• il y a 9 mois

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Transcription
00:00 Salle Noire, c'est bonjour en fait dans une carrière de Noir, vraiment.
00:04 En fait le racisme, c'est comme quand il y a une fuite de gaz dans l'atmosphère.
00:13 Parfois vous ressentez l'odeur du gaz, parfois vous ne la ressentez pas.
00:18 Certains ressentent plus que d'autres, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une fuite de gaz.
00:24 Évidemment que j'ai été confrontée d'être très jeune, j'ai 5 ou 6 ans,
00:30 j'habite sur le même palier qu'une de mes camarades de classe et je toque à la porte.
00:35 Et la mère ouvre la porte, elle dit "ah non ça, ça ne rentre pas chez moi" et elle claque la porte.
00:40 Et ma mère m'explique en fait que je suis Noir.
00:42 Donc c'est vraiment à ce moment-là je crois que ma mère essaie de mettre des mots
00:44 sans trop savoir comment m'expliquer ça.
00:46 Je vais voir ma meilleure amie qui a été, elle, d'origine polonaise
00:49 et je lui raconte cette histoire et à ma mère, ses parents,
00:52 et Virginie me dit "mais si t'es Noir, ça veut dire que je suis Noir aussi ?"
00:56 Et je me souviens de lui avoir dit "bah peut-être"
00:59 parce qu'en fait je ne sais pas bien ce que ça voulait dire "Noir".
01:01 Et je crois qu'aujourd'hui encore, je ne sais pas bien ce que ça veut dire être Noir
01:05 ou être d'une couleur de peau qui poserait problème à quelqu'un.
01:08 Quand je cherchais des appartements, je ne voulais pas perdre mon temps,
01:11 donc je prévenais au téléphone en disant "je suis Noir, est-ce que ça vaut le coup que je me déplace ?"
01:15 La plupart du temps, les gens étaient assez choqués d'ailleurs,
01:17 "mais enfin, mais bien sûr !"
01:19 Donc ça permettait aussi de poser quelque chose.
01:22 Une fois, une dame m'a répondu "ah bah écoute, tes bonnes bouches,
01:26 elles ne tiennent pas plus que ça".
01:28 Donc au moins, j'ai gagné du temps et je ne me suis pas déplacée.
01:31 Salle Noire, c'est bonjour en fait, dans une carrière de Noir, vraiment.
01:35 Ça, ce n'est pas un truc qui nous traumatise généralement,
01:39 ça c'est vraiment l'apéro quoi.
01:41 Ça ne veut pas dire que c'est acceptable,
01:42 mais ça veut simplement dire que le racisme, quand c'est verbal, c'est banal.
01:48 Parfois, on passe par plein de phases, par le déni.
01:50 C'est aussi un chemin dans l'expérience du racisme,
01:54 d'avoir le sentiment que ça n'existe pas,
01:57 parce que c'est insupportable d'être victime en fait.
02:00 Il n'y a aucun plaisir dans le fait d'être victime de quoi que ce soit d'ailleurs.
02:04 Parfois, oui, je revendique mon droit à être un peu en colère
02:07 contre des choses qui ne sont pas normales
02:09 et qu'on ne devrait pas accepter et qui ne devraient plus exister d'ailleurs.
02:13 Ou en tant que femme, ou en tant que Noir, ou en tant que femme Noir.
02:17 De ne pas avoir les mêmes opportunités que les autres, bien sûr.
02:21 Parfois, de ne pas être payée autant que les autres.
02:25 C'est banal.
02:26 C'est ce qui est terrible, c'est que c'est tellement banal
02:30 qu'on ne s'en offusque plus.
02:33 La dimension de la télévision, c'était intéressant
02:35 parce que je ne me suis jamais posé cette question-là.
02:37 Probablement qu'il y a une ambition,
02:39 en tout cas, il y a des objectifs que je n'ai pas eus
02:41 parce que je ne pensais pas que c'était possible, justement, étant Noir.
02:44 Donc, c'est là où on rentre parfois dans les perceptions limitantes.
02:47 Et c'est pour ça que c'est si important d'avoir des référents, en fait,
02:50 que l'image compte, les représentations comptent vraiment.
02:54 Quand j'étais gamine, il n'y avait pas de femme Noir qui présentait le JT.
02:57 Donc, je ne me suis pas dit que c'était possible.
02:58 Donc, je n'ai jamais rêvé de présenter le JT.
03:01 En revanche, quand j'ai commencé à faire de la télé,
03:02 je n'ai pas reçu de lettres racistes, d'insultes.
03:07 J'ai reçu des trucs un peu bizarres,
03:09 où il y avait des gens qui avaient des fantasmes un peu particuliers.
03:13 Une espèce de fantasme post-colonial un peu bizarre.
03:17 Et puis, finalement, une assez grande "indifférence",
03:24 ce qui donne raison à tous ceux qui disent que le problème
03:26 vient davantage de ceux qui décident que de ceux qui regardent.
03:30 Et puis, un grand élan d'affection, justement,
03:35 de tous ceux qui ne se sentaient pas représentés.
03:37 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
03:40 [SILENCE]

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