Anne Fulda reçoit Thomas Schlesser pour son livre «Les yeux de Mona» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Thomas Schleser.
00:03 Vous êtes historien de l'art, prof à Polytechnique.
00:06 Vous avez écrit des essais, notamment sur Courbet, un roman.
00:10 Vous venez de publier "Les yeux de Mona",
00:13 qui est paru chez Albain Michel
00:15 et qui a déjà eu un succès avant même sa parution,
00:18 puisqu'il est vendu à l'international
00:20 dans près de 30 pays avant même sa sortie.
00:24 C'est un beau livre.
00:26 C'est un livre qui, au-delà d'un roman d'initiation à l'art,
00:29 est un livre d'un lien très fort entre un grand-père et sa petite-fille,
00:33 un livre sur une histoire de vie et de beauté.
00:36 Alors, l'intrigue, c'est...
00:40 En fait, dans 52 semaines,
00:42 on sait que Mona devrait avoir perdu la vue,
00:46 mais son grand-père, Henri,
00:49 décide d'ici là de lui faire un peu comme une cure de beauté.
00:54 D'où est venue cette idée magnifique ?
00:58 -En fait, j'ai eu une petite désolation personnelle
01:01 en 2013,
01:03 et suite à une épreuve, j'ai eu besoin de m'inventer une petite fille,
01:07 une petite fille idéale, qui est Mona,
01:09 et sur laquelle pèse une sorte d'épée de Damoclès,
01:12 un drame possible.
01:13 Elle pourrait devenir aveugle au bout d'un an.
01:16 Et du coup, tout de suite, ça a surgi
01:19 comme une sorte de pitch un peu miraculeux,
01:22 ce concept d'un grand-père,
01:24 parce que pour moi, la relation entre grands-enfants et petits-enfants
01:28 est un enjeu très fort.
01:29 Un grand-père qui l'emmènerait à un réservoir de beauté.
01:33 On le trouve où ? Dans les musées.
01:35 -Ce grand-père, qu'elle appelle d'aider,
01:38 il est censé l'emmener chez un pédopsychiatre,
01:41 mais finalement, il préfère l'emmener dans les musées.
01:44 Il fait les grands musées parisiens, le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou,
01:48 et il va lui montrer des œuvres, des créés connus, d'autres moins connus.
01:52 Comment avez-vous fait cette sélection ?
01:54 Ce n'est pas un catalogue, c'est un vrai roman.
01:57 Comment avez-vous choisi ces œuvres ?
01:59 -C'est un peu la subjectivité de ce grand-père, de Henri.
02:02 Cette subjectivité, chez lui,
02:04 c'est une alternance entre des choses très connues
02:06 et d'autres plus surprenantes,
02:08 des œuvres iconiques, comme "La Joue-compte",
02:11 "Le serment des orages de David",
02:12 des artistes iconiques, comme Frida Kahlo,
02:15 mais d'autres qui, pour le grand public, sont des mystères.
02:18 Anna Huch avec un collage, Julia Margaret Cameron avec une photographie,
02:22 ça ne parle pas à tout le monde.
02:24 Donc, il y a, chez Henri, une sorte de...
02:27 Comment dirais-je ? De grande ouverture d'esprit,
02:29 mais sur un socle qui est assez traditionnel, assez classique.
02:34 -Ce qu'il veut lui apprendre, c'est à voir,
02:37 en fait, à avoir un regard, justement,
02:40 il y a une nécessité d'apprentissage de l'art ?
02:43 -Je pense, et dans le roman,
02:46 l'idée est que c'est un apprentissage par une école buissonnière,
02:49 par des chemins de traverse.
02:51 L'autre chose importante, c'est que cet apprentissage de l'art
02:54 n'est pas simplement un apprentissage des formes, des symboles,
02:58 c'est un apprentissage de la vie.
03:00 Henri cherche à dégager une petite leçon morale,
03:02 une sorte de précipité philosophique
03:05 devant toutes les oeuvres qu'il voit avec Mona,
03:07 et puis, Mona va appliquer plus ou moins directement
03:10 cette petite leçon au fil des histoires qui lui arrivent.
03:13 -Par exemple, devant "La Joconde",
03:15 elle va apprendre qu'il faut sourire à la vie.
03:18 Devant l'oeuvre de Van Gogh, "L'église d'Auvers-sur-Oise",
03:21 là, c'est un peu plus complexe,
03:23 parce qu'il y a un parallèle avec "Rimbaud".
03:25 -En fait, devant "L'église d'Auvers-sur-Oise",
03:28 dans un premier temps, Henri lui dit une phrase qu'elle adore,
03:31 c'est une phrase de Van Gogh,
03:33 "Rien n'est plus réellement artistique que d'aimer les gens."
03:36 Mona lui dit, "Je voudrais que ce soit la leçon."
03:39 Henri lui dit, "Du calme, on va avancer un peu plus."
03:42 Il lui donne une leçon tirée d'un poème de Rimbaud,
03:45 "On peut fixer des vertiges, il faut fixer des vertiges."
03:48 Voilà comment Mona avance en se disant
03:50 qu'en effet, la vie est un tourbillon permanent.
03:53 -On a envie de vous demander
03:55 quelle a été votre première émotion artistique à vous ?
03:58 -La première émotion artistique, pour moi, c'était,
04:01 dans les années 80, la première émotion esthétique
04:04 devant les jeux vidéo.
04:05 C'est ça qui m'a aiguisé le regard,
04:07 et petit à petit, au fur et à mesure de l'adolescence
04:10 et de l'âge adulte, je me suis orienté
04:12 vers les beaux-arts, mais je continue à regarder
04:15 en quelque sorte à des opéras,
04:17 maintenant dans l'art plus classique,
04:19 plus traditionnel. Gustave Courbet a été un peintre
04:22 très important pour moi.
04:23 -Le succès incroyable de votre livre,
04:26 avant même presque sa parution,
04:27 puisqu'il a été pré-vendu et qu'il va peut-être
04:30 être adapté au cinéma,
04:32 est-ce que c'est pas aussi une histoire dans l'histoire ?
04:35 Ca pourrait inspirer votre prochain roman ?
04:37 -C'est incroyable, surtout que je l'ai écrit pendant 10 ans,
04:41 et que je ne m'attendais pas du tout à ça.
04:43 C'est évidemment un événement très heureux.
04:46 Après, je me méfie toujours de l'art qui parle de l'art
04:49 ou de la littérature qui parle de la littérature.
04:52 Donc, plutôt que de cette...
04:54 Cette côté un peu circulaire,
04:55 je crois qu'il faut être ouvert sur l'extérieur.
04:58 -Je vous conseille de lire "Les yeux de Mona".
05:01 C'est un très joli livre, pas du tout didactique.
05:04 C'est par Ruchi Albin Michel. Merci, Thomas Schlesser.
05:07 ...
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