• il y a 10 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de la création du nouveau délit de "provocation à l'abandon des soins" voté à l'Assemblée nationale le 14 février et se demandent s'il s'agit d'un moyen de lutter contre les "gourous 2.0" ou d'une façon de faire taire les lanceurs d'alerte.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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Transcription
00:00 Europe 1
00:02 Punchline 18h-19h, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1
00:11 18h16 de retour dans Punchline sur CNews et sur Europe 1. L'Assemblée nationale a voté hier l'adoption d'une loi contre les "gourous 2.0"
00:20 les gourous des temps modernes et les dérives sectaires avec la création notamment d'un délit de provocation à l'abstention de soins médicaux.
00:28 A cette occasion on a eu un affrontement assez musclé entre Olivier Véran, ancien porte-parole du gouvernement et surtout ancien ministre de la Santé,
00:34 qui est redevenu simple parlementaire, et Marine Le Pen, puisque l'ancien ministre a lancé une charge contre le professeur Raoult et contre leur RN.
00:43 On va écouter d'abord Olivier Véran et la réponse de Marine Le Pen.
00:45 En France, la loi doit protéger les plus fragiles et condamner tous ceux qui prospèrent sur la peur, la misère et la mort.
00:54 Avant de venir, j'ai cherché sur Google, j'ai tapé par exemple "gourous" et "Raoult" et j'ai trouvé plus de réponses qu'en tapant "sciences" et "Le Pen".
01:03 (Applaudissements)
01:09 Il y aura, Mesdames et Messieurs les députés, d'autres crises sanitaires dans notre pays. Il y aura d'autres gourous.
01:14 Certains parviendront à ébranler la confiance de nos concitoyens à large échelle, d'autres attendront même peut-être à nos institutions.
01:23 Nous sommes ici pour faire la loi, nous sommes ici pour protéger les plus fragiles, nous sommes ici pour rappeler des évidences.
01:28 Les évidences, elles sont scientifiques, on peut débattre de toutes les idées, mais on ne peut pas s'inroger des compétences qu'on n'a pas
01:35 et attenter à la sécurité et à la santé de nos concitoyens pour des bénéfices personnels.
01:40 Alors aujourd'hui, le débat, parce qu'il y a eu une réécriture, c'est "qu'est-ce qu'un lanceur d'alerte ?"
01:45 Pardon, mais s'il y a bien une personne qui ne devait pas prendre la parole aujourd'hui, c'est M. Véran,
01:49 qui a dit "tout est l'inverse de tout" pendant la crise du Covid.
01:54 Et il a dit n'importe quoi, et ça a été scientifiquement démontré.
01:59 Il a osé parler de M. Raoult. Alors on va parler du professeur Raoult, parce que c'est un sujet fondamental.
02:08 Mais dites-moi, il n'y a pas quelques ministres qui ont été soignés par le professeur Raoult ?
02:15 Il n'y a pas quelques-uns de vos grands-mères présidents de conseils régionaux
02:21 qui ont été soignés par le professeur Raoult ?
02:25 Il n'y a pas un président de la République qui est allé pour rendre hommage au professeur Raoult ?
02:33 Et maintenant, vous le traînez dans la boue.
02:36 Comme quoi, il faut conserver à tout prix la liberté de critique et la liberté d'expression.
02:44 Merci de votre démonstration !
02:47 Pour Marine Le Pen, Olivier Verland-Louis, Dragonel, qu'est-ce qui est en jeu ?
02:50 Parce qu'il y a un affrontement qui n'est pas du tout à fleur et moucheté sur ce texte,
02:55 ou en réalité sur toute autre chose ?
02:57 Mais le fond du sujet, c'est quelle est la limite ?
03:00 Où est-ce que vous placez le curseur entre la dénonciation des charlatans
03:03 qui font faire n'importe quoi à des gens qui sont malades,
03:06 notamment à des gens qui disent à certains patients qui sont atteints d'un cancer
03:11 "Arrêtez les chimios, buvez de la soupe et vous irez mieux" ?
03:15 Quelle est la limite entre la dénonciation de ces comportements-là
03:18 et la dénonciation de choses...
03:22 Je sais pas, il y a une nouvelle pandémie qui survient en France.
03:25 Par définition, si elle est nouvelle, il n'y a pas de vérité, d'évidence scientifique.
03:29 Et donc, évidemment, il y aura des erreurs, il y aura des gens qui vont se tromper.
03:33 Et je sais que ça ne me plaît pas en Olivier Véran,
03:36 mais factuellement, il y a plein de gens, des gens qui avaient pignon sur rue
03:41 et qui avaient le blanc sein de l'Elysée au moment du début de la crise sanitaire,
03:45 qui, a posteriori, auraient pu être condamnés.
03:49 Oui, mais là...
03:50 Parce que précisément, l'évidence scientifique arrive plus tard.
03:53 La rédaction, elle est claire.
03:55 On parle de délit de provocation à l'abandon de soins adoptés.
03:59 Donc le cas du Covid ne rentre absolument pas dedans,
04:02 puisque là, on est dans le cas d'une nouvelle maladie sur laquelle on ne sait rien,
04:05 sur laquelle, au début, les gens tâtonnent.
04:07 Les tâtonnements, au début, qu'ils soient de Raoult
04:10 ou qu'ils soient d'Olivier Véran, franchement, c'est normal.
04:15 Là, on est vraiment dans un cadre très précis,
04:18 puisque, pour le coup, on parle vraiment de gens qui abandonnent après.
04:21 Mais dans le cas du Covid,
04:23 si l'hydroxychloroquine avait réellement été un médicament pour soigner le Covid,
04:29 on serait frères, trouvés dans des rédactions.
04:31 - Il n'y a pas un abandon de soins. - Il n'y a pas un abandon de soins.
04:34 Il me semble qu'il existe quand même déjà des lois
04:37 qui permettent de punir les médecins qui ont recours à ce genre de pratiques,
04:40 notamment conseiller du Justice Retron pour soigner un cancer.
04:43 Effectivement, je comprends la douleur des parents qui ont vécu ça.
04:46 Effectivement, c'est épouvantable.
04:47 Mais d'ailleurs, je pense qu'il y a quand même un objectif politique.
04:49 Et moi, je peux déjà vous écrire la campagne de 2027 du camp Macroniste ou du Centre.
04:54 Il va y avoir deux arguments.
04:55 C'est Marine Le Pen = Poutine, Marine Le Pen = Raoult et anti-vax.
04:59 C'est ça, le nouvel angle d'attaque du centrisme,
05:02 qui n'a plus vraiment, puisque avec la loi immigration,
05:05 avec les propos des uns et des autres sur l'immigration,
05:07 n'a plus vraiment cette distance à prendre avec Marine Le Pen.
05:09 D'ailleurs, c'est la rediabolisation par Poutine et par Raoult et par l'anti-vaxisme.
05:13 Et je trouve que c'est absolument lamentable parce que ça ne fait que jouer.
05:18 On joue sur la peur de la peur et on reste l'ennemi de l'anti-vax
05:23 comme finalement le nouvel ennemi à abattre pour la démocratie.
05:26 Il y a ça derrière.
05:28 La démocratie, c'est un risque.
05:30 C'est un risque de laisser circuler des opinions fausses, effectivement.
05:33 Et si on ne prend pas ce risque, on n'est plus en démocratie.
05:35 Oui, il y a des gens qui risquent de tomber dans le panneau.
05:37 Oui, il y a des plus fragiles qui risquent de tomber dans le panneau.
05:38 Mais dans ce cas-là, sinon, on impose une vérité obligatoire.
05:41 On impose des soins malgré les gens, mais on n'est plus dans une démocratie.
05:45 La démocratie, c'est prendre des risques.
05:46 Et on n'entend plus les médecins dans ces cas-là.
05:48 Et on ne fait plus confiance aux médecins.
05:49 Je crois qu'il y a eu une vraie faute politique de la part du gouvernement
05:53 parce qu'il y a eu deux rédactions.
05:54 Et la première rédaction était effectivement scandaleuse
05:56 et ouvrée à tous les procès que vous évoquez là.
05:58 L'autre rédaction est beaucoup plus précise
06:01 parce que c'est dans le cas d'emprise.
06:02 Et s'il y a un intérêt financier, vraiment, ça vise des cas d'escroquerie.
06:06 Mais je rejoins Angénie Bastien, je pense que ça existait en réalité déjà ailleurs.
06:09 Il y a plein de médecins qui ont été condamnés pour escroquerie.
06:10 Dans le code pénal.
06:11 Et donc, il y a une intention à mettre en avant, justement, cette loi-là.
06:15 Mais là encore, on est dans l'incohérence du macronisme.
06:17 Vous vous souvenez que pendant le premier quinquennat,
06:19 Edouard Philippe notamment avait retiré des moyens
06:22 l'organisme qui était chargé de lutter contre l'ESSEC.
06:25 Là, maintenant, on revient en arrière, probablement
06:27 parce qu'il y a une part de calcul politique.
06:29 Et c'est vrai que si on fait de bilans à avantages inconvénients,
06:31 la nouvelle rédaction du texte, elle est parfaitement acceptable.
06:34 Elle n'est pas un danger pour la liberté d'expression.
06:36 En revanche, la bataille politique et la mise en scène politique
06:39 qu'il y a autour, elle ne peut qu'aggraver la fracture qu'il y a entre les citoyens
06:43 et vraisemblablement qui sera effectivement mise en scène
06:46 pour la présidentielle de Minois.
06:48 Eric Nelot et ensuite Nathalie.
06:49 Sur le fond de l'affaire, la fragilité psychologique en France,
06:52 c'est un mal galopant.
06:53 Donc, on ne peut que se réjouir qu'on se penche sur ce problème,
06:55 surtout quand il s'agit d'affaires médicales,
06:57 puisqu'il en va de la vie ou de la mort de beaucoup de personnes.
06:59 Mais en quoi M. Raoult, le professeur Raoult, est-il un gourou ?
07:04 Je pense qu'il est un gourou parce qu'il est considéré par beaucoup
07:07 comme une icône populiste, c'est-à-dire qu'il est considéré
07:10 uniquement sous cet angle.
07:11 Il a raison parce qu'il est contre le système.
07:13 Quiconque est contre le système a raison.
07:15 Il est marseillais, donc il est contre ces Parisiens arrogants, etc.
07:19 Donc, il n'est pas considéré selon les résultats de ces traitements.
07:22 Là, je rejoins un peu Louis, parce que si c'était aussi miraculeux,
07:24 il me semble qu'on en aurait fait usage plus largement.
07:27 On en avait bien besoin à l'époque.
07:28 Donc, en fait, c'est un débat où Marine Le Pen essaie d'envoyer
07:32 des signaux à l'intention de son électorat.
07:35 Elle tue hache beaucoup dans le terreau populiste.
07:37 Elle essaie de garder ses gens en ménageant une des icônes de ces gens-là.
07:41 Ce n'est pas très sérieux comme débat parce qu'on est dans le symbole,
07:44 on est dans le jeu de rôle,
07:47 mais on n'est pas dans l'évaluation scientifique.
07:49 Moi, ce qui m'intéresse, c'est uniquement le côté scientifique.
07:51 Est-ce que monsieur le professeur Raoul peut être qualifié
07:54 de scientifique sérieux, de médecin sérieux ?
07:57 J'ai un doute. J'ai un doute.
07:58 Alors, Nathan Devers.
07:59 Quand on voit l'échange entre Marine Le Pen et Olivier Véran,
08:01 on se rend compte qu'on n'a fait aucun progrès depuis la crise Covid
08:04 sur la question absolument centrale de la démocratie scientifique
08:08 et je dirais plus largement de la démocratie des savoirs.
08:10 Parce que le coronavirus, ça a posé cette question
08:12 que la quasi totalité des citoyens en France
08:14 n'ont aucune compétence en immunologie.
08:17 En tout cas, autour du plateau, je pense que personne n'en a.
08:19 Et pour autant, est-ce qu'on doit être réduit au silence ?
08:22 Ce qu'on a vu pendant le coronavirus,
08:24 c'était, je dirais, deux phénomènes qui sont tout aussi inquiétants
08:27 et qui témoignent tous deux d'une absence de démocratie du savoir.
08:30 C'est d'une part une verticalité absolue de la parole scientifique
08:34 qui veut se répercuter en décision politique.
08:36 Je me souviens notamment un matin quand Emmanuel Macron
08:39 avait refusé pour une fois d'écouter les recommandations
08:41 de monsieur Delcresi sur un confinement ou je ne sais plus sur quoi,
08:44 et qu'il était allé sur une matinale d'une autre chaîne de télévision
08:48 pour dire que c'était un scandale et pour engueuler le président.
08:50 "Je suis scientifique, tu es président,
08:53 la souveraineté politique me revient à moi."
08:55 Ça, c'était un problème.
08:56 Et en face, on a vu des gens qui contestaient la science
09:00 avec toutes sortes de complotismes, etc.
09:02 Il me semble que là, cette épidémie,
09:04 bon, évidemment, elle était insolite, etc.
09:06 Il faut qu'on en sorte, grandit.
09:07 Il faut qu'on se dise que si demain, il y a une autre crise scientifique,
09:10 que ce soit une autre épidémie, que ce soit la crise écologique...
09:13 Il y aura d'autres crises sanitaires ?
09:14 Oui, ou même la crise écologique, c'est aussi une crise scientifique.
09:16 Qu'on puisse sortir grandit de cela.
09:18 Ça veut dire d'un côté qu'il y ait plus de diffusion de la culture scientifique
09:22 qui n'est, à mon avis, pas assez enseignée,
09:23 ni dans le débat public, ni à l'éducation nationale.
09:25 Et d'autre côté, qu'il y ait moins de verticalité politique
09:29 de la part des scientifiques.
09:30 Ça veut dire les scientifiques, ils sont là pour éclairer le débat public.
09:32 Ils ne sont pas là pour se substituer aux politiques.
09:35 Je ne suis pas sûr qu'on soit sortis de la politique.
09:36 On n'en est pas sortis du tout.
09:37 Commençons par refaire des universités,
09:38 des lieux de transmission et d'apprentissage du savoir
09:41 plutôt que des lieux de militantisme, ce sera déjà une bonne chose.
09:44 Remettons effectivement la transmission de la science et du savoir
09:47 au cœur de l'école comme sa mission principale.
09:50 Ce sera déjà un bel effort.
09:51 Mais arrêtons d'infantiliser les adultes en leur disant
09:53 "oui, la protection des plus fragiles, oui, mais derrière,
09:58 on entend aussi l'infantilisation des citoyens qu'on va prendre par la main,
10:02 qu'on va mettre en garde contre telle ou telle..."
10:04 Oui, je veux dire, la démocratie, encore une fois, c'est un...
10:06 Pour le dire en d'autres termes, juste sur l'exemple des vaccins,
10:10 sur la question des vaccins, personne à part les scientifiques
10:13 n'avait aucune légitimité pour dire s'il marchait ou non,
10:15 ce n'était pas notre sujet.
10:16 En revanche, tous les citoyens pouvaient donner leur avis sur la question
10:19 "est-ce qu'on fait un pass sanitaire pour imposer le vaccin à des citoyens ?"
10:22 Ça, ce n'était pas une question scientifique, c'était une question politique.
10:25 Et on a vu des scientifiques se substituer aux citoyens sur cette question-là.
10:28 Et c'était ça, le problème.
10:29 Et on a vu des citoyens s'improviser plus scientifiques que les scientifiques
10:32 pour expliquer toutes sortes de bêtises sur les vaccins.
10:35 Après, il n'y avait pas que dans les deux cas.
10:36 Moi, c'était la grande découverte de cette période-là,
10:39 c'est qu'il n'y a pas de consensus scientifique.
10:40 - Mais il y en a quand même eu. - Moi, je...
10:41 - Il n'y en a jamais eu.
10:42 - Non, mais à l'époque, c'était en mouvement, c'était en construction.
10:45 - Je précise, mais il y a jamais eu de consensus scientifique.
10:46 - C'était quand même un révélateur de cette crise.
10:48 - Si on relie les gens qui ont travaillé sur l'épistémologie des sciences,
10:52 autrement dit, comment est-ce qu'on constitue un corpus de connaissances scientifiques ?
10:56 Vous avez notamment quelqu'un qui s'appelle Thomas Kuhn,
10:59 qui a travaillé là-dedans, et qui explique que contrairement à ce qu'on croit,
11:02 la science, ce n'est pas...
11:04 On sait quelque chose, on est à ce niveau-là.
11:07 On en apprend plus, hop, on grimpe une marche, et ainsi de suite,
11:09 selon une progression qui serait linéaire.
11:11 Ce n'est pas du tout ça.
11:12 - C'est paradigme. - C'est par paradigme,
11:14 et donc par crise, et pendant ces crises, tout le monde fait un gueule.
11:18 Tout le monde... Et après, il y a un nouveau paradigme
11:20 qui réconcilie tout le monde, et on avance ainsi depuis son crise.
11:23 - Non, mais l'enjeu derrière, juste d'un mot, c'est la confiance dans la parole publique.
11:27 À partir du moment où nous, nous vivons plus dans une société...
11:30 - Elle a été très animée pendant le Covid, oui.
11:31 - Mais c'est grave, parce qu'une démocratie,
11:32 ça repose sur le fait d'être une société de confiance.
11:34 Quand tout le monde se méfie de tout le monde,
11:35 parce qu'on ne croit plus que ceux qui sont chargés d'agir,
11:38 enfin, en notre nom, agissent au nom de l'intérêt général.
11:42 Effectivement, de toute façon, vous pouvez voter toutes les lois du monde,
11:45 qu'elles soient justifiées ou pas justifiées.
11:46 Vous ne résoudrez pas la question de la crédulité ou du complotisme.

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