Anne Fulda reçoit Chantal Thomas pour son livre «Journal d'Arizona» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Chantal Thomas, nous sommes ravis de vous recevoir.
00:04Alors, vous êtes académicienne, on vous connaît surtout comme spécialiste du XVIIIe siècle,
00:10notamment on vous a connue avec ce livre reconnu des adieux à la reine,
00:16plus récemment un journal de nage qui était plus surprenant.
00:19Et là, vous nous surprenez encore avec l'apparition d'un journal d'Arizona,
00:24un livre délicieux qui met l'observation pointue, curieuse,
00:30et référence littéraire aussi, et qui vient de paraître chez Aux Seuils.
00:35Un livre qui est d'ailleurs plutôt un journal,
00:38qui nous entraîne à travers un voyage dans le temps et dans l'espace.
00:41Dans le temps, on se retrouve en 1982.
00:44En France, François Mitterrand a été élu un an plus tôt.
00:48Aux Etats-Unis, c'est Ronald Reagan qui est au pouvoir.
00:50Et vous, vous racontez la jeune étudiante qui débarque aux Etats-Unis,
00:57qui rêvait d'aller en Alaska, et qui se retrouve à Tucson, en Arizona.
01:03Alors, pourquoi vous avez eu besoin de revenir sur cette période ?
01:07Je n'ai pas eu l'impression de revenir.
01:08En lisant ce texte, en relisant ce texte, il m'a paru complètement présent.
01:14Et que ce séjour m'avait constitué, à l'égal des séjours à New York,
01:21et que aussi, la force d'inconnu qu'il y avait pour moi dans la rencontre avec le désert,
01:28lui donnait une fraîcheur qui, j'espère, est partageable.
01:32C'est un lieu d'étonnement incroyable pour moi, et comme une table rase, non ?
01:40Il y a une pureté de chaque jour.
01:42Une pureté de la découverte, en fait, d'un monde que vous ne connaissiez pas, effectivement.
01:46Et un monde qui est assez particulier, effectivement,
01:49puisqu'aux Etats-Unis, en France aussi, chaque État a sa spécificité,
01:54l'Arizona tout particulièrement.
01:56Alors, vous évoquez, c'est un peu folklore ou mythologie, selon le mot que l'on préfère,
02:03des rodéos, des gros cylindrés, des bottes de cow-boys, de cow-boys.
02:09C'est ça, ça vous intéressait aussi, ce retour sur ce qu'il peut faire un pays, la patte d'un pays ?
02:16Oui, ça m'intéressait.
02:18C'est fait de rituels et aussi d'éléments matériels, de manières de s'habiller.
02:24Et c'est aussi découvrir une autre manière de voir le monde.
02:28C'est-à-dire, j'ai beaucoup de mal à conduire, mais j'achète une voiture,
02:31et je comprends que ces espaces sont à parcourir à toute vitesse.
02:36Et c'est le moment où je lis Kerouac comme une folle, et j'ai l'impression de vivre au même rythme.
02:42En fait, sur deux rythmes.
02:43Le rythme de Marie Vau, que j'enseigne, et le rythme de Kerouac, qui me fait rêver.
02:48Qui sent l'oiseau.
02:49Et qui est le mien aussi.
02:50Alors d'ailleurs, vous écrivez à propos de Kerouac, que la seule rue de Tucson, je ne sais pas si on prononce Tucson.
02:58En fait, il y a les deux possibilités.
02:59Côté mexicain, c'est Tucson, et côté américain, Tucson.
03:03Alors Tucson, que la seule rue de Tucson mentionnée sur la route soit aussi ma rue me dilate de joie,
03:09comme si par cette infime coïncidence, par ce hasard objectif, mon séjour ici pouvait s'articuler avec mon roman fétiche.
03:15C'est assez incroyable, effectivement.
03:17C'est extraordinaire.
03:18Parce qu'il y avait son copain, Allen Harrington, qui habitait dans la même rue, Fort Lowell Road.
03:27Et j'étais voisine.
03:30Mais oui.
03:31Alors dans les références littérales, vous évoquez aussi Simnon, alors qu'on n'aurait pas du tout imaginé le fin fond de l'Arizona.
03:37Mais oui, moi, c'est une surprise.
03:38Mais Simnon a passé presque trois ans à Tucson.
03:43Il a écrit dix livres.
03:45Il a eu un enfant et ça a beaucoup compté pour lui parce que là aussi, c'est la dureté des lieux, la vie des cow-boys.
03:56Il est très sensible à la fois à cet horizon vaste et au sordide des passions.
04:03Alors, vous racontez au fil des pages avec beaucoup de sincérité, un style direct, vos rencontres.
04:13Vous êtes une jeune étudiante, vous êtes libre, vos rencontres amoureuses et autres, d'ailleurs, pas qu'amoureuses.
04:21Qu'est-ce qui vous a le plus plu dans ces années-là ?
04:24Une espèce de sentiment de liberté ?
04:26Ah oui, ça, je l'ai senti très fortement entre 68 et justement 1982, qui est l'année où commence à être prononcé le terme de Sida.
04:37Il y a eu pour moi une zone à parcourir aussi vaste que possible.
04:43Et d'ailleurs, le monde à ce moment-là était plus vaste que maintenant.
04:46Le monde a voyagé ou voyagé.
04:48Il s'est rétréci.
04:50Et j'ai eu le sentiment que je pouvais aller à mon gré et choisir au gré de mes attirances, de mes fantasmes.
05:01Oui, d'ailleurs, vous vous retrouvez dans des soirées, vous allez avec vos amis dans des soirées de filles,
05:06avec des soirées où les hommes font des striptease masculin.
05:13C'est très intéressant aussi de voir à quel point on n'est pas habitué à ce regard.
05:19Les femmes ne sont pas nées dans une éducation d'un regard voyeuriste vers les hommes.
05:24Très intéressant.
05:25Et juste dernière question, est-ce que cette Amérique-là existe encore ?
05:28Alors, je pense qu'une couche de cette Amérique-là existe encore, mais les choses se sont vraiment durcies, en particulier en Arizona,
05:36comme vous le savez, puisqu'il y a tout ce débat autour de l'interdiction de l'avortement.
05:43Oui, les choses existent toujours, mais je pense que c'est un mode plus dur.
05:48Et la proximité au désert aussi.
05:51Elle est présente, mais je pense qu'elle est moins immédiate, moins sensuellement immédiate.
05:58En tout cas, je vous conseille de lire ce journal d'Arizona qui vous plonge dans un monde que vous avez découvert
06:06et que vous restituez avec beaucoup de fraîcheur et de joie.
06:11Merci beaucoup Chantal Thomas.
06:13C'est un livre qui est paru au Seuil.
06:15Merci beaucoup.
06:16Merci.