrenage.
11:42 Parce que Benoît Jacot, l'origine,
11:44 c'est qu'il tient des propos extrêmement cyniques
11:46 auprès de qui ? De Gérard Miller,
11:48 dans le cadre d'un documentaire,
11:50 qui lui, maintenant, est mis en cause
11:52 et qui, comme Judith Godrej, dit qu'il n'y avait pas que Benoît Jacot,
11:54 il y avait également Jacques Doyon.
11:56 Je ne sais pas quelle est la prochaine étape.
11:58 Moi, quand même, il y a quelque chose qui est un peu mis
12:00 toujours sur le côté, moi j'aimerais bien aussi
12:02 qu'on s'y arrête, c'est l'entourage.
12:04 Les parents, dans le cas de Vanessa Springora,
12:06 il y avait quand même une mère qui était
12:08 presque une mère macrel, il faut quand même le dire.
12:10 Et là, il y a un témoignage de la mère de Judith Godrej qui dit
12:12 "On ne pouvait rien faire, on était complètement
12:14 dépassés par la situation".
12:16 C'est quand même grave. Et ensuite, il y avait quand même
12:18 tous les gens qui assistaient au tournage,
12:20 qui voyaient ce qui se passait sur le plateau,
12:22 des choses anormales, d'après Judith Godrej,
12:24 et ce qui se passait en dehors du plateau qui est encore plus anormal.
12:26 Donc je trouve que là, il y a une remise en cause qui doit
12:28 dépasser de loin le cercle,
12:30 le premier cercle qui est pour l'instant mentionné.
12:32 On est au-delà du phénomène de l'emprise,
12:34 maître Steyer, on est sur des violences,
12:36 on est sur le niveau d'après.
12:38 Oui, mais on voit très bien
12:40 que dans ces dossiers-là
12:42 de violences sexuelles,
12:44 les victimes sont,
12:46 on va dire, choisies.
12:48 Ce sont souvent des femmes qui viennent,
12:50 des parents qui sont divorcés,
12:52 dont des parents en province qui sont fragiles
12:54 à ce moment-là, qui vivent leur crise d'adolescence.
12:56 Donc des jeunes filles
12:58 qui ne vont pas se rebeller.
13:00 Et effectivement, on a une série
13:02 de prédateurs qui peuvent
13:04 malheureusement les violer.
13:06 Et lorsque elles ont été violées
13:08 par un, il y a une espèce
13:10 de situation
13:12 comme ça, de soumission,
13:14 de victimisation, qui fait que
13:16 pour beaucoup d'hommes,
13:18 les choses vont se passer comme ça.
13:20 Et quand je reçois mes clients, je leur dis,
13:22 "Mais détricotez cette histoire-là,
13:24 puisqu'il faut, à un moment donné, arriver à dire non,
13:26 arriver à ne pas soi-même
13:28 rejouer la même scène, quand elles ont 40 ans,
13:30 elles ont un mari violent,
13:32 eh bien, il faut
13:34 arriver à dénouer
13:36 tout cela, y compris pour elles."
13:38 Mais effectivement,
13:40 c'est une longue série
13:42 quand on commence à être victime
13:44 et quand on voit du côté des agresseurs
13:46 cette rencontre, finalement,
13:48 des agresseurs qui sont...
13:50 qui se nouent, et quand on sait qu'un agresseur
13:52 fait, le Canada nous le dit,
13:54 à peu près 70 victimes.
13:56 - 70 victimes par agresseur. - 70.
13:58 - Monstreux, absolument monstreux. Pour en revenir
14:00 au cinéma français de l'époque,
14:02 on a l'impression que c'était un système.
14:04 Il y avait, et je crois que d'ailleurs
14:06 Benoît Jacot disait dans une interview il y a quelques années,
14:08 c'est un échange de chair fraîche entre
14:10 réalisateurs. C'est absolument monstreux,
14:12 Céline Pina.
14:14 C'est une barbarie totale.
14:16 - C'est monstrueux et ça commence
14:18 peut-être toujours à expliquer aux gens
14:20 que ça commence toujours dans le sucre.
14:22 C'est-à-dire que ce que raconte Judith Godrej,
14:24 au départ, quand on lui dit "mais enfin, comment ça se passe ?"
14:26 Elle va dire "mais j'avais l'impression
14:28 de naître aux yeux d'un homme pour la
14:30 première fois. Cet homme me regardait,
14:32 me reconnaissait, faisait de moi quelqu'un
14:34 d'unique, une sorte de reine.
14:36 Et en fait, dans ce regard-là,
14:38 j'existais." Et elle a
14:40 14 ans à l'époque, donc elle est en pleine crise
14:42 d'adolescence, elle a besoin
14:44 justement qu'on lui confirme son existence.
14:46 Et quand on est très jeune, on a
14:48 tout de suite 14, 15 ans, c'est vrai
14:50 qu'à un moment donné, on aimerait séduire
14:52 un homme plus âgé. Pourquoi ? Parce qu'on
14:54 pense que c'est la reconnaissance des fois de
14:56 ce que l'on est. - Pas forcément, hein.
14:58 - Non, mais souvent on a
15:00 ce désir de se prouver notre capacité
15:02 de séduction. Sauf qu'on a 14 ans,
15:04 on ne maîtrise absolument pas ce qu'on fait,
15:06 et qu'en face, il y a des prédateurs
15:08 qui ne savent exactement dans quel état on est
15:10 et jusqu'où ils pourront nous conduire.
15:12 - Eva Darlan, je crois que vous voulez réagir à ce qu'on vient de se dire
15:14 en plateau. Allez-y, Eva.
15:16 - Non, ce que je voulais dire, c'est qu'il y avait
15:18 un phénomène de meute aussi,
15:20 c'est-à-dire que, puisqu'il y en a un qui le fait,
15:22 les autres... Regardez un petit peu
15:24 la conversation entre
15:26 Miller et
15:28 Benoît Jacot, c'est quand même extraordinaire.
15:30 Il y a une sorte de détachement
15:32 de leurs actes en disant "oui,
15:34 il y a un vivier comme ça,
15:36 de jeunes filles dans lesquelles on pioche,
15:38 c'est quand même monstrueux,
15:40 c'est d'une perversité
15:42 immense.
15:44 Et la perversité
15:46 va avec la domination, bien évidemment.
15:48 - Et est-ce que les choses ont changé
15:50 aujourd'hui dans le cinéma français, Eva Darlan ?
15:52 C'est-à-dire, les jeunes actrices sont
15:54 protégées ?
15:56 - Les jeunes acteurs, hein.
15:58 Les jeunes acteurs aussi, bien évidemment.
16:00 Je crois qu'à force d'en parler,
16:02 oui, je crois que c'est en train
16:04 de changer dans le
16:06 sens qu'on fait attention.
16:08 On fait attention,
16:10 le metteur en scène fait plus attention,
16:12 il y a des référents qui sont
16:14 là, qui n'y avaient pas avant, vous vous rendez compte.
16:16 Il faut des référents pour bosser maintenant.
16:18 Bon, eh bien tant mieux !
16:20 Et il faut que ça se propage.
16:22 Il faut juste aussi, peut-être,
16:24 que la justice
16:26 donne un tout petit coup de pied dans la fourmilière
16:28 de ces nombreux
16:30 agresseurs. Parce que la justice,
16:32 elle est bien molle,
16:34 elle ne veut pas...
16:36 Je trouve que
16:38 c'est le dernier endroit
16:40 qui résiste
16:42 à la poussée des femmes.
16:44 C'est la justice
16:46 qui défend le patriarcat,
16:48 qui, pieds et poings liés,
16:50 n'en démore pas.
16:52 C'est très rare,
16:54 les gens
16:56 qui sont condamnés...
16:58 - Alors c'est le rôle des avocats,
17:00 justement. Il y a des condamnations,
17:02 Mme Sayer ? - Il y a des condamnations,
17:04 mais vous savez que la définition du viol
17:06 est extrêmement restrictive. C'était justement dans les débats
17:08 au sein de l'Europe.
17:10 La France n'a pas voulu élargir la notion de viol.
17:12 Alors toutes ces questions d'emprise,
17:14 de harcèlement moral,
17:16 d'abus de pouvoir,
17:18 d'abus de pouvoir économique,
17:20 n'entrent toujours pas dans la définition du viol.
17:22 Même la question du consentement
17:24 n'est pas posée juridiquement. Alors que
17:26 tous les autres pays la posent,
17:28 nous sommes les seuls avec l'Allemagne,
17:30 la Hongrie, la Pologne, à ne pas vouloir intégrer
17:32 la définition. - Comment vous l'expliquez ?
17:34 - Comment vous l'expliquez, cette exception ?
17:36 - On a des résistances,
17:38 notamment parce qu'on prône
17:40 une présomption d'innocence
17:42 à tout craint,
17:44 alors même qu'on devrait avoir
17:46 une présomption d'innocence
17:48 gérable,
17:50 et pas, finalement, à partir du
17:52 moment où on a 1%
17:54 de présomption d'innocence, les choses
17:56 ne sont pas entendues.
17:58 Effectivement, lorsqu'on a 40 victimes...
18:00 - Oui, en ce qui concerne
18:02 Gérard Miller. En tout cas, on mesure
18:04 le courage et le travail qu'il a fallu
18:06 à Judith Godrech pour avoir le courage
18:08 de témoigner de ce qu'elle a subi lorsqu'elle avait 14 ou 15 ans.
18:10 Merci beaucoup Eva Darlan
18:12 d'avoir témoigné ce soir sur nos antennes.
18:14 Merci maître Steyer. - Merci.
18:16 - Merci à vous tous d'avoir suivi Punchline ce soir
18:18 sur CNews et Europe 1.

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