• il y a 10 mois

Chaque vendredi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Catherine Nay livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Catherine Nay - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/catherine-nay-les-signatures-deurope-1

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Transcription
00:00 Mais d'abord, comme tous les vendredis sur Europe, Catherine Ney est avec nous. Bonjour Catherine !
00:04 Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:06 Catherine, vous revenez ce matin sur ce gros scoop de l'hebdo.
00:09 L'Express, cette semaine, le journal, était infiltré par un espion du KGB.
00:14 Olivier Delagarde nous en a parlé hier.
00:16 Philippe Grimbach renseignait les services secrets soviétiques depuis 1946.
00:21 Il se trouve que vous l'avez connu.
00:23 Oui, comment ? Souvenir, souvenir.
00:24 Alors le KGB, personne n'en savait rien, ne se doutait de rien,
00:28 ne l'imaginait même pas.
00:30 Mais je peux vous dire que je garde de lui un très mauvais souvenir.
00:33 Parce que pour moi, il n'était pas un journaliste, mais un mercenaire,
00:36 aux ordres du patron, GJSS, et acheté pour obéir.
00:39 Alors la rumeur disait, bien sûr, que Grimbach manquait toujours d'argent.
00:43 Ceci explique peut-être cela, le KGB.
00:45 Mais en fait, tout de même, un peu d'histoire.
00:47 Vous voyez, en septembre 1967, GJSS publie le Défi américain.
00:51 Premier best-seller français traduit en sept langues.
00:55 Le pitch, c'est que le réveil de l'Europe est possible grâce à l'innovation
00:59 pour éviter de passer sous le contrôle américain.
01:02 Toute l'Europe le réclamait.
01:03 C'était le livre qu'il fallait lire.
01:05 Un succès phénoménal.
01:07 Et pour se déplacer, GJSS avait loué deux avions,
01:11 au frais du journal, bien sûr.
01:12 Mais son succès l'avait convaincu qu'il pourrait être le Kennedy européen.
01:16 L'Express était alors à son apogée.
01:18 C'était son âge d'or.
01:19 500 000 exemplaires vendus.
01:21 Et là, ça ne l'intéressait plus.
01:23 Lui, plané.
01:25 On l'admirait.
01:26 Sans voir que pour nous, journalistes, les malheurs allaient commencer.
01:28 - Alors, GJSS, Jean-Jacques Servan-Schreiber, pour ceux qui ne le sauraient pas.
01:33 Donc, la suite de cette histoire, c'est mai 68, départ du général de Gaulle,
01:36 Pompidou, que l'Express soutient à l'Élysée,
01:39 et GJSS, lui, soutient le centriste Alain Poher à l'époque.
01:43 - Oui, ce qui a d'ailleurs représenté le premier hiatus avec l'état-major de la rédaction.
01:48 Mais ce soutien donne l'idée à Maurice Faure, qui l'a d'ailleurs toujours regretté,
01:51 de confier à GJSS la rénovation idéologique du vieux parti radical.
01:55 Lequel, illico, débarque rue d'Avalois, s'installe dans son bureau
01:59 pour écrire le manifeste radical.
02:02 Ce sera ciel et terre.
02:04 Encore un gros succès de librairie.
02:06 Il est l'homme dont on parle partout.
02:08 Premier Roubaix, en juin 70, un député gaulliste démissionne à Nancy.
02:13 Il court si présenté, est élu haut la main,
02:16 et se nomme lui-même député de Lorraine.
02:19 On le regarde autrement, invité aux Etats-Unis, il fait la couverture du Time, du New York Time.
02:23 Il est devenu une star mondiale, hélas insatiable.
02:27 Au retour, il lit dans le Figaro que suite au décès de son suppléant,
02:31 Chaban doit revenir devant les électeurs à Bordeaux en septembre.
02:34 Eh bien, il décide d'y aller, alors que sa femme vient de s'installer à Nancy avec les enfants.
02:38 Tout le monde tente de le dissuader.
02:40 En vain, est-il génial ou est-il fou ?
02:43 Ose écrire genre suffère dans son propre journal.
02:46 Chaban est réélu, GGSS a fait campagne en engloutissant la moitié des profits du journal.
02:52 Gros problème.
02:53 Alors l'état-major de L'Express démissionne derrière Claude Imbert.
02:56 Le journal est décapité.
02:58 Qui va le remplacer ?
02:59 Je peux juste vous assurer que ce ne sera pas Philippe Grimbach, m'avait juré Françoise Giroud.
03:04 - Elle l'avait jamais aimé, Philippe Grimbach.
03:06 - Elle le connaissait bien et il était précédé d'une réputation de grand caractériel.
03:11 Alors on a vu arriver un grand type aux cheveux grisonnants, profil de condottière,
03:16 de l'allure certes, mais absolument imbuvable.
03:19 - Et là, vous allez éprouver très vite son emprise sur la rédaction.
03:23 - Oui, alors élu président du parti radical, Exit Maurice Faure,
03:26 GGSS avait noué une alliance avec Jean Le Canuet,
03:29 le mouvement réformateur en vue des élections législatives de 73,
03:32 absolument persuadé qu'il allait terrasser ses gaullistes au Nid, c'était son obsession.
03:38 Donc pendant six mois, le journal publiait à la une les 100 députés menacés.
03:43 Étant en charge des gaullistes, Grimbach m'envoyait sur le terrain.
03:46 Je faisais l'enquête, je voyais tout le monde, je revenais, j'écrivais mon papier.
03:49 Souvent pour dire que selon mon enquête, le député gaulliste avait des chances d'être élu.
03:54 Une grosse colère de Grimbach qui me jetait le papier à la figure
03:57 et faisait réécrire mon enquête par André Potard qui écrivait ce que GGSS avait envie de lire.
04:02 Évidemment, je refusais de signer.
04:04 Idem chose pour Michel Cotat. Il n'empêche, Grimbach me renvoyait sur le terrain
04:09 avec ses injonctions menaçantes, climat de terreur.
04:12 Je le détestais, il me méprisait grave, comme on dit.
04:15 Et François Giroud avait baissé les bras.
04:18 Il n'y avait que Jean-François Canne qui avait osé s'offusquer.
04:20 Il était viré du journal.
04:22 93 des 100 députés gaullistes menacés étaient réélus.
04:27 Le mouvement réformateur en gagnait 34.
04:29 - Et la suite de cette histoire, Catherine ?
04:31 - La Giscard, soutenue par l'Express, entre à l'Elysée.
04:34 GGSS devient ministre des Réformes, pas pour longtemps, 9 jours.
04:38 Et puis Françoise Giroud entre à son tour au gouvernement.
04:42 Michel Cotat et moi avons quitté l'Express.
04:44 Et Grimbach est le seul journaliste auquel elle et moi n'avons plus jamais dit bonjour
04:49 lorsqu'il nous arrivait de le croiser.
04:51 Et en 77, GGSS a vendu le journal au milliardaire Jimmy Goldsmith
04:56 sans même prévenir Françoise Giroud.
04:58 Exit Grimbach, la fin d'une belle histoire.
05:00 - Voilà, l'ombre Grimbach et derrière l'étoile filante Servan-Schreiber que vous avez connue, Catherine.
05:05 Merci pour ces souvenirs.
05:07 Et d'ailleurs on peut prolonger avec vos souvenirs-souvenirs, vos mémoires.
05:10 - Absolument.
05:11 - Qui racontent d'ailleurs toute cette histoire-là, cette année 73 notamment.
05:15 - Et la suite.
05:16 - Et la suite, voilà.
05:17 Et puis pour l'histoire, Philippe Grimbach, vous lisez ça dans l'Express.
05:19 On en avait eu le résumé avec Olivier Delagarde hier matin
05:22 qu'on va retrouver dans un instant, Olivier, pour savoir ce que l'on lit dans les journaux ce matin.
05:28 Allez, à tout de suite.

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