• il y a 10 mois
Ça faisait combien de temps que je n'avais pas vu un film de Wim Wenders ? 15 ans ? Christine Angot a encore en tête le temps où un film de lui qui sortait était un événement.

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Transcription
00:00 Christine Angot, on vous écoute.
00:02 Ça faisait combien de temps que je n'avais pas vu un film de Wim Wenders ? 15 ans.
00:08 J'avais encore en tête le temps où un film de lui qui sortait était un événement.
00:12 Tout le monde allait le voir.
00:15 Tout le monde en parlait.
00:16 Les ailes du désir.
00:18 Paris Texas, la musique de Rye Cooder que tout le monde écoutait.
00:22 Les plus anciens qu'il fallait rattraper dans les ciné-clubs qui les programmaient.
00:27 C'était le grand cinéaste allemand des années 70, 80, 90.
00:33 Puis j'avais cessé d'en entendre parler et de considérer que je devais absolument
00:38 aller voir les films de lui qui sortaient.
00:40 C'était devenu synonyme d'ennui.
00:42 De grands artistes qui avaient tout donné, dans une époque désormais révolue, même
00:47 s'il continuait de tourner.
00:48 Je savais qu'il y avait eu un film de lui au dernier festival de Cannes.
00:53 Je pensais que c'était plus ou moins honorifique.
00:55 Que c'était toujours bien d'avoir sur la croisette, à côté des stars en Dior Chanel,
01:01 un grand cinéaste en référence à la grande époque de la cinéphilie.
01:04 Personne ne m'en parlait.
01:06 Je n'avais pas eu envie d'aller le voir.
01:08 Puis, il y a quelques jours, je naviguais sur une plateforme et il y était.
01:15 Je n'étais pas attirée.
01:17 J'ai regardé autre chose.
01:19 Puis j'ai fini par cliquer dessus.
01:21 Je ne peux même pas décrire ce qui s'est passé.
01:25 Ça a été un émerveillement.
01:28 La pureté de l'art qui résiste.
01:31 La beauté indéniable.
01:33 La vie sur l'écran.
01:35 Dans ce qu'elle a de plus difficile à traduire, à représenter.
01:39 La fugacité, la profondeur.
01:42 Le grand cinéaste était là.
01:44 Et bien là.
01:45 Et pouvait en remontrer à tous ceux qui l'entouraient sur la plateforme.
01:48 C'était là.
01:50 Sur l'écran.
01:51 Évident.
01:52 Un appartement.
01:53 Un homme se lève, va dans la salle de bain, se brosse les dents.
01:58 Un japonais de 50-55 ans.
02:01 Il coupe quelques poils de sa moustache, s'habille, nous sait la sait, assis sur une marche d'escalier.
02:07 Il porte une salopette bleue.
02:09 Au dos, trois mots, l'un au-dessus de l'autre.
02:13 The Tokyo Toilet.
02:15 Les toilettes de Tokyo.
02:17 Il sort, prend une boisson dans un distributeur, monte dans sa voiture pour aller travailler,
02:25 met une cassette dans le lecteur, il démarre.
02:27 Ça c'est la première scène.
02:29 Il regarde le ciel.
02:31 Le jour se lève à travers le pare-brise.
02:33 Bref, ça commence.
02:34 Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un film qui me donne autant envie de vivre.
02:40 De continuer à être là.
02:42 À voir des films.
02:43 À lire.
02:44 À voir qu'un grand artiste reste un grand artiste, quels que soient les effets de notoriété,
02:50 de mode et de marché.
02:52 Que l'art existe, autrement dit.
02:54 Lui, Wim Wenders, il est là.
02:58 Et à un moment ou à un autre, il retrouve son génie et fait la leçon à tout le monde.
03:03 C'est ce qu'on appelle un maître.
03:05 De la race des Renoirs, Ophuls, Langres, Rosselini, De Sica.
03:10 Mais lui, des années 70-80, à l'époque des cassettes audio, de l'art qui n'était
03:16 pas encore un objet de consommation et de divertissement, de la valeur qui n'était
03:20 pas indexée sur les chiffres, mais qui se dealait comme un trésor que les gens s'échangeaient.
03:25 Tu connais ça ? T'as écouté ça ?
03:27 Le film s'appelle Perfect Days.
03:31 C'est un film à la fois poétique, social, familial, universel, mais il faut le voir
03:39 seul.
03:40 Le cinéma peut être un tel révélateur de vie, de la vie qui passe, trop fort, trop
03:46 secret, qu'on ne peut pas toujours le partager.
03:48 Nina Simone chante "And I'm feeling good" sur la lumière du ciel de Tokyo et le générique
03:56 de fin.
03:57 La sensibilité extrême de l'acteur, Koji Yakusho, a été récompensée du prix d'interprétation.
04:04 Il y a des remerciements à Uniqlo.
04:07 Et on a tous envie de porter, comme lui, une salopette bleue et une petite serviette blanche
04:13 dans le col.
04:14 Merci Christine, merci beaucoup.

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