Le satellite défunt ERS-2 va effectuer sa rentrée atmosphérique, et une partie de ses débris va atteindre la surface du globe (mais avec un risque très limité pour les humains) : Christophe Bonnal expert chez MaiaSpace, filiale d'Arianegroup est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-19-fevrier-2024-9301552
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00:00 Il est 6h21, un gros satellite européen à la retraite va terminer sa vie dans l'atmosphère
00:05 terrestre ces jours-ci.
00:06 Son nom ? ERS-2.
00:08 Il a été lancé en avril 1995 pour observer la Terre.
00:11 Ça fait maintenant 13 ans qu'il ne fonctionne plus.
00:14 Il va donc se désintégrer.
00:15 Une opération suivie de près par l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne.
00:19 Bonjour Christophe Bonal !
00:20 Bonjour !
00:21 Vous êtes expert chez MySpace, une filiale d'Ariane Group, également président des
00:25 Comités Débris Spatiaux de l'IAA, l'International Academy of Astronautics.
00:30 Alors est-ce que c'est dangereux ce qui va se passer là aujourd'hui, demain, après-demain ?
00:33 Est-ce que des débris peuvent tomber sur la Terre ?
00:34 Oui, ça peut, ça va tomber sur la Terre.
00:39 On estime généralement qu'il y a à peu près 10 à 20% de la masse d'un objet qui
00:43 survit à la rentrée.
00:44 Notamment les matériaux réfractaires, par exemple le titane, le carbone et autres.
00:49 Donc là, étonné que ERS-2 fait 2 tonnes 5.
00:52 Bon, là, mes collègues de l'Agence Spatiale Européenne estiment qu'il y aurait probablement
00:57 250 ou 300 kilos qui vont impacter la surface du globe.
01:01 Attention, la surface du globe, ça veut dire 71% d'océans, 10% de savane, etc.
01:07 Il n'y a que 3% de la surface de la Terre qui sont densément peuplées.
01:12 Donc le risque est quand même très faible.
01:14 Et est-ce qu'on sait exactement où est-ce qu'il va tomber ?
01:15 On ne sait pas du tout où il va tomber, pas la moindre idée.
01:18 Comment ça se fait ? On ne peut pas calculer ça ?
01:20 Non, on ne peut pas le calculer.
01:22 C'est vraiment très compliqué.
01:23 Les meilleurs estimés, c'est de l'ordre de 10% du temps restant.
01:27 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il va rentrer après-demain, en principe.
01:31 On estime qu'il va rentrer mercredi vers 14h.
01:34 Donc, 2 jours, ça fait 48h.
01:38 La meilleure estimée qu'on a, c'est à peu près plus ou moins 5h.
01:41 5h, vous avez déjà fait plusieurs fois le tour de la Terre.
01:45 Un tour de la Terre, c'est 1h30.
01:47 Donc, vous savez où ça ne va pas tomber, mais vous ne savez pas où ça va tomber.
01:52 Et donc, on ne peut rien faire ?
01:54 On ne peut pas le décaler, le repousser plus loin ?
01:56 Du tout, il est mort.
01:58 On ne peut pas le commander, on ne peut pas agir dessus.
02:01 Cette incertitude, malheureusement, elle est essentiellement due à l'activité du Soleil.
02:06 Et ça, on a du mal à dire ce que le Soleil va faire demain.
02:09 Et ça arrive souvent, ce qui va se passer avec cet ERS-2 ?
02:12 Il y en a beaucoup qui tournent, qui meurent et qui retombent ?
02:14 La totalité de ce qui est en orbite retombe.
02:17 Donc, ça, c'est quelques milliers.
02:20 Et des trucs de la taille d'ERS, il y en a un tous les 10 jours, à peu près.
02:25 Tous les 10 jours ?
02:26 Tous les 10 jours.
02:26 Qui retombe ?
02:27 Qui retombe.
02:28 Et il n'y a jamais eu de blessés ?
02:29 Non, jamais.
02:30 Alors, on a la chance quand même.
02:31 Donc, ça, ça représente à peu près, à la louche, 1 tonne par jour,
02:36 à comparer à 100 tonnes par jour de météorite.
02:39 Donc, bon, on est quand même encore...
02:41 On ne peut pas comparer du naturel et de l'artificiel.
02:44 L'artificiel, c'est quand même en connaissance de cause.
02:46 Mais heureusement, on a bien changé les règles.
02:51 Et ça y est, on a vraiment une réglementation maintenant
02:54 qui impose que dès qu'on a un truc de cette taille-là, par exemple,
02:57 il faut le désorbiter de façon contrôlée,
03:00 c'est-à-dire en commander la rentrée dans le sud du Pacifique.
03:03 Mais malheureusement, c'est quand même assez compliqué à faire.
03:05 Il faut des moteurs, il faut du carburant,
03:08 il faut que le satellite soit encore bien vivant et tout.
03:10 Et donc, pour le moment, c'est très mal appliqué.
03:12 Ça a été fait notamment pour les étages d'Ariane 5,
03:17 le PS dans l'émission ATV.
03:19 D'ailleurs, l'ATV lui-même était commandé comme ça.
03:22 Mais ERS, si vous voulez, c'est un peu le grand-père des satellites environnementaux.
03:28 Donc, à l'époque, quand il a été conçu, ce n'était pas prévu du tout.
03:32 - Et est-ce qu'il y aurait moyen de faire autrement
03:33 pour éviter justement tous ces déchets qui retombent sur Terre ?
03:37 Est-ce qu'on pourrait carrément les désorbiter, mais vraiment plus loin ?
03:40 - Très franchement, non.
03:41 Les satellites en orbite...
03:42 Là, on parle des satellites en orbite basse,
03:44 c'est-à-dire jusqu'à 2000 km d'altitude à peu près.
03:46 - Mais il y en a qui sont plus hauts ?
03:47 - Alors, les satellites en géostationnaire, à 36 000 km,
03:50 eux, on peut les surorbiter, les faire remonter, les faire échapper.
03:55 - Et ils ne retomberont jamais ?
03:55 - Eux, ils ne retomberont jamais.
03:57 Par contre, les satellites en orbite basse,
03:58 l'énergie nécessaire pour les faire sortir de la Terre, si vous voulez,
04:03 est beaucoup trop grande.
04:04 On ne peut pas.
04:05 - Alors, ça, c'est l'un des problèmes.
04:06 - Oui, pardon.
04:07 - Ce qu'on pourrait faire, c'est éventuellement les recycler.
04:09 Et ça, on y travaille beaucoup.
04:11 On a eu tout un groupe de travail au CNES, justement,
04:14 pour voir comment on peut recycler,
04:16 comment est-ce qu'on peut s'en reservir.
04:18 Est-ce qu'il y a des opérations en orbite ?
04:21 C'est ce qu'on appelle IOS, In Orbit Servicing,
04:24 de manière à leur redonner une vie.
04:27 Et autre, par exemple, c'est une des missions qu'on a au niveau de Magaspace.
04:31 - D'accord, où vous travaillez, effectivement.
04:33 Et j'ai vu qu'il y avait un programme européen en développement.
04:35 C'est aussi pour l'année prochaine ou l'année d'après,
04:37 pour faire une sorte de camion poubelle dans l'espace, c'est ça ?
04:39 - Voilà, c'est ça, absolument.
04:41 Donc, si vous voulez, l'un des problèmes,
04:44 c'est qu'il ne faut pas laisser nos poubelles là-haut,
04:47 parce qu'elles font des petits.
04:48 Elles se rencontrent.
04:49 - C'est ce que j'allais dire.
04:50 En plus, il y a risque de collision.
04:51 Non seulement, ils tombent et redescendent, mais ils...
04:53 - Exactement.
04:54 Et une belle collision, comme ça, ça régénère un millier de débris
04:57 ou quelques milliers de débris qui, eux-mêmes,
05:00 ne demandent qu'à refaire des collisions.
05:02 C'est le film Gravity, si vous voulez.
05:04 - Pour se rendre compte, il y a combien de satellites, là, actuellement, là-haut ?
05:07 - Là, aujourd'hui, il y a 36 000 objets de la taille du point.
05:10 Et parmi ça, il y a 10 000 actifs.
05:13 Donc, le reste, c'est des débris.
05:14 - Mais donc, l'orbite terrestre, ça ressemble à quoi ?
05:16 C'est le périphose d'or de pointe ?
05:18 Il y a vraiment embouteillage ou c'est une petite route de campagne ?
05:20 - Bizarrement, c'est même pas une petite route de campagne.
05:22 Il n'y a rien au-dessus de nos têtes.
05:23 Il y a vraiment un objet qui se balade par-ci, par-là.
05:27 Vraiment très, très, très, très peu dense.
05:28 Par contre, il présente deux inconvénients.
05:31 Le primo, quand ils sont là-haut, ils y sont pour longtemps.
05:33 Un objet comme ERS, normalement, il aurait dû rester 200 ans en orbite.
05:39 Mais mes petits camarades de l'Agence Spatiale Européenne ont très bien fait leur coup
05:42 et donc l'ont abaissé et autres.
05:44 Voilà, mais 200 ans en orbite.
05:45 Et pendant ce temps, il se déplace à une vitesse orbitale,
05:48 c'est-à-dire 30 000 km/h.
05:51 Et donc, ça, 30 000 km/h multipliés par 200 ans,
05:54 ça donne des probabilités de collision qui deviennent très élevées.
05:57 - Christophe Bonnel, j'ai vu que des scientifiques japonais étaient en train de mettre au point,
06:00 ou en tout cas, essayer de mettre au point un satellite en bois de Magnolia
06:03 qui doit être lancé l'été prochain.
06:04 C'est ça l'avenir des objets spatio-biodégradables ?
06:06 - C'est une très bonne question à laquelle on travaille beaucoup.
06:09 Parce que parmi les questions qui se posent,
06:12 c'est donc quand on fait rentrer un satellite comme ERS, par exemple,
06:15 donc il y a 10% qui survient à la rentrée,
06:17 mais donc ça veut dire qu'il y a 90% qui terminent dans l'atmosphère.
06:21 Dans l'atmosphère sous forme d'aérosols, d'aluminium et autres.
06:25 Et pour le moment, on ne sait pas très bien quel est l'effet sur la haute atmosphère.
06:29 Et là, dans le cas particulier du Magnolia,
06:31 je ne sais pas quel est l'effet de l'aérosol de Magnolia sur la haute atmosphère.
06:37 On arrive quand même à parler de tout !
06:39 - Une dernière question à Christophe Bonnel.
06:41 On s'éloigne un tout petit peu, on reste dans le sujet des satellites tout de même.
06:44 Ce sont les services de renseignement américains
06:46 qui affirment avoir découvert l'existence d'un projet militaire russe.
06:50 Ce serait une arme capable justement de viser les satellites de communication
06:54 et surtout de renseignement militaire américain.
06:56 C'est vraiment sérieux ? C'est une vraie menace ?
06:58 - Ouh là ! Évidemment, je n'ai strictement aucune compétence là-dessus.
07:01 C'est tout à fait faisable techniquement, bien sûr.
07:04 Mais là, très franchement, c'est vraisemblablement un fake politique.
07:08 - On joue à se faire peur ? - Oui, bien sûr !
07:10 - Christophe Bonnel, merci. Expert chez MySpace. Vous étiez l'invité du 5/7.