«Vous avez dit ensauvagement ?»

  • l’année dernière

Chaque vendredi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Catherine Nay livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Catherine Nay - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/catherine-nay-les-signatures-deurope-1
Transcript
00:00 Catherine est avec nous comme tous les vendredis. Bonjour Catherine.
00:02 Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:04 Alors dix suspects ont été interpellés après l'attaque au couteau lors du bal à Crépeau,
00:08 le petit village de la Drôme où le jeune Thomas, donc 16 ans, a trouvé la mort.
00:12 16 obsèques ont lieu dans moins de deux heures.
00:14 Il y a aussi huit blessés, dont deux très graves.
00:16 Leur garde à vue se poursuit, la garde à vue des auteurs présumés se poursuit jusqu'à demain soir.
00:21 Mais il y aurait comme du flottement dans les réactions politiques au plus haut niveau Catherine.
00:25 Oui parce que devant les maires qu'il a reçus à l'Élysée,
00:27 le président Macron a qualifié cette agression qui nous a tous marqué de terrible assassinat,
00:33 supposant une préméditation pas encore établie.
00:37 Plus prudent, le procureur de la République qui a ouvert une enquête par le domicile
00:41 et tentative d'homicide en bande organisée.
00:44 Et l'enquête justement dira si ces jeunes étaient venus pour tuer.
00:47 Et alors que se tenait la marche blanche pour le jeune Thomas où il y a eu beaucoup de monde,
00:52 Madame Born sur son habituel ton recto tono un peu réfrigérant,
00:56 appelée à la retenue, il ne fallait pas jouer sur les peurs car dit-elle,
01:00 ce serait manquer de dignité et de respect pour les victimes.
01:03 Alors que la première dignité est de marquer sa compassion, laisser parler son cœur.
01:09 Vous voyez deux tonalités de l'exécutif, c'est dû en même temps,
01:13 ou alors c'est nouveau, on dit vendeurs et dévendeurs, en tous les cas c'est un hiatus au sommet.
01:17 - Alors ça n'est pas tout, Gérald Darmanin lui a parlé d'ensauvagement de la société,
01:22 il s'est fait tacler par son collègue du gouvernement Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement.
01:26 - Oui mais déjà au moment des émeutes de juillet où le ministre de l'Intérieur avait employé le mot,
01:30 ça avait révulsé sa collègue l'écologiste Barbara Pompili.
01:34 C'est que le mot était employé par Marine Le Pen, en réalité le premier à en avoir posé les germes
01:39 et Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur qui avait qualifié les mineurs récidivistes de sauvageons.
01:45 Étymologiquement, il avait raison, c'est le bon mot puisqu'il désigne un arbre qui pousse sans avoir été planté,
01:51 hors contrôle, désordonné.
01:53 Mais à l'époque, sa collègue Dominique Voynet, écolo, avait fait savoir que la formule lui convenait pas du tout,
01:59 vous voyez, rien de nouveau sous le soleil.
02:01 - Alors cette guerre des mots cache une réalité, Catherine Ness,
02:04 c'est l'augmentation massive des tentatives d'homicide dans les statistiques de la criminalité.
02:09 - Oui d'ailleurs le mouvement s'accélère depuis la fin du confinement,
02:12 des attaques au couteau commises par des jeunes, Jérôme Fourquet en aura censé 6 depuis l'été.
02:17 Et quand un fait divers se répète, cela devient un fait de société.
02:21 L'arme blanche frappe les imaginaires parce que c'est l'arme des assassins des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard
02:29 par deux jeunes.
02:30 Et le présumé tueur du jeune Thomas, 16 ans, un an de moins que le petit ange Nahel,
02:35 est venu de Romand-sur-Isère, il a 20 ans, il y habite avec sa bande,
02:40 et il est déjà, comme on dit, défavorablement connu de la police.
02:43 Il a été condamné deux fois, dont la dernière en septembre.
02:46 Pourquoi ? Pour port d'arme blanche sans motif légitime.
02:51 Il condamnait à une interdiction de port d'arme blanche pendant une durée de deux ans.
02:56 Pourquoi deux ans ? On rêve.
02:58 Cause toujours la justice et bien sûr qu'il a gardé son couteau la preuve.
03:01 Et c'est ce jugement non suivi des faits qui crée un sentiment d'impunité dans les bandes.
03:05 Les juges se contentant d'une application en version minimaliste du code pénal
03:09 qui dit bien que le port d'un couteau sans régir légitime
03:13 est puni d'un an de prison ferme et 15 000 euros d'amende.
03:16 - Alors le pédopsychiatre Maurice Berger, auteur d'un ouvrage intitulé "La violence gratuite",
03:22 prône, lui, ce matin dans les pages du Figaro, de courte peine de prison
03:26 dès l'entrée dans la délinquance violente.
03:28 - Oui mais une suggestion qui est balayée depuis longtemps par toute la gauche,
03:32 débat et raisonnement idéologique sans fin.
03:35 Mais lui rétorque que quand l'idéologie l'emporte sur la vie, c'est la mort qui survient,
03:39 il y aura d'autres Crépoles.
03:41 - Maurice Berger qui trouve que le terme "ensauvagement" d'ailleurs est trop général,
03:45 "déscivilisation" il dit que c'est aussi impropre,
03:48 parce que la plupart des agresseurs n'ont jamais été civilisés dans leur enfance.
03:53 - Oui, il le dit, l'attaque de Crépole est typique de l'acte de violence gratuite
03:56 contre un groupe paisible qui était réuni par la convivialité, l'envie de rire ensemble,
04:02 tandis que leurs attaquants, incapables de distinguer le bien du mal,
04:05 viennent pour détruire une richesse relationnelle qu'ils sont incapables d'éprouver.
04:11 Ils sont seulement endivrés par le plaisir jubilatoire de tuer et de blesser.
04:16 - Signature Europe 1, Catherine Ney, qu'on retrouve demain, samedi,
04:20 comme toutes les semaines, dans les Grandes Voies, sur Europe 1, autour de Pierre de Villeneuve,
04:24 entre 10h et 11h, il sera inévitablement question de Crépole, je pense, demain matin.
04:29 Merci beaucoup Catherine Ney.

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