• il y a 9 mois
Xerfi Canal a reçu Maria Guérin, maître de conférences HDR, IAE Paris Sorbonne, pour parler de la connaissance en marketing.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Maria-Mère Cantiguerain.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Maria-Mère Cantiguerain, vous êtes maître de conférence,
00:13 habilité à diriger des recherches à l'IEU Paris-Sorbonne,
00:16 Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
00:18 Epistémologie du marketing digital,
00:20 comment Bachelard peut-il nous aider à penser une épistémologie de la rupture ?
00:24 C'est l'heure de la grande rupture.
00:26 C'est ça que vous nous développez dans communication et organisation.
00:30 Il est temps, urgent de penser la grande rupture
00:33 et il faut la penser avec Bachelard.
00:34 On va y revenir.
00:36 Quatre approches structurantes dans le domaine de la production de connaissances en marketing.
00:42 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ces quatre approches
00:44 et à quelle logique épistémologique, comme on dit, elles correspondent ?
00:48 Alors effectivement, quatre approches qui cherchent toutes à étudier le consommateur,
00:55 mais sous des angles extrêmement différents.
00:58 C'est vrai quand on commence à travailler en marketing,
01:01 notamment en marketing digital,
01:03 au départ, on est sur finalement un champ assez unifié,
01:08 assez positiviste, qui utilise des données pour comprendre le consommateur.
01:15 Je vous interromps, positiviste, ça veut dire le réel existe,
01:18 exactement.
01:18 Il est régi par des lois,
01:19 on va chercher à comprendre ces lois qui gouvernent le réel.
01:22 Exactement.
01:23 En l'espèce, le consommateur.
01:23 En l'espèce, le consommateur est surtout augmenté,
01:26 ce qu'on appelle en marketing digital, la conversion,
01:28 parce que c'est un marketing, quelque part, de l'objectif et de l'efficacité.
01:34 Donc, qu'est-ce qui fait acheter le consommateur
01:36 et comment faire pour qu'il achète plus ?
01:38 Donc là, c'est finalement un champ assez simple à comprendre au niveau positivisme.
01:43 Sauf que quand on reprend bachelard,
01:46 il nous dit que finalement, l'instrument est essentiel.
01:51 Déjà, c'est une construction sociale,
01:53 et pas uniquement scientifique,
01:54 et que donc, il se place finalement entre le chercheur et l'objet de la recherche.
01:59 Et effectivement, en marketing digital, il y a beaucoup de problématiques d'instrument.
02:05 C'est-à-dire que quand je suis dans une partie complètement positiviste du champ,
02:09 si je n'utilise pas les mêmes outils, je ne trouve pas la même chose.
02:13 Et ça, ça pose un certain nombre, finalement, de problèmes et d'interrogations.
02:18 Et même au niveau des entreprises,
02:20 on a beaucoup de questions des entreprises qui nous disent
02:25 « mais nous n'avons pas les mêmes chiffres en fonction des outils que l'on va utiliser. »
02:30 Et donc, on peut… des outils, tout simplement, de mesure.
02:33 Et donc, on peut effectivement se poser la question,
02:35 quand on procède à une recherche purement positiviste,
02:40 « quel type d'outil je vais utiliser ? »
02:42 Et en ayant surtout conscience de la façon dont ces outils ont été créés,
02:46 pour quels objectifs, entre les mains de qui ils sont,
02:48 parce qu'effectivement, quand on parle de Google Analytics GA4,
02:53 qui est l'outil qui analyse finalement les résultats des sites web,
02:59 vous avez la vision que Google a sur le web et ses objectifs.
03:04 Et ça peut être très différent de l'un de ses concurrents sur ce domaine qui existe.
03:08 Donc, prendre en compte la non-objectivité de l'outil, ça c'est la partie positiviste.
03:15 Ensuite, vous avez l'épistémologie constructiviste,
03:18 donc très utilisée en marketing digital,
03:23 et qui est intéressante parce qu'elle a remis en lumière des vieilles méthodes de recherche,
03:29 donc par exemple l'ethnographie ou l'anethnographie appliquées au digital.
03:34 On va considérer que les consommateurs sont des tribus,
03:38 et on va finalement avoir une posture beaucoup plus qualitative,
03:46 analyser leurs discours, les mots employés, leur façon d'utiliser les produits.
03:52 Et sur cette épistémologie-là, on retrouve aussi Bachelard qui dit que
04:00 la construction d'une nouvelle théorie est un processus social. On est dans le social.
04:05 Il n'y a pas une réalité préexistante, il y a un réel qui se construit.
04:09 Il y a un réel qui se construit, sauf qu'on a beaucoup travaillé dans ce champ sur des notions
04:16 notamment de cyberculture. Or, ce qui va bouger actuellement, c'est qu'on va se retrouver face à
04:22 des robots qui vont constituer une partie du champ et qu'il va falloir étudier autrement,
04:26 parce que ce ne sont pas des humains, même s'ils les imitent parfaitement.
04:30 C'est là un petit peu le piège. Qui est l'humain ? Qui est le robot ?
04:33 Le message est très fort à l'heure de l'IA et de Thierry Pitier.
04:36 Ça pose beaucoup de questions sur cette façon de faire de la recherche constructiviste.
04:41 Après, vous avez l'épistémologie interprétativiste, où là, on va être sur la représentation,
04:48 la construction, la nécessité de s'immerger et de s'immerger dans l'histoire des marques,
04:53 dans ce que les consommateurs tapent en termes de requêtes, dans leur façon de voir véritablement
04:58 la marque, dans l'histoire qu'ils ont aussi avec les marques. Et là, finalement, on peut retrouver
05:04 le débat assez connu sur lequel a travaillé Bachelard, entre chimie et alchimie.
05:12 Donc, globalement, lui, il s'interroge, il dit « mais pourquoi l'alchimie fascine autant les gens ?
05:16 Alors que l'alchimie est bien plus extraordinaire que l'alchimie. Finalement, quelle est la limite
05:23 entre la croyance et la science ? » Et dans cette épistémologie interprétativiste,
05:31 toute ce qui est interaction, pensée magique, on peut aussi la retrouver dedans. On ne comprend
05:40 plus la technologie et on va lui attribuer des pensées magiques. Et le consommateur est
05:46 complètement là-dedans. Donc, quelque part, on pourrait dire que le digital et l'alchimie de
05:52 notre époque, mais qu'on passe à côté de la chimie. Et c'est bien dommage. Et la dernière
05:59 épistémologie, c'est une épistémologie interactionniste. Toutes ces variables sont
06:04 en relation entre elles. Et ça serait, par exemple, une épistémologie qui permettrait de mieux
06:08 étudier le métaverse, puisque les métaverses sont des mondes, des écosystèmes extrêmement
06:14 travaillés, sachant que la notion d'écosystème peut être vue dans les autres épistémologies,
06:19 mais là, elle est vraiment prégnante. Et donc, cette façon de voir toutes ces variables entre
06:25 elles, telles que Bachar le décrit, peut nous permettre de mieux comprendre comment le métaverse
06:32 fonctionne, comment les avatars sont dans des univers spécifiques, comment y accéder,
06:39 quels sont les ponts, et avec des écosystèmes de plus en plus complexes où tout est finalement
06:45 lié. Et c'est la dernière épistémologie sur laquelle, véritablement, il faudra se pencher
06:49 dans les années qui viennent. On est très, très loin du marketing mix et prix-produits,
06:54 communication, distribution. Là, c'est l'heure de la grande rupture. Il faut la comprendre.
07:00 Il faut la comprendre, cette grande rupture. Merci, Maria Gain. Merci, Jean-Philippe Denis.
07:04 [Musique]
07:11 [SILENCE]

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