Chaque année, le 1er février, le prix des péages autoroutiers augmente. Résultat : en France, prendre l’autoroute coûte de plus en plus cher. Mais à qui profitent ces prix ? Pourquoi la France fait payer ses autoroutes ? Et qu’en est-il de nos voisins européens ? Explications dans ce nouvel épisode d’ATLAS.
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00:00 Cette autoroute, c'est l'A14.
00:02 Elle relie la Défense à la commune d'Orgeval dans les Yvelines.
00:05 C'est l'autoroute la plus chère de France.
00:08 Pour faire ce petit trajet, un automobiliste doit payer 10 euros.
00:12 En comparaison, le trajet le moins cher, entre Toulouse et Albi sur l'A68,
00:17 ne coûte qu'1,70 euros pour faire 62 kilomètres.
00:21 Mais pourquoi de telles différences de prix ?
00:23 Et pourquoi l'autoroute en France coûte si cher ?
00:27 La France compte plus de 12 000 kilomètres d'autoroutes.
00:30 C'est le troisième réseau autoroutier d'Europe, derrière l'Espagne et l'Allemagne.
00:35 Sauf que dans ces pays, l'autoroute est globalement gratuite pour les usagers.
00:39 En tout, 12 pays de l'Union Européenne pratiquent la gratuité.
00:42 D'autres ont choisi de faire payer les automobilistes,
00:45 soit avec un système de vignettes ou avec des péages, comme la France,
00:49 où on trouve pas moins de 1 158 péages sur tout le territoire.
00:53 Mais comparé aux pays européens qui pratiquent le péage,
00:56 nos autoroutes sont les plus chères.
00:58 En moyenne, en France, pour faire 100 kilomètres,
01:01 il faut débourser 7 euros contre 6,70 euros en Italie et seulement 2,30 euros en Pologne.
01:07 Et chez nous, chaque année, c'est la même histoire, le prix des péages augmente.
01:11 En 2023, ils ont augmenté de 4,75 %, un record.
01:16 Mais pourquoi ? Et qui décide des prix ?
01:19 En fait, c'est écrit dans la loi. Les prix sont revalorisés chaque année en fonction de l'inflation,
01:24 mais aussi des dépenses engagées par les sociétés d'autoroutes
01:27 pour la construction et la modernisation de leurs réseaux.
01:30 Pour elles, la priorité, c'est de rentabiliser les autoroutes récentes
01:34 et celles qui ont nécessité de gros travaux.
01:36 Résultat, certains tronçons coûtent plus cher que d'autres.
01:39 C'est le cas par exemple de l'A65, mise en service en 2010.
01:43 Cette portion a augmenté de 13,7 % entre 2022 et 2023.
01:48 Soit trois fois plus que la hausse fixée cette année-là.
01:51 Mais s'il y a de telles différences de prix, c'est aussi pour une autre raison, la recherche de profit.
01:57 Les sociétés d'autoroutes augmentaient plus les tronçons où il y avait beaucoup de passages
02:01 en étant assez peu contrôlés, ce qui fait que les prix sont effectivement assez élevés.
02:05 Cette pratique, appelée foisonnement, est interdite depuis 2011,
02:08 mais peut expliquer que certaines différences de prix persistent aujourd'hui.
02:12 Mais où va l'argent des péages ?
02:14 Par exemple, pour 10 euros de péage, 1,20 euro va au fonctionnement et à l'entretien du réseau,
02:19 2,20 euro va à la construction et la modernisation des autoroutes,
02:23 3 euros servent à rembourser la dette des sociétés d'autoroutes et leurs investisseurs,
02:27 et enfin 3,60 euro vont dans les poches de l'État.
02:30 Comment on en est arrivé là ?
02:32 Avant l'autoroute, pas le choix, il fallait prendre la nationale,
02:35 comme la célèbre National 7, la route des vacances.
02:39 Depuis ce matin, par la National 7, des tronçons ont été créés.
02:43 Dans la France des années 50, l'État veut se moderniser,
02:47 et cela passe par la création d'autoroutes.
02:49 La première à voir le jour, c'est l'A13, qui relie Paris à Caen.
02:53 Elle est inaugurée en 1946 avec une compétition automobile.
02:57 Problème, construire des autoroutes, ça prend du temps, beaucoup de temps.
03:01 Par exemple, pour l'A1, 16 ans se sont écoulés entre l'inauguration de la première portion
03:06 et la fin de la construction.
03:07 Et surtout, ça coûte très cher.
03:09 Pour construire 1 km sur du plat, il faut compter entre 8 et 10 millions d'euros.
03:14 L'État s'impatiente et cherche des financements,
03:17 et trouve la solution, installer des péages.
03:20 Le 1er juillet 1961, la première autoroute à péage de France voit le jour,
03:25 l'autoroute Esterel-Côte d'Azur, la future A8.
03:29 Pour 63 km, il faut payer 250 anciens francs, soit l'équivalent de 4,50 euros.
03:35 À l'époque, l'État le promet, ce n'est que temporaire, le temps de rentabiliser les autoroutes.
03:40 C'est même écrit dans une loi de 1955, l'usage des autoroutes est en principe gratuit.
03:46 Mais l'État oublie sa promesse.
03:48 Il installe de plus en plus de péages pour financer les travaux de développement.
03:52 Mais force est de constater que ça marche.
03:55 En 1960, la France ne compte que 150 km d'autoroutes.
03:59 En 10 ans, le réseau est quasiment miné.
04:01 En 10 ans, le réseau est quasiment multiplié par 7 jusqu'à 12 379 km aujourd'hui.
04:06 En 10 ans, le réseau est quasiment multiplié par 7 jusqu'à 12 379 km aujourd'hui.
04:10 En 2006, l'État endetté a besoin d'argent et choisit de privatiser les autoroutes.
04:15 Il vend ses parts à des entreprises privées, les sociétés concessionnaires d'autoroutes,
04:19 pour 14,8 milliards d'euros.
04:22 Aujourd'hui, 75 % des autoroutes, soit environ 9 300 km,
04:27 sont gérées par une vingtaine d'entreprises, filiales de trois grands groupes.
04:31 Mais il reste tout de même près de 3 000 km d'autoroutes gratuites.
04:35 Comme ici,
04:37 ici,
04:38 ou encore ici.
04:39 Et d'ailleurs, à part ces TAC 84 entre Rennes et Caen,
04:43 on voit que la Bretagne n'a pas d'autoroutes.
04:45 En fait, la région a ce qu'on appelle des routes express,
04:48 des nationales en deux fois deux voies, limitées à 110 km/h.
04:52 Elles sont donc gratuites.
04:54 Mais pourquoi la seule autoroute de Bretagne est-elle aussi gratuite ?
04:57 Eh bien, grâce à cette règle.
04:59 Une autoroute est payante que s'il existe un autre itinéraire parallèle gratuit.
05:03 Ce qui n'est pas le cas ici.
05:06 Bref, prendre l'autoroute en France, c'est un sacré budget et pas qu'en termes de péage.
05:11 Il y a aussi les aires d'autoroutes, ou plus précisément, les aires de service.
05:15 On en compte 369 en tout, soit environ une tous les 45 km.
05:20 Et sur place, les prix laissent un goût amer.
05:23 Ici, sur l'aire Reims Champagne Sud sur l'A4,
05:26 un sandwich triangle coûte 5,60 euros contre 2,41 euros en supermarché.
05:31 Et une bouteille de cristalline d'un litre coûte 1,40 euros contre 13 centimes.
05:36 Pareil pour le carburant, où le prix au litre est en moyenne 10 à 15 centimes plus cher.
05:41 Mais pourquoi de tels tarifs ?
05:43 Les sociétés d'autoroutes avancent d'une raison, c'est que ces services coûtent chers.
05:47 Ces endroits doivent être ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7,
05:51 ce qui engendre des frais importants en entretien et en personnel.
05:55 Résultat, entre les péages et les aires, les sociétés d'autoroutes se portent très bien.
06:00 En 2021, elles ont fait 3,9 milliards d'euros de bénéfices.
06:04 Quant à l'État, il récupérerait chaque année entre 4 et 5 milliards d'euros.
06:09 Mais pour lui, les sociétés d'autoroutes perçoivent trop de bénéfices.
06:12 La faute à des contrats signés au moment de la privatisation,
06:15 qui seraient beaucoup trop avantageux.
06:17 Un bras de fer entre l'État et les entreprises d'autoroutes qui durent depuis presque 20 ans.
06:22 Aujourd'hui, on est incapable d'avoir des tables rondes, de discussions.
06:25 Je pense que les sociétés d'autoroutes bloquent tout contact et tout dialogue
06:29 de façon à rester sur leur position et à ce qu'on ne touche surtout pas à leurs contrats.
06:33 Moi, je crois qu'il faut taper du poing sur la table pour montrer qui est le patron,
06:36 c'est l'État, c'est le consédant, pour pouvoir reprendre le pilotage de ces contrats.
06:41 Mais sur cette question des super-profits, que disent les sociétés d'autoroutes ?
06:44 On en a contacté plusieurs et l'une d'entre elles nous a répondu par écrit.
06:47 Voici sa réponse.
06:49 Nous contestons l'idée très largement répandue de la surrentabilité des autoroutes,
06:53 qui prend en compte uniquement la rentabilité instantanée,
06:56 alors même qu'elle ne peut s'analyser que sur la durée totale de la concession.
07:00 Nous ferons tout pour faire respecter le droit et nos contrats.
07:04 Pour tenter de payer moins cher les trajets sur l'autoroute,
07:06 certains automobilistes ont une astuce légale, le fractionnement des paiements.
07:11 Déjà, il faut savoir qu'on ne paye pas l'autoroute au kilomètre,
07:14 mais en fonction du point d'entrée et de sortie.
07:17 Et en quelque sorte, plus on sort, et moins on paye.
07:20 Par exemple, pour faire ce trajet entre Paris et Lille sur l'A1,
07:24 il faut débourser 18,10 euros, mais si vous sortez et re-rentrez ici,
07:28 vous ne paierez plus que 15,20 euros et vous ferez donc une économie de 2,90 euros.
07:33 Après, la meilleure solution, si vous n'êtes pas pressé,
07:35 ça reste de prendre les petites routes, comme à la grande époque de la National 7,
07:39 ou alors de passer vos vacances en Bretagne.
07:43 Et comme on sait que vous aimez bien les chiffres, en voici deux.
07:46 415 m, c'est la taille de la plus petite autoroute de France,
07:49 l'A623, au sud-est de Toulouse,
07:51 et 557 km, c'est cette fois-ci la taille de la plus longue autoroute de France,
07:56 l'A10, qui relie Paris et Bordeaux.
07:58 On espère que cette vidéo vous a plu,
08:00 et si c'est le cas, n'hésitez pas à la liker et la partager.
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