• il y a 10 mois
L'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, qui a porté l'abolition de la peine de mort en France, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 95 ans

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Transcription
00:00 -C'est un ami de 50 ans pour moi.
00:02 Et bon, c'est tout.
00:05 Et c'est une perte d'oeil,
00:09 une perte pour la République et aussi pour ses amis.
00:13 -Que retiendrez-vous de votre ami, de Robert Badinter ?
00:17 -Je retiens...
00:19 C'est difficile de...
00:22 Je dirais que je retiens la parole
00:25 si claire, si lumineuse,
00:28 si profondément convaincue,
00:31 surtout lorsqu'il défendait les problèmes essentiels,
00:34 les problèmes de ce que représente la lumière,
00:37 c'est-à-dire ce qui est notre fond,
00:39 ce qui est le principe même de la République,
00:42 les droits de l'homme, les droits de la défense aussi,
00:45 pour toute personne attaquée.
00:47 Mais depuis des années, j'ai partagé ses combats, c'est vrai,
00:51 mais il les a menés avec une constance, un courage.
00:54 Et même ces derniers temps,
00:56 je me souviens que la dernière conversation
00:59 que nous avons eue au téléphone,
01:01 il y a quelques mois, je ne sais pas,
01:04 deux, trois mois, peut-être,
01:05 c'est une conversation qui portait
01:08 sur le surpeuplement des prisons
01:10 et son indignation, qui rejoint l'iranienne,
01:13 mais son indignation sur la façon dont étaient traités
01:17 ces prisonniers,
01:18 qu'il avait visé déjà dans le rapport du Sénat
01:22 quand il était sénateur en 2000,
01:26 ce rapport du Sénat sur les prisons,
01:28 qui avait été initié par un médecin pénitentiaire,
01:31 Dr Vasseur, et ce rapport du Sénat s'appelait
01:34 "Les prisons, une humiliation pour la République".
01:38 Et nous évoquions cela tous les deux.
01:40 Et nous disions que depuis 1960,
01:43 non seulement nous n'avions pas progressé,
01:45 mais nous avions régressé,
01:47 et que la situation actuelle du surpeuplement
01:50 était intolérable, et là-dessus,
01:52 il était toujours aussi vigoureux,
01:54 aussi remonté, aussi indigné.
01:57 Il voulait une autre justice.
01:59 Il voulait le respect des droits,
02:02 et surtout le respect des hommes,
02:04 la dignité des hommes,
02:05 et apporter avant tout.
02:07 -Vous dites, la non-condamnation à mort
02:09 de Patrick Henry est un chef-d'oeuvre
02:12 de la profession.
02:13 Est-ce que c'est quand même ce combat-là
02:16 qui vous a le plus marqué dans son parcours ?
02:19 -Non, pas moi.
02:20 Parce que ce combat-là était un combat essentiel.
02:24 Mais c'est une étape dans son parcours.
02:26 C'est le moment paroxystite
02:28 où il réussit à être ce que tout avocat rêve
02:33 d'être une fois dans sa vie,
02:34 c'est-à-dire celui qui empêche,
02:37 empêche l'impossible,
02:39 c'est-à-dire, comme le disait Robert,
02:42 le fait de couper un homme en deux.
02:45 Il y avait là quelque chose d'essentiel.
02:47 Pourquoi ? Parce qu'il avait eu un échec terrible,
02:52 un échec de l'exécution de Montand,
02:54 qu'il considérait comme innocent du crime qu'on lui reprochait.
02:58 Et la description qu'il avait faite du procès,
03:02 de ses malheurs,
03:04 de cette cérémonie abominable
03:07 à laquelle il avait participé,
03:09 il était présent à la prison de la santé
03:13 lors de l'exécution,
03:14 ce qui avait provoqué chez lui l'indignation
03:18 frénétique, je dirais, folle, de rage.
03:21 Il avait écrit ce livre magnifique,
03:23 que tout le monde peut lire,
03:25 qui s'appelle "L'exécution".
03:27 Et derrière, il y avait Patrick Henry.
03:29 Mais ce qui l'avait motivé, ce qui l'a motivé le plus,
03:33 c'est bien entendu cette exécution de Montand,
03:36 qu'il considérait comme une injustice.
03:38 Mais de toute façon, sa position de principe,
03:41 son opposition à la peine de mort,
03:43 remonte à nos ancêtres dans ce combat,
03:47 à Victor Hugo, bien sûr, d'abord,
03:49 à Jean Jaurès, à tous ces hommes
03:51 qui ont passé leur vie à dire
03:53 ce n'est pas possible de traiter ainsi les hommes.

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